vendredi, décembre 19, 2008

Sarkozy en plaideur

Il ne se passe (ou presque pas) de semaine sans que l'on apprenne que Nicolas Sarkozy (ou sa femme) s'est porté partie civile dans une affaire. Aux dernières nouvelles, il a porté plainte à l'occasion de la publication des "carnets secrets" d'Yves Bertrand.

Ce coté plaideur est inédit. Jamais aucun de ses prédécesseurs ne s'était lancé dans ce genre d'aventure qui en dit beaucoup sur sa psychologie :
- sur son incapacité à jeter la rancune à la rivière, comme on le voit dans l'affaire Villepin. Maintenant qu'il est élu, ne pourrait-il pas oublier ces batailles d'hier? Il aurait tout à y gagner, mais non, il continue au risque de réveiller chez ses anciens adversaires mauvais souvenirs et amertume ;
- sur son indifférence à l'égard des principes élémentaires d'une bonne gestion. Président de la République, il se met à chaque fois en situation de conflit d'intérêt, au risque de se retrouver un jour devant une véritable difficulté politique ;
- sur sa mauvaise maîtrise du temps. François Mitterrand disait qu'il fallait savoir donner du temps au temps, Nicolas Sarkozy semble ne pas avoir compris que le temps de la justice n'est pas celui des médias : des affaires qui auraient été depuis longtemps oubliées (comme celle de Villepin) reviennent régulièrement à la surface à cause (ou grâce, c'est selon) son action judiciaire ;
- sur sa capacité à se mettre en danger (que l'on appellera, selon les cas, inconscience ou jeu avec le diable) : parce qu'après tout, il peut aussi perdre ses procès.

lundi, décembre 15, 2008

Crise du PS, crise des gauches

Le PS est malade, comme chacun sait. Et ce ne sont pas les premières décisions de Martine Aubry qui vont le remettre d'aplomb. Pour ne prendre que cet exemple, ce n'est pas la nomination de Benoit Hamon, l'un des plus vigoureux partisans du non à la constitution européenne, comme porte-parole du PS à la veille d'élections européennes qui s'annoncent difficiles pour le PS qui va arranger les choses. On imagine déjà les tiraillements, les contradictions, le flou sur les positions d'un parti qui ne s'est jamais remis de ce conflit interne. Les premières déclarations sur l'autorisation administratives de licenciement ne sont certainement pas de bon augure. Qui peut vraiment croire que c'est là le sérieux et le travail que nous promet Martine Aubry?

Mais la crise du PS n'est pas celle de ce seul parti. Elle s'inscrit dans une crise plus profonde des gauches liée à l'effritement de deux des piliers de cette famille politique depuis la fin de la seconde guerre mondiale :
- la confiance dans la bienveillance de l'Etat,
- une critique sociale basée sur la lutte des salariés pour l'amélioration de leur condition.

La confiance dans la bienveillance de l'Etat a nourri pendant des décennies les luttes de la gauche. Il s'agissait de créer un ensemble de mesures collectives pour protéger les salariés et leurs familles. On demandait à l'Etat de s'occuper de la santé, de l'éducation, de la protection sociale… Cette confiance n'a pas disparu, mais le contexte a changé. La gauche a gagné toutes ces batailles. L'Etat a pris en charge, dans nos pays, une multitude de fonctions (santé, éducation, protection contre la vieillesse, la pauvreté…) et il l'a plutôt bien fait, mais au temps des conquêtes a succédé celui de l'optimisation. Tous ces systèmes ont mûri, vieilli et il s'agit aujourd'hui de les optimiser, de corriger les défauts apparus avec le temps. C'est, évidemment, un travail beaucoup moins exaltant, qui met les gouvernants qui s'y collent en opposition avec tous ceux qui profitent de ces défauts ou qui craignent qu'on jette le bébé avec l'eau du bain. Ce travail d'optimisation est nécessaire, les dirigeants de gauche qui ont été aux affaires le savent, mais il est difficile à la gauche de le dire sans brouiller son message traditionnel et sans susciter l'exaspération de tous ceux qui travaillent dans les institutions en charge de ces systèmes publics et qui prennent toutes ces propositions d'optimisation comme autant de critiques de leur travail et d'attaques contre leur statut.

Quant à la critique sociale, elle a changé de nature. Pendant des décennies, elle s'est concentrée sur les combats au sein des entreprises pour une amélioration des rémunérations et des conditions de travail des salariés. Elle était alors menée par les organisations syndicales dans les entreprises et relayée, au plan politique, par les partis, et d'abord par le PC qui entretenait des liens étroits avec la CGT, premier syndicat ouvrier. Mais c'est, depuis des années, bien fini. Des années de chômage ont "calmé" les ardeurs militantes des salariés dont le combat est devenu défensif. Il ne s'agissait plus d'obtenir des avancées sociales mais de lutter contre la casse sociale, contre les fermetures d'usines, les délocalisations, les licenciements collectifs, la montée de la précarité. Les syndicats ont perdu beaucoup de leur influence.

Les liens étroits entre les travailleurs menacés de perdre leur emploi et les partis politiques de gauche se sont défaits sur une question centrale : celle du protectionnisme. Les salariés qui veulent conserver un emploi menacé n'ont qu'un souci : éloigner la concurrence et le mieux pour cela est bien évidemment de fermer les frontières. Mais dans une économie ouverte, prôner le protectionnisme, c'est condamner au chômage tous ceux qui profitent de l'ouverture, qui travaillent dans des entreprises qui vivent des marchés à l'exportation. La classe salariée s'est divisée. Les partis politiques de gauche ont choisi l'ouverture, et ils ont eu raison, mais ils ont, ce faisant, ouvert une voie royale au Front National, seul parti à s'être déclaré ouvertement favorable au protectionnisme. Sa quasi disparition est une bonne nouvelle, mais elle ne signifie pas que ses électeurs vont revenir à gauche.

La critique sociale n'a pas disparu, mais elle s'est déplacée, elle a changée de champ, elle a quitté le monde des entreprises et du travail pour se concentrer sur de nouveaux terrains. Portée par des associations, des ONG, elle s'est tournée vers la protection de l'environnement, des espèces en voie de disparition, vers la lutte pour l'amélioration des conditions de ceux qui sont en marge, travailleurs sans papiers, mal logés… Au sein même des entreprises, de nouvelles problématiques sont apparues, imposées de l'extérieur, comme la lutte contre le harcèlement ou contre les disparités salariales entre hommes et femmes.

Les partis de gauche n'ont pas su récupérer cette nouvelle contestation, laissant aux verts, aux écologistes une porte large ouverte. Les verts n'ont pas su construire en France une alternative politique crédible, mais cet échec ne doit pas masquer l'essentiel : les militants ont déserté les partis de gauche pour investir leur énergie et leur colère ailleurs, dans d'autres combats. On m'a reproché mon indulgence à l'égard de Ségolène Royal. Elle vient de ce que je crois qu'elle a compris cela et qu'elle a essayé, d'abord avec la démocratie participative puis avec son projet de cotisation à 20€, de ramener au PS des militants qui étaient allés ailleurs, dans des associations.

La crise du PS ne se résume pas à un combat de chefs, de candidates à l'élection présidentielle. Elle vient de cette crise d'une gauche qui a vu s'effriter deux des piliers de son idéologie. Si le PS réussit encore à gagner des élections, notamment au niveau local, dans les villes et les régions, c'est qu'il a su conserver, maintenir, construire dans ces villes et régions une offre politique qui convient aux classes moyennes qui y vit, qui souhaite plus d'équipements collectifs et de solidarité.

samedi, décembre 13, 2008

Trois jours à Montréal

Je rentre de trois jours passés à Montréal. Est-ce la proximité linguistique, la familiarité que nous entretenons avec les Québécois? Comme chaque fois j'éprouve un même sentiment d'étrangeté. Il y a le climat, bien sûr, cette tempête de neige qui m'a accueilli lors de mon arrivée et qui ne m'a pas quitté dans une ville dont "les places de stationnement sont squattées par des banquises" (formule entendue à la radio).


Est-ce ce que l'on devine de la gestion de ce pays - et puisque neige il y avait - de la gestion si farfelue du déneigement dans une ville qui en est couverte chaque année : le déneigement est confié aux arrondissements, ce qui fait qu'il suffit de traverser une rue pour passer d'un tronçon de chaussée à peu près correctement nettoyé à un tronçon complètement négligé. Gestion aggravée cette années, si j'ai bien compris, d'une grève de l'un des fournisseurs de sel de la ville (d'où l'utilisation de mélanges sable/sel) et d'un micmac contractuel (passage mal réglé du paiement par jour au paiement au forfait qui a suscité la colère des déneigeurs). Comme le disait un éditorialiste, "il manque un cerveau de la neige à Montréal" (il est vrai que le maire aurait déclaré : "on n'avait pas prévu qu'il y ait tant de neige"). Amateurisme qui surprend d'autant plus que les gens que j'ai croisés à l'Université étaient tous parfaitement sérieux et efficaces.

C'est, je crois, surtout l'extraordinaire ouverture aux autres qui étonne. Ouverture aux immigrés que l'on rencontre partout (j'ai rencontré pendant ces trois jours, des Français, des Japonais, une Colombienne une Costa-Ricaine, un Marocain, un Algérien qui voulait rentrer en France, un Nigérien), qui montre combien nous sommes en ces matières étroits d'esprit, frileux. Ouverture aux autres qui permet, également, de raconter sa vie à des étrangers (comme ce professeur qui racontait devant des collègues femmes et le parfait inconnu que j'étais comment il cherchait des femmes sur internet et dans des clubs de rencontre).

Ouverture qui n'exclut pas une certaine fragilité. Lorsque j'étais à l'université, en train de bavarder avec un professeur, on est venu nous annoncer la présence d'un homme qu'on aurait vu armé d'un fusil. Il ne s'agissait en fait que de pétards qu'un plaisantin avait fait exploser dans une cage d'ascenseur et d'un sac contenant deux couteaux et quelques douilles de 22. Reste que deux étudiantes se sont évanouies et tout le centre-ville a été bloqué pendant plusieurs heures.


Il y a, bien sûr, ces situations que nous n'imaginons pas ici, comme cette église qui a fait faillite et dont les locaux ont été rachetés par l'université et ces bizarreries : le même professeur qui me racontait cette faillite (inimaginable chez nous au royaume de la laïcité!) ne s'inquiétait pas de voir le gouvernement financer une école qui enseigne le créationnisme à coté de la théorie de l'évolution. "Ce n'est, me dit-il, que marginal". Vraiment?

Il y a, enfin, le français parlé. D'une verdeur qui chaque fois m'enchante (un chroniqueur disant à la radio d'un politique qu'il devrait "arrêter ses conneries") et surtout d'une immense fantaisie. Je pense à ce "geste de favoritisme un peu véreux" entendu dans une conversation et, surtout, à cette phrase venant conclure le récit d'une bagarre entre un malheureux touriste et un champion de baseball. Agacé par le touriste qui tentait de le photographier, le sportif a lancé sa caméra dans un arbre où elle s'est retrouvée avec "une lentille au beurre noir".

Un dernier mot : la table-ronde sur la responsabilité sociale des entreprises qui m'avait amené à Montréal m'a laissé quelques heures pour aller visiter le musée d'art contemporain. J'y ai vu une oeuvre absolument splendide de Gary Hill, un vidéaste américain : deux écrans sur lesquels on voit Isabelle Huppert qui nous prend littéralement dans son regard. J'ai tenté de la photographier. Le cliché n'est pas bon, mais il donne une idée :

dimanche, décembre 07, 2008

Relancer la consommation? Oui, mais…

Les critiques du plan de relance s'accumulent malgré des sondages plutôt favorables (61% des Français feraient d'après Opinion Way et le Figaro confiance à ce plan, ce qui est plutôt une bonne nouvelle, la confiance ne pouvant être en la situation qu'une bonne chose, mais laisse tout de même rêveur : croit-on vraiment que 61% des Français connaissent son contenu?).

Ces critiques sont de trois types :
- le plan de relance n'est que faux-semblant : les dépenses nouvelles annoncées sont faibles (4 milliards d'€ dit F.Bayrou) et de toutes manières pas à la hauteur de l'enjeu,
- les mesures que prévoit ce plan ne prendront effet, au mieux, que dans plusieurs mois et arriveront trop tard pour corriger la situation,
- manquent à ce plan des mesures de relance de la consommation.

Cette dernière critique vient surtout de la gauche. Elle n'est pas complètement fausse : la croissance de notre économie étant pour l'essentiel tirée par la consommation, soutenir celle-ci parait de bon sens. Encore faut-il imaginer des mesures efficaces, ce qui veut dire bousculer les deux obstacles qui s'opposent aujourd'hui à toute relance de la consommation :
- l'inquiétude des ménages qui craignent pour leur emploi et préfèrent épargner plutôt que de dépenser,
- la prudence des banques qui malgré les baisses successives des taux d'intérêt ne sont pas disposées à accorder facilement des crédits.

Dit autrement : comment vendre des voitures (des logements…) quand les automobilistes ne veulent pas insulter l'avenir et les banques leur prêter de l'argent? Peut-être faudrait-il que l'Etat se substitue aux clients individuels, aux petits propriétaires que nous sommes tous (propriétaires de nos voitures, logements…), qu'il achète des voitures, logements… et les mettent à notre disposition moyennant des coûts qui éviteraient les deux inconvénients cités plus haut. Une des pistes pourrait être de s'inspirer de velib ou de Google qui, l'un et l'autre, dans des domaines très différents, transforment le client en usager, le propriétaire (d'une bicyclette, d'un logiciel) en utilisateur.

Cette solution n'est pas sans précédent. Dans les années trente, le gouvernement américain a relancé la consommation d'électricité en demandant à des organismes publics d'acheter des matériels électriques et de les mettre à la disposition de consommateurs qui ne voulaient plus financer ces achats.

Cette expérience a favorisé ultérieurement le développement du crédit à la consommation de masse. Dans ce cas, il faudrait sans doute que ces expériences soient orientées vers la recherche de modèles économiques alternatifs.

Un ego démesuré

Que des patrons aient souvent un ego démesuré n'est pas un scoop. Mais combien ont érigé à l'entrée de leur entreprise une statue de cire comme celle d'Al fayed que l'on trouve à l'entrée d'Harrods, le grand magasin londonien?

vendredi, décembre 05, 2008

Plan de relance

Nicolas Sarkozy a donc annoncé son plan de relance dont on dira qu'il est reçu avec un certain scepticisme teinté de bienveillance. Scepticisme parce que chacun sent bien que ce n'est pas la solution à la crise et qu'il vient après plusieurs autres qui ont fait long feu. Bienveillance parce qu'il évite une relance par la consommation dont chacun sait les limites : on se souvient trop bien en France de la manière dont le plan de relance du début des années 80 avait surtout servi à gonfler les importations sans résoudre nos problèmes de l'époque.

La relance par l'investissement sur lequel ce plan met l'accent a-t-elle plus de chances de réussir? Ce n'est pas certain. Les entreprises n 'ont aujourd'hui aucune envie d'investir et ce ne sont pas les quelques mesures annoncées qui pourraient les convaincre que l'avenir sera plus rose. Quel petit patron qui s'inquiète pour son chiffre d'affaires des mois à venir recrutera de nouveaux collaborateurs pour bénéficier de la réduction des cotisations sociales annoncée pour les entreprises de moins de dix salariés?

Ce plan, comme ceux de nos voisins, souffre de ne pas avoir pris la mesure d'une crise qui touche au fondement même de la croissance de nos économies basée, depuis une cinquantaine d'années, sur une consommation de masse financée jusqu'à la fin des années 70 par les augmentations régulières de salaires (complétées par un crédit corrigé de l'inflation), puis, depuis les révolutions Thatcher et Reagan et l'explosion des inégalités, par une explosion du crédit à la consommation (on disait aux salariés dont les revenus ne progressaient plus : ce n'est pas grave, les taux d'intérêt sont bas et le crédit abondant grâce à toutes nos innovations financières).

On ne sortira de cette crise que par une réinvention du modèle de croissance. Un peu comme on est sorti de la crise de 1929, d'abord par la guerre (ce que les post-keynésiens appellent le keynésianisme de guerre ) puis par l'invention de la société de consommation et de ses outils (crédit de masse, publicité, obsolescence des produits…). On ne sent évidemment rien de pareil dans ce plan. Pas plus, d'ailleurs, dans les critiques de la gauche qui devrait profiter des mois qui lui restent avant les prochaines échéances électorales pour travailler sur ce que pourrait être ce nouveau modèle de croissance (abandon des logiques du tout propriétaire, mutualisation des achats sur le modèle de vélib…).

Sommes nous malades de nos enfants?

Les enfants jouent, dans notre imaginaire tel que l'expriment les articles de presse et les émissions de télévision, mais aussi les interventions des politiques et les débats qu'elles suscitent, un rôle étrange, paradoxal et peut-être inquiétant. Qu'est-ce aujourd'hui qu'un enfant?

C'est d'abord l'objet de désirs. Celui de la mère (du couple) qui ne peut pas en avoir et qui cherche par tous les moyens, y compris les plus bizarres (achats d'enfants dans les pays pauvres, insémination artificielle, achat d'un ventre…), à en obtenir un. Celui, aussi, de ces pédophiles qui font, nous dit-on, le tour de la planète pour trouver de la chair fraîche.

C'est aussi un objet de pitié lorsqu'il est victime de sévices, comme cet enfant dont a parlé pendant des semaines la presse anglaise que ses parents et, d'abord, sa mère brutalisaient au point qu'il en est mort.

C'est enfin un personnage dangereux que l'on craint (la délinquance juvénile…) et que l'on veut mettre en prison de plus en plus tôt (dés 12 ans dans un récent projet gouvernemental, "mesure de bon sens" selon Rachida Dati!) et dont on veut, dés le plus jeune âge, dès l'âge de trois ans, suivre les comportements pour mieux les corriger.

Cela fait beaucoup. Un psychanalyste saurait sans doute nous expliquer cela. Je m'en sens bien incapable, même s'il me semble que c'est tout sauf sain.

lundi, décembre 01, 2008

Hillary Clinton

BBC world me demande (grâce à Art Goldhammer) ce que je pense de la nomination d'Hillary Clinton.

A vrai dire, je n'en pensais pas grand chose avant qu'on ne me pose la question. Mais puisque question il y avait, il m'a fallu improviser une réponse. Voici en substance ce que je leur ai dit : que nous connaissions bien H.Clinton et que nous la respections tant pour son attitude pendant les années Clinton que pour sa pugnacité pendant la dernière campagne présidentielle, que cette bonne image l'aiderait probablement dans ses débuts, mais que nous attendions surtout de la nouvelle administration américaine qu'elle prenne le temps d'écouter ses partenaires et ses adversaires. Les Russes, pour ne prendre que cet exemple, ont de bonnes raisons de s'inquiéter de la montée en puissance de l'OTAN à leurs portes et ces bonnes raisons méritent d'être entendues et prises en considération. Même chose pour les Palestiniens et bien d'autres dans le monde.

H.Clinton réussira dans la nouvelle mission qui lui est confiée si elle sait abandonner l'arrogance et l'autisme de l'administration Bush, si elle se met à l'écoute des autres.

Mon interlocuteur m'a ensuite demandé si elle saurait renouer les liens avec la France. Question un peu embarassante tant les relations entre nos deux pays sont complexes. Je suis sûr que Nicolas Sarkozy nous expliquera rapidement qu'il n'a pas de meilleure amie qu'Hillary, mais… pour l'avoir vu sur CNN lors de sa récente visite à Washington aux cotés de G.Bush, jai été frappé par la différence de ton. Quoi que l'on ait pu dire ici, Sarkozy l'américain, comme on l'a un temps appelé, est vraiment très européen.

mardi, novembre 25, 2008

Un mieux dans l'opinion éclairée pour Ségolène Royal?

Ce n'est qu'une impression, mais il me semble que la séquence qui vient de se dérouler a modifié l'image de Ségolène Royal auprès des observateurs politiques qui lui étaient jusqu'à présent plutôt hostiles. Les plaisanteries sur son coté madone ont laissé place dans la plupart des commentaires à une pointe d'admiration pour son sens tactique, pour sa capacité à proposer un choix clair (la rénovation du PS, un parti pour porter une campagne présidentielle) là où son adversaire est empêtrée dans ses alliances contradictoires, pour sa ténacité, enfin. Cela se lit dans des détails des commentaires, dans la manière dont les journalistes jugent la position des deux candidates mais aussi dans les références de plus en plus fréquentes dans les articles qui la concernent à François Mitterrand. Si son conflit avec Martine Aubry ne dégénère pas, ce pourrait être l'amorce d'une reconquête des leaders d'opinion qui lui ont été jusqu'à présent défavorables. A vérifier dans les mois qui viennent.

dimanche, novembre 23, 2008

42 voix de différence…

42 voix, pas plus pour séparer Martine Aubry de Ségolène Royal. C'est peu, trop peu pour dire que l'une l'a vraiment emporté sur l'autre. Surtout si le recompte des voix et les corrections des petites tricheries (petites mais inadmissibles, que dis-je? intolérables dans un parti qui prône la démocratie) font apparaître un écart plus serré encore. C'est un cas de figure rare en démocratie, du fait même de la loi des grands nombres, mais pas impossible. Que faire dans ce cas? Pour dire vrai, on n'en sait rien. Nous n'avons, à ma connaissance, aucun exemple d'une situation comparable, aussi embrouillée. Ce qui pourrait donner aux socialistes l'occasion de montrer leur intelligence politique, si intelligence politique ils ont vraiment…

On peut penser à une alliance des deux candidates pour réformer le parti avec remise à plus tard de la nomination du candidat à la présidentielle avec des primaires à l'américaine.

On pourrait également imaginer un partage des rôles, à l'une la candidature, à l'autre le secrétariat, mais les ambitions de l'une et l'autre étant ce qu'elles sont, c'est peu probable.

On pourrait encore envisager la nomination d'un troisième larron qui aurait l'assentiment des deux candidates -un Benoit Hamon pourrait faire l'affaire-, avec pour mission de réformer profondément les statuts du parti et son mode désignation du candidat aux prochaines présidentielles laissant aux deux dames du PS le soin de porter les coups contre Sarkozy et de construire un programme pour la gauche.

Si le PS veut sortir du gépier dans lequel ses militants l'ont mis, il a falloir qu'il fasse preuve d'imagination.

vendredi, novembre 21, 2008

Le PS et ses caciques, un petit tour du coté de Google…

Dans les articles qui parlent du PS, le mot "cacique" revient souvent pour désigner les dirigeants du parti. Ce mot est semble-t-il moins utilisé pour désigner les dirigeants des autres organisations politiques, comme le montre une rapide recherche sur Google :

- cacique + PS = 94 500 documents,
- cacique + UMP = 9120 documents,
- cacique + Modem = 14 500 documents,
- cacique + parti communiste = 8180 documents,
- cacique + LCR = 4950 documents.

Qu'en conclure? que les journalistes, les bloggers… se copient mutuellement? certainement. Que le PS est un parti avec plus de chefs ou de prétendants à la chefferie que d'autres? sans doute. Que les carrières sont (ou paraissent) plus longues au PS qu'ailleurs? C'est probable.

Est-ce un bon signe pour le PS? Je n'en suis pas certain.

Ségolène Royal à 43%

Ségolène Royal a donc fait mieux qu'attendu au premier tour de cette élection entre socialistes. Ce qui n'est pas un mince exploit quand on mesure les oppositions qu'elle doit affronter : la plupart des caciques du parti, la presse à commencer par la presse de gauche et Libération, la plupart des commentateurs qui la trouvent imprévisible et la jugent mal préparée pour l'emploi de premier secrétaire.

Quelque soit le résultat de cette course, les dirigeants du PS feraient bien de s'interroger sur les raisons de ce premier tour qui opposait la dame des 35 heures à celle de la démocratie participative.

On pourrait l'interpréter comme un virage au centre du parti. Mais ce n'est probablement pas le sujet. Ségolène Royal est tout aussi à gauche que Martine Aubry. Et il n'est pas certain qu'elle séduise plus les électeurs du Modem que sa concurrente. Ce serait, en tout cas, à vérifier.

C'est la manière de faire de la politique, de vivre en phase avec la société qui est en cause. Ségolène Royal est, jusque dans sa manière d'organiser ses meetings, plus en phase avec la société que Martine Aubry. On s'est beaucoup moqué jusque parmi ses proches de son désir de faire venir un entraîneur de rugby pour coacher son équipe. A juste titre, je crois. Sauf que… c'est ce que font toutes les grandes entreprises pour le plus grand bonheur de leurs salariés, comme peuvent en témoigner tous ceux qui ont participé à ce genre de manifestation.

Cette idée qui a paru farfelue dit, je crois, beaucoup sur son mode de fonctionnement : Ségolène Royal est à l'écoute de la société. Elle n'est pas moins autoritaire que Martine Aubry, elle est certainement aussi "coincée" (peut-être même plus), mais elle a appris à écouter et prend les idées là où elles sont. Elle ne donne pas le sentiment, exaspérant et si fréquent dans nos élites et chez les militants, d'avoir la science infuse, de savoir mieux que nous ce qui nous convient.

Toutes deux promettent le changement, mais on croit plus Ségolène Royal que Martine Aubry parce qu'on la devine ouverte aux idées des autres, des militants et des électeurs. Qu'elle gagne ou qu'elle perde, c'est sur ce nouveau rapport à la société que les dirigeants socialistes devront travailler. Qu'ils s'en souviennent : avoir des opinions et pouvoir les exprimer fait partie du bien-être de chacun. Et cela vaut dans un parti comme ailleurs.

jeudi, novembre 20, 2008

Un économiste américain qui trouve Sarkozy plutôt séduisant

Sarkozy se serait-il trouvé un allié aux Etats-Unis? Voici en tout cas un post sur le blog de Dani Rodrik, un économiste américain (plutôt turc en fait) trés en vue et que le mot protectionnisme inquiète peut-être moins que d'autres, qui devrait conforter sa position sur le plan économique.

mardi, novembre 11, 2008

Sarkozy, la diversité et le PS

Depuis la victoire d'Obama, la presse française est pleine d'appels à la diversité. Jamais, nous explique-t-on, un noir aurait pu gagner en France une élection présidentielle. Nous devrions prendre exemple sur les Etats-Unis… et Nicolas Sarkozy s'empresse, comme nous l'explique ce matin Libé, de le faire pour gagner un électorat que la gauche se serait révélée incapable de retenir…

Tout cela est bel et bon. L'idée d'une compétition de la gauche et de la droite sur le sujet serait, si compétition il y a vraiment, une excellente nouvelle. Mais une fois ceci dit, n'y a-t-il pas quelque chose d'un peu absurde à comparer la situation des minorités en France et aux Etats-Unis?

Dire que les minorités n'ont pas accès au pouvoir en France me parait un peu étrange quand on voit que trois des quatre candidats à la direction du PS appartiennent d'une manière ou d'une autre à l'une de ces catégories victimes de discriminations (sur les quatre candidats, deux femmes, un homosexuel… cela vaut bien un noir, non?).

Les maghrébins et les noirs installés en France le sont depuis infiniment moins longtemps que les noirs aux Etats-Unis et ils n'ont surtout pas la même histoire. Ils n'ont pas ce terrible handicap qu'est pour beaucoup cette expérience historique de l'esclavage et du racisme, ils sont infiniment plus divers par leur origine et leur expérience. S'ils sont surtout aujourd'hui concentrés dans les classes populaires, ils n'en sont pas prisonniers. Beaucoup sont des intellectuels, issus de familles bourgeoises dans leur pays d'origine et sans le moindre complexe : ils nous valent bien, nous les hommes blancs, et le savent mieux que quiconque. Est-ce à dire qu'un noir pourrait devenir rapidement Président de la République? Non. Pour qu'un Obama français apparaisse, il faudrait d'abord que se développe, comme aux Etats-Unis, une classe moyenne noire ou maghrébine qui lui donnent ces relais dans la société sans lequels aucune victoire n'est possible. Mais cette classe moyenne, formée d'intellectuels, de managers, de leaders d'opinion se constitue lentement… Nous n'aurons sans doute pas attendre très longtemps avant qu'un candidat, dont on aura oublié qu'il est noir ou d'origine maghrébine, brigue nos suffrages…

mercredi, novembre 05, 2008

Obama copierait-il Raffarin?

Dans son premier discours, Obama a dit : “The road ahead will be long, our climb will be steep". On dirait du Raffarin dans le texte… Mais on lui pardonnera, tant le reste de son discours ressemble peu à ce que nous offrait si régulièrement notre ex premier ministre et tant sa victoire a fait pousser un soupir de soulagement au reste du monde, avec cependant… quelques exceptions : j'ai rencontré l'autre jour à Bogota un jeune homme qui souhaitait l'élection de McCain parce qu'il craignait que Obama ne prenne au sérieux les accusations de non-respect des droits de l'homme faites à l'encontre d'Uribe.

mercredi, octobre 08, 2008

Au feu les pyromanes!

Quand ils se réunissent nos dirigeants nous assurent haut et fort qu'ils vont punir les coupables de la crise, que ces banquiers trop avides seront sévèrement sanctionnés, mais dés qu'ils rentrent chez eux, c'est à ces mêmes banquiers qu'ils font appel pour régler la crise. C'est un peu comme si l'on demandait aux pyromanes d'éteindre le feu qu'ils ont allumé.

C'est ce qui ressort d'un article très fouillé publié hier dans Financial News, une revue professionnelle, où l'on apprend, je cite, que "Working for the government pays off" lorsque l'on est un spécialiste de la banque d'investissement. Tous les grands Etats font appel à ces spécialistes qui nous ont mis dans la panade pour nous sortir de la crise. Les anglo-saxons, bien sûr, mais aussi les Belges, les néerlandais et les luxembourgeois et les Français. Des collaborateurs de Merril Lynch et de la BNP-Paribas ont travaillé avec le gouvernement français sur le dossier Dexia. Et un responsable de Morgan Stanley a conseillé le gouvernement belge dans l'affaire Fortis.

Tout cela a naturellement un coût. Ces banquiers, qui ne manquent pas d'air, reprochent aux gouvernements d'être radins. Les Américains paient 95 000$ l'intervention de ces "experts", les Français, infiniment plus généreux, dépensent 500 000€ pour avoir l'avis des banquiers d'investissement.

Je n'ai qu'une question : est-ce bien raisonnable?

lundi, octobre 06, 2008

Sur Sarkozy, Besancenot et les occasions manquées

Samedi, Nicolas Sarkozy réunit quatre dirigeants européens à Paris. Grand succès clament aussitôt des journalistes amis, à commencer par Claude Askolovitch qui ajoute à son papier du Journal du Dimanche, dix raisons de ne pas paniquer.

A force d'entendre répéter ces commentaires on aurait presque fini par les croire. Dommage que la bourse se soit empressée de s'effondrer renvoyant l'exercice diplomatique du week-end à son insignifiance réelle tandis que les sondages nous montrent que les consommateurs sont de plus en plus inquiets.

L'illusion aura été de courte durée Les mesures annoncées samedi apparaissent, pas même 48 heures plus tard, pour ce qu'elles sont : des mots qui masquent mal l'incapacité des Européens à prendre la mesure de la crise de confiance qui s'est emparée de nos sociétés. Crise de confiance des citoyens envers leurs banques et, plus grave peut-être encore, crise de confiance des banquiers entre eux.

Libération nous dit ce matin que c'est tout bénéfice pour Olivier Besancenot. A voir. J'ai cru, en le voyant hier sur Ripostes, entendre Sarah Palin : même niveau de généralité, même absence de propositions. Qu'il ait un boulevard devant lui, c'est probable, encore faudrait-il qu'il ait un véhicule à conduire, je veux dire un programme, des idées. Or, je ne vois pas qu'il en ait beaucoup plus que les socialistes. Ce n'est pourtant pas si difficile : il suffit de piocher dans la vieille tradition de gauche ou, plus simplement, dans le programme commun de 1981.

Notre jeune révolutionnaire aurait, par exemple, pu proposer la nationalisation de secteur bancaire et assortir cette proposition de deux arguments et de quelques exemples de poids :

- la nationalisation (comme le fit la Grande-Bretagne avec Nothern Rock) ramène la confiance des épargnants qui savent leurs avoirs garantis par l'Etat, mais aussi celle des banquiers qui ne craignent plus de prêter de l'argent à une banque dont le premier actionnaire est l'Etat,

- elle introduit des contrôles directs sur le management des banques, puisque des représentants de l'Etat entrent dans leur conseil d'administration et peuvent facilement imposer le respect de ces règles que tout le monde appelle de ses voeux.

"Une solution : la nationalisation", criait-on dans les défilés dans les années 70. Olivier Besancenot pourrait le remettre au goût du jour. Mais il n'ose pas. Est-ce parce que cela évoque trop ce programme commun que la LCR trouvait alors trop réformiste?

vendredi, octobre 03, 2008

Palin vs Biden

J'ai regardé cette nuit, sur BFM, en direct le débat entre Biden et Palin. Comme le dit ce matin la presse américaine, la gouverneure de l'Alaska a été infiniment meilleure que prévu. Et Biden très différent du gaffeur qu'on nous annonçait. Ceci dit, Biden me parait, comme semble-t-il à beaucoup d'Américains, l'avoir emporté, tout simplement parce qu'il parlait des sujets quand elle donnait l'impression d'être enfermée dans le populisme et dans cet Alaska qu'elle a cité un nombre incalculable de fois.

Si elle n'a pas commis de bourde majeure, elle a tout de même révélé les faiblesses de la candidature républicaine qui semble, sur de nombreux sujets, ne pas avoir imaginé d'autre solution que de nouvelles baisses d'impôts. C'était particulièrement visible sur le réchauffement climatique. Elle ne croit pas qu'il soit exclusivement d'origine humaine (ce qui est après tout possible) mais, comme le lui fit remarquer Biden, s'il n'est pas d'origine humaine, que faire? Il est vrai que le seul point fort de son programme, le lancement de l'exploration pétrolière en Alaska, serait bien compromis si elle reconnaissait que le réchauffement climatique est d'origine humaine.

lundi, septembre 15, 2008

Mais qui Darcos vise-t-il?

Xavier Darcos vient d'imaginer de valoriser les diplômes avec des médailles, "peut-être sur le mode des médailles sportives, or, argent, bronze, selon la mention obtenue." Idée incongrue, un peu stupide qui amène à s'interroger sur le public auquel elle est destinée. Aux jeunes, élèves ou étudiants? Certainement pas. Chacun sait bien que ce n'est pas cela qui les fera plus et mieux travailler. Ce n'est pas cela non plus qui rendra plus heureux d'avoir réussi un concours difficile.

Les seuls que cela peut séduire ce sont les vieux, ceux qui n'ont plus de contact depuis longtemps avec l'institution universitaire et scolaire, sinon de manière indirecte, qui se souviennent peut-être des distributions de prix dans la grande salle du lycée même si déjà dans les années 50, cette pratique était en perdition. Il se trouve que ces "vieux" sont les premiers électeurs de Nicolas Sarkozy. De là à penser que cette annonce qui ne sera probablement suivie d'aucun effet n'avait pour but que de séduire cet électorat il n'y a qu'un pas que je franchirai allègrement.

vendredi, septembre 12, 2008

Le Pape sous mes fenêtres

Le Pape en route vers le Collége des Bernardins vient de passer sous mes fenêtres. Peu de monde sur son chemin, aucun applaudissement. La France est décidément peu chrétienne alors que la foi semble dans tant d'autres pays bien vivante. Mais pourquoi? Beaucoup s'en tiennent, comme le rappelle Arthur Goldhammer dans son blog, à la thèse de Tocqueville.

Les traditionalistes penchent plutôt pour la responsabilité d'un clergé moderniste. Sous couvert de modernisation, l'Eglise se serait coupée des milieux, dont elle était le plus proche : monde rural, bourgeoisie provinciale ou parisienne qu'ont décrite les romanciers des années 30, Mauriac et plus encore, peut-être, Roger-Martin du Gard.

Je pencherai, pour ma part, pour une troisième explication. La séparation de l'Eglise de l'Etat a eu pour effet de transférer à l'Etat des missions jusqu'alors déléguées à l'Eglise: éducation, santé, aide sociale. Les rapports que les citoyens entretenaient avec l'Eglise et le clergé se sont naturellement distendus. La pression sociale qui force ailleurs des "croyants mous" à participer à la vie de l'Eglise a disparu. Et comme la société a inventé des cérémonies laïques pour ceux qui le souhaitaient (mariage, baptême laïque, cérémonie au cimetière…), l'Eglise est devenue pour beaucoup un lieu qu'on ne fréquente que lorsqu'on les visite, pendant les vacances.

La communauté des fidèles s'est d'autant plus facilement délitée que, religion dominante, le catholicisme n'a pas eu à se battre contre d'autres confessions, comme ce peut être le cas dans les pays protestants où la concurrence vive des différentes sectes favorise la "consommation" de services spirituels.

Meyssan, Bigard, Sarkozy et la CIA

Jean-Marie Bigard, que l'on connaissait pour la subtilité de son humour mais aussi pour ses dérapages anti-immigrés, plus proches du lepenisme que de tout autre chose, s'est tout récemment illustré en reprenant à son compte, à la télévision, les thèses de Meyssan sur le 11 septembre. En viendra-t-il, un jour prochain, à faire siennes, cette autre "thèse" du même Meyssan selon laquelle son ami Sarkozy (souvenons nous qu'il était du voyage présidentiel au Vatican) serait, en réalité, un agent de la CIA? Peut-être pourrait-il en faire un sketch…

Nicolas Sarkozy aurait été recruté très jeune par la deuxième épouse de son père qui a épousé en secondes noces, le fils d'un dirigeant historique de la CIA. Cette thèse qui circule actuellement sur le web ferait sourire si elle ne confirmait cette tendance que nous avons tous à trop souvent préférer le raisonnement par le complot ou la conspiration au raisonnement rationnel, tendance qu'ont confirmée tout récemment les résultats d'un sondage tout simplement hallucinant sur le 11 septembre publié il y a quelques jours. On y apprend que Al Qaïda n'est citée comme responsable des attentats de New-York que par 56% des Britanniques et des Italiens, 63% des Français et 64% des Allemands. Quant aux Egyptiens, ils seraient, toujours d'après ce sondage, 43% à penser qu'Israël en est l'organisateur.

Il est vrai que le raisonnement conspirationniste a de nombreux avantages :
- il permet de conforter ses préjugés,
- il conforte l'idée que nous serions manipulés,
- il donne à celui qui l'expose la possibilité de passer pour plus malin que ses interlocuteurs ("vous êtes bien naïfs de croire ce que l'on vous dit"),
- il est paresseux (pas besoin de faire beaucoup d'effort : le coupable est désigné d'avance, il s'agit en général des pays les plus puissants et des forces obscures qui les contrôlent avec, naturellement, toujours en toile de fond un parfum d'antisémitisme),
- il est, enfin, imparable puisqu'il fait appel à des informations que l'on ne peut pas contrôler puisque tout est toujours secret.

jeudi, septembre 11, 2008

Tapie devant les députés

L'audition de Bernard Tapie par la Commission des finances fut un véritable spectacle. Elle nous a montré un Bernard Tapie au mieux de sa forme, connaissant sur le bout des doigts son dossier, face à des députés souvent incisifs, revenant sur leurs questions lorsqu'il "oubliait" d'y répondre.

Le dossier est manifestement très complexe et on se perdait facilement dans les longues réponses de Tapie dont toute l'argumentation peut être rapidement résumée en ces quelques propositions :
- son groupe n'a jamais été en difficultés financières. Il n'a vendu ses actions que parce qu'il voulait devenir ministre ;
- le Crédit Lyonnais l'a roulé dans la farine, il ne s'en est rendu compte que trop tard ;
- il n'a demandé et accepté un arbitrage que parce que la procédure judiciaire menaçait de durer de longues années, alors qu'il a déjà 65 ans ;
- le CDR avait, lui aussi, intérêt à l'arbitrage qui limitait, notamment, les risques que présentait la procédure judiciaire qui menaçait, en cas d'échec, de coûter beaucoup plus cher à l'Etat. Il n'y a donc pas eu d'intervention politique.

Argumentation qui invite à de nouvelles questions :
- comment Bernard Tapie a-t-il redressé en quelques mois une entreprise (Adidas) qui perdait tant d'argent en une entreprise florissante?
- quel entrepreneur de bon sens abandonnerait une entreprise florissante pour devenir ministre?
- n'y avait-il pas d'autre solution que la vente des action de Bernard Tapie Finance et d'Adidas pour concilier ambitions politiques et protection du patrimoine professionnel?

Le seul point vraiment convaincant de toute son argumentation était le développement sur son âge.

Mais le plus frappant dans cette audition, ce fut certainement le talent de débatteur Tapie qui tout au long de cette très longue séance a mêlé tout à la fois :
- diversions, en entraînant les députés dans les méandres techniques du dossier, en leur présentant des pièces nouvelles qu'ils ne pouvaient pas lire, diversions qui lui permettaient de ne pas répondre aux questions les plus précises et surtout de ne pas traiter le sujet de l'audition : l'organisation de l'arbitrage ;
- intimidation par le geste, la parole et, surtout, l'expression familière, virile, brutale, ne respectant ni la syntaxe ni le langage policé. Tapie n'a pas hésité à évoquer "sa femme chialant dans les chiottes", la supposée connerie de Dreyfus…
- santé de fer face à des députés aux visages marqués par la fatigue comme par autant de coups de poing. On sentait qu'il voulait et pouvait les avoir à l'usure.

mardi, septembre 09, 2008

Madame Nunuche

Carla Bruni Sarkozy est belle, élégante, elle a de jolies manières mais que de perles elle enfile!

Elle était dimanche chez Michel Drucker tout occupée à faire tout à la fois la promotion de son dernier disque et celle de son présidentiel époux. L'exercice est certainement très difficile, mais si l'on avait un conseil à lui donner, ce serait de s'en abstenir à l'avenir et de se tenir autant que possible éloignée des micros, car au festival des platitudes et des phrases bien tournées qui ne veulent rien dire, elle a battu, avec grace et sourire, un record. Au point qu'un seul mot venait à l'esprit pour la décrire : nunuche…

vendredi, septembre 05, 2008

Paris-Match a eu raison de publier les photos de talibans


En publiant des photos de talibans habillés d'uniformes français et équipés d'armes que l'on devine prises au combat, Paris-Match s'est attiré la réprobation des familles des soldats victimes de l'embuscade d'il y a une dizaine de jours, ce qui est compréhensible, mais aussi celle des politiques de tous bords, du ministre de la défense à Daniel Cohn-Bendit. Ce qui est plus surprenant.

En publiant ces photos, le magazine a fait son travail. Il a produit une information : les talibans sont puissants. Il a mis en évidence ce que l'on devinait depuis quelques temps : cette guerre est loin d'être gagnée par la coalition. Que ces images renforcent la position des talibans, qu'elle les aide dans cette autre guerre qu'est celle de l'opinion occidentale est possible. Mais pourquoi s'en offusquer? Pour autant que l'on puisse en juger, il n'y a pas tromperie sur la marchandise. Les soldats qui posent sont bien des talibans. Quant à l'opinion elle est composée de citoyens qui ont leur mot à dire dans un engagement de ce type.

Comment traduire maverick en français?

Mc Cain est présenté aux Etats-Unis comme un "maverick", ce qui donne lieu à des jeux de mots sur le bétail et les ranches que l'on ne comprend pas lorsque l'on ne sait pas que ce mot a pour origine le nom d'un rancher texan qui ne marquait pas ses animaux.

Le mot en est venu à signifier "an unorthodox or independent-minded person : a free-thinking maverick, a person who refuses to conform to a particular party or group." Mais comment le traduire? Libération parle ce matin de franc-tireur. Hier, à la télévision (C dans l'air), on penchait plutôt pour électron libre. Sans doute pourrait-on aussi dire : forte-tête, esprit libre, anti-conformiste ou, dans une version moins aimable, incontrolable.

Toutes ces traductions ne sont, bien sûr, pas équivalentes. Il est vrai que le comportement de Samuel Maverick, le rancher, se prête à des interprétations contradictoires : était-il un esprit libre? un obstiné ou simplement un conservateur attaché aux vieilles méthodes d'élevage?

jeudi, septembre 04, 2008

La Hune en grève

Il est rare que les libraires se mettent en grève. C'est ce qu'ont fait ce soir les salariés de La Hune, la librairie Flammarion de Saint-Germain des Prés pour protester contre une réduction des effectifs décidée par leur direction : ils passeraient ainsi de 18 à 16. Cette réduction devrait se faire sans licenciements par départs volontaires, mais cela ne calme pas les libraires qui disent leur inquiétude dans un tract dont le style littéraire tranche sur l'ordinaire de cette littérature et nous donne une image crue de leur métier : "Quand les livres en bas attendront qu'on les déballe, que déballés attendront qu'on les monte, que montés, qu'on les place, qu'on les range, qu'on les signale."

On est naturellement de tout coeur avec eux.

mercredi, septembre 03, 2008

Après le bling-bling, le fait du prince

Nicolas a réussi à se détacher de son image de bling-bling. Ce ne fut pas sans mal, mais c'est fait. Voilà que lui colle à la peau une nouvelle image pas beaucoup plus aimable : celle du Président qui utilise les moyens de l'Etat pour satisfaire son ambition ou les intérêts de ses proches, famille, amis…

On l'a compris, je parle de l'affaire corse, du limogeage du responsable de la sécurité en Corse, après l'occupation de la villa de Christian Clavier. Ce n'est pas la première fois, on se souvient du scooter de son fils, des nominations à TF1 et dans le groupe Lagardère, mais jusqu'à présent, on était dans le soupçon. Cette fois-ci, c'est clair : l'Elysée assume et le dit haut et fort.

Les avocats de Nicolas Sarkozy diront qu'il n'est pas le premier, qu'il a le mérite de ne pas se cacher. Sans doute, mais comment ne pas voir le risque politique qu'il prend. Ces comportements :
- créent un sentiment d'injustice chez les citoyens qui ne sont pas si bien traités,
- rappellent de mauvais souvenirs, de l'Etat-RPR aux gendarmes affectés à la protection de Mazarine,
- suscitent l'agacement des fonctionnaires de police et de leurs syndicats jusqu'alors bien disposés à son égard,
- créent le soupçon même là où il n'y a pas eu intervention.

Peut-être finira-t-il, comme pour le bling-bling, à entendre ses collaborateurs que l'on devine mal à l'aise. Mais d'ici là combien de nouvelles affaires du même type?

mardi, septembre 02, 2008

L'émiettement de l'Europe

C'est la rentrée. J'ai repris mes chroniques sur Aligre FM. Celle de ce matin traitait de l'émiettement de l'Europe. On peut la lire et l'entendre ici.

La gauche n'a pas tout faux

En cette saison de curée sur le PS, j'ai envie de défendre, sinon ce parti qui étale ses divisions et ambitions avec tant de bonheur, du moins la gauche, qui a sans doute plus d'atouts que ne veulent bien le dire les commentateurs.

Elle dispose, d'abord, d'un vivier de dirigeants de qualité comme on en a rarement vu. Je ne suis pas sûr qu'il y ait souvent eu dans l'histoire autant de gens qui ont fait leurs preuves, qui ont montré leur capacité à gouverner qu'aujourd'hui à gauche. Cela ne durera d'ailleurs sans doute pas très longtemps : Fabius, Straus-Khan, Lang, Aubry approchent ou dépassé la soixantaine. Ils seront dans dix ans trop âgés pour prétendre aux plus hautes fonctions. Cette richesse est une raison des difficultés actuelles. Si aucun dirigeant ne se dégage, c'est qu'ils sont trop nombreux à pouvoir prétendre à la direction du parti.

Elle dispose, par ailleurs, d'un vivier d'intellectuels, économistes, sociologues qui réécrivent, brique après brique, non pas le programme du PS mais celui d'une gauche adaptée à son temps, quand la droite moderne ne fait que reprendre inlassablement les mêmes recettes (la réduction des cotisations sociales dernièrement). Les travaux de Piketty sur la fiscalité, ses analyses impeccables du RSA, sont une illustration de ce renouveau que Ségolène Royal a su, la première, exploiter.

Le décalage entre son idéologie et ce que serait sa pratique au gouvernement s'est considérablement réduit. Michel Rocard l'a dit à La Rochelle. Revoir à la télévision Mitterrand prêcher la révolution rappelle ce qu'a pu être ce décalage source de toutes les déceptions des années 80.

Elle est, enfin, en phase avec l'opinion, avec ceux qui travaillent sur l'un des sujets qui comptent : la vie au travail. Les socialistes ont compris ce que la droite persiste à ne pas voir : la vie dans les entreprises est dure, difficile et les Français, bien loin de vouloir travailler plus pour gagner plus sont attachés aux 35 heures et à la retraite à 60 ans, les deux dernières grandes conquêtes sociales, avancées obtenues toutes deux sous des gouvernements socialistes.

Le PS a donné de lui-même à La Rochelle une image attristante, mais derrière, il y a des bases solides. Il suffirait de peu de choses, qu'un dirigeant s'impose pour que ce parti que l'on présente si souvent comme malade se réveille.

lundi, septembre 01, 2008

Quand Daniel Schneidermann dérape

Dans Libé de ce matin, Daniel Schneidermann s'en prend à Claude Askolovitch, journaliste du Nouvel Observateur que le groupe Lagardère vient de nommer tout à la fois directeur politique du Journal du Dimanche et éditorialiste sur Europe n°1. D'après Schneiderman, ces nominations seraient liées à l'intervention pro-Jean Sarkozy de ce journaliste après les propos de Siné sur celui-ci (c'est Askolovitch qui a lancé l'affaire).

C'est possible, c'est même plausible tant Askolovitch s'est révélé ces dernières années un allié objectif de la droite (c'est lui qui avait révélé la jeunesse trotskyste de Jospin, il n'a cessé d'attaquer Ségolène Royal, a co-écrit le livre où Eric Besson trahissait la candidate socialiste…) Le problème est que Schneidermann n'avance aucune preuve. Il le reconnait d'ailleurs paisiblement lorsqu'il écrit : "Reste une inconnue - de taille. Sa Majesté a-t-elle explicitement donné consigne de faire nommer Askolovitch au firmament du groupe de son ami Arnaud Lagardère, pour service rendu la famille? Ou bien dans l'état-major de Lagardère, a-t-on précédé ses désirs?"

Ainsi va le journalisme à la française : des soupçons, mais pas de preuve, pas de vérification des informations. Venant d'un journaliste qui se présente comme le gardien de l'éthique journalistique, cela surprend désagréablement.

Georges Bush au téléphone

Il y a dans Libération une chronique hebdomadaire qui consiste à décrypter ou, plutôt, à commenter une photo publiée dans la semaine dans le journal. C'est un exercice auquel j'ai eu envie de me prêter en voyant cette photo de Georges Bush que publie Paul Krugman dans son blog. On y voit le Président au téléphone. La légende nous dit : "President Bush talks to Gov. Rick Perry." Mais qui est ce Perry? est-ce bien à ce Perry que parle le Président? Parlent-ils de la tempête qui menace la Louisianne, sujet du jour, ou du réchauffement climatique?

Des Américains qui savent que Perry est gouverneur du Texas seront sans doute moins sensibles à l'ambiguité de l'image. Mais pour qui n'est pas au fait de ces détails, elle se prête à d'autres interprétations. Bush parle-t-il? Non, il écoute, un peu figé, comme au garde à vous. Le dossier classified qu'il porte à la main nous dit son importance (il y a accès!), l'expression de son visage, un peu vide, nous dit qu'il est sous influence. On a beaucoup dit de Georges Bush qu'il était sous la férule de ses conseillers. Cette image semble le confirmer. Mais ce n'est qu'une image…

Ready for the war on weather

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dimanche, août 31, 2008

A force de gouverner dans la précipitation…

Nicolas Sarkozy nous a habitué à agir rapidement, à prendre des décisions dans la précipitation. Mais on pouvait penser que le fiasco annoncé de sa réforme de la télévision l'avait un peu assagi, avait enseigné à ses collaborateurs la vertu des dossiers bien préparés. L'annonce de la taxe de 1,1% sur les revenus du patrimoine pour financer le RSA montre que la leçon na pas été retenue. Le Monde nous apprend, en effet, dans son édition du 31 août que de 50 à 60% des ménages pourraient être touchés par cette mesure qui concerne aussi bien l'assurance vie, l'épargne retraite volontaire que les livrets d'épargne. A l'inverse de ce que l'on pu un instant penser, ce ne sont pas les riches qui ont bénéficié des premières mesures fiscales de l'ère Sarkozy qui vont payer, mais bien tous ceux qui épargnent, ne serait-ce qu'un tout petit peu. Ce n'était certainement pas le message que voulait faire passer Nicolas Sarkozy. Une maladresse de plus à mettre au compte de cette manière impulsive de gouverner, de réagir au quart de tour, de trancher au plus vite, de prendre des décisions sans laisser le temps aux experts d'en mesurer les effets.

vendredi, août 29, 2008

Discours politiques : Denver n'est pas en France

Internet nous permet d'écouter et de lire dans leur version intégrale les discours de la convention démocrate de Denver. Et c'est une excellente occasion de voir ce qui nous distingue des Américains.

Ces discours sont de toutes sortes. Certains ressemblent à ce que nous pouvons entendre en France, comme celui, très politique de John Kerry, d'autres pourraient, à quelques nuances près être prononcés par un européen, comme le très brillant, très amusant et solide discours de Bill Clinton. D'autres ne pourraient jamais être donnés chez nous sans susciter des commentaires ironiques. Je pense notamment à celui de Joe Biden.

De bonne tenue quoiqu'un peu terne sinon dans sa critique, incisive, de la politique étrangère de l'administration Bush, ce discours commence par un long développement sur la famille du candidat, ses enfants, son père, sa mère présente dans la salle et que la caméra montre émue (ce qu'elle est sans doute) pendant que son fils parle d'elle. Tout se passe comme si ce n'était pas un candidat seul que l'on choisissait, mais un candidat et sa famille.

Cela ne se passerait évidemment pas comme cela en Europe, même si Blair ou Sarkozy se sont engagés dans cette voie. Cette insistance sur la famille explique peut-être les réactions outrées des Américains lorsqu'ils apprennent que l'un de leurs politiques a eu des maîtresses. Ce n'est pas tant leurs aventures qu'ils condamnent que l'écart entre ces déclarations d'amour familial et leurs comportements. Si nous sommes plus tolérants avec nos élus, c'est peut-être tout simplement qu'ils nous font grâce de ces apologies des vertus familiales.

Joe
Biden ne se contente pas de nous présenter sa famille, il nous dit qu'il est fier de ses fils, de sa femme. La formule "I am proud of…" revient constamment dans ces discours. De la même manière, Obama évoque son grand-père, sa mère, sa grand-mère.

Ces hommes ne manquent pas une occasion de le rappeler : ils sont fiers de leur famille, de leur parcours personnel, de l'histoire et des valeurs de l'Amérique. Ils ne doutent pas, ils ne s'interrogent pas. On les imagine mal allant, comme Nicolas Sarkozy, à Londres ou Berlin expliquer leur admiration pour des sociétés étrangères. Aucun pays ami n'est d'ailleurs cité directement dans ces discours : l'étranger n'est cité que lorsqu'il est perçu comme une menace. Ils sont Américains, surs d'eux-mêmes. Même s'ils ont le sentiment que cette promesse américaine, ce rêve américain auxquels ils font constamment référence sont menacés, ont été mis à mal par 8 ans d'administration Bush."Keep the american dream alive" dit Obama.

La rhétorique est également différente. Jean Véronis a montré que les discours écrits par Henri Guaino pour Nicolas Sarkozy usaient et abusaient de de l'anaphore (figure qui consiste répéter les débuts de phrase) que l'on retrouve chez Obama, mais on devine, chez d'autres orateurs, l'influence de l'office du dimanche. Joe Biden multiplie les épistrophes (répétition d'un mot ou groupe de mots à la fin de plusieurs membres de phrases pour obtenir un effet incantatoire ou insistant) qui incitent la foule à reprendre ses mots, figure directement empruntée aux prédicateurs.

Autre différence notable mais qui surprend moins quiconque s'est promené aux Etats-Unis : l'abondance de drapeaux dans l'assistance et l'insistance sur le patriotisme que l'on retrouve dans tous les discours, patriotisme qui paraitrait, chez nous, au mieux un peu ridicule, mais serait plus sûrement associé à l'extrême-droite.

Un mot, enfin, sur les applaudissements. Ils sont nourris, nombreux, ils sont aussi un indice de la popularité des personnalités (voir le succès de Clinton), mais aussi de ce qu'attendent les électeurs et montrent là-encore des différences sensibles. On associe souvent, de ce coté -ci de l'Atlantique, les démocrates et la gauche telle que l'incarne un parti comme le PS. C'est probablement une simplification. L'une des parties du discours de Barack Obama les plus applaudies est celle dans laquelle il en appelle à la responsabilité individuelle, notamment à la responsabilité parentale qui serait chez nous plutôt un thème de droite (même si Ségolène Royal a développé dans la campagne un thème voisin). L'Amérique n'est certainement pas l'Europe. Quoiqu'on ait pu dire de la globalisation, les différences persistent.

mercredi, août 27, 2008

Sarkozy, le PS et le cynisme

Les observateurs de notre vie politique ne manquent pas une occasion d'attribuer à Nicolas Sarkozy des intentions politiciennes. Les mesures qu'il prend seraient souvent conçues pour gêner, dérouter la gauche et le PS. On l'a beaucoup dit à propos de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques. Aujourd'hui même, ce mécanisme est évoqué par le Canard Enchaîné et Arthur Godhammer.

D'après l'hebdomadaire, Nicolas Sarkozy n'aurait imposé un vote a chambre après les débats sur l'Afghanisan que pour mieux piéger la gauche. "Si, aurait-il dit, le PS votre contre, il fera preuve d'un manque de solidarité avec nos soldats engagés en Afghanistan, et ce sera mal pris dans le pays. S'il vote pour, ce sera interprété comme un soutien à mon action."

Quant à Arthur Goldhammer, l'auteur d'un des blogs les plus intéressants sur la vie politique française, il salue l'habileté de la mesure qui consisterait à taxer les revenus du capital pour financer le RSA. "It is also, écrit-il, an incredibly astute political move as the Socialists maneuver in advance of their convention. It undercuts their most potent attack againstSarkozy, that the TEPA was a giveaway to the rich whose cost has hamstrung government action on other fronts. "

Dans tous ces cas, ce réflexe "politicien" est plausible. Pourtant, ces explications ne me paraissent jamais complètement satisfaisantes.

Nicolas
Sarkozy a été élu dans des conditions telles, il dispose de telles majorités au Sénat et à l'Assemblée Nationale qu'il n'a pas besoin de piéger une opposition en lambeaux. A moins qu'il ne soit complètement obsédée par elle, il peut consacrer son temps à autre chose qu'à comploter avec ses conseillers dans l'ombre de l'Elysée contre un adversaire dont la presse dit chaque jour qu'il a la tête sous l'eau.

Il y a, de plus, à chaque fois un prix à payer. Le vote au Parlement va le forcer à réunir son camp plus divisé qu'on ne dit (voir, par exemple, la rapprochement effectué par Jean-Pierre Soisson entre les événements d'Afghanistan et la guerre d'Algérie). la taxation du patrimoine, même si elle est faible (on parle de 1%) va agacer tous ceux qui paient un impôt sur la fortune et, au delà, tous ceux qui possèdent quelques biens dont ils tirent des revenus.

On ne peut, enfin, exclure des dommages collatéraux : il n'est pas un spécialiste de la télévision qui ne parie sur une catastrophe si le projet de supprimer toute publicité sur les chaînes publiques est mené à son terme.

Ces décisions ont certainement été prises pour d'autres motifs, pour prouver que la révision constitutionnelle apportait plus de démocratie, pour résoudre la quadrature du cercle qu'était devenu le financement du RSA, pour aider Bouygues à sortir par le haut de l'audiovisuel pour mieux investir dans le nucléaire… La gêne créée pour l'opposition n'est qu'un bénéfice secondaire dont il aurait tort de se priver. Reste que l'insistance des observateurs renvoie à quelque chose de nouveau. Les prédécesseurs de Nicolas Sarkozy savaient eux aussi profiter des bénéfices politiques secondaires de leurs actions. Mais ils évitaient de s'en vanter et interdisaient à leurs conseillers d'aller partout se féliciter du bon coup fait à l'opposition. Nicolas Sarkozy est tout simplement un peu plus cynique qu'eux.

mardi, août 26, 2008

Les Français et la guerre en Afghanistan

Le gouvernement n'aura pas attendu longtemps pour réagir au sondage de CSA sur l'engagement français en Afghanistan que le Parisien Libéré a publié le 22 août : il y aura débat a Parlement et, dans la foulée, vote le 22 septembre. Il est vrai que c'est l'un des fondements de la politique internationale de Nicolas Sarkozy qui est en jeu. Alors qu'il avait, jusqu'à présent, plutôt cumulé les succès en ce domaine , il bute sur une vraie difficulté : l'opposition de l'opinion à l'intervention en Afghanistan.

On se souvient que, d'après le sondage du Parisien Libéré, 55% des Français sont hostiles à l'engagement de la France dans ce pays de crainte que la France ne "s'enlise dans un conflit sur lequel elle n'a pas de prise". 36% pensent "qu'il faut maintenir les troupes, car elles participent à la lutte contre le terrorisme international". 9% seulement ne se prononcent pas, ce qui est peu pour un sujet aussi complexe.

Ce sondage ayant été réalisé au lendemain de l'annonce de la mort de dix soldats français, on pourrait en imputer les résultats à l'émotion. S'en tenir à cette explication est cependant un peu court. En mars dernier, BVA a réalisé pour Sud-Ouest un sondage donnant des résultats tout aussi hostiles à la guerre : les deux tiers des Français désapprouvaient la décision de Nicolas Sarkozy d’envoyer de nouvelles troupes à Kaboul, seuls 15% la soutenaient. Au-delà de l’engagement militaire français, c’est la guerre elle-même menée par les Occidentaux en Afghanistan qui est en cause aux yeux des Français. 65% d’entre eux jugent ainsi erronée l’attitude américaine.

Le sondage du Parisien est moins mauvais pour le pouvoir, mais le réflexe légitimiste fréquent dans ce genre de situation n'a pas joué. 48% seulement des Français font confiance au Président pour gérer ce dossier contre 46% qui lui refusent leur confiance : les dix jeunes soldats tués dans cette embuscade n'ont pas suffi à réunir l'opinion autour du Président, comme cela avait été le cas en 1983 lors de l'attentat du Drakkar. Au delà du pacifisme de l'opinion, le doute sur l'opportunité et les motifs de cette intervention semble dominer une opinion qui s'interroge et se pose des questions :

- a-t-on quelque chance de gagner cette guerre alors que les conflits asymétriques de ce type sont de ceux que l'on ne gagne jamais?

- est-ce en se battant en Afghanistan que l'on peut gagner la guerre contre le terrorisme? Les derniers attentats commis en Afrique du Nord ou en Europe l'ont été par des groupes locaux qui se réclamaient d'Al Qaida mais disposaient d'une grande autonomie ;

- le terrorisme est-il le premier risque que courent nos sociétés? On peut le contester : la déconstruction des Etats à l'Est de l'Europe, leur émiettement avec ce que cela entraîne de guerres civiles, de déplacements de populations, éventuellement de génocides et de renforcement de la puissance russe paraissent aujourd'hui plus inquiétants qu'un terrorisme venu de l'extérieur ;

- le rapprochement avec les Etats-Unis justifie-t-il que l'on mette en danger la vie de nos soldats?

- l'intervention en Afghanistan est-elle indispensable au maintien du rang international de la France?…

Une majorité se dégagera naturellement au Parlement en faveur de la politique menée par le gouvernement. Les débats donneront aux parlementaires de la majorité l'occasion de développer des arguments en faveur de l'intervention, mais aussi aux sceptiques, tant à gauche qu'à droite (il y en a, comme Pierre Lellouche ou Dominique de Villepin ) de faire valoir les leur. Cela suffira-t-il? C'est peu probable. Reste à savoir ce que fera Nicolas Sarkozy. Suivra-t-il l'exemple de François Mitterrand qui avait retiré les troupes françaises du Liban quelques mois après avoir déclaré que "l'assassinat des 58 soldats ne resterait pas impuni", ou persévérera-t-il dans ce qui est aux yeux de l'opinion une erreur? Beaucoup dépendra de la politique de la prochaine administration américaine. Si celle-ci s'enferme dans cette guerre il lui sera plus difficile de lever le pied. Au risque de nouveaux morts. Si elle comprend que la guerre en Afghanistan n'est pas aussi stratégique que l'affirment aujourd'hui les candidats, il pourra plus facilement désengager nos troupes de ce que Pierre Lellouche appelle déjà un "bourbier".

lundi, août 25, 2008

Espaces pietonniers, tramways et urbanisme

Je rentre de Strasbourg, ville superbe dans sa partie la plus ancienne, autour de la cathédrale, comme chacun sait, mais saccagée par ses municipalités successives dans sa partie plus moderne, notamment entre la cathédrale et la gare par la multiplication des zones piétonnes et des rues réservées aux tramways.

Rues piétonnes et tramways sont de bonnes idées, encore faut-il les mettre en oeuvre avec talent, éviter de créer d'immenses espaces vides sinistres et des galeries marchandes à ciel ouvert. Les édiles de Strasbourg n'ont pas évité ces écueils.

Think tanks de gauche et plafond de verre

Le Monde 2 publie un intéressant article de Frédéric Joignot sur les think tanks de gauche. Sont-ils trop nombreux comme le suggère Arthur Goldhammer dans son blog en même temps qu'il regrette l'absence d'un responsable politique capable de porter ces idées (mais n'est-ce pas ce qu'avait entrepris de faire à contretemps et avec une certaine maladresse mais pas mal de vigueur Ségolène Royal?)?

Cet article a en tout cas l'avantage de mettre l'accent sur le foisonnement d'idées à gauche, en marge du parti socialiste, mais aussi sur quelques chiffres qui restent pénibles : je pense notamment à ces 55% de femmes qui n'accomplissent pas des carrières qui correspondent à leurs études. Un phénomène que l'on a longtemps attribué au plafond de verre qui parait aujourd'hui bien fissuré (le nombre de femmes qui sont passées par dessus ne cesse d'augmenter dans tous les domaines, culturel, économique, politique) et que l'on serait bien inspiré d'attribuer à des mécanismes plus fins :

- des effets silo : les jeunes femmes sachant qu'elles auront plus de difficultés que les garçons à faire carrière, se tournent plus volontiers vers des formations de spécialistes (comme les formations en RH ou en communication) qui leur permettent de trouver un emploi mais les enferment dans des services, d'où plus de difficultés pour grimper dans la hiérarchie des grandes entreprises qui privilégient les collaborateurs qui ont une expérience variée ;

- des effets de substitution : lorsqu'il n'y a pas de crèche ou lorsque celles-ci sont trop chères, les jeunes mères s'éloignent provisoirement du marché du travail, d'où des retards dans les carrières qu'il est difficile de rattraper ;

- des effets de spécialisation dans des secteurs industriels qui privilégient les temps partiels ou l'intérim ;

- des effets de genre : les emplois ont souvent un genre, genre qui évolue dans le temps (les RH étaient hier un emploi typiquement masculin, elles sont devenues féminines, l'informatique était mixte elle tend à devenir une spécialité masculine…) qui renvoient, probablement, à des choix faits lors de la formation.

Vers un nouveau Monde

Marianne vient de publier la liste des journalistes qui vont dans les semaines qui viennent quitter Le Monde dans le cadre du programme de redressement économique du journal. On y retrouve beaucoup de signatures connues. Pour juger pleinement de ce plan de départ, il faudrait disposer de plus d'informations, connaître, l'âge des journalistes (ce n'est pas la même chose de partir à 60 ans, à la veille de la retraite et à 40) mais aussi les effectifs de chaque service.

En tout état de cause, ces coupes franches dans les effectifs semblent annoncer une évolution éditoriale du journal, avec un allégement de la partie internationale (8 départs dans ce service), de la partie culturelle (4 départs dans la rubrique culture) et, plus surprenant de ses activités de "service au lecteur" qui avaient pris, ces dernières années, une place accrue (5 départs dans la rubrique Et vous, 4 dans la rubrique Radio-Télévision). Le secteur économie est, à l'inverse, épargné (1 seul départ), tout comme les pages sport (aucun départ).

Le plus inquiétant, pour le lecteur, est certainement l'international. La tentation risque, en effet, d'être grande de remplacer des spécialistes maison par des communiqués d'agence et des pigistes de luxe façon BHL. C'est la qualité et, surtout, la variété de l'information sur ce qui se passe à l'extérieur qui risquent d'en souffrir.

A contrario, les coupes dans le secteur culture peuvent être une bonne chose si elles amènent le journal à réfléchir au traitement à apporter à la culture, notamment à la littérature Malgré des changements récents, le supplément littéraire présente toujours aussi peu d'intérêt. On aimerait conseiller à la direction du Monde de s'inspirer d'exemples étrangers, notamment du TLS.
Le Monde 2 va aussi souffrir (5 départs), ce qui devrait se traduire par une accentuation de sa tendance à devenir un catalogue de photos (mais, après tout, pourquoi pas?).

C'est, très probablement, un autre journal qui sortira de ce remède de cheval. Malheureusement, comme souvent dans les entreprises en difficulté, les réductions d'effectifs semblent s'être faites sans réflexion sur leurs effets sur la qualité du produit.

mercredi, août 20, 2008

A quoi jouent les pharmaciens?

Je suis un traitement médical basé sur le Sutent, un médicament récent, très coûteux (la boite de 30 gélules coûte 5675€!), que les pharmaciens ne gardent pas en stock. Celui chez lequel je me fournit sans difficultés étant en vacances, j'ai voulu en acheter chez un autre pharmacien proche de chez moi, place de Québec (Saint-Germain des Près) au coin de la rue Bonaparte, une pharmacie ouverte tous les soirs jusqu'à minuit. La pharmacienne me dit qu'elle ne l'a pas en stock, je lui propose de le commander, elle m'explique que c'est compliqué (sic)… Je lui demande de remettre à jour ma carte vitale, comme recommande de le faire la Sécurité Sociale dans ses courriers. Elle n'a pas la machine! et me conseille de m'adresser à son collègue, un peu plus haut dans la rue Bonaparte, au coin de la rue Dufour.

Il s'agit d'un véritable drugstore à l'américaine plein de monde comme un grand magasin le premier jour des soldes. Une fois trouvé l'endroit où l'on traite les ordonnances et quelques minutes de queue, je tombe sur une pharmacienne qui m'explique qu'elle ne l'a pas en stock, qu'il faut qu'elle téléphone, ce qu'elle va faire à l'autre bout du magasin (une absence d'une bonne dizaine de minutes), qui revient enfin pour me dire, là encore très aimablement, qu'elle peut le commander mais que mon ordonnance (pourtant rédigée par un médecin hospitalier spécialiste de ces traitement qu'il prescrit plusieurs fois par semaine) n'est pas réglementaire. Dit autrement : passez votre chemin… Deux grosses pharmacies : deux refus de vente!

Ce quartier étant, par chance, rempli de pharmacies, il me suffit de remonter de quelques dizaines de mètres la rue Dufour pour trouver une officine plus calme qui prend, sans sourciller, mon ordonnance, commande le produit et me donne rendez-vous pour le lendemain.

Ce n'est qu'une mésaventure sans importance mais qui amène à s'interroger : à quoi jouent les pharmaciens qui ont le plus de clients? ont-ils décidé de ne plus vendre que les médicaments de confort? de refuser tout ce qui sort un peu de l'ordinaire?

PS. Pour dire vrai, ce n'est pas une nouveauté. Il y a une dizaine d'années, cherchant en soirée de la morphine pour une malade qui en avait vraiment besoin, j'ai dû aller jusqu'à Montparnasse, les deux pharmacies les plus proches, celle du défunt drugstore et celle de la place de Québec refusant de m'en vendre.

mardi, août 19, 2008

Inflation : l'effet contagion

Familles Rurales vient de réaliser une étude intéressante que publie La Croix : on y apprend notamment que les prix des fruits et légumes ont augmenté en France (hors Ile de France les grandes villes) en moyenne respectivement de 15,4 et 10, 5%, augmentations que les raisons climatiques avancées par le ministère de l'agriculture ne justifient qu'à moitié (les raisons climatiques n'expliqueraient, d'après Familles Rurales, que 5% de ces hausses de prix).

Augmentations qui n'ont, par ailleurs, rien à voir avec celles des produits laitiers qui avaient fait la une au printemps et qui étaient, on s'en souvient, liées à la hausse des coûts de production (hausse du prix des céréales). L'article fourmille d'exemples : "Ainsi le prix de la tomate a pu varier de 1,29 € le kilo dans les Côtes- d’Armor à 3,30 € dans la Marne. Autre exemple, le melon qui a fait le yo-yo en juin entre 1,50 € la pièce dans le Finistère et 3,50 € en Gironde. Les relevés ont montré qu’un même produit dans une même surface de vente a pu passer du simple au double selon le département." Familles Rurales qui a créé son observatoire des prix en 2006 conclue qu'il faudrait s'interroger sur l'opacité des réseaux de distribution.

Cette étude est d'autant plus intéressante que cette organisation familiale (180 000 familles adhérentes, 45 000 bénévoles, 20 000 salariés) publie en générale des analyses très fines des prix des produits alimentaires. Dans son rapport de 2007, l'association s'interrogeait sur les stratégies des grands distributeurs en matière de gestion des produits premier prix : "La faible augmentation voire la diminution du prix moyen du panel « 1er prix » au cours de l’année 2007 cache en réalité une hausse entre 2006 et 2007. Accroître les prix en début d’année n’est-il pas une façon d’échapper aux indices économiques calculés pendant l’année ? Les familles les plus modestes, qui achètent en grande majorité ces produits, subissent-elles les augmentations que les distributeurs ne peuvent pas effectuer sur les produits de « grandes marques » ?"

L'étude de cette année met en évidence un effet de contagion : les prix des fruits et légumes augmentent parce que ceux des autres produits alimentaires ont augmenté. Tout se passe comme si ceux qui construisent les prix (essentiellement les distributeurs) se disaient : "mais pourquoi pas un coup de pousse sur les fruits et les légumes? Les consommateurs n'y verront que du feu". Ces hausse sont d'autant plus faciles à faire passer qu'on peut leur donner une explication rationnelle. Cette année, les conditions climatiques ont fait l'affaire. Reste que ces hausses sont inégalement réparties. Il y a ceux qui ont du mal à les faire passer, les producteurs confrontés aux acheteurs des grands distributeurs à la recherche des meilleurs prix, capables de faire jouer la concurrence, et ceux qui ont plus de liberté : ces mêmes grands distributeurs qui échappent, grâce à leurs monopoles locaux, à la concurrence.

Ces hausses massives nous rappellent opportunément que l'inflation est aussi construite par les distributeurs, quoique veuillent nous faire croire Michel-Edouard Leclerc et tous ses collègues qui se présentent si volontiers en chevaliers blancs du pouvoir d'achat.

lundi, août 18, 2008

Une politique économique prise à contre-pied

La récession annoncée prend à contre-pied la politique économique de Nicolas Sarkozy basée, pour ce qui est du pouvoir d'achat, sur toute une série de mesures qui visaient à lier les revenus des salariés aux performances des entreprises. C'est le sens des dispositions en faveur des heures supplémentaires que l'employeur ne demande que lorsqu'il a du travail ou des projets sur l'intéressement ou la participation qui visent à intégrer ces revenus liés aux résultats de l'entreprise dans la rémunération annuelle du salarié. Toutes mesures qui ont toutes chances d'être favorablement accueillies dans les périodes fastes mais qui sont sans effet sur les revenus réels dans les périodes plus difficiles.

Or, récession ou pas, c'est bien dans cette dernière direction que nous allons : les entreprises ne vont pas demander à leurs collaborateurs de faire des heures supplémentaires si leurs stocks sont pleins (comme le suggèrent les dernières enquêtes de la Banque de France) ou leurs carnets de commandes vides. Elles ne distribueront pas d'intéressement ou de participation si leurs résultats seront médiocres. Autant dire que le pouvoir d'achat des salariés a peu de chance de s'améliorer si la situation économique ne s'améliore pas rapidement (et personne ne parie là-dessus).

Plus grave peut-être pour le gouvernement, sa politique sur les 35 heures risque de lui revenir en boomerang à la figure. Il y a deux manières de sortir des 35 heures :

- par le haut, si les entreprises échangent une augmentation du temps de travail contre des augmentations de salaire ou des avantages sociaux (amélioration de la couverture sociale…),

- par le bas, si les entreprises demandent aux salariés de travailler plus pour éviter des licenciements, comme cela a été le cas dans quelques cas abondamment documentés par les médias.

Si la situation économique s'y était prêtée, les salariés auraient probablement accepté sans trop rechigner (encore que…) une sortie par le haut. La récession dont on nous parle annonce plutôt la multiplication des "sorties par le bas" qui ne peuvent que mettre à mal l'image sociale du gouvernement et renforcer l'impression qu'il est du coté des riches.

Le retour d'un catholicisme exigeant dans les classes aisées?

Avec la visite du pape à Lourdes (et à l'Elysée mais semble-t-il en catimini pour cause de double divorce de Nicolas Sarkozy) on va beaucoup entendre parler de religion ans les semaines qui viennent.

Ayant été amené, cet été, à assister à quelques cérémonies religieuses catholiques, j'ai été frappé par l'expression d'une foi qui me parait assez nouvelle (il est vrai que je fréquente d'ordinaire peu les églises). Deux phénomènes ont particulièrement retenu mon attention : le retour de pratiques anciennes dans les cérémonies, le latin, la communion agenouillé avec l'hostie glissé dans la bouche (deux pratiques récemment autorisées par Benoit XVI mais dont je ne pensais qu'elles reviendraient aussi vite dans une église dont les prêtres ont été, pour la plupart, formés après Vatican II) et l'affluence à la communion (la quasi totalité des participants à la messe allant communier quand seule une minorité s'avançait autrefois). J'y ajouterai des comportements individuels, comme l'agenouillement pendant le service…

Ces comportements suggèrent un retour à une pratique plus rigoureuse et plus dynamique de la religion chez les fidèles. Au moins chez les plus aisés que j'ai pu observer lors de ces cérémonies. Ce qui parait, à première vue, aller à l'encontre de toutes les statistiques qui indiquent le recul de la pratique religieuse en France.

Il serait assez tentant d'expliquer cette évolution des comportements des catholiques pratiquants par un réflexe de minorité assiégée : plus on se sent minoritaire plus on durcit ses positions. Mais c'est loin d'être l'impression que donnaient ces fidèles. Ils semblaient, au contraire, à l'aise dans leur foi et plutôt conquérants (je pense, notamment, à un mariage célébré par un "petit gris", un membre de la Communauté Saint-Jean que l'on sait aussi dynamique que contestée ). On pourrait également expliquer cette exigence par l'enthousiasme de néophytes, mais les fidèles que j'ai pu observer appartiennent à des familles catholiques et depuis longtemps pratiquantes. J'avancerai une autre hypothèse : le développement d'un décalage accru entre les comportements et les pratiques des classes aisées (qui assistaient à ces messes dont je parle, restées ou redevenues pratiquantes) et le reste de la population.

Un phénomène qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler ce que décrit, pour les Etats-Unis, Larry M.Bartels dans son dernier livre (Unequal democracy ) : c'est dans les classes aisées beaucoup plus que dans les classes populaires qu'on observe des évolutions dans le domaine moral et culturel (opinion sur l'avortement…) et un retour à des valeurs plus traditionnelles.

Si cette hypothèse était vérifiée, si l'on observait, par exemple, une modification des comportements en matière de divorce selon les milieux sociaux, il faudrait, comme pour les Etats-Unis, en conclure à une retour d'une société de classes, classes dont les différences de comportement s'étaient estompées ces cinquante dernières années.