mercredi, avril 25, 2012

Pour qui vont-ils voter?

Que vont faire les électeurs de François Bayrou et Marine Le Pen? iront-ils voter? Et si oui, pour qui? Pour les deux candidats, l'idéal serait, bien sûr, qu'ils votent Hollande, ce qui entrainerait l'éclatement de la maison UMP et la reconstitution, à droite, de deux blocs, l'un réactionnaire, autour de la droite populaire et du Front National, l'autre de centre droit autour du Modem, des ex-UDP et des UMP modérés. Mais il est, à l'un comme à l'autre, bien difficile d'appeler à voter utile. Ils vont donc jouer des sous-entendus, des ambiguïtés, du ni l'un ni l'autre… ce qui mettra leurs électeurs dans l'obligation de choisir par eux-mêmes.

La campagne, le débat, des événements imprévisibles, les personnalités joueront leur rôle. Mais aussi les échanges, les conversations avec les proches, les voisins, les commerçants, les collègues… Si ces conversations penchent vers la gauche, ils seront incités à voter François Hollande, si elles penchent vers la droite, ils s'abstiendront ou voteront Sarkozy. Leur vote pourrait donc bien dépendre de leur environnement. Plus ils auront de chance de rencontrer des gens leur disant : "je vais me boucher le nez, mais je vais voter Sarkozy" plus il y a de chances qu'ils fassent de même. Plus à l'inverse, ils rencontreront de gens qui leur diront :" mais comment peut-on encore croire un mot de ce qu'il dit", plus ils seront tentés par Hollande. S'il croisent enfin beaucoup de gens qui leur disent : "dimanche, j'irai à la pêche même si ce n'est pas la saison", plus ils s'abstiendront.

Si ce raisonnement qui s'inspire en partie du modèle socio-physique qu'avait développé Serge Galam avant de se rendre tristement célèbre en contestant le réchauffement climatique, est valide, les zones où l'on a voté à gauche au premier tour devraient donc voir la balance pencher en faveur de François Hollande,  celles où a surtout voté à droite devraient la voir pencher en faveur de Nicolas Sarkozy, celles où le FN a fait de très beaux scores devrait se réfugier dans l'abstention.

mardi, avril 24, 2012

Mélenchon a aussi eu quelques succès en zone rurale

On parle peu des électeurs de Jean-Luc Mélenchon. On les présente en général comme des citadins, employés du secteur public, mais dans plusieurs départements, le candidat du Front de Gauche est arrivé en tête dans des villages dans lesquels les fonctionnaires et les catégories intermédiaires ne doivent pas être très représentés. C'est le cas dans le Gard gagné par Marine Le Pen (encore qu'un examen de la carte montre que le Gard cévenol et protestant est resté à gauche) où il est arrivé en tête dans une quinzaine de villages, dans l'Allier, dans les Alpes de Haute-Provence, dans les Hautes-Alpes (département dont deux villages ont mis, autre curiosité, Eva Joly en tête), en Ardèche, dans l'Aude et le Cher, en Corrèze, en Corse du sud, en Dordogne, en Lozère, en Savoie, dans les Pyrénées orientales, en Haute-Vienne… Il s'agit, en général de tous petits villages que l'on trouve, à quelques exceptions près, dans un grand quart sud-est de la France.

Mélenchon n'arrive en tête que dans trois communes plus importantes, deux dans les Bouches du Rhone (Port de Bouc et Port Saint-Louis du Rhône) et à Gonfreville, en Seine Maritime, ville dont tous les habitants ont accès gratuitement au haut débit. Trois villes situés à proximité d'un grand port dans lesquelles la tradition communiste est certainement restée vivace. Ce qui n'est probablement pas le cas des bourgades dans lesquels il a viré en tête. Et comme a priori rien ne distingue ces villages de leurs voisins, il faut chercher une explication ailleurs.

Une hypothèse : la présence d'une figure locale, élu, militant plus actif qui a su convaincre ses voisins. Hypothèse que pourrait confirmer le fait que lorsqu'il y a dans un département plusieurs villages qui ont voté Mélenchon, ils sont en général mitoyens. Cela voudrait en tout cas dire que la politique ne se fait pas qu'à la télévision et dans les médias.


lundi, avril 23, 2012

Répondre aux attentes des électeurs du Front National

Tout le monde, de gauche à droite, veut répondre aux attentes des électeurs du Front National, entendre leur voix, leurs doutes, leur désarroi. Très bien, mais encore faut-il les identifier. On a trop tendance, je crois, à identifier cet électorat aux classes populaires.

Ces classes populaires ont en banlieue, dans la région lyonnaise, en Ile de France, massivement voté à gauche. Ce sont les classes populaires installées dans la périphérie des petites villes de province qui ont apporté leurs voix au Front National. Or, ces électeurs ne sont pas confrontés à l'immigration mais à un triple défi :
- la dégradation des services publics dans les zones rurales qui rend leur vie quotidienne beaucoup plus compliquée, beaucoup plus chère (il leur faut prendre la voiture pour poster une lettre, emmener les enfants à l'école, faire des courses…),
- l'effritement du tissu industriel : ces salariés travaillent dans des PME qui connaissent de vraies difficultés de financement, qui n'ont pas de perspective de croissance, dont la compétitivité s'étiole. Lorsque dans l'une de ces villes, une usine ferme, ce sont des dizaines voire des centaines de salariés qui sont condamnés au chômage ou au déclassement (travailler dans un supermarché quand on a été ouvrier est vécu comme un déclassement professionnel),
- l'effondrement de leurs stratégies de promotion sociale largement basées sur l'achat d'une maison individuelle dans un lotissement bon marché, donc éloigné des centres ville. La perte d'un emploi, un divorce, la perte d'allocations du fait du départ d'un enfant… sont autant de catastrophes économiques dont ils ne peuvent se sortir.

Ces défis, qui ne sont pas ceux des classes populaires habitant dans les banlieues des grandes villes (qui continuent de bénéficier de services publics, même si ceux-ci se dégradent et sont sur un marché de l'emploi beaucoup plus vaste), expliquent qu'ils aient été sensibles au discours de Marine Le Pen sur les frontières et les services publics. Mais on peut leur répondre autrement, avec d'autres solutions. C'est cela qui permettrait de recueillir leurs voix sans perdre son âme et les votes des classes populaires de banlieue souvent issues de la diversité.

Sarkozy n'a peut-être pas tout perdu mais la droite parlementaire a du souci à se faire

On dit Sarkozy confiant, sûr de pouvoir renverser la situation. Un point joue en sa faveur : la formidable fluidité des électorats signalée par les sondages à la veille du premier tour. Nombre d'électeurs se décident au tout dernier moment, ce qui correspond à un recul des idéologies. Il suffirait qu'il réussisse en cette fin de campagne à convaincre assez d'électeurs de Bayrou et de Le Pen de voter enfin, malgré tout, pour lui pour qu'il gagne son pari. Comme il lui sera difficile de contenter les uns et les autres en agitant le spectre de l'immigration, il devrait dénoncer le risque Mélenchon (variante contemporaine des chars russes de 1981) et la personnalité de Hollande (il a déjà commencé en demandant trois débats, ce qui lui permet de dénoncer le refus de dialoguer de son adversaire).

Mais quoiqu'il arrive dans ce second tour, les législatives promettent d'être désastreuses pour l'UMP. Marine Le Pen fait ses meilleurs scores sur les terres de l'UMP, dans les zones semi-rurales qui votent traditionnellement à droite. Et c'est là qu'elle peut espérer obtenir des sièges au Parlement, ce qui devrait être son prochain objectif. Pour cela, elle n'hésitera pas à susciter des triangulaires chaque fois que des accords de désistement lui auront été refusés (le plus souvent, probablement). Cette tactique qu'elle avait expérimentée aux cantonales a aidé la gauche, mais peu importe à ses yeux. S'il apparait que dans un nombre suffisant de circonscriptions, ses candidats arrivent en seconde position, elle pourra afficher haut et fort son nouveau slogan lancé hier par Gilbert Collard : nous sommes la nouvelle droite!

Mélenchon efficace en banlieue, Le Pen en zones semi rurales

On ne possède pas encore toutes les données qui permettraient de lire les résultats de ce premier tour en entrant dans le détail. Mais il semble ressortir des premiers résultats locaux disponibles que Mélenchon a été, malgré son score décevant sur le plan national, efficace. François Hollande lui doit probablement ses succès importants dans les zones urbaines, à Paris, Marseille, mais aussi dans les banlieues et en Ile de France, dans toutes ces périphéries des grandes villes où habitent ces Français issus de la diversité qui pouvaient être tentés de s'abstenir et qui ont choisi de voter massivement à gauche. Il n'ont pas forcément voté Melenchon, mais son discours sur les vertus de la mixité, sur cette France des mariages mixtes leur a sans doute rendu confiance dans la la politique : on peut quelque chose pour peu que l'on s'exprime et que l'on se batte.

Marine Le Pen dont on parle tant ce matin a progressé, c'est incontestable, mais pas forcément dans les quartiers populaires, dans ces banlieues qu'on lui prêtait. Elle a progressé dans les villages et les petites villes, là où il n'y a pas d'immigrés mais où l'on se méfie de ses voisins, où l'on ne sait plus ce que veut dire solidarité, où l'on est menacé dans sa vie quotidienne par une crise qui ferme les usines et rend absurdes les projets de vie (s'endetter pour acheter une maison que l'on ne pourra pas revendre…), par un Etat qui se désengage (quand on ferme un bureau de poste, il est tentant de se dire : mais au profit de qui?), par un pouvoir d'achat qui se désagrège (l'essence augmente, pas le salaire). L'opposition entre des campagnes à droite et des villes à gauche est en train de se reconstituer.

Signe inquiétant pour Nicolas Sarkozy, il a perdu les centres ville, les banlieues et le vote des expatriés (32,5% pour Hollande, 28% pour Sarkozy au Canada ; 40% pour Hollande à New-York contre 30% pour Sarkozy ; à Londres, d'après un tweet que je n'ai pu vérifier, Hollande l'aurait aussi très largement emporté), c'est-à-dire de ces électeurs qui, pour ces derniers, jugent de la politique française à partir de ce qu'ils lisent dans la presse étrangère qui n'a pas toujours été tendre pour lui.


dimanche, avril 22, 2012

Radio Londres… donne les résultats…

Si l'on veut s'amuser cette après-midi en attendant les résultats, il faut aller sur le compte radio Londres sur Twitter. On y découvre combien une loi un peu désuète peut susciter l'imagination poétique des internautes. Quelques exemples : "Un camion "déménageurs Bretons" garé devant l'Elysée" ; "Le prix du flan à drôlement augmenté en Guadeloupe mais les Rolex sont en solde. Je répète..", "Dans les Dom-Tom, les ventes des albums de Carla Bruni en panne. Je répète, ventes Carla en panne."…

samedi, avril 21, 2012

L'heure des pronostics

C'est l'heure des pronostics. En fin de déjeuner, chacun y va de ses chiffres qui seront vite oubliés. Le plus intéressant est à chercher du coté des explications qui les accompagnent. Pour ma part, voici ce que je disais il y a quelques minutes : Hollande en tête avec 29/30% des voix, suivi loin derrière par Nicolas Sarkozy avec 24/25% des voix que talonne Marine Le Pen avec 20/21% des voix qui devance sensiblement Jean-Luc Mélenchon avec 14/15% des voix. Le coeur de mon argument : Marine Le Pen a réussi, aidée en cela par Nicolas Sarkozy, à convaincre les électeurs que l'on pouvait être xénophobe sans être forcément raciste tandis que François Hollande a su, avec sa présidence normale, entendre ce que voulaient les Français qui n'en peuvent plus d'un Président girouette, qui change d'avis et de vérité toutes les 24 heures.  D'autres pensaient, comme on le devine, bien différemment, voyant Hollande et Sarkozy au coude à coude et Mélenchon bien plus haut.

vendredi, avril 20, 2012

La campagne ratée de Nicolas Sarkozy

Nous saurons donc dimanche soir si les sondages qui donnent François Hollande largement en tête au premier tour ont raison. Mais sauf, grande surprise, on peut d'ores et déjà dire que Nicolas Sarkozy a raté sa campagne de premier tour. Il a, me semble-t-il, commis une erreur majeure : plutôt que de construire sur ses quelques succès (des réformes menées à bien, une activité internationale plutôt bien perçue) pour proposer un programme ouvert vers l'avenir et la résolution de la crise, il a multiplié les sujets anxiogènes, lourds de conflits à venir dans une société qui s'interroge (la stigmatisation des musulmans, les attaques incessantes contre l'Europe, contre les assistés…). Plutôt que de prendre de la hauteur et de dire aux Français : je vais vous accompagner vers la sortie de la crise avec des solutions pour améliorer le pouvoir d'achat de tous, il est descendu dans la cour de récréation promettant du bourre-pif à un François Hollande qui s'est bien gardé de répondre laissant son adversaire taper désespérément dans le vide comme un boxeur qui épuise inutilement ses forces.

La faute, dira-t-on à ses conseillers, au célèbre Buisson. Peut-être, mais la faute est, d'abord, la sienne. Là où Hollande a su réunir autour de lui toutes les forces de gauche, réussissant même, avant le premier tour à obtenir de ses deux concurrents, Mélenchon et Joly, qu'ils lui apportent son soutien, Nicolas Sarkozy a épuisé ses ministres devenus inaudibles.

Ce début de campagne restera un exemple à étudier.

jeudi, avril 19, 2012

Les militants du FN, des gens ordinaires?

Arun Kapil, un américain installé depuis plusieurs années en France, a eu la curiosité de se rendre au dernier meeting de Marine Le Pen. Il en est revenu avec le sentiment d'avoir rencontré des "gens ordinaires" : "One reason to attend an FN event is to look at the people and talk with a few. There is a long held, widespread view on the left that FN rallies are frequented mainly by neo-Nazi skinheads or other lowlifes and that one risks physical aggression, if not worse. Lefties seem to think that the FN is a French version of the Ku Klux Klan. Even yesterday, before going, an academic friend (and centrist in her political views) wondered if I would have problems taking photos, that I would be met with hostility. But what strikes one almost immediately at an FN event is how ordinary the people are. They’re just regular French people—des Français moyens—, who one crosses on the street and encounters every day. And they’re no less polite or civil than anyone else. They’re mostly middle class, petit bourgeois and even bourgeois. They are utterly non-threatening." Observation qui suscite ce commentaire d'Arthur Goldhammer, autre américain que la France intéresse mais, installé, lui, aux Etats-Unis qui semble avoir retiré la même impression d'un autre meeting du FN auquel il a assisté il y a quelques années : "How sedate they seemed, for the most part. Nothing like the venomous mobs that one saw in Mississippi--or Boston, for that matter--during the civil rights struggles in the United States. And certainly far less colorful and vociferous than a Tea Party rally today. Ordinary Frenchmen--and Frenchwomen: I was also struck by the number of women who attended." Les électeurs du Front National seraient donc des gens comme les autres, pas plus menaçants que les électeurs de Mélenchon, Sarkozy ou Hollande?

Les photos d'Arun Kapil montrent effectivement des gens ordinaires, employés sortant du bureau, étudiants propres sur eux… rien à voir avec des skinheads, les réunions d'extrême-droite avec salut nazi, croix gammée ou croix celtique. Il y a même quelques noirs et quelques spectateurs de type maghrébin (des observateurs comme Arun, Arthur ou Charlie, ce rappeur antillais qui me racontait il y a quelques jours avoir assisté à un meeting de Marine Le Pen?). Mais faut-il s'en étonner? Si Marine Le Pen séduit de 15 à 20% d'électeurs, il faut bien qu'elle convainque au delà des petits cercles d'extrémistes et qu'elle touche des "gens ordinaires", des gens qui ne braillent pas, ne sont pas forcément racistes mais trouvent dans ses propos, un écho à ce qu'ils pensent et qui revient, en somme, à attribuer aux étrangers, à ceux qui viennent d'ailleurs l'essentiel de nos difficultés.

Ce n'est pas la haine qui les anime, pas une passion religieuse, pas même la conviction d'être supérieurs aux autres, mais l'idée que tous les problèmes rencontrés, de l'insécurité au chômage seraient résolus si nous étions plus entre nous, si l'on gardait mieux les frontières et renvoyait chez eux les étrangers. Un thème dont le fondement est sans doute à chercher dans l'effondrement des grands récits politiques. Lorsqu'on interroge ces électeurs, comme l'a fait une nouvelle fois ce matin Libération (Au Zénith, le baptême des convertis), tous font appel à des expériences personnelles. Ce n'est pas Marine Le Pen qui les a convaincus, c'est eux-mêmes qui reconnaissent ce qu'ils pensent dans ce qu'elle dit : «J’ai vu des gens comme moi, dit l'un de ces militants que la journaliste a interrogés. Des étudiants ou des fils d’ouvriers, je me suis reconnu.»  Elle les aide à donner sens à ce qu'ils vivent. Leurs raisonnements sont souvent simples. Ils ont la force des tautologies : «On dit qu’ils (les immigrés) nous enrichissent, explique une autre militante. Mais, c’est faux (…) Pas besoin de sortir de Saint-Cyr, pour savoir que si on fait venir des pauvres, la France sera encore plus pauvre. (…) Tout cela se fait sur le dos des «Français de souche». Ils ont une vision terriblement myope de la société : le voisin qui ne travaille pas mais a une voiture et part en vacances devient le symbole de l'injustice, la cause des difficultés rencontrées. Ce ne sont ni des idéologues ni des théoriciens, ce sont des penseurs du quotidien, qui raisonnent sur ce qu'il voient au bout de leur nez…

mercredi, avril 18, 2012

Vous avez dit crise? Pas pour le luxe…

LVMH vient de publier des résultats qui ont de quoi faire rougir de plaisir Bernard Arnault :


On est loin de la très étique croissance de 1% que le FMI promet à l'Europe… 

Il est probable que les autres groupes de luxe feront de même. Ce qui est un peu paradoxal dans une période de crise mais s'explique.

L'industrie du luxe sait, d'abord, innover, se créer de nouveaux marchés. L'horlogerie en est un bel exemple. En quelques années, les firmes spécialisées dans le luxe ont su inventer le marché : celui de la montre pour homme, avec des produits qui valent plusieurs dizaines de milliers d'€, comme cette montre, cadeau de Carla Bruni, dit-on, que Nicolas Sarkozy s'est presque fait voler place de la Concorde dimanche dernier.

L'industrie du luxe a également réussi son internationalisation. La Chine, l'Inde, les pays émergents et leurs nouveaux millionnaires et milliardaires sont des terres de conquête idéales.

Elle a encore su se rendre accessible à tous. Un rouge à lèvres Chanel est un produit de luxe que n'importe  quelle employée peut s'offrir les jours de déprime. Même chose, à d'autres niveaux, pour la maroquinerie, les montres… L'idée que le luxe est inaccessible n'est qu'un fantasme. Chacun ou presque a, dans nos sociétés démocratiques, la possibilité de s'offrir un produit de luxe.

Ce succès du luxe est plutôt un atout pour la France puisque nous sommes un des leaders mondiaux sur un marché qui se méfie encore des délocalisations. Reste à savoir si c'est une bonne chose pour l'économie. Je serais assez tenté de penser que plus le chiffre d'affaire des sociétés qui vendent des produits de luxe inaccessibles (genre Rolls Royce, Ferrari ou constructeurs de yachts) progresse plus l'économie va mal : leurs succès veulent, en effet, probablement dire que les plus riches (ceux qui peuvent s'offrir ces véhicules aux prix exorbitants) ont si peu confiance dans l'avenir qu'ils préfèrent consommer tout de suite qu'investir. Du temps de Salazar, Lisbonne était la ville d'Europe où l'on croisait le plus de Rolls-Royce, ce n'était certainement pas la capitale du pays le plus florissant.


mardi, avril 17, 2012

Pas d'état de grâce pour le prochain Président?

Les sondages se suivent et tous nous disent à peu près la même chose : quel que soit le candidat élu, il ne suscite pas l'enthousiasme.

Ce qui est de la part de François Hollande probablement un choix (comment un candidat "normal" pourrait-il susciter l'enthousiasme?) est plutôt chez Nicolas Sarkozy de l'ordre du principe de réalité (qui pourrait après une quinquennat largement raté susciter le moins enthousiasme), mais pour l'un et l'autre cela annonce des premiers mois compliqués : il leur faudra, d'abord, obtenir une majorité solide, ce qui n'est gagné pour aucun.

Nicolas Sarkozy, s'il était élu, pourrait se retrouver quelques semaines plus tard avec une majorité de gauche au Parlement l'obligeant à une cohabitation ou à une démission qui serait bien dans son caractère (pourquoi devenir un roi fainéant quand on peut gagner tant d'argent chez Bouygues?) et François Hollande avec une majorité indisciplinée, des élus écologistes et du Front de Gauche qui tirent à hue et à dia et des dirigeants de PS, négligés lors de la formation du premier gouvernement, qui brûlent de marquer leur territoire.

L'un comme à l'autre devront imprimer une marque forte dés les premières semaines s'ils veulent échapper à une érosion trop rapide de leur popularité. Ce devrait être plus facile pour François Hollande qui a, à son programme, plusieurs mesures symboliques, sur l'indépendance de la justice, la fiscalité, le vote des étrangers aux municipales ou le marriage homosexuel qui lui permettront de parler pendant le reste de son quinquennat d'avancées capitales que seule la gauche pouvait réaliser, un peu comme l'on continue, trente ans plus tard, de présenter l'abolition de la peine de mort comme le grand oeuvre de Mitterrand.

lundi, avril 16, 2012

Un complot des opérateurs de téléphonie?

C'est Jean Véronis qui a soulevé le lièvre. Suivant hier les deux meetings sur internet, il a observé un effondrement des tweets en provenance du chateau de Vincennes. Phénomène étrange qu'il attribue à l'absence de moyens techniques aux alentours du chateau de Vincennes, absence que l'on n'aurait pas remarquée du coté de la place de la Concorde. De là à penser que les opérateurs ont privilégié un candidat, il n'y a qu'un pas qu'il franchit… presque.

samedi, avril 14, 2012

Les deux Hollande

Il y a deux François Hollande, celui que décrit le New-York Times dans un article un peu paresseux, plutôt insignifiant, et celui qui, manifestement très compétent, répond, la voix cassée, chez Médiapart aux questions de Martine Orange sur l'économie et les marchés financiers.

 

Le vrai, le plus authentique, est forcément le second, mais on devine, à la lecture du NYT et des commentaire d'A.Goldhammer et des meilleurs observateurs de la vie politique française, qu'il lui faudra travailler pour convaincre ses pairs de ses capacités.

Obama? L'exemple à ne pas suivre?

Nicolas Sarkozy vient, de manière insolite, inattendue et inédite, d'introduire Barack Obama dans la campagne présidentielle en  invitant des journalistes à assister à quelques instants d'un de leurs échanges par visio-conference.



On sait que les deux hommes ne s'apprécient guère et qu'ils ont eu des difficultés à travailler ensemble, mais Barack Obama est bien élevé et il a souhaité bonne chance à Nicolas Sarkozy. On l'imagine mal disant autre chose. Mais cette image du Président américain qui avait suscité tant d'enthousiasme et tant déçu a sonné comme un avertissement pour… François Hollande. Que reproche-t-on, en effet, le plus, à gauche, à Obama : d'avoir été trop conciliant, d'avoir trop cherché des points d'accord avec ses adversaires, d'en avoir tant cherché que ceux-ci l'ont progressivement amené à vider son programme de l'essentiel de son contenu. On n'est pas loin de cet esprit de synthèse dont on a tant crédité François Hollande.

Hollande a donné récemment quelques signes de fermeté. Il a su ne pas dévier de son agenda modéré quand il pouvait être tenté de gauchir son discours pour freiner la montée de Mélenchon. Il a su aussi faire preuve de fermeté en matière de nomination. Interrogé, hier, sur l'éventualité de nommer Anne Lauvergeon ministre, il a répondu qu'elle était d'abord dirigeante d'entreprise, ajoutant : "Je note cependant que les personnalités issues de la société civile, aussi talentueuses soient-elles, ont eu souvent des difficultés pour accéder aux fonctions politiques". Ce qui a été compris par l'intéressée comme une fin de non-recevoir et en était une. Mais il faudra qu'il poursuive dans cette voie, qu'il ne cède pas à la tentation de l'union nationale avec droite déchirée s'il est élu. Il faudra, en d'autres mots, qu'il se fasse violence pour ne pas ressembler à Barack Obama.

vendredi, avril 13, 2012

Sarkozy baisse, Bouygues remonte?

Sarkozy baisserait donc dans les sondages. Pourquoi? Mais peut-être parce que la campagne frénétique qu'il mène ravive nos plus mauvais souvenirs, cette capacité à noyer le poisson, à nous balader d'un sujet à l'autre (qui? mais qui pense vraiment que le permis de conduire est un sujet de campagne présidentielle?), à se contredire sans cesse, à dire un jour le contraire de ce qu'il disait la veille (dernier exemple : l'encadrement des loyers), à affirmer sans jamais raisonner, argumenter, penser. Il ne se passe pas de jour sans une information qui nous rappelle qu'il n'est pas à sa place à l'Elysée. C'était hier Anne Lauvergeon racontant son envie de "faire de l'argent chez Bouygues" après son premier quinquennat. Se souvient-on d'un seul de nos présidents qui ait eu cela pour ambition? Pompidou était, sans doute, trop malade, Mitterrand et De Gaulle trop âgés, mais Giscard, ce Giscard que l'on n'aimait guère, avait les compétences et l'âge de se prêter à ce genre d'exercice, il s'en est, malgré toutes ses faiblesses, bien gardé. Et comment, au delà même de l'insulte faite aux électeurs, comment ne pas s'interroger, comme le fait mezzo-voce Lauvergeon, sur les risques de ce genre d'attitude. C'est la porte ouverte à la corruption sous toutes ses formes. Que Nicolas Sarkozy qui est, par ailleurs, intelligent, ne l'ait pas compris laisse tout simplement… pantois. Quant à son attitude à l'égard d'Eva Joly, elle donne envie de changer les institutions. Il faut que les élus et, d'abord, le Président de la République, répondent de leurs actes devant la justice.

mercredi, avril 11, 2012

Terroristes littéraires

En demandant à Salim Bachi, écrivain algérien très respecté, d'écrire une fiction dont le héros serait Mohamed Merah, Le Monde a suscité une vive polémique dont on trouve un écho dans cet article de Jacques Tarnero publié dans le Causeur (Merah n'est pas un héros de roman). On comprend la colère de Tarnero, même si l'on ne partage pas tout ce qu'il dit sur le Monde. Mais… la fiction n'est-elle pas la meilleure manière de rendre compte de ce qui, faute de témoignages, d'archives et de documents, échappe au scalpel des psychologues et des sociologues? C'est ce que je me demande depuis que j'ai commencé de lire Oussama, le dernier roman de Norman Spinrad, célèbre auteur de romans de science-fiction qui a choisi pour héros un djihadiste chargé par le Califat, qui a pris le pouvoir au Moyen-Orient, de soulever les beurs français pour… faciliter l'annexion de la Turquie (un peu compliqué en apparence mais assez logique quand on le lit : furieux de la manière dont les occidentaux traitent leurs minorités musulmanes, stigmatisées à cause des attentats exécutés par ce djihadiste, les Turcs élisent un gouvernement islamiste qui choisit le rapprochement avec le Califat que refusaient leurs prédécesseurs).

Ce n'est sans doute pas le meilleur roman de Spinrad, mais c'est passionnant. On y voit les relations sociales en France décrites par un étranger qui nous connait bien (Spinrad vit à Paris) même s'il lui arrive de commettre quelques erreurs (d'où sort-il que mai 68 a mis fin à la quatrième République?) et l'on entre dans la tête d'un de ces jeunes gens qui organisent des attentats terroristes, partagés entre leur foi, infiniment respectable dont ils parlent avec mesure, les ordres reçus, le bon sens et l'envie de ne pas se déjuger face à des caïds de banlieue. Le romancier a toute liberté de construire une personnalité, de donner un semblant de rationalité à des comportements que, faute de les comprendre, nous attribuons trop facilement à la pathologie. A lire, même si l'on peut craindre que ce roman déçoive les amateurs de SF qui n'y trouveront aucun de leurs colifichets habituels.

Lauvergeon dégaine et tire

Longue interview d'Anne Lauvergeon dans L'express passionnante, terrible, qui'l faudrait citer dans son entier. Elle y dénonce, au delà du système de clan mis en place par Sarkozy, l'inconsistance du personnage. Tant d'intelligence, et parfois d'intuition, au service non pas d'une ambition mais du contraire, d'une absence de vision, de désir de quoi que ce soit pour la France.

Qu'est-ce qu'un Président de la République qui dit, à peine élu, qu'il n'a d'autre ambition, une fois fini son mandat, que d'aller gagner de l'argent chez Bouygues? qui forme un gouvernement comme d'autres choisissent leurs invités pour réussir une soirée? "Il ne composait pas, explique-t-elle, un gouvernement, il recrutait pour un casting! Je remplissais nombre de cases : femme, monde économique, industrie, international, Mitterrand, moins de 50 ans... et Areva libérée."

Etrange comme cet entretien rappelle cette remarque d'Emmanuelle Mignon, qui avait quitté l'Elysée  déçue avouant à Frédéric Martel : "Sarkozy n’a pas de colonne vertébrale. Si je suis partie, c’est pour ça. Il n’a aucune colonne vertébrale."

Toujours dans cet entretien, Anne Lauvergeon raconte une ou deux anecdotes à propos de Mitterrand dont celle-ci : "Mes notes revenaient toutes avec "Vu", mais je me demandais s'il les lisait vraiment. Alors j'ai glissé une faute dans un rapport sur la dette polonaise, un accord de participe passé dysfonctionnel. La note est revenue avec une énorme bulle et un "Oh !" dans la marge. Ce que j'ai été heureuse!"

mardi, avril 10, 2012

Une chanson pour Mé… lenchon

Mais que voulons nous donc?

Les évolutions un peu erratiques des sondages, le déroulement fantasque de cette campagne présidentielle qui nous promène des menus des cantines scolaires (la viande halal) au permis de conduire en passant par l'avancement d'une semaine du versement des retraites (!), tous projets de  Nicolas Sarkozy qui n'en parait pas pour autant sanctionné laissent incrédule : mais que voulons nous donc? qu'attendons-nous d'une élection présidentielle? de ses candidats et, plus sérieusement, de celui que nous allons élire. Avons-nous des projets, des attentes que nous aimerions le voir mettre en oeuvre ou attendons-nous simplement qu'il amuse la galerie et nous dicte ses priorités, ses obsessions, ses fantasmes? C'est un peu la thèse que développait un politologue américain, un peu oublié aujourd'hui : Charles Lindblom.

Dans un texte publié il y a 35 ans et jamais, je crois, traduit en français, il avait introduit le concept de "controlled volitions", de désirs contrôlés, qui l'avait conduit à cette conclusion un peu désespérante : "even in the democracies, masses are persuaded to ask from elites only what elites wish to give them."  Même dans les démocraties, les masses sont conduites à demander aux élites ce que celles-ci sont disposées à leur donner. Traduit dans le langage de cette campagne électorale, nous en serions réduits à demander aux candidats de nous offrir ce qu'ils veulent bien nous proposer. Et nous serions donc dans l'impossibilité d'obtenir d'eux qu'ils traitent des sujets qui nous intéressent vraiment, qu'il s'agisse de l'emploi, du pouvoir d'achat, de l'avenir de notre système de santé ou du logement.

Ce raisonnement parait un peu daté, il a un coté années soixante lorsque l'on dénonçait la capacité des entreprises à manipuler l'opinion avec la publicité et la communication, et, cependant, qui aurait imaginé, il y a seulement dix jours, que les deux principaux candidats se chamailleraient sur le permis de conduire?

Lindblom allait, naturellement, un peu plus loin. Il assurait que dans les démocraties, le "political debate (…) is actually in the hands of persons who want to protect the privileges of business and property". Et il expliquait que les élites, dans des sociétés démocratiques, doivent contrôler les moyens de communication si elles veulent conserver leur pouvoir. Les tours de prestidigitateur de Nicolas Sarkozy, la manière dont il a usé et abusé de la télévision au début de sa campagne (a-t-on oublié cette émission relayée simultanément sur sept chaines?)  n'auraient donc, à le suivre, eu que cela pour objectif : nous masquer la politique qu'il compte mener en faveur des élites au lendemain de son élection (s'il est élu)?

Un peu tiré par les cheveux? Peut-être, mais ce serait en tout cas en phase avec ce qu'annonçait hier Mediapart : "Bercy aurait reçu, y écrit Laurent Mauduit, la consigne de préparer un plan d’austérité sur les crédits budgétaires alloués au logement. Les instructions données visent à réduire d’environ 30 % les montants dédiés actuellement aux aides au logement, qui atteignent aujourd'hui près de 15 milliards d’euros, et à raboter d’environ 600 millions d’euros les crédits inscrits dans deux programmes, celui des aides à la pierre et celui de l’hébergement et accompagnement pour les personnes les plus défavorisées, qui disposent à l'heure actuelle de près de 1,7 milliard d’euros." Il est évidemment plus difficile de se faire applaudir avec des projets de ce type qu'avec une réforme du permis de conduire.


vendredi, avril 06, 2012

Le Monde, Libé, pourquoi tant de fautes d'orthographe?

La lecture des journaux électroniques, Le Monde, Libé, Le Figaro, Le Nouvel Observateur… fait régulièrement sursauter. On y trouve en effet des fautes d'orthographe énormes, comme ce matin dans le Monde : "Selon les informations du "Monde", le calibre 7.65, utilisé pour tué une femme jeudi après-midi a déjà servi à au moins trois reprises dans le département." Je veux bien que l'édition électronique impose d'aller vite et que l'utilisation du traitement de texte, du copier-coller, notamment, conduit à plus de fautes peut-être que l'écriture manuscrite (je le sais d'autant mieux qu'il m'arrive de rougir des fautes que je laisse passer sur ce blog et ailleurs), mais ne pourrait-on imaginer une relecture par un professionnel avant de lancer l'édition, surtout lorsqu'il s'agit, comme dans l'exemple cité ici, d'informations qui n'ont rien d'urgent? Je suis d'autant plus surpris que cela arrive au Monde que la version électronique de ce journal emploie des correcteurs qui tiennent un excellent blog, Langue, sauce piquante, qui ne manque pas une occasion de railler les erreurs des autres. Mais peut-être sont-ils trop occupés à nous faire sourire avec leurs découvertes linguistiques pour corriger leur journal?

Le scandale IKEA et les gendarmes

Ikea veut donc faire son mea culpa. Très bien, mais cette affaire me rappelle ce que m'avait raconté lorsque, il y a quelques années, j'écrivais l'histoire des NMPP, aujourd'hui Presstalis la secrétaire d'un ancien directeur général. Le recrutement s'y faisait, un peu comme chez Ikea, avec le secours de quelques policiers et gendarmes à la retraite qui menaient des enquêtes systématiques sur les candidats. Il s'agissait d'identifier, pour mieux les éliminer, les militants du parti communiste ou de la CGT. C'était avant les fichiers et ces braves gens usaient leurs semelles à interroger concierges et voisins. Rien de nouveau donc. A ceci près que le PC et la CGT, particulièrement puissants aux NMPP, avaient obtenu que les enfants des collaborateurs (tous affiliés à la CGT et pour beaucoup au PC) soient recrutés en priorité. Résultat paradoxal : malgré toutes les enquêtes, l'entreprise ne recrutait (ou presque) que des gens déjà acquis à un syndicat dont les méthodes étaient parfois contestables. D'où la puissance d'une organisation qui profitait par ailleurs d'une position de force puisqu'il lui suffisait d'arrêter quelques minutes les ateliers de confection des paquets de journaux pour bloquer la distribution sur toute la France.

Dans le cas d'Ikea il semble qu'il y ait eu aussi la volonté de réduire l'influence d'une organisation syndicale (FO) et de lutter contre le vol du personnel (si vol il y avait). Cela se fait sans doute dans bien d'autres entreprises. Mais cet exemple montre que la solution retenue par Ikea est la pire de toutes.  Non seulement elle est inefficace mais elle détruit pour longtemps le lien de confiance entre les salariés et la direction sans lequel aucune entreprise ne peut longtemps fonctionner de manière satisfaisante. Qui, chez Ikea, peut aujourd'hui croire un mot de ce que disent les directeurs de magasin? 

jeudi, avril 05, 2012

Que faire de tous ces morts?

C'était hier Richard Descoings, aujourd'hui Claude Miller, demain un autre. Il ne se passe pas de jour sans que ne disparaisse quelqu'un que nous avon connu, croisé, aimé parfois, admiré, qui nous a agacé, amusé, que nous avons envié. Parfois, ils ont l'âge, d'autres fois, ils paraissent bien jeune… La presse en tire d'excellents papiers, des biographies souvent passionnantes. Mais qu'en faire? S'émouvoir? La mort d'André Breton, que je n'avais jamais rencontré, m'avait bouleversé tout comme celle, plus attendue, de François Mitterrand, celles d'Isidore Isou que j'ai longtemps fréquenté, de Lyotard, Ricoeur, Dufrène ou Lefebvre que j'ai connus, ne m'ont pas autant ému. Qu'en penser? Je ne sais.

mercredi, avril 04, 2012

Les deux surprises de cette campagne présidentielle

Les surprises de cette campagne présidentielle seront venues de la gauche, du succès de Mélenchon qui semble se confirmer et de l'effondrement des écologistes. Dans les deux cas, il y a certainement une dimension personnelle. Eva Joly n'était pas, malgré toutes ses qualités, à sa place dans cette campagne présidentielle, d'autant moins à sa place, qu'elle n'exprime en rien les valeurs de l'écologie. Quant à Mélenchon, il a su montrer ces talents de tribun que tout le monde lui reconnait mais aussi une réelle finesse dans les débats, une bonne connaissance du raisonnement économique et une vraie sensibilité aux attentes de ces électeurs de gauche qui ne supportent plus, depuis longtemps, le discours ambiant contre l'Etat, les immigrés et l'immigration (merci Mélenchon de dire enfin ce que nous aimerions entendre depuis si longtemps), les chômeurs…

Mais il y a plus. L'effondrement d'Eva Joly répond à l'affaissement du souci écologique que l'on devine à de nombreux signes : à l'absence de réactions lorsque Nicolas Sarkozy s'en est pris aux règlements conçus pour protéger l'environnement dans l'agriculture ou lorsqu'on a annoncé la possible reprise d'essais sur les gaz de schiste (ou, dernière brillante idée : "conduire pour travailler plus"!). Le phénomène n'est pas proprement français : on le rencontre ailleurs, en Amérique du Nord, notamment, où les Républicains peuvent, sans sombrer dans le ridicule, nier le réchauffement climatique, où plusieurs Etats peuvent abandonner la Western Climate Initiative qui visait à lutter contre le réchauffement climatique. Le paradoxe est que le souci de l'écologie s'évanouit alors même que se multiplient les signes du dérèglement climatique.

Quant au succès de Mélenchon, il est inquiétant moins parce qu'il dit que par l'enthousiasme qu'il suscite chez des intellectuels qui devraient savoir mieux que quiconque combien son programme est, sur de nombreux points, tout simplement irréalisable. Les déclarations de Mme Pinçon-Charlot sur le tournant de la rigueur de 1983 ou de Gérard Mauger sur le néolibéralisme des socialistes, que cite Le Monde d'aujourd'hui, laissent rêveur. Dans quel monde vivent-ils donc?  On a le sentiment qu'une partie de la classe intellectuelle (que représente-t-elle exactement? sans doute moins qu'on ne pense) ne rêve que de retrouver les 110 propositions du Programme Commun, comme s'il n'y avait rien de mieux à faire aujourd'hui qu'à se réfugier dans la nostalgie de nos illusions d'il y a trente ans?

Un bon score des écologistes aurait poussé les socialistes, s'ils arrivent au pouvoir, à prendre à bras le corps quelques uns des problèmes majeurs de notre temps et à imaginer des solutions qui nous permettraient de sortir d'une crise qui n'en finit pas. Un bon score de Mélenchon risque, a contrario, de nous enfermer dans des débats sans fin sur des solutions qui nous ont permis de sortir de la crise des années trente mais qui ne paraissent plus d'actualité.