mardi, avril 10, 2012

Mais que voulons nous donc?

Les évolutions un peu erratiques des sondages, le déroulement fantasque de cette campagne présidentielle qui nous promène des menus des cantines scolaires (la viande halal) au permis de conduire en passant par l'avancement d'une semaine du versement des retraites (!), tous projets de  Nicolas Sarkozy qui n'en parait pas pour autant sanctionné laissent incrédule : mais que voulons nous donc? qu'attendons-nous d'une élection présidentielle? de ses candidats et, plus sérieusement, de celui que nous allons élire. Avons-nous des projets, des attentes que nous aimerions le voir mettre en oeuvre ou attendons-nous simplement qu'il amuse la galerie et nous dicte ses priorités, ses obsessions, ses fantasmes? C'est un peu la thèse que développait un politologue américain, un peu oublié aujourd'hui : Charles Lindblom.

Dans un texte publié il y a 35 ans et jamais, je crois, traduit en français, il avait introduit le concept de "controlled volitions", de désirs contrôlés, qui l'avait conduit à cette conclusion un peu désespérante : "even in the democracies, masses are persuaded to ask from elites only what elites wish to give them."  Même dans les démocraties, les masses sont conduites à demander aux élites ce que celles-ci sont disposées à leur donner. Traduit dans le langage de cette campagne électorale, nous en serions réduits à demander aux candidats de nous offrir ce qu'ils veulent bien nous proposer. Et nous serions donc dans l'impossibilité d'obtenir d'eux qu'ils traitent des sujets qui nous intéressent vraiment, qu'il s'agisse de l'emploi, du pouvoir d'achat, de l'avenir de notre système de santé ou du logement.

Ce raisonnement parait un peu daté, il a un coté années soixante lorsque l'on dénonçait la capacité des entreprises à manipuler l'opinion avec la publicité et la communication, et, cependant, qui aurait imaginé, il y a seulement dix jours, que les deux principaux candidats se chamailleraient sur le permis de conduire?

Lindblom allait, naturellement, un peu plus loin. Il assurait que dans les démocraties, le "political debate (…) is actually in the hands of persons who want to protect the privileges of business and property". Et il expliquait que les élites, dans des sociétés démocratiques, doivent contrôler les moyens de communication si elles veulent conserver leur pouvoir. Les tours de prestidigitateur de Nicolas Sarkozy, la manière dont il a usé et abusé de la télévision au début de sa campagne (a-t-on oublié cette émission relayée simultanément sur sept chaines?)  n'auraient donc, à le suivre, eu que cela pour objectif : nous masquer la politique qu'il compte mener en faveur des élites au lendemain de son élection (s'il est élu)?

Un peu tiré par les cheveux? Peut-être, mais ce serait en tout cas en phase avec ce qu'annonçait hier Mediapart : "Bercy aurait reçu, y écrit Laurent Mauduit, la consigne de préparer un plan d’austérité sur les crédits budgétaires alloués au logement. Les instructions données visent à réduire d’environ 30 % les montants dédiés actuellement aux aides au logement, qui atteignent aujourd'hui près de 15 milliards d’euros, et à raboter d’environ 600 millions d’euros les crédits inscrits dans deux programmes, celui des aides à la pierre et celui de l’hébergement et accompagnement pour les personnes les plus défavorisées, qui disposent à l'heure actuelle de près de 1,7 milliard d’euros." Il est évidemment plus difficile de se faire applaudir avec des projets de ce type qu'avec une réforme du permis de conduire.


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