vendredi, mars 30, 2007

Le MEDEF, le contrat de travail et l'Australie

Le projet de refonte du dialogue social du MEDEF s'inspire très librement des réformes que des gouvernements conservateurs ont mises en place en Nouvelle-Zélande et en Australie. On y retrouve plusieurs des thèmes qui relèvent de ce que l'on appelle dans ce dernier pays le Workchoice avec notamment l'accent mis sur le contrat individuel au dépens du contrat collectif. On peut avoir de bons motifs de douter a priori de l'efficacité de ce modèle, mais mieux vaut encore voir ce qu'il donne là où il est mis en oeuvre. Cette récente étude réalisée en Australie montre que toutes les promesses en matière de productivité, de lutte contre les précarités et l'emploi ne sont pas tenues. Il semble, par contre, que ces réformes aient entraîné une baisse des salaires des moins qualifiés. Tout cela est naturellement à vérifier puisque le Workchoices n'a que quelques mois d'existence, mais ces premiers résultats invitent à regarder de plus près ceux de Thomas Philippon qui insiste lui, plutôt, sur la corrélation entre qualité du dialogue social et emploi.

mardi, mars 27, 2007

Le cas Besson, ou comment la presse rend riche (et fou)

Voilà qu'Eric Besson juge Nicolas Sarkozy mieux préparé et plus apte à diriger la France que Ségolène Royal. En une poignée de jours (en quelques semaines) il sera ainsi passé d'une position de choix auprès de la candidate socialiste, position qui lui aurait permis en cas de victoire de prétendre à un poste de ministre, à un rôle de traite un peu minable.

On aimerait savoir comment il vit aujourd'hui, s'il rumine matin, midi et soir sa colère comme un de ces vieux obsessionnels que nous avons tous rencontrés un jour ou l'autre. Mais est-ce bien cela? Je n'en suis pas sûr. J'ai une autre hypothèse : à la suite d'un conflit avec la candidate, il se retrouve sur le carreau, déçu forcément. Et sans doute aurait-il gardé pour lui son amertume jusqu'à l'oublier s'il n'avait trouvé sur son chemin des journalistes pour donner à cette rancune une valeur : valeur monétaire puisque j'imagine que son livre lui a rapporté beaucoup d'argent, valeur symbolique ensuite, puisque chaque nouvelle interview entretient sa réputation (une réputation qui l'aide à vendre de nouveaux exemplaires de son livre).

Et comme il n'intéresse les journalistes que s'il va toujours un peu plus loin, il lui faut à chaque fois en rajouter (imaginons qu'il ait dit : malgré tout, Ségolène est la meilleure, ils l'auraient vite négligé). Cette fois-ci (interview du Figaro), il dit du bien de Sarkozy, mais il lui reste encore à se prononcer en sa faveur et à appeler à voter pour lui. C'est ce qu'il fera dans une prochaine interview.

Que restera-t-il de tout cela dans quelques mois? Pas grand chose, mais il aura une maison de campagne, un appartement, un bateau, que sais-je… Pas reluisant, mais pas tellement exceptionnel.

dimanche, mars 25, 2007

Le joli lapsus : François Sarkozy

Est-ce Reuters? Est-ce le Monde? Est-ce Le Monde citant Reuters, peu importe le lapsus est joli :

François Sarkozy assume le bilan du gouvernement, fera autrement


Ainsi est titré une dépèche sur le site internet du Monde ce dimanche aprés-midi. Comme tous les lapsus, cette phrase détient une part de vérité.

samedi, mars 24, 2007

La bavure de trop?

Le métier de ministre de l'intérieur est dangereux. Charles Pasque l'avait appris à ses dépens il y a quelques années. Nicolas Sarkozy pourrait bien le vivre de la même manière avec les incidents qui se sont produits il y a quelques jours à la sortie d'une école parisienne lorsque des policiers ont voulu interpeller le grand-père chinois et sans papier venu chercher sa petite fille à la sortie de l'école maternelle. La presse a commencé d'en parler discrètement et l'affaire ne serait sans doute pas sortie des milieux que ces questions choquent si la justice n'avait eu la "bonne idée" de mettre en garde à vue la directrice de l'école qui avait, comme les parents présents, protesté contre les comportements de la police (gaz lacrymogènes et, si l'on en juge par les photos que la presse commence de publier, coups et blessures sur des passants). Difficile pour la presse de passer sous silence des images aussi parlantes que celle que publie aujourd'hui le Monde tirée d'une vidéo prise par un spectateur qui était, je l'imagine, équipé d'un téléphone avec caméra incorporée.

Cette bavure est d'autant plus remarquable et gênante pour le futur ex-ministre de l'intérieur qu'elle s'inscrit dans le droit fil des discours les plus récents du candidat de l'UMP qui emprunte ses thématiques à la droite la plus extrême au point que certains de ses soutiens le critiquent.

jeudi, mars 22, 2007

Curiosa politiques

Il y a chez les antiquaires ce que l'on appelle les curiosa, ce sont des objets insolites, parfois érotiques, qui toujours intriguent. La politique connaît aussi ces curiosités, ce sont ces électeurs issus de l'immigration qui disent vouloir voter Le Pen. Ils sont certainement très peu nombreux mais une journaliste du Monde en a trouvé trois ou quatre qui ont accepté de donner leur nom et de se laisser photographier. On se demande à les écouter s'ils ont bien compris le film, mais peu importe, ils apportent dans cette campagne une note pour le moins inattendue.

vendredi, mars 16, 2007

Convaincante!

Lors de la dernière élection présidentielle, les commentateurs demandaient à Lionel Jospin de fendre l'armure. C'est ce qu'a fait hier soir Ségolène Royal dans une prestation efficace, de qualité dont avaient disparu plusieurs de ses faiblesses, notamment le coté mécanique de certaines de ses réponses et ses maladresses verbales. Est-ce l'effet de l'apprentissage (auquel cas, elle apprendrait rapidement), mais elle était à l'aise sur tous les sujets, concrète, déterminée et comme toujours émouvante lorsque son projet renvoie à son histoire personnelle (ce mélange si original de révolte et de besoin d'autorité qui lui donne une vraie authenticité lorsqu'elle parle de la jeunesse et de son projet pour la France).

Seul moment un peu délicat : lorsqu'on lui a posé des questions techniques sur les impôts. Elle a botté en touche ou, plutôt, renvoyé à son gouvernement, mais a-t-elle eu tort? Elle a en tout cas mis le doigt sur une difficulté de cette campagne : comment se positionner comme candidat à la Présidentielle sans tomber dans le programme de gouvernement?

Cette émission réussie peut contribuer à faire tomber les questions sur ses capacités à gouverner. Moins par sa réussite que parce qu'elle a mis en évidence une réelle capacité à s'améliorer, à s'imposer face au Parti Socialiste, à s'émanciper et à prendre de la hauteur.

dimanche, mars 11, 2007

Après Chirac, Le Pen… et la droite pourra se recomposer

Beau discours de Chirac, ce soir, digne, bien écrit, avec juste ce qu'il fallait de critiques subliminales de Nicolas Sarkozy… On peut parier que dans quelques semaines, plus personne n'en parlera. Il ne restera alors qu'à attendre le départ à la retraite de Le Pen (sans doute au lendemain des présidentielles) pour voir la droite se recomposer.

Auront alors disparu les deux obstacles à l'union des droites : Chirac, d'un coté, qui s'est opposé (non sans mérite) à l'alliance avec le Front National, et Le Pen, de l'autre, qui a tout fait pour que ce rapprochement soit impossible. Les discours croisés de Nicolas Sarkozy sur l'identité nationale et de Marine Le Pen sur l'antiracisme annoncent une nouvelle époque où les frères ennemis se retrouveront. Pour peu que l'épopée de Bayrou ne sombre pas dans le ridicule (mais elle n'en prend pas le chemin) on devrait voir se constituer un paysage politique à l'anglaise, avec trois acteurs : le PS, à gauche, une force de centre droit avec Bayrou, et un large parti conservateur à droite, avec une aile nationaliste dirigée par la jeune Le Pen.

samedi, mars 10, 2007

Pas facile d'être un journal d'opinion

Les campagnes électorales étaient autrefois pain bénit pour les journaux d'opinion. Elles leur permettaient de mobiliser leurs lecteurs et tous ceux qui, quoique ne les lisant pas régulièrement, partageaient leur préférence. Je crains qu'il n'en aille aujourd'hui un peu différemment. Libération a perdu des lecteurs pendant la campagne sur la constitution européenne, ses choix pour le oui ayant choqué et agacé plusieurs de ses fidèles. La même chose pourrait se reproduire avec cette campagne présidentielle. Seul journal, avec le Nouvel Observateur, à avoir pris le parti de Ségolène Royal, il pourrait se le faire reprocher par ceux de ses lecteurs qui lui préfèrent François Bayrou. Si le rapport de force entre les deux candidats était, comme lors des précédentes élections présidentielles, très déséquilibré (personne n'avait alors imaginé que Chevénement précède Jospin), il lui serait assez facile de garder deux fers au feu. Mais dès lors qu'ils sont au coude à coude, impossible de ménager l'un et l'autre sans heurter les plus militants de leurs lecteurs. Ils sont, donc, condamnés à faire un choix qui, quel qu'il soit, leur fera perdre quelques ventes, ce qui n'est pas une bonne nouvelle dans leur situation. Difficile d'être un journal d'opinion lorsque l'opinion hésite...

vendredi, mars 09, 2007

Pourquoi Ségolène Royal passe-t-elle si mal auprès des couches supérieures?

Tout le monde l'a observé, Ségolène Royal passe mal, très mal auprès des classes moyennes supérieures diplômées devenues le coeur de l'électorat du PS qui avaient plébiscité, lors des primaires socialistes Dominique Strauss-Khan. Ce sont ces classes moyennes aisées et cultivées qui lui font un procès en incompétence, qui rient de ses bévues (qui les grossissent parce qu'après tout, Sarkozy en fait autant et qui n'en ferait pas dans ce genre de compétition?) et de ses tailleurs blancs.

Lorsqu'on lui en parle, l'intéressée parle de machisme, explique que les femmes doivent faire deux fois plus d'efforts que les hommes. Toutes choses exactes, mais ces mêmes couches aisées aujourd'hui si sévères ne lui étaient pas hostiles au début de la campagne. Le machisme n'explique donc pas tout.

Il me semble que l'on peut dater le décrochage des déclarations de François Hollande sur les impôts. En fixant la barre à 4000€, ce qui est beaucoup pour une majorité de Français, mais pas énorme pour ces classes aisées pour lesquelles cette réflexion a sonné un peu comme une déclaration de guerre. Non qu'ils soient opposés au paiement d'impôts, mais ils ont le sentiment (pas forcément faux) de contribuer plus que leur part au financement des dépenses collectives. Cette remarque de François Hollande était en phase avec le choix stratégique de Ségolène Royal de viser les classes populaires qui ont manqué à Jospin en 2002, mais c'était laisser un espace vide au centre que Bayrou a su habilement exploiter.

Ont également joué deux facteurs :

- la volonté d'être concrète, proche des gens, genre dans lequel Ségolène Royal excelle, mais qui lui interdit de faire rêver. L'utopie est rarement pragmatique, or les classes aisées préfèrent l'utopie qui leur permet de continuer de profiter de leur confort aux mesures concrètes qui peut les gêner au quotidien,

- l'absence de programme culturel qui parle à ces classes moyennes qui sont en les premiers consommateurs. Elle aurait dû demander à Jack Lang des conseils dans ce domaine.

J'y ajouterai un défaut personnel : il manque à Ségolène Royal comme à beaucoup de femmes qui se sont battues pour arriver là où elles sont cette "élégance" intellectuelle que l'on retrouve, sous des formes différentes, chez Fabius, Giscard, Straus-Khan, Lang ou Villepin. Elle n'a pas cette facilité, cette grâce dans les échanges d'idées que possède celui qui sait, depuis la plus petite enfance qu'il est un peu supérieur aux autres. Ce n'est pas qu'elle manque d'humour, elle en a manifestement beaucoup, mais on aimerait qu'elle sache faire croire, comme faisait si bien François Mitterrand, qu'elle peut un instant s'évader pour aller admirer une cathédrale, écouter un concert, se promener seule dans un musée, rêver… Cette absence de toute désinvolture lui donne parfois un aspect autoritaire et sec qui la dessert (je pense à cette scène prise dans un aéroport au proche-orient, elle croise Françoise de Panafieu, ne la voit pas ou fait semblant de ne pas la voir, et lorsque celle-ci l'interpelle, elle refuse de lui répondre).

A tout cela, Ségolène Royal peut opposer de véritables qualités : une formidable détermination, une approche originale des problèmes, une réelle capacité d'écoute et une force de conviction qui frappe au milieu d'interventions médiocres. Je pense à ce qu'elle disait hier, sur Canal +, sur l'importance de savoir dire non pour construire sa vie, moment étonnant de vérité où on la sentait toute entière dans ce qu'elle disait. Il y a chez cette femme quelque chose d'authentique que l'on rencontre rarement chez les hommes politiques. Elle sait faire parler son coeur, ce qui la distingue certainement de Nicolas Sarkozy chez lequel on soupçonne toujours le spécialiste en marketing qui calcule les mots qui peuvent séduire.

jeudi, mars 08, 2007

Jean-Marie Bigard est-il lepeniste?

C'est un extrait de spectacle de Jean-Marie-Bigard que j'ai trouvé par hasard (cherchant tout à fait autre chose) sur Dailymotion. Il y parle du racisme et des filles du Crazy Horse Saloon. Ne l'ayant jamais vu en spectacle, n'ayant jamais entendu le moindre de ses sketchs, le connaissant seulement pour ses élégantes affiches et quelques délicates interventions à la télévision, je ne me faisais guère d'illusion sur son talent et ses dons de comique (personne ne rit dans la salle, mais il y a une bonne raison à cela, ce n'est pas drôle). Mais ce sketch ressemble tellement à une mauvaise affiche du Front National que c'en est surprenant.

Personne n'en ayant à ma connaissance parlé, j'en suis à me demander si ce n'est pas un montage réalisé par quelque spectateur mal intentionné. Je crains malheureusement que si contrefaçon il y a eu, elle n'est pas très éloignée de la lettre et de l'esprit de l'original.

Petite entourloupe ordinaire

Lorsqu'une entreprise dont le marché s'est rétréci veut continuer de gagner de l'argent, elle peut se diversifier, elle peut également procéder à quelques astuces qui ne sont pas toujours du meilleur goût. Exemple : l'éditeur de logiciels de comptabilité Ciel.

J'utilise un de ses produits depuis des années. Je reçois une publicité me proposant une remise à jour à un prix avantageux affiché en gras : 89€ HT. En dessous, en un peu moins gros (mais très lisible), le prix TTC : 117,44€. Comme je récupère la TVA (comme tous ceux auxquels s'adresse cette publicité), je ne retiens que le premier chiffre et ne prête pas attention au second.

Ayant, depuis quelques mois, choisi de renouveler mon logiciel de compta, je téléphone à l'entreprise qui m'envoie aussitôt par mail un devis. Surprise : le prix TTC n'a pas changé, mais le prix HT a grossi de 9,20€ correspondant à des frais de conditionnement et d'expédition. Et pour cause : pour que le prix TTC soit de 117€, il fallait appliquer au prix HT annoncé un taux de TVA de 31%…

On remarquera comme tout a été calculé pour se situer en dessous de seuils psychologiques (90€, 10€).

Il s'agit manifestement d'une publicité conçue dans le seul but d'induire en erreur. Ce n'est cependant pas, d'après la Direction générale des Prix et de la Concurrence et de la Répression des Fraudes que j'ai interrogée par curiosité, suffisamment flagrant pour qu'elle intervienne directement. Seule une éventuelle action en justice d'un client pourrait, me dit mon interlocuteur, avoir un effet. Mais qui va se lancer dans cette aventure pour récupérer, au mieux, 9,20€?

J'ai malgré tout acheté le produit. Mais on a là une illustration plaisante de cette optimisation des recettes dont on parle parfois dans les couloirs des grandes entreprises. Je serais curieux de connaître la marge sur ces frais de conditionnement et d'expédition. Elle doit être considérable…

jeudi, mars 01, 2007

Des intellectuels s'engagent pour Ségolène Royal

Le Nouvel Observateur publie une pétition d'intellectuels en faveur de Ségolène Royal. Texte classique dont le rôle dans la campagne est un peu indéfini.

S'il s'agissait de montrer que les soutiens de Ségolène ont plus de classe, de talent et de diplômes que ceux déclarés de son adversaire (de doc Gynéco à Johnny en passant par Steevy), c'est réussi mais était-ce vraiment nécessaire?

S'il s'agissait de montrer que les intellectuels s'engagent, c'est là encore réussi, mais ce qui frappe, à lire la liste, c'est le nombre de signataires dont on n'a jamais entendu parler. Ce qui veut probablement dire que les intellectuels sont rentrés dans les souterrains, qu'ils n'occupent plus le devant de la scène envahi par des journalistes, des comédiens, des chanteurs, des gens qui ne correspondent pas forcément à ce qu'on appelait autrefois les intellectuels.

S'il s'agissait de faire parler du Nouvel Observateur qui investit, semble-t-il, moins dans les sondages que ses confrères, c'est également réussi, mais n'est-ce pas un peu dérisoire?

Il y a dans cette pétition comme un goût de cendre… ou plutôt, comme un goût de cigarette qui n'est plus qu'un souvenir depuis que l'on a cessé de fumer.