jeudi, février 19, 2009

Insulter les chercheurs n'était pas la meilleure idée

Nicolas Sarkozy a réussi un tour de force : se mettre à dos tout ce que la France compte de chercheurs et d'universitaires avec son dernier discours sur le sujet. Il a dans cette affaire mis en lumière son étrange manière de gouverner qui associe :

- une vraie brutalité dans les rapports humains : il a carrément insulté les chercheurs en les traitant de feignants, ce qu'il fait semble-t-il régulièrement avec ses collaborateurs si l'on en croit les échos hebdomadaires du Canard Enchaîné,
- une approche très superficielle des sujets basée sur une théorie simpliste du management que l'on peut résumer ainsi : chacun doit être rétribué en fonction de performances que l'on peut mesurer. Ce qui dans le domaine de la recherche donne : si les chercheurs ne travaillent pas plus (ce que l'on peut mesurer par le nombre de publications), il faut les sanctionner (leur confier plus d'heures d'enseignement). C'est la théorie du travailler plus pour gagner plus appliquée au monde de la recherche scientifique.

Que soient montés en première ligne dans la contestation de sa politique des représentants de discipline aussi différentes que le droit et les mathématiques n'est certainement pas un hasard. Ce sont en effet deux disciplines pour lesquelles la mesure par le nombre de publications est le mode d'évaluation le moins probant.

Du fait même de leur spécialité, les juristes publient surtout dans des revues francophones, les comparaisons internationales ont donc peu de sens. Quant aux mathématiciens, ils publient traditionnellement moins que leurs collègues d'autres disciplines (de 1 à 5 papiers par an en moyenne) et ceci pour de bons motifs qui mettent en évidence les biais de ce type d'évaluation :

- leurs papiers n'ont en général qu'un seul auteur alors que dans certaines disciplines, ils en ont souvent plusieurs, dont certains n'ont contribué à la rédaction que de manière marginale (il n'est pas rare de voir un directeur du labo signataire de papiers qu'il s'est contenté de relire),
- ils exposent souvent leurs travaux dans des conférences dont les actes ne sont pas publiés : leurs collègues sont informés de leurs recherches et de leurs avancées, mais il est impossible de les évaluer en tenant compte du seul nombre de publications,
- ils publient dans des revues très variées : revues de mathématiques, mais aussi de physique, de biologie, d'informatique, voire d'économie, ce qui rend l'analyse bibliométrique inefficace,
- l'écriture de papiers en mathématiques pose des problèmes très particuliers, ce qui explique que l'on trouve sur le site d'un très grand nombre de mathématiciens des conseils sur la meilleure manière d'écrire un bon papier.

Le fait même que les mathématiciens publient moins que les spécialistes d'autres disciplines ne veut évidemment pas dire qu'ils sont moins productifs, reste qu'à prendre le nombre de publications comme seul critère on risque de les pénaliser au regard de spécialistes d'autres disciplines dans lesquelles on publie plus. Ce n'est pas un hasard si plusieurs organisations mathématiques internationales ont mis en place un comité pour réfléchir à l'utilisation des données bibliométriques dans les sciences mathématiques. C'est, paradoxalement, chez les mathématiciens, ces spécialistes du nombre, que l'on trouve les critiques les plus vives de la biblioémétrie.

Nicolas Sarkozy a réussi l'improbable : unir deux disciplines que tout éloigne. Il a insulté les mathématiciens qui sont souvent ce qu'il y a de plus compétitif au niveau international dans nos universités et inquiété les juristes qui monnaient volontiers leurs compétences sous forme de consultations. C'est d'autant plus dommage que notre système n'est pas satisfaisant. Tout ce que l'on peut lire dans la presse sur les évaluations des enseignants-chercheurs en témoigne. Notre système repose sur un série de cliquets malsain. Il est très difficile de passer les étapes, mais une fois nommé maître de conférence, professeur… on peut prendre un peu de repos ou exploiter jusqu'à plus soif les quelques résultats obtenus dans ses premiers travaux comme l'indique l'examen des publications de certains sociologues du travail (y a-t-il vraiment matière à consacrer sa vie à l'analyse de la formation professionnelle comme certains font?).

J'ajouterai pour terminer qu'en intervenant à contre-temps et de manière aussi brutale, Nicolas Sarkozy a probablement mis à mort sa réforme de l'université alors que la plupart des intéressés étaient convaincus de l'intérêt de l'autonomie.

samedi, février 14, 2009

La situation échapperait-elle à Nicolas Sarkozy?

Sa dernière intervention télévisée a été une catastrophe. Tout le bénéfice de son activisme européen s'est évanoui. En métropole, chercheurs, enseignants et étudiants n'en finissent pas de se mobiliser, enhardis par les propos quasi insultants que le Président a tenus à l'égard des uns et les autres (en un mot : "tous des nuls"), dans les DOM, la situation ne fait qu'empirer alors que le gouvernement révèle de plus en plus de maillons faibles et que le secteur bancaire nous promet de nouvelles mauvaises nouvelles (difficultés annoncées de l'Ecureuil et des Banques populaires). En Europe, les tchèques s'autorisent l'insolence. Et ailleurs, ce n'est pas mieux : le cas Kouchner révèle le maintien des pratiques les plus détestables. Les nouvelles réformes annoncées sur le congé parental ne font même plus sourire : elles désespèrent ses plus fidèles partisans comme j'ai pu le constater ce midi.

Dieu merci il y a la crise, qui n'invite guère à descendre dans la rue. Sinon…

jeudi, février 12, 2009

Inflation : l'exemple d'un anti-cancéreux

Le Monde publie aujourd'hui un papier sur la hausse des prix des produits de premières nécessité, riz, pâtes… Je voudrais y ajouter ma petite pierre sur un créneau très étroit.

Depuis quelques mois, je suis un traitement anti-cancéreux avec un médicament, le Sutent, efficace mais très cher. La boite de 30 gélules valait jusqu'à présent, 5675,25€. Il était un peu absurde de vendre 30 gélules quand le traitement consiste en 28 jours de traitement suivi de 15 jours de repos et ceci ad libitum.

Pfizer, le laboratoire qui fabrique ce médicament, vient de remédier à cette absurdité et de modifier son emballage qui ne comprend plus aujourd'hui que 28 gélules vendues… au prix des 30. Soit une augmentation de 7% aux frais de la sécurité sociale (qui prend heureusement complètement en charge ce traitement). La gélule qui valait hier un peu plus de 189€ vaut aujourd'hui près de 203€. Il est vrai que ce médicament est, d'après ce que j'ai pu voir sur internet, vendu encore plus cher aux Etats-Unis (de l'ordre de 215$ la gélule). Il semble, cependant, qu'il soit vendu bien moins cher en Grande-Bretagne (de l'ordre de 118€ la gélule), mais je ne tiens cette information que d'un post dans un forum et elle gagnerait à être confirmée par d'autres sources, et au Canada (155€ la gélule, d'après cette étude).

lundi, février 09, 2009

Garde à vue à Paris un soir de semaine ordinaire

Il y a quelques jours le Monde a publié un long article sur les gardes à vue qui indiquait que 1% de la population française avait été mise en garde à vue l'année dernière. Je le comprends mieux aujourd'hui.

Deux de mes proches viennent de passer, l'un 42 heures, l'autre (une jeune fille qui ne pèse pas 45 kilos) 24 heures en garde à vue pour un incident que je qualifierais au mieux de mineur.

Deux jeunes gens sortent vers 11 heures du soir d'un cinéma à Paris. Quatre autres jeunes gens leur demandent des cigarettes qu'ils refusent de donner. Une altercation s'en suit. Trois voitures sont légèrement endommagées : rétroviseur cassé pour l'une, bosse sur le toit pour la seconde, peinture griffée pour la troisième. L'un des deux jeunes gens (celui qui a refusé de donner ses cigarettes) est mis à terre par ses adversaires, frappé à coup de pieds au visage (il lui reste un hématome sur le cou et des écorchures sur le nez).

La bagarre n'aura duré que quelques minutes, mais un témoin a appelé la police qui arrête un peu plus tard dans une rue voisine les deux victimes des coups. Ils sont menottés et emmenés au commissariat puis dans deux hôpitaux où le médecin accorde au premier trois jours d'ITT, à la seconde, 2 jours.

Pendant toute la procédure, les policiers sont aimables, presque sympathiques (rien à voir avec ceux décrits dans l'article du Monde). lls n'insultent ni ne frappent personne. Ils appellent la jeune fille "madame" et vouvoient tout le monde. Les cellules sont "correctes", la nourriture très médiocre, mais du moins sont-ils nourris. On leur prend, malgré leurs protestations, leur ADN. Et l'OPJ chargé de l'affaire constitue un dossier de plusieurs centimètres d'épaisseur.

Que penser de cet incident? Je me fais les remarques suivantes :
- l'incident s'est passé dans un quartier parisien très calme. Les policiers sont probablement trop nombreux et désoeuvrés (ils sont cinq à les avoir emmenés à l'hôpital) : il leur faut bien occuper leurs soirées,
- on a mobilisé des forces importantes (policiers, médecins, magistrat, avocat) pour un incident sans gravité qui méritait au mieux quelques minutes de dialogue, le temps de prendre les adresses des uns et des autres : n'y a-t-il donc pas plus grave? et quel est le coût pour la société (je me demande si l'ensemble de la procédure n'aura pas coûté plus cher que les quelques dégats occasionnés aux véhicules),
- on a encombré la justice puisqu'il va y avoir un jugement au tribunal d'instance dans quelques semaines,
- on a amélioré les statistiques (deux gardes à vue de plus, une affaire réglée), ce qui fera plaisir au ministre,
- on a appliqué le principe du "zéro tolérance", dont je découvre ce qu'elle signifie : l'absence de hiérarchie entre les faits graves et les autres,
- on a enfin créé deux fiches, enrichi le fichier des suspects potentiels, ce qui renforce ma conviction qu'il faut lutter contre le rapprochement des fichiers même si cela peut améliorer le travail de la police et de la gendarmerie.

Je suis sûr que les règles ont été respectées. C'est sur les règles que je m'interroge. Je ne suis semble-t-il pas le seul si j'en juge par ces échanges sur le Forum de la gendarmerie nationale.

samedi, février 07, 2009

Un nouveau délit : vendre l'Humanité sur un marché?

Seul jusqu'à présent le PC en a parlé, mais au royaume des libertés qui se perdent, voici un bel exemple : Lounis Ibadioune, un militant communiste, a été convoqué au tribunal de proximité pour avoir refusé de payer les 172€ d'amende dorénavant infligés à quiconque vend dans la rue une marchandise (en l'espèce L'Humanité) sans autorisation administrative. Le PC n'est plus ce qu'il était, mais on espère qu'il lui reste assez de forces pour obtenir l'abandon des poursuites et, surtout, la suppression de cette mesure qui visera, outre les vendeurs de l'Humanité, tous ceux qui vendent du muguet le 1er mai, mais aussi ces gosses qui vendent des fleurs sur le bord des routes, les SDF qui proposent à la sortie du métro des journaux…

vendredi, février 06, 2009

Nicoals Sarkozy prochain président d'Areva?

Un journalise a demandé hier soir à Nicolas Sarkozy s'il pensait à 2012 (comme s'il n'y avait pas d'autres questions à poser!). Il a répondu ne vouloir prendre aucun engagement sur une éventuelle candidature à un deuxième mandat. Il a précisé que son "métier est très difficile, qu'il faut beaucoup d'énergie, beaucoup de force pour le faire."

Tant qu'à l'interroger sur son futur, les journalistes auraient pu lui demander ce qu'il ferait s'il ne se représentait pas? Comme on ne l'imagine guère en conférencier (son français pitoyable et surprenant pour un avocat ne l'y incite certainement pas) et qu'on ne le voit guère plus terminer en agent de relations publiques pour Carla Bruni, que lui reste-t-il? La présidence de l'Europe? Mais cela ne dépend pas de lui. A défaut, je l'imagine bien se reconvertissant en présidant d'un grand groupe industriel à dimension mondiale comme Areva. Mais peut-être n'est-ce pas assez brillant pour un homme qui a montré qu'il savait viser loin et qu'il détestait l'ombre. Ceci en tout cas devrait inciter à regarder les décisions qu'il va prendre dans les mois qui viennent sous cet angle.

mardi, février 03, 2009

Casting ministériel

Le Monde indique ce soir que Lilian Thuram, le footballeur a été pressenti par l'Elysée pour devenir ministre. Etrange nouvelle qui confirme que Nicolas Sarkozy a de la composition de son gouvernement une vision assez originale. Il ne tente pas comme ses prédecesseurs de marier techniciens et poids lourds politiques (Delors et Mauroy, Védrine et Fabius, Breton et Douste-Blazy…), il construit une équipe qui associe professionnels de la politique (souvent jeunes et qui lui doivent leur carrière, comme Bertrand, Waucquiez, Pécresse…) et des vedettes actuelles ou à venir des médias (comme Kouchner, Dati, Amara…). L'image, la capacité à en construire une comptent autant que la compétence. Ce choix n'est pas sans avantages : il permet de donner du gouvernement une image de la France réelle, avec des enfants d'immigrés, des noirs… mais il indique aussi que les décisions importantes sont prises ailleurs, à l'Elysée ou dans le cabinet restreint qu'il a créé et qu'on a appelé G7, cabinet où ne figure aucune vedette médiatique (Xavier Bertrand, Brice Hortefeux, Luc Chatel, Laurent Wauquiez, Xavier Darcos, Eric Woerth, Nadine Morano).

PS Lilian Thuram donne au journal une interview très intéressante qui montre que tous les footballeurs ne sont pas des imbéciles.