vendredi, novembre 30, 2012

Question bête : mais où DSK va-t-il trouver 6 millions de dollars?

Un accord serait donc en vue entre DSK et Nafitassou Dialo. Il aurait accepté de lui verser 6 millions de dollars. Je ne sais que penser de cet arbitrage : cela fait cher de la fellation, mais la brutalité a un prix.  Est-il indexé sur la richesse de l'agresseur? sur sa réputation? ou sur la gravité de l'agression? Reste une question : où et comment va-t-il trouver l'argent maintenant qu'Anne Sinclair l'a quitté? Va-t-il vendre un appartement parisien (s'il en possède un)? Juste par curiosité, on aimerait savoir.

Droites éclatées : les deux visions stratégiques

S'il est une règle bien établie en politique, c'est que l'on fait en général la politique de ses adversaires. C'est Giscard d'Estaing qui, sur le plan des moeurs, a fait la politique qu'attendait la gauche. Ce sont les gouvernements socialistes successifs qui ont libéralisé, privatisé l'économie française et c'est aujourd'hui François Hollande qui s'attaque à la compétitivité. C'est paradoxal mais assez compréhensible : il est plus facile d'imposer des mesures souhaitables à son camp qu'à ses adversaires.

Nicolas Sarkozy a commencé son septennat sur cette même pente avant d'en changer radicalement avec le discours de Grenoble et la création d'un ministère de l'identité nationale. Que s'est-il alors passé? Cette chose simple : il a jugé que son principal adversaire n'était plus la gauche, mais le Front National qui montait dans les sondages et menaçait sa domination sur la droite (et sa réélection) et que c'était donc lui qu'il fallait combattre en collant à ses positions.

La bataille à droite aujourd'hui n'est que la conséquence de cette inflexion stratégique. Plus que deux politiques, il y a aujourd'hui à l'UMP deux visions : il y a ceux qui jugent, autour de Copé et des partisans de la droite décomplexée, que leur principal adversaire est le Front National et ceux qui, du coté de Fillon, continuent de penser que c'est la gauche. Les premiers n'ont qu'une ambition : récupérer les voix (et éventuellement les militants et cadres) du Front National, les seconds d'attirer à eux le marais centriste, ces cadres supérieurs qui votent socialiste.

La stratégie de la droite décomplexée conduit naturellement à des accords avec l'extrême-droite, leur modèle est Mitterrand qui a su, à force d'accords et de programmes communs, étouffer le PC. Mais elle n'est pas au bout de ses peines : le programme du Front National est aussi économique, anti-européen, protectionniste. La droite décomplexée osera-t-elle aller jusque là, au risque de se couper des "forces vives" (Medef, industriels…) ?

Celui de la droite "modérée" est tout différent : il s'agit de se tenir aussi éloigné que possible du FN pour ne pas effaroucher centre-droit et centre-gauche et attendre les échecs de François Hollande pour reprendre le pouvoir.

La difficulté pour la droite est qu'il parait difficile de concilier ces deux visions et qu'à se diviser elle risque de faire du Front National l'aimant-repoussoir de l'électorat de droite qui creuse encore un peu plus le fossé entre les deux tendances.

mercredi, novembre 28, 2012

Copé, Coppé, Coppet…

Arthur Goldhammer me fait gentiment remarquer que j'orthographie mal le nom du futur ex-Président de l'UMP. Et comme il est d'un naturel bienveillant, il se demande si je ne le confonds avec le groupe que fréquentait Benjamin Constant. Il ne croit pas si bien dire Si je ne pensais pas à Benjamin Constant, la confusion vient sans doute du chateau de Coppet dans le canton de Vaud que j'ai souvent vu dans ma jeunesse, chateau qui a accueilli Mme de Staël et, donc, Benjamin Constant.

Le chateau de Coppet aujourd'hui


Le chateau à l'époque de Madame de Staël


mardi, novembre 27, 2012

Exercice imbécile à The Economist

C'est The Economist ou, plutôt, sa filiale chargée de réaliser des sondages qui le dit, tel que rapporté par La Tribune : La France arrive 26e dans le classement des pays où il fait bon naître.

Mal classée, la France est devancée par la Belgique, le Chili ou Chypre... L'Hexagone tient toutefois son rang face au Royaume-Uni. 
On ne choisit pas sa famille… Ni son pays. Cela n’empêche pas The Economist Intelligent Unitde publier une étude des pays où il fait bon naître. Cet observatoire lié au magazine britannique The Economist a réalisé son classement en fonction de divers critères objectifs (espérance de vie, qualité des services de santé et éducatifs, taux de criminalité…) mais également plus subjectifs comme des enquêtes de satisfaction de la population. Enfin, le magazine économique a pris en compte les perspectives de croissance des deux prochaines décennies.

C’est la Suisse qui est arrivée en tête de ce classement. L’Australie arrive en seconde position, suivie de la Norvège, la Suède et le Danemark. La France, elle, n’arrive qu’à la 26e position, loin derrière l’Allemagne et les Etats-Unis (16e ex-æquo). Le Nigéria remporte, lui, la triste position de pire pays où il faut naître. Les pays émergents ne sont pas bien classés non plus. La Russie arrive en 72e position sur 80 pays. La Chine est 49e, l’Inde 66e et le Brésil 37e. 
Devant l’Hexagone, on retrouve des pays comme la Belgique (15e), le Chili (23e) ou Chypre pourtant détenteur de la plus mauvaise note de la zone euro après la Grèce. Les Français pourront toutefois se réjouir d’être mieux positionnés que les Britanniques (27e). 
Au royaume des imbéciles, où arriveraient donc les journalistes et analystes de The Economist? Sans doute assez haut. Ce n'est, bien évidemment, pas très grave,  mais rappelle tout de même que les journaux sont des entreprises commerciales, ce qui jette un léger voile sur leur jugement. 

UMP, tricheries massives du clan Coppé, tricheries locales chez Fillon

Si chaque jour apporte son lot de révélation, il semble bien que si les deux camps ont triché, ce n'est pas de la même manière. Il parait de plus en plus claire qu'il y a eu tricherie massive, généralisée et, probablement, organisée chez Coppé et simplement tricheries locales, improvisées chez Fillon.

Tout a été fait du coté de chez Coppé pour interdire la victoire de Fillon : gestion des fichiers d'adhérents, financement par le parti de la campagne du candidat, organisation des bureaux de vote, gestion des procurations… ce qui fait penser que cela a été organisé, voulu au plus haut niveau. Demain, peut-être, découvrira-t-on, un chef d'orchestre, un cabinet noir autour de Coppé chargé de cela. On apprendra ce qui s'est dit dans le secret de réunions consacrées à l'organisation de la campagne. Les séries télévisées américaines qui traitent de politique (The Good Wife) nous ont familiarisé avec les coups bas que les opposants d'un même parti pouvaient se porter. Cela pourrait y ressembler.

Reste à comprendre ce qui peut pousser des militants à s'engager ainsi si violemment. On comprendrait s'il ne s'agissait que de quelques individus, attachés à leur carrière, mais ce sont probablement des dizaines et des dizaines de militants pro-Coppé sans vraie ambition politique qui ont mis la main à la pâte. Dans le cas du PS, la tricherie pouvait s'expliquer par le rejet que suscitait Ségolène Royal chez beaucoup de responsables du parti. Il ne semble pas que ce soit le cas à l'UMP. Est-ce l'intensité de la compétition? Le sentiment que rien n'était joué malgré les sondages favorables à Fillon? le sentiment que cela n'avait pas d'importance? qu'une élection interne n'était pas une élection comme les autres? ou, de manière peut-être plus subtile, un habitus du coup d'Etat?

L'histoire de la droite est remplie de coups d'Etat, de putsch, depuis De Gaulle, en passant par Chirac, Balladur et Sarkozy. Le pouvoir s'y conquiert le sabre à la main. Et les militants n'ont-ils peut-être vus dans ces tricheries organisées massivement qu'une réédition de tous ces coups qui ont fait, au fil de l'histoire de ces 50 dernières années, leurs dirigeants.  Ils savent que la victoire vole au secours du plus hardi, que l'opinion, d'abord choquée, finit par se laisser séduire, que les militants du camp adverse cèdent rapidement au charme de l'audacieux. Reste que cette fois-ci l'audacieux a trouvé un adversaire coriace et hargneux, sûr de son bon droit qui ne semble pas décidé à céder. Et qui se trouve dans l'obligation d'aller au bout. Céderait-il maintenant qu'il passerait aux yeux mêmes de ses amis pour un lâche incapable de les mener au combat. Même chose pour Coppé. La solution ne peut venir que des entourages. Le premier qui cédera, qui marquera son envie d'en finir au plus vite quel qu'en soit le coût, amorcera la retraite de son champion. 

lundi, novembre 26, 2012

La droite s'est radicalisée trop tôt

Au début des années 80, la droite s'était radicalisée au lendemain de l'élection de François Mitterrand lorsque Madelin, Longuet, Devedjian et quelques autres, souvent issus de l'extrême-droite d'alors (Occident…), sont montés au créneau. Cette fois-ci, la droite s'est radicalisée alors même qu'elle était au pouvoir. D'où, sans doute, la défaite de Nicolas Sarkozy qui n'a pas su récupérer les voix qui s'étaient portées cinq ans plus tôt sur Bayrou.

Aujourd'hui, cette même droite est prise dans un combat suicidaire avec le Front National. Elle ne peut pas s'allier avec lui, au risque de voir ses troupes l'abandonner mais à tenter de le contrer exclusivement en visant sa clientèle,  celle des périphéries urbaines, elle choque et abandonne tous ceux, le centre-droit moderne, dynamique, habitant les grandes villes que le centre-gauche, façon Hollande, n'inquiète pas. Inquiète d'autant moins qu'il leur ressemble ou qu'il ressemble à ce qu'ils aimeraient être : conservateur et altruiste, ouvert et traditionnel, bourgeois et sensible, compétent et attentif aux autres, rigoureux et cool (a-t-on remarqué que François Hollande ressemblait terriblement au modèle même du bon manager tel que le décrivent les livres spécialisés?)… Cette bourgeoisie, pas forcément intellectuelle mais en général cultivée et bien insérée dans la mondialisation, ne peut, tant pour des motifs idéologiques que pour des raisons éthiques et économiques (égoistes), accepter les propos sur le pain au chocolat de Coppé. A trop vouloir combattre le Front National, la droite s'est coupée de son électorat naturel. Elle ne s'en remettra pas de sitôt.

dimanche, novembre 25, 2012

Copé-Fillon, un conflit entre deux postures morales

L'affaire de l'UMP ressemble tellement à une suicide politique que les bras en tombent. On a envie de dire qu'ils sont devenus fous, mais ce n'est certainement pas le cas, qu'ils ont perdu la tête, mais ils paraissent tellement rationnels qu'on en doute. Ce qui invite à se demander ce qui se passe dans leur for intérieur et dans celui de leurs conseillers et partisans. Comme ce sont des gens intelligents, je suis sûr qu'ils voient bien dans quelle aventure catastrophique ils se sont l'un et l'autre engouffrés, sans doute par maladresse (la première de ces maladresses et la principale étant certainement l'annonce anticipée de sa victoire par Copé), dans ce qui est une catastrophe pour l'un et l'autre, pour leurs amis, pour leur parti, pour la démocratie (comment demain croire au souci du bien commun des politiques quand on les voit se battre de cette manière?). Mais ils ne peuvent faire autrement. Ils savent qu'ils font une bêtise mais ils la font et ils mesurent toute la stupidité de leur comportement en même temps qu'ils s'enfoncent.

Aristote avait un mot décrire ce type de comportement : akrasia, que les scolastiques ont traduit par incontinens qui a donné notre incontinence, concept qui a beaucoup intéressé les philosophes anglo-saxons des années 60 qui parlaient, de manière un peu trompeuse, de faiblesse de la volonté (weakness of will). J'ai longtemps pensé, sans avoir le moindre début de preuve, que cet intérêt était lié au spectacle de camarades incapables de se défaire de la drogue (le texte de Donald Davidson sur le sujet, How is weakness of will possible, date de 1969). Ce n'est certainement pas la drogue qui a brouillé le jugement de Fillon et Copé mais plutôt le sentiment de l'injustice pour l'un et celui d'avoir le droit de son coté pour l'autre.

Ce ne serait donc plus l'ambition qui les guiderait dans leurs actions, ambition dont leurs comportements rend la réalisation bien improbable, mais des sentiments moraux, celui du juste et celui du bon droit, du respect de la règle, qui ne sont pas rappeler ceux qui amènent les enfants à résister à leurs parents quand bien même ils savent qu'ils ne l'emporteront pas. En ce sens, ils me rappelle les comportements de ces salariés licenciés qui, plutôt que de tirer un trait et chercher un nouvel emploi, se lancent dans une grève de la faim ou dans des actions extrêmes.

Le plus étonnant est que rien ni personne n'ait su les arrêter. Faut-il le rappeler? dans une situation voisine, Ségolène Royal avait su jeter l'éponge. Peut-être parce qu'elle avait plus confiance en son étoile que les deux prétendants à la direction de l'UMP.

jeudi, novembre 22, 2012

Mais qui sont ces militants UMP?

Il y a (il y aurait?) 300 000 militants à l'UMP. Plus de 150 000 sont allés voter. Tout cela est plutôt surprenant : quels motifs ont pu conduire 300 000 personnes à s'engager et à militer (ce qui prend du temps) dans un parti qui était depuis dix ans au pouvoir et qui n'a jamais prisé les débats? Que venaient-ils donc y chercher. On devine que certains venaient faire carrière, nouer des contacts, briguer des postes, mais 300 000… cela parait beaucoup.

Que ces militants, exaspérés par des années d'anti-sarkozysme ambiant, aient développé des réflexes pro-sarkozystes est naturel, qu'ils soient plus à droite, plus "décomplexés" que les électeurs de droite est également logique, mais pourquoi militent-ils dans un parti qui ne sollicite ses membres que lors des campagnes électorales? Le plaisir d'afficher son opinion? le désir de résister à la modernité?

Ils ont voté, se sont divisés, ont découvert, probablement effarés, la médiocrité et l'ambition désespérément nue de leurs dirigeants. Continueront-ils de se comporter comme des godillots que l'on ne convoque que pour faire la claque lorsqu'un ministre passe dans leur région? Vont-ils, écoeurés, déserter leur parti? ou, déterminés, faire entendre leur voix? Et pour dire quoi? Pour défendre quelle politique? S'ils se sont divisés sur le choix de leur Président, ils le sont plus encore sur celui des motions.

On nous dit (et l'on voit sur les photos) qu'ils sont âgés, plutôt de genre masculin, et d'allure bourgeoise genre catho de province, assez éloignés en somme de ce peuple des zones péri-urbaines, de ces classes moyennes que les nouveaux idéologues de l'UMP, Peltier et Didier, les deux têtes de liste de la motion la droite forte, veulent séduire. Se reconnaissent-ils dans ce peuple des pavillons trop souvent tenté par l'abstention, le populisme ou le vote Front National? Sont-ils prêts à sauter le pas et à voter pour des candidats d'extrême-droite? Et comment les futurs dirigeants du parti, pro-européens, partisans du libre-échange, hostiles à toutes formes de protectionnisme s'arrangeront-ils de militants qui auront pris, mascarade électorale aidant, un peu plus d'autonomie?

Au delà du cirque à la tête de l'UMP, il y a toutes ces questions qui affecteront durablement le sort d'une droite que Nicolas Sarkozy aura laissée en état de décomposition avancée. 

Mariage homosexuel, polygamie, inceste : quand les évêques disent n'importe quoi

Le mariage homosexuel, dont j'ai déjà parlé ici (sur les évolutions du mariage) et (sur l'adoption), aura révélé ce que l'appareil intellectuel de l'église et d'une bonne partie de la droite peut avoir de vétuste et de figé. Les propos de Monseigneur Barbarin sur la polygamie et l'inceste témoignent d'une vision de l'histoire  tragique et d'une bien mauvaise connaissance de notre société.

On se souvient que le cardinal et archevêque de Lyon avait déclaré
Un mariage, c'est un mot qui veut dire rempart, pour permettre au lieu le plus fragile de la société, c'est-à-dire une femme qui donne la vie à un enfant, que toutes les conditions soient établies pour que ça se passe dans les meilleures possibilités.
Après, ça a des quantités de conséquences qui sont innombrables. Après, ils vont vouloir faire des couples à trois ou à quatre. Après, un jour peut-être, l'interdiction de l'inceste tombera.
Et ceci sans le moindre sourire mais avec quelque chose d'un peu déplaisant et de plutôt inquiétant  dans la manière de s'exprimer, de bouger que n'excuse pas son peu d'expérience des médias audiovisuels :


Pour ce prélat comme pour tous ses opposants, cette loi fera tomber les remparts qui nous protègent de la barbarie et est l'amorce d'une chute sans fin vers l'anomie, l'absence de règles, de normes. Comme s'ils ne savaient pas que les normes sociales évoluent, changent. Des comportements qui étaient hier stigmatisés sont aujourd'hui acceptés. D'autres qui choquaient hier sans vraiment scandaliser sont devenus intolérables. Je pense aux violences sexuelles et conjugales, au harcèlement moral et, surtout, à la pédophilie (voir ce que j'écrivais ici même il y a trois ans sur l'évolution de la norme en la matière).

Prétendre que le mariage pour tous est la porte ouverte à toutes les dérives est tout simplement ignorer le jeu subtil de normes en perpétuelle évolution.

Faut-il pour autant exclure que se réveillent demain des revendications en faveur de la polygamie ou de la polyandrie? Oui. D'abord, et tout bêtement, parce que, à l'inverse de ce qu'avance l'archevêque, personne n'en fait la promotion, pas même ceux qui sont de fait polygames dans nos sociétés. Bien au contraire, les immigrés venus de régions dans lesquelles ces pratiques existent les abandonnent chez nous et leurs enfants ne souhaitent certainement pas les reprendre. Et pour cause.

La polygamie qui reste très minoritaire dans les sociétés qui la pratiquent encore (pas plus de 5 à 10% des hommes ont plusieurs femmes dans ces sociétés) s'est développée et se maintient dans des environnements sociologiques très différents du notre : c'est une partie intégrante du système patriarcal où la possession de plusieurs femmes est une marque de prestige et de puissance et une manière de nouer des alliances multiples(qui peut dire cela de notre société?). Dans le monde musulman médiéval, son développement a été lié à un déséquilibre démographique entre hommes et femmes et la multiplication de veuves avec charge d'enfants qu'elles ne pouvaient, faut de ressources, nourrir, comme l'indique la sourate 4, verset 3 du Coran : 
Et si vous craignez de n'être pas justes envers les orphelins... Il est permis d'épouser deux, trois ou quatre, parmi les femmes qui vous plaisent, mais, si vous craignez de n'être pas justes avec celles-ci, alors une seule, ou des esclaves que vous possédez. Cela afin de ne pas faire d'injustice (ou afin de ne pas aggraver votre charge de famille).
On en est bien loin.

Quant à ceux et celles qui vivent plusieurs aventures amoureuses en parallèle, qui peut imaginer une seconde qu'ils voudraient institutionnaliser ce qu'ils vivent aujourd'hui clandestinement. Il faut ne jamais avoir rencontré un homme marié à plusieurs femmes ou une seconde ou troisième épouse pour imaginer que cela puisse devenir une revendication. C'est pour les uns et les autres, l'enfer, la jalousie et les récriminations permanentes. Certains peuvent souhaiter décriminaliser la polygamie pour protéger les épouses déjà dans cette situation, mais de là à la légaliser il y a un pas que rien, dans notre société n'invite à franchir (Le sujet a fait l'objet d'un débat entre universitaires en 2006 au Québec dont on trouvera ici trace). La crainte qu'exprimait le Cardinal est purement imaginaire.

Quant à l'inceste…Maurice Godelier, grand spécialiste de cette question, il a dit l'essentiel il y a quelques jours dans un entretien au Monde :
C'est une condition universelle de toute société. Si les familles se reproduisaient par elles-mêmes, la société ne pourrait pas exister. Le tabou est un élément producteur de la société, transféré à tout individu et intériorisé par chacun, hétérosexuel comme homosexuel. Ces fantasmes sont grotesques. Il n'y aura pas plus d'inceste chez les homos que chez les hétéros.

mercredi, novembre 21, 2012

UMP : ce n'est plus de la haine…

Hier, on pouvait penser que l'UMP se déferait lentement, des élus allant lentement rejoindre l'UDI de Borloo, lentement parce que freinés par l'inimitié entre Borloo et Fillon. Là, avec ce nouvel épisode qui voit les partisans de Fillon contester l'élection de Copé, on s'achemine vers tout autre chose : la cassure de l'UMP et la constitution, à coté de l'UMP de Copé (canal historique?) d'une UMP nouvelle autour de Fillon, Wauquiez, Pécresse, Cioti. Ce qui conduirait à une droite éclatée en quatre mouvements concurrents visant la même clientèle : le FN, l'UMP décomplexée, une droite vaguement sociale et l'UDI. Tout le contraire de ce qu'avait réussi Sarkozy. Une éventualité qui prendra d'autant plus de consistance que le Parlement votera l'introduction d'une dose de proportionnelle, ce qui devrait faciliter l'émiettement, en donnant à chacun une chance d'avoir des élus au Parlement.

Une bonne nouvelle pour Hollande? Sans doute même s'il peut craindre que ces quatre partis se lancent dans une course à qui sera le plus critique. Reste que l'on se demande ce que les uns et les autres ont fait de leur sens politique…

Le mariage a tant évolué en trois générations…

Les récents propos de François Hollande font hurler les partisans du mariage homosexuel. Bien à tort. Il n'a fait qu'acter ce qui se produira lorsque le texte sera voté : les maires hostiles délégueront la cérémonie à un adjoint plus libéral. Ce faisant, François Hollande a voulu décrisper l'atmosphère. Il a eu raison. Et tous ceux qui, comme Noël Mamère, montent sur leurs grands chevaux feraient mieux de répondre aux opposants, de leur opposer des arguments. Car il y en a plusieurs.

Dans un post récent, j'indiquais qu'on avait de bonnes raisons de penser que l'adoption dans des familles homoparentales pouvait mieux se passer que dans des familles "normales". On pourrait également opposer aux adversaire du mariage pour tous, l'évolution rapide de cette institution. Il a suffi de trois générations pour qu'elle change complètement d'allure.

Je ne suis en rien un spécialiste de ces questions, mais il me suffit de regarder le cas de ma famille. Mes grands-parents avaient une famille élargie. Vivaient chez eux, leurs trois enfants, un oncle fauché qui faisait office de chauffeur, une nièce orpheline qui gardait les enfants et plusieurs domestiques. Famille rurale traditionnelle transposée dans une petite ville.

Mes parents illustraient à merveille la famille nucléaire : deux parents, deux enfants.

Ma génération a inventé la famille recomposée où l'on se retrouve parent des enfants de son conjoint.

Trois générations, trois modèles différents.

Le mariage pour tous n'est qu'une nouvelle évolution de cette institution. Prétendre que la famille nucléaire est un modèle inscrit dans le marbre est donc une ânerie que chacun peut éviter de répéter en regardant autour de soi ou en interrogeant son histoire familiale mesurer l'inanité.

Ces transformations sont liées à des phénomènes sociologiques, aux migrations qui ont conduit les enfants des familles élargies à s'installer dans de grandes villes où ils n'avaient que peu contacts et aux logements plus petits. Au travail des femmes, à la contraception, à l'allongement de la durée qui ont contribué à l'éclatement de la famille nucléaire. Aujourd'hui, c'est la plus grande tolérance à l'égard de l'homosexualité, sa banalisation qui rend naturel cette revendication d'un mariage pour tous.

Il se fera. Concernera-t-il beaucoup de monde? Ce n'est pas certain tant les tendances lourdes de notre société nous orientent vers le célibat (40% de la population hexagonale, à Paris un logement sur deux est occupé par une personne seule) qui se généralise et entraine de nouvelles formes de sociabilité qui n'ont, nous disent les sociologues, pas grand chose à voir avec la solitude. Mais il y a quelque chose d'un peu paradoxal, d'ironique, à voir les homosexuels qui ont été les pioniers de notre civilisation de célibataire en pointe dans le débat pour défendre une institution que l'on pensait en déshérence.


mardi, novembre 20, 2012

Et si les familles homoparentales étaient plus aptes à adopter des enfants?

Et si mieux valait que les enfants soient adoptés dans des familles homoparentales? La question peut paraître un peu farfelue, et cependant… le débat sur l'adoption par les familles homoparentales fait abstraction de ce qui se passe dans tant de familles "normales" qui adoptent.

On gagnerait à s'interroger sur l'adoption et sur ses multiples échecs qui tiennent, pour une part, au hiatus entre des enfants abandonnés qui se méfient de tout geste d'attachement excessif et les familles qui les adoptent. et sont, du fait même du long et douloureux parcours qui les a conduites à l'adoption (découverte de la stérilité de l'un des deux partenaires, gymkhana administratif), dans l'attente de gestes d'attachement que ces enfants refusent. Un désir de maternité exacerbé conjugué à une réserve à l'égard de gestes d'amour est à l'origine de beaucoup de déception et d'échecs..
Ces enfants, écrivent deux spécialistes, Nicole Guedeney et Claire Dubucq-Green, n’arrivent pas vierges, prêts à s’attacher à des parents nouveaux. Ils ont pu développer, au contraire, une profonde méfiance à l’égard de toute personne censée les protéger. De nombreux auteurs soulignent les difficultés énormes que peuvent vivre les parents face aux troubles du comportement ou aux attitudes que présente leur nouvel enfant, surtout au début de l’adoption, justement parce que celle-ci active dramatiquement le système d’attachement de l’enfant, placé dans une situation inconnue, face à des inconnus, et qu’elle peut réveiller les protections habituelles de l’enfant que les nouveaux parents ne peuvent pas toujours comprendre. (Adoption, les apports de la théorie de l’attachement, Enfance et Psy, n°24, 2009)

Or, la situation des familles homoparentales est toute différente. Les enfants qu'elles accueillent ont bien des réserves quant aux gestes d'attachement, mais ils entrent dans des familles qui n'ont pas connu l'échec de la stérilité et dont les membres (mère ou père) n'ont pas un désir d'enfant exacerbé par les échecs à répétition de tentatives de conception.

Il n'est, en ce sens, pas impossible que l'adoption par des familles homoparentales se passe mieux que l'adoption par des familles dites "normales" et qui ne le sont pas tant que cela.

lundi, novembre 19, 2012

UMP : la comparaison avec le PS est trompeuse

Il est tentant de comparer le fiasco de l'UMP à ce qui s'est produit à Reims entre Ségolène Royal et Martine Aubry. Sur le respect des règles démocratiques élémentaires, il y a de quoi et personne n'a de leçon à donner. Il semble bien que nos politiques soient à peu près aussi vertueux que nos sportifs : dés qu'ils en ont l'opportunité, ils n'hésitent pas à tricher (mais sont-ils les seuls : ne rencontre-t-on pas pareilles pratiques dans toutes les associations et organisations où l'on vote?).

Il y a cependant une différence majeure entre ce qui s'est produit au PS et ce que vit aujourd'hui l'UMP : la fracture au PS portait sur des personnalités, beaucoup ne voulaient pas, ne voulaient plus de Ségolène Royal qu'ils considéraient comme incontrolable, mais si différences politiques il y avait entre les deux candidates, elles étaient mineures et tout sauf insurmontables. Dans le cas de l'UMP, c'est différent. Au delà de la bataille des egos, il y a un projet politique différent. Copé, proche en cela des militants, a choisi de se rapprocher dangereusement du Front National et de ses thèmes. Fillon, plus sensibles aux attentes des électeurs de droite est resté plus mesuré, plus fidèle à la ligne de Chirac. Et cette fracture politique ne va pas disparaître. Bien au contraire, elle devrait se creuser alors qu'à la droite comme au centre, on devine des candidats à la reprise d'une partie des troupes déboussolées de l'UMP. Le FN ne tardera pas à faire des appels du pied aux élus et aux militants proches de Copé et Borloo fera de même avec tout ce que ce parti compte d'anciens MRP, UDF, humanistes.

Il est peu probable que l'UMP explose immédiatement, ils ne sont pas à ce point suicidaires (encore que leur comportement de ces dernières heures pourrait le faire penser), mais elle devrait subir une lente érosion avec des élus insistant, d'un coté, pour des alliances avec le FN et, de l'autre, pour un rapprochement avec les centristes. Beaucoup dépendra des situations locales, de la puissance du FN, de la sensibilité des élus de droite… mais cette élection ratée pour cause de division profonde des militants laissera des traces profondes, bien plus qu'au PS où, une fois évacuées les blessures d'ego, tout a pu repartir. 

dimanche, novembre 18, 2012

UMP : tout simplement grotesque

La droite a devant elle un boulevard : chute de François Hollande et Jean-Marc Ayrault dans les sondages, crise économique qui n'en finit pas, presse internationale qui montre à l'offensive contre le pouvoir socialiste… et malgré tout cela, elle réussit à se prendre les pieds dans le tapis, à se ridiculiser et à se rendre inaudible. On parlait hier de la droite la plus bête, nous avons certainement la plus maladroite.

The Economist parle (plutôt mal) de la France

Le cahier spécial que The Economist a consacré à la France a fait couler un peu d'encre de ce coté-ci de la Manche. Il est vrai que le titre n'y allait pas par quatre chemins : The time-bomb at the heart of Europe et que les illustrations n'étaient guère plus aimables. Il y a les baguettes transformées en explosif :



Il y aussi une photo drôle de François Hollande lisant l'heure sur son poignet alors que sa montre s'est retournée.

Un passage de l'éditorial pouvait effectivement énerver à Paris :
So far investors have been indulgent of France; indeed, long term interest rates have fallen a bit. But sooner or later the centime will drop. You cannot defy economics fot long.
Le journal aurait voulu appeler les marchés à sanctionner la France qu'il ne s'y serait pas pris autrement. Mais on peut penser 1) que les marchés ne se fient pas seulement aux avis des journalistes de The Economist pour prendre leurs décisions et, 2) qu'ils ont lu dans le détail le dossier et qu'ils ont mesuré la faiblesse de leurs analyses.

Ce dossier n'est pas mal fichu. Il est bien renseigné, bien présenté et fait un résumé assez exact de ce que l'on peut lire sous la plume des éditorialistes de droite genre Nicolas Baverez. Il y ajoute une aversion déclarée pour la taxation à 75% au delà de 1 millions d'€, quelques niaiseries, comme celle-ci :
Even today there are not many more visitors to the Massif Central than in the days when Robert Louis Stevenson was travelling with his donkey through the Cévennes in 1878.
quelques bêtises, pour rester dans l'euphémisme, comme ici :
One business woman says that the rich are now stigmatised in the way the Jews were 70 years ago.  
quelques clichés comme celui sur le refus des Français de changer.

D'un journal réputé, on attendait des analyses un peu plus fines. Pas un moment, on ne cite la récession en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne qui peut expliquer une partie des difficultés du commerce extérieur français. Nulle part, il ne s'interroge sur la résistance de la France à la récession. N'est-ce pas pour partie lié aux amortisseurs sociaux, à ces réglementations qui freinent les licenciements dans les périodes de crise et évitent l'effondrement de la consommation? La question méritait au moins d'être posée.

Le journal souligne à juste titre l'absence d'entreprises de taille intermédiaire en France. Mais son explication par le seuil des 50 salariés (au delà duquel il faut créer un comité d'entreprise) est un peu courte. Pourquoi les entreprises qui ont passé ce seuil ne grandissent-elles pas plus? Un coup d'oeil sur une carte de l'industrie française l'aurait éclairé : la plupart des entreprises de taille moyenne sont dispersées sur le territoire, installées dans des petites villes où elles ne trouvent aucune des ressources (compétences, services…) nécessaires à leur croissance.

Le journal indique, ce que peu de gens savent, que les inégalités, telles que les mesure l'index Gini,  bien loin de progresser ont reculé en France depuis les années 80. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose? Pourquoi?

Un dossier décevant donc qui confirme ce que l'on savait : les britanniques, les journalistes de The Economist sont très hostiles à l'euro. Ce n'est pas un scoop, ils l'ont toujours été. Cette fois-ci ils ont utilisé la France pour mener leur combat. Il n'y a pas de quoi s'inquiéter plus que cela. D'autant que tout cela a, d'après les Echos, un air de campagne publicitaire : un journal, c'est aussi un produit qu'il faut vendre (aux décideurs français que le dossier caresse dans le sens du poil)

mercredi, novembre 14, 2012

Hollande devait réussir sa conférence de presse pour être obéi

Hollande a réussi sa conférence de presse. Il devait la réussir non pas pour rassurer l'opinion, qui ne l'aura sans doute guère été tant son ton a été grave et ses annonces d'un chômage appelé à durer pénibles, mais sa prestation a remis à leur place, celle d'exécutants de sa politique, ses ministres et, surtout, les hauts-fonctionnaires qui se sentaient autorisés, au vu des unes de la presse toujours plus dures, à trainer des pieds, à jouer la montre à chaque annonce de réforme.

François Hollande n'est pas le premier à s'être heurté à l'inertie de la haute fonction publique. Tous les présidents et premiers ministres ont connu cela, à commencer par Nicolas Sarkozy qui n'a pas su la faire travailler comme il souhaitait, d'où sans doute sa brutalité.

Les ministres sont importants mais ils ne peuvent rien sans leur administration or celle-ci est en général tentée par l'attentisme, surtout depuis que le quinquennat a délié le lien qu'il pouvait y avoir entre les carrières des politiques et celles des hauts-fonctionnaires appelés à rester longtemps dans les mêmes bureau. La haute fonction publique est d'autant plus tentée par l'immobilisme qu'elle sent le pouvoir hésitant, fragile, plus occupé à débattre de politique qu'à traiter les dossiers. Et c'était ce qui se produisait depuis quelques semaines : on trainait des pieds dans les couloirs des ministères, on s'interrogeait sur la volonté des uns et des autres, sur la possibilité de faire revenir le pouvoir sur ses positions. C'est probablement fini.

De ce point de vue,  Manuel Valls en commettant cette étrange bourde sur le terrorisme a rendu un fier service à François Hollande. Il lui a permis de réagir à chaud, de montrer son autorité, sa manière courtoise mais ferme de s'imposer. Idem pour ses propos sur les personnalités de la société civile appelées, malgré tous leurs talents, à rester dans la société civile. Il lui fallait recadrer ses troupes. C'est fait. 

Anna Cabana ou le journalisme du valet de chambre

Anna Cabana, journaliste du Point, célèbre pour ses livres scandale sur Cecilia Sarkozy, Valerie Trieweler et quelques autres a consacré sa chronique matinale sur France Inter à la cravate de François Hollande. Il parait qu'elle ne tenait pas droit hier et que c'était bien la seule chose remarquable dans la conférence de presse de François Hollande. Ce qui m'a fait penser à ce beau texte de Michel Bosquet écrit il y a plus de ving ans que Mediapart vient de publier dont cet extrait montre que cette jeune journaliste n'innove en rien en s'en prenant à la cravate du Président :
Et il en allait de même du journalisme dit personnel que Jeannot avait pratiqué avec brio pendant quelque temps : ça consistait à rapporter avec dérision les paroles et les gestes de grands personnages, selon la technique du valet de chambre : vous contestez les propos élevés du personnage par la description de leur cravate, du mouvement de leurs doigts et des ratés de leur parole : encore la caméra.
 Sur la conférence, on aura noté l'autorité, la fermeté, la précision des propos (sauf sur le crédit d'impôt aux entreprises dont l'explication m'a paru tout à la fois empruntée et peu convaincante), la façon aimable mais directe de rappeler à l'ordre Manuel Valls et le recadrage tout aussi aimable et ferme des personnalités de la société civile qui se sentiraient pousser des ailes. Seul bémol, mais de taille : si l'on comprend bien que proposer une loi sur le vote des immigrés qui n'a aucune chance d'aboutir serait une sottise, il y a de la paresse ou de la lâcheté à ne pas s'engager pour faire évoluer l'opinion. 

mardi, novembre 13, 2012

Publications scientifiques : drôle de dérive…

Il y a quelques chose de rafraîchissant et d'un peu inquiétant à lire des articles d'économie ou de sociologie publiés dans les années 70 dans les revues savantes (AER, JPE…). Rafraichissant parce que l'on comprend ce que veut dire l'auteur, ce qui n'est pas toujours le cas des articles les plus récents, et inquiétant parce que l'on se dit que beaucoup, même parmi les plus importants, ne seraient plus acceptés par ces revues dont les normes de publication se sont considérablement compliquées.

Il y a aujourd'hui des formats très stricts à respecter dont on peut se demander s'ils contribuent vraiment à l'enrichissement de nos connaissances. Il faut, par exemple, justifier absolument toute information d'une référence, d'où une explosion des bibliographies (et des références à des auteurs récents, collègues…) dont on se demande parfois si l'auteur les a vraiment lus.

Je ne sais de quand datent  ces évolutions, des années 80, d'un peu plus tard peut-être, mais elles me semblent correspondre à une double évolution de la littérature scientifique dans ces disciplines :
- une mathématisation qui rend très difficile, pour ne pas dire impossible pour qui n'y consacre pas de longues heures, l'évaluation des raisonnements,
- et une diffusion beaucoup plus large de ces textes qui ne sont plus réservés aux seuls spécialistes mais consultés par hauts-fonctionnaires, journalistes…

D'où un paradoxe : plus c'est difficile, plus c'est lu. Paradoxe que ne pouvait résoudre qu'une transformation des pratiques de lecture : plutôt que de lire, comme on faisait autrefois, le texte d'un article in extenso, on se contente d'en lire le résumé, l'introduction et la conclusion. On lit, aujourd'hui les articles d'économistes ou de sociologues comme on lit des brevets, en allant directement à quelques passages soigneusement signalés (introduction avec annonce du contenu des différentes parties, conclusion et bibliographie).

Ces évolutions ont accompagné une concurrence accrue pour être publié. La plus petite école de commerce propose à ses professeurs des primes représentant parfois plusieurs mois de salaire pour le moindre article publié dans une revue classée. D'où une inflation des articles proposés et… des revues qui se créent toujours plus nombreuses et qui se spécialisent  sur des créneaux de plus en plus étroits (combien de revue sur le seul et très minuscule thème des business ethics, pour ne prendre que cet exemple?). Avec pour seul résultat que plus personne ne lit personne.

Mais quelle importance puisque cette production ne se traduit moins par une augmentation des connaissances produites que par la multiplication de discussions oiseuses qui ne sont pas sans ressembler aux débats passionnés des scolastiques sur la vertu dormitive de l'opium ou le sexe des anges…




samedi, novembre 10, 2012

L'Express, Le Point, imprimeurs de tracts UMP

La campagne de lUMP laisse l'opinion indifférente, ses militants s'épuisent dans des luttes stériles pour savoir qui portera ses couleurs en 2017. Peu importe, L'Express et le Point sont là pour distribuer gratuitement ses tracts. Depuis des mois, ces deux magazines multiplient les unes si hostiles à François Hollande qu'on peut se demander s'ils ne sont pas lancés dans une entreprise de démolition systématique du nouvel élu.

Ces Unes qui s'étalent sur tous les kiosques de France et sont naturellement vues par bien plus de citoyens que les tracts que les militants UMP pourraient distribuer sur les marchés le dimanche matin.





On peut se demander pourquoi ces journaux mitraillent ainsi systématiquement le Président? Opinion politique? C'est possible pour le Point qui est officiellement un journal de droite. Ce l'est moins pour l'Express qui avait fait de même avec Sarkozy. Est-ce offensive délibérée réalisée à la demande des propriétaires de ces journaux? Dans le cas de l'Express qui appartient pour partie à un groupe belge, c'est peu probable. Ce n'est guère plus plausible pour le Point dont le propriétaire, François-Henri Pinault, ne passe pas pour spécialement interventionniste. On peut avancer une autre hypothèse : la volonté des dirigeants de ces hebdomadaires de créer des dossiers à charge qui leur permettent de vendre plus de papier en ville (parce que les journaux sont aussi des entreprises qui se soucient de leur chiffre d'affaires). Ce ne serait pas une première. Il y a quelques mois le Point de Frantz-Olivier Giesbert avait monté un lourd dossier sur la grande distribution dont l'objectif était manifestement de faire un coup.


Il en va aujourd'hui sans doute de même avec ces unes répétées contre Hollande. Est-ce efficace en matière de vente? Il semble que ce soit le cas puisque les ventes de ces deux magazines sont, d'après l'OJD, un peu meilleures cette année que l'année dernière alors même que les ventes du reste de la presse magazine s'effondrent. Tant qu'il en ira ainsi, ces deux magazines feront dans le "Hollande bashing". Une stratégie qui ne fonctionne pas forcément pour tous les journaux comme le soulignait il y a quelques semaines Le Monde : les journaux de gauche qui s'y essaient hérissent leurs lecteurs plus qu'ils ne les séduisent. 




jeudi, novembre 08, 2012

Les succès de Ferrari, Hermès : plutôt de mauvais signes

Les entreprises de luxe se portent bien, très bien. C'est vrai de Ferrari, ce l'est d'Hermés qui annonçait il y a quelques jours :
A fin septembre, le chiffre d'affaires consolidé du groupe atteint 2 440 M€ et progresse de 22,7% à taux de change courants (+15,5% à taux de change constants). Au troisième trimestre, la croissance des ventes atteint 24,2% à taux de change courants (+15,7% à taux de change constants). Dans les magasins du groupe, la progression des ventes demeure remarquable (+16,8% à taux de change constants), en dépit d’une base de comparaison élevée.
Aussi étrange que cela puisse paraître c'est probablement mauvais signe. Cela veut, d'abord, dire, que les inégalités continuent de se creuser, cela suggère ensuite que les plus riches, plutôt que d'investir dans des activités rentables, consomment faute de confiance dans l'avenir.  Quand on est riche et qu'on n'a pas confiance, on met son argent à l'abri ou on le gaspille.

Raisonnement tiré par les cheveux? Peut-être mais le Portugal de Salazar était le meilleur marché de Rolls Royce. Un hasard?

Hollande ou l'art de la synthèse

C'est le gouvernement qui a présenté le programme du gouvernement en matière de compétitivité, mais celui-ci incontestablement la marque de Hollande, cette capacité à écouter attentivement les uns et les autres, à construire une solution qui sache répondre aux attentes des uns et des autres. Ce qu'on appelait lorsqu'il était à la tête du PS son art de la synthèse et qu'il faudrait apprendre à appeler autrement. C'est du grand art qui n'a pas grand chose à voir avec cette ambiguïté que l'on a tant reproché à François Mitterrand. C'est une manière de calmer le jeu, de trouver une solution qui donne à chacun du grain à moudre.

Les organisations patronales voulaient une réduction du coût du travail, il leur offre un crédit d'impôt de 20 milliards. Les syndicats ne voulaient pas de réductions des cotisations sociales qui menaçaient de mettre à mal le financement des allocations familiales et de l'assurance maladie, il finance ces 20 milliards par une augmentation de la TVA et une réduction des dépenses de l'Etat.

Quant à la droite qui avait construit toute sa critique de la séquence sur l'abandon du rapport Gallois, elle est bouche bée.

C'est habile et tout le monde peut se dire satisfait. Les seuls qui seraient en droit de protester sont ceux qui ont cru qu'il ne toucherait pas à la TVA comme il l'avait avec tant de force annoncé et ceux (dont je suis) qui espéraient une refonte plus radicale du mode de financement des allocations familiales et de l'assurance maladie. Mais comme il s'agit, en général, de gens qui ont voté pour lui, leur pouvoir de nuisance est faible. Hollande illustre une nouvelle fois cette règle qui veut que les premiers déçus d'un Président sont ceux qui ont voté pour lui.

C'est habile, mais est-ce que cela suffira? Il faudrait, pour cela, 1) que les partenaires sociaux qui ont aujourd'hui toutes les raisons d'être satisfaits lui renvoient demain la balle en signant un accord sur la réforme du marché du travail. On n'y est pas. Et, 2) que le gouvernement trouve le moyen de réduire de 10 milliards ses dépenses sans affecter la qualité des services offerts aux Français. Il lui faudra faire de gros efforts d'imagination, à moins qu'il se décide à tailler dans des aides qui servent surtout aux grandes entreprises qui investissent en priorité à l'étranger.

mardi, novembre 06, 2012

Compétitivité : le rapport Gallois, suite

Le gouvernement va donc mettre en oeuvre la plupart des mesures préconisées dans le rapport Gallois mais peut-être pas tout à fait de la manière dont celui-ci l'envisageait. Si j'ai bien compris, mais les détails manquent encore, le gouvernement va réduire les coûts pour les entreprises en leur accordant des crédits d'impôts. Mais ce n'est pas la même chose qu'une réduction des cotisations sociales. Il y avait une mesure simple et rationnelle qui aurait consisté à retirer des cotisations sociales des entreprises ce qui relève de la famille et de la santé, deux domaines qui ne sont pas, à l'inverse du chômage, des accidents du travail ou de la retraite, directement liés au travail. Effectuer ce transfert aurait pérennisé cette réduction du coût du travail et aurait concerné toutes les entreprises et tous les salariés. En choisissant l'arme fiscale, le gouvernement s'est donné la possibilité de revenir en arrière (il parle, d'ailleurs, de trois ans pour atteindre cet objectif) et d'introduire des mécanismes incitatifs (crédits d'impôt lié aux investissements, à l'emploi…). Ce qui risque de réduire l'impact de la mesure : les industriels peuvent craindre que dans trois ans, les choses changent et les mécanismes incitatifs risquent de ne guère être efficace sur des entreprises en grande difficulté (ce sont elles qui licencient).

Je suis également supris qu'il n'ait pas envisagé, pour financer cette réforme, une révision des aides publiques (65 milliards en 2007 d'après la cour des Comptes distribués au travers de 6000 dispositifs différents) et une action plus vigoureuse sur la fiscalité des entreprises, notamment des entreprises multinationales qui réussissent à ne pas payer d'impôts en France (sur ce sujet voir pour plus de précisions, cette chronique que j'ai donnée ce matin : Compétitivité : et si on finançait les réductions de cotisations sociales en regardant du coté de la fiscalité et des aides aux entreprises?). Il est vrai que la solution qu'il a retenue lui permet de garder la main sur la politique économique. Mais elle introduit un peu plus de complexité encore dans un système fiscal déjà illisible.