vendredi, décembre 29, 2006

Saddam exécuté ce week-end?

La BBC annonce aujourd'hui que Sadam Hussein pourrait être exécuté ce week-end. L'armée américaine aurait déjà demandé à ses avocats de réunir ses effets personnels. Au delà de l'aspect comique (on imagie la bureaucratie américaine organisant de manière méticuleuse tous les aspects de cette exécution), il y a quelque chose de profondément déplaisant (et c'est un euphémisme!) dans cette affaire :

- sur le plan des "détails", d'abord : si c'est bien, comme on nous l'a dit, un tribunal irakien qui a jugé Saddam, en quoi l'armée américaine est-elle concernée?

- sur le fond, ensuite : comment peut-on accepter cette exécution? au nom de quels principes? quelle valeur morale peut justifier qu'on condamne à mort et exécute un homme auquel on a justement reproché d'avoir commandité, organisé des massacres?

Jacques Chirac vient de demander au Conseil Constitutionnel de déclarer la peine de mort anti-constitutionnelle. Formidable. On aimerait qu'il pousse l'audace jusqu'à se battre jusqu'à la dernière minute pour l'éviter à Saddam (non pas parce que Saddam serait innocent, mais justement parce que c'est un immense salaud) et qu'il la dénonce si ses efforts n'aboutissent pas. Ce qui vaut pour Chirac vaut naturellement pour tous les autres dirigeants de l'Europe. Ce qu'on n'accepte pas chez soi, il n'y a pas de raison de l'accepter ailleurs.

mercredi, décembre 27, 2006

Le Monde et Mitterrand

Le Monde n'en finit décidément pas de régler ses comptes avec Mitterrand. On pouvait espérer que le départ d'Edwy Pleynel renverrait au musée la polémique. Làs. Il ne se passe de semaine qu'on n'y trouve un petit coup de griffe contre celui qui fut deux fois Président de la République. Cette semaine, c'est Michel Noblecourt qui s'y colle dans un papier sur une biographie de Guy Mollet. Je cite : "Guy Mollet demeure une "figure repoussoir" du socialisme français. A la différence de Léon Blum et même François Mitterrand, il (…) n'a pas de place dans le Panthéon des socialistes."

Cet "et même" est tout un poème. Qui peut prétendre de bonne foi que François Mitterrand n' a pas sa place au Panthéon des socialistes? Tous les candidats du Parti l'ont cité dans les débats récents? Peu importe, pour les journalistes du Monde, tout ce qui permet de l'égratigner est utilisé.

Le plus amusant est que Mitterrand ressemble à un de ces bouts de scotch dont on n'arrive pas à se défaire. Il ne se passe pas de jour qu'ils ne le citent dans leur journal (41 fois sun mois en décembre d'après Le Monde lui-même interrogé le 27/12/06 contre 10 fois pour Giscard, 34 fois pour De Gaulle et 24 fois pour Pompidou, ce qui confirme le désamour persistant des Français pour son prédecesseur).

mardi, décembre 26, 2006

La politique culturelle contre la création?

Je me demande s'il ne conviendrait pas de revoir de manière assez radicale la politique culturelle que nous menons en France depuis de nombreuses années. Politique qui revient, d'une part, à protéger un certain nombre d'acteurs (comme la loi Lang sur le prix unique du livre) et, d'autre part, à les aider financièrement au travers d'une série de subventions de toutes sortes.

Cette politique a favorisé le développement d'un très grand nombre d'oeuvres et d'artistes, elle a favorisé la multiplication des lieux où l'on peut "consommer'' de la culture (musées, salles de théâtre, de cinéma…) mais a-t-elle favorisé la création?

Dans les années 50 et 60, tous les Français qui avaient fait quelques études secondaires et supérieures étaient capables de citer au moins cinq ou six noms de poètes vivants : Eluard, Aragon, Desnos, Saint-John Perse, Prévert, Breton, Ponge… Aujourd'hui, même les plus cultivés seraient bien en peine de faire de même.

Dans le premier article que j'ai écrit (j'étais alors lycéen et c'était au lendemain de la mort de Francis Poulenc), je citais les noms de Boulez, Stockhausen, Berio… Je savais que ces compositeurs qui n'avaient alors pas même 40 ans étaient important. Je mets aujourd'hui au défi quiconque, même parmi les amateurs les plus éclairés, de faire de même.

Le financement massif par la subvention, la multiplication des lieux de diffusion mais aussi la création d'une multitude de postes dans l'éducation qui permettent aux artistes de gagner leur vie tout en continuant d'exercer leur oeuvre, ont eu pour effet de multiplier le nombre d'artistes en activité. Leurs oeuvres ne sont pas forcément de mauvaise qualité, mais le travail de tri, de sélection qui se faisait impitoyablement dans les années 50 ne se fait plus. D'où la multiplication des artistes, des oeuvres et l'incertitude sur ce qui a de la valeur et ce qui n'en a pas.

Ce travail de tri se faisait de deux manières :

- au travers de la contrainte économique : les places étant chères, ne résistaient, ne duraient que ceux qui savaient s'imposer, qui investissaient le plus dans leur travail et avaient su constituer des réseaux de soutien puissants (d'où cette sociologie très particulière de l'art, avec ces groupes d'artistes, le groupe surréaliste, Cobra, les Nouveaux Réalistes, le Domaine Musical) ;

- au travers des choix esthétiques : les gens qui organisaient les expositions, les concerts, qui éditaient les livres étaient amenés à faire des choix et à les justifier… Ils s'engageaient eux aussi et n'hésitaient pas à dire : "c'est bon, c'est mauvais", d'où le développement d'un discours esthétique qui s'est effacé. Aujourd'hui, les oeuvres sont trop souvent sélectionnées et présentées par des gens dont la fonction et le métier est de présenter ce qui se fait sans exclusive (ou sans trop d'exclusive), à l'instar des conservateurs des musées d'art contemporain dont le métier n'a rien à voir ni avec celui de galeriste ni avec celui de théoricien de l'avant-garde (façon Restany ou Boulez). D'où la profusion de styles différents : chacun fait ce qu'il veut dans son coin…

Résultat : le monde de l'art est devenu illisible. Et si nous avons encore de grands artistes et des chefs-d'oeuvre, nul ne le sait.

Kouchner ministre de Sarkozy?

Bernard Kouchner a créé un (tout petit) séisme en annonçant qu'il accepterait d'être ministre de nicolas Sarkozy dans le cadre d'un gouvernement d'union national (ouf!, c'est dans le cas où Nicolas Sarkozy se sentirait dans l'obligation de créer un gouvernement d'union nationale, hypothèse hautement improbable que notre militant socialiste accepterait de "se marier au diable"). L'information a amusé les journalistes qui se sont précipités dessus comme la vérole sur le bas clergé (formule vieillotte qui m'enchante).

Certains ne manqueront pas d'ailleurs d'y voir une tactique de l'un des hommes les plus populaires de France pour faire parler de lui dans la presse. Mais je crois qu'on peut en tirer plus. Bernard Kouchner est assez caractéristique de ces personnalités issues de la société civile qui ont réussi dans leur vie professionnelle et qui pensent pouvoir apporter au monde politique un savoir-faire et des compétences qui lui manqueraient. Convaincus que les compétences sont l'essentiel, ils imaginent assez volontiers que tout irait mieux s'il n'y avait pas de conflit entre la gauche et la droite, ce qui les amène soit à nier l'opposition entre l'une et l'autre, soit à réver d'une très improbable union nationale.

Kouchner n'est, de ce point de vue, que le dernier d'une très longue liste. On pense à Servan-Schreiber ou Françoise Giroud venus de la gauche et ministres de Giscard, à ces anciens patrons de Renault ou de France Telecom devenus ministres de gouvernements de gauche, à quelques autres… qui n'ont jamais vraiment convaincu (ce qui n'est pas, soit dit en passant, le cas de Kouchner qui a plutôt été un bon ministre de la santé).

Cette posture de la compétence au dessus des partis est très sympathique au moins en apparence, mais elle présente un double défaut :
- elle est le plus souvent inefficace,
- elle frise le populisme.

L'inefficacité tient à ce que l'expérience de ces vedettes de la société civile ne les prépare en rien au métier de politique qui ne ressemble à nul autre. On ne fait pas bouger une administration ou un pays comme une entreprise. Ce sont des mondes différents. L'entreprise parle à ceux que ses produits ou services intéressent et à eux seuls. L'Etat parle à tous les Français et il peut impooser, éventuellement par la force, ses solutions à tous. Ce qui n'est, bien évidemment, pas le cas d'une entreprise privée. Cela change tout.

Quant au populisme, il vient de ce qu'ils assoient leurs prétentions sur leurs compétences et leur popularité (la seconde venant des premières). Or, les politiques ne connaissent qu'une seule légitimité : celle du vote. S'ils peuvent prétendre parler au nom de tous les Français, c'est que ceux-ci les ont autorisés à le faire lors d'élections au cours desquelles ils remettent régulièrement en jeu leur mandat (ce qui demande une abnégation, un courage que nous sommes rares à avoir). Aucune compétence ne peut remplacer cette confiance que les électeurs font, confiance qui seule légitime les décisions qu'ils prennent. J'ajouterai qu'en mettant en avant leurs compétences, en l'opposant à la prétendue incompétence des politiques, ces personnalités issues de la société civile font en réalité du tort à la démocratie.

En envoyant un signal à Sarkozy à quelques mois de l'élection présidentielle, Kouchner a simplement montré qu'il n'avait rien compris au monde politique. Il est resté un membre de la société civile. Et à ce titre, il ne mérite pas qu'on le prenne au sérieux dans la bataille politique ni même qu'on lui accorde la moindre confiance.

dimanche, décembre 24, 2006

Winnie et tant d'autres

Il ne se passe pas de semaine que je ne recoive (comme des milliers d'autres internautes, sans doute) des messages de RSF, le réseau qui s'est attaché à défendre les sans-papiers que le ministère de l'inétrieur renvoie chez eux dans des conditions, le plus souvent inhumaines. Ce matin (24/12, la veille de Noël!), c'est une jeune maman d'une petite fille de trois ans que l'on veut renvoyer à Magadascar.

Il y a dans tous ces messages, dans les récits de vie qu'ils ébauchent, quelque chose de tellement poignant que l'on se sent coupable. Coupable de ne rien faire (même si l'on a ici ou là fait une ou deux petites choses), de ne pas savoir quoi faire, de vivre dans un pays dans lequel tout cela est possible (même si ce n'est pas forcément mieux ailleurs), de se préparer à une soirée de réveillon quand d'autres seront dans un avion contre leur gré.

A défaut d'autre chose, il y a une pétition pour la petite Winnie et sa maman que l'on peut signer sur cette page où l'on raconte cette histoire. C'est peu de choses… c'est mieux que rien.

samedi, décembre 23, 2006

Bivalence : Insulte-t-on vraiment les enseignants?

Libération a publié dans son édition du 23/12 une lettre d'un lecteur enseignant, Christophe Ricaud, au titre pour le moins inquiétant : "Enseignants en danger"

Le texte ne l'est pas moins. Mais pour d'autres motifs. Le voici :

"Mardi 19 décembre, les enseignants étaient en grève. Je suis étonné qu'ils n'aient pas reçu l'appui des fédérations de parents d'élèves. Les médias n'ont retenu que deux points, financier et horaire. Mais ce qui me fait bondir c'est la bivalence imposée, insultante pour les enseignants, dangereuse pour les élèves. Il est dévalorisant pour un enseignant qui a fait cinq années d'études au minimum, de voir son ministre considérer que, tout compte fait, sa matière sera aussi bien enseignée par quelqu'un qui n'y a plus touché depuis le bac. Il y a belle lurette que le spécialiste d'histoire, même s'il lit le Goncourt ou le prix de l'Académie française, a rompu avec les études littéraires et grammaticales... Parents, étudiants, futurs étudiants, soyez solidaires des enseignants, il y va de votre intérêt. La bivalence ne serait compatible avec un enseignement de qualité que si on l'abordait par le haut : recrutement d'un corps spécifique de bivalents sur la base d'une double qualification."

Si j'ai bien compris, Christophe Ricaud se plaint du manque de solidatité des parents d'élèves qui ne comprendrait pas ce que la bivalence (le fait de demander à des professeurs d'enseigner deux matières à la fois) pourrait avoir de scandaleux.

Pour le parent d'élève que je suis, ce sont les réactions des enseignants qui sont plutôt surprenantes.

Je ne comprends pas, d'abord, très bien comment des gens qui passent leur vie à enseigner pourraient refuser d'apprendre une nouvelle discipline (parce que j'imagine que l'on ne créerait pas de bivalence sans programme de formation des enseignants).

Je me demande ensuite si les compétences requises pour enseigner en sixième sont tellement différentes de celles nécessaires pour enseigner en septième qu'un prof qui enseigne l'histoire dans les petites classes du collège ne pourrait pas enseignerégalement le français.

Je me demande encore ce qui est le plus insultant : de demander à des enseignants de pratiquer la bivalence ou de les croire incapables de préparer un cours de troisième dans une matière qu'ils n'ont pas étudiée à l'Université?

Faut-il, enfin, rappeler que la bivalence existe depuis longtemps : l'hitoire est enseignée avec la géographie alors même qu'il s'agit de disciplines très différentes. Même chose pour la physique-chimie, pour le français, le latin et le grec. A-t-on des études qui montreraient que la bivalence est dans ces deux cas néfaste? Pas à ma connaissance.

La bivalence a des avantages évidents : elle faciliterait certainement la gestion des personnels à l'Education nationale, notamment les remplacements et éviterait que les profs des petites matières (l'allemand, par exemple) enseignent dans plusieurs établissements.

A-t-elle des inconvénients? peut-être, mais pas ceux que l'on nous dit.

mercredi, décembre 20, 2006

Sur Pascal Sevran, ses éditeurs et ses lecteurs

Pascal Sevran a publié des propos indignes et il est tout à fait justifié qu'il soit fustigé comme il l'a été, mais cette affaire, comme quelques autres du même type m'intrigue. Pourquoi s'en prend-on au seul Pascal Sevran? Je sais bien qu'il est le premier responsable de ses propos, mais avant d'être publié son livre (puisque c'est dans un livre qu'il les a tenus) a été lu par son éditeur, relu et corrigé par un correcteur… Comment se fait-il que personne ne lui ait conseillé de supprimer ces passages imbéciles autant qu' immondes que rien ne justifie, ni la profondeur de la pensée ni la qualité du style (je ne veux pas dire que le style justifie le racisme, mais certains auteurs, dont Céline ont pu "s'en tirer" de la sorte, ce n'est pas le cas de Sevran)? Est-ce que ses premiers lecteurs n'ont rien vu là de choquant? ce qui aurait de quoi inquiéter. A défaut d'être choqué, l'éditeur aurait pu s'inquiéter de leur impact sur l'image d'un de ses auteurs qui se vend bien. A moins qu'il ait jugé qu'un écrivain a le droit dire tout et n'importe quoi.

Il est bien une autre hypothèse : que personne n'ait relu le manuscrit de Sevran : il se vend, il envoie sa disquetet, son fichier et tout part immédiatement à l'imprimerie. A quoi il faudrait ajouter que les propos de Seran n'ont pas choqué beaucoup de lecteurs puisqu'ils n'ont été "découverts" que plusieurs mois après leur publication. Mais là encore, on peut penser que tous les acheteurs de ce genre de livre ne les lisent pas, que beaucoup se contentent de les feuilleter avant de les reposer, épuisés de tant d'insignifiance sur leur table de nuit.

Dans l'un comme dans l'autre cas, les filtres et contrôles qui devraient éviter que l'on publie n'importe quoi n'ont pas fonctionné. Et c'est regrettable. On aimerait que les éditeurs s'expliquent et nous expliquent pourquoi ils laissent passer pareilles insanités.

lundi, décembre 04, 2006

Un beau film : Je pense à vous

Mieux vaut quelque fois ne pas trop en savoir sur un film. J'avais vaguement lu des critiques élogieuses de "Je pense à vous" de Pascal Bonitzer et en avait surtout retenu que c'était un film germano-pratin, ce qui m'a fait un temps hésité (quoi de plus ennuyeux que les histoires d'amour des éditeurs?). Puis, le hasard des rendez-vous et des programmes m'a amené à le voir. Et j'ai été ébloui!

Ebloui par la qualité du scénario, d'une intelligence, d'une finesse rare, qui surprend à tout instant. Impossible de deviner ce qui va se passer, à l'inverse de ce que l'on rencontre dans tant de films. Non seulement on est surpris, mais on est étonné par ce que l'on découvre de nous-même (de nos proches, de nos voisins) et qu'on ne nous avait jamais montré.

Ebloui par ces images qui nous renvoient, l'air de rien, sans jamais insister, à la peinture, qui déclinent des tableaux que nous connaissons, qui les réécrivent plutôt. Je pense à la main et à la baignoire du début du film imitées tout à la fois de Michel-Ange et David (on pense autant à la création du monde du premier qu'à l'assassinat de Marat du second) comme si le réalisateur avait réussi ce que les écrivains appellent des mots-valise. Une image, un peu plus tard, rappelle ces photos de Robert Desnos pendant les séances surréalistes. Puis, il y a Ingres et sa grande odalisque que Bonitzer a su évoquer sans ajouter de vertèbre à sa comédienne qu'il filme avec une véritable tendresse (belle scène où elle se déshabille dans la salle de bain, jouant avec un pan de mur, ne révélant in fine que le bord extrême de ses fesses).

Ebloui par ce portrait de Paris tout en contraste avec cette nature qui l'envahit, nature capricieuse (le même soir il pleut et la rue est sèche), ces jardins, ces allées d'arbre qui dessinent un Paris intérieur, Paris de promeneur, de sa périphérie, la Porte Dorée, le Père-Lachaise, très éloigné de cette rue Jacob où travaille l'éditeur (au Seuil?) et où vit la mère de l'un des personnages dans un appartement aux couleurs de peinture à l'huile qui craque comme dans les films fantastiques (dont les scènes tournées dans cet appartement s'inspirent probablement).

Bluffé encore par cette manière de montrer l'intimité et la pudeur et comment l'une et l'autre vivent ensemble dans les ménages. Beaucoup de ce film tourne autour de la salle de bains et des toilettes, lieux d'effraction, de gêne, d'intimité, de complicité mais aussi de violence).

Je n'ai pas parlé du scénario que les critiques ont souvent plus ou moins raconté et dont on peut se faire une idée en allant sur les pages qu'allociné consacre au film. Je préfére dire deux mots de deux autres moments forts, quoique discrets, du film :

- les relations de Herman, joué par Edouard Baër, et de sa fille (celle de Pascal Bonitzer) qu'il croise deux fois, au Palais Royal et au cimetière, évocation délicate des tendresses distantes des parents et des enfants,
- les quelques passages (deux ou trois) où l'on parle de l'antisémitisme, où l'on découvre une hypersensibilité d'un juif qui ne supporte pas que l'on fasse allusion, même de manière involontaire, au fait qu'il soit juif. Comme s'il ne supportait pas que les autres puissent savoir. Il y a quelque chose du marane chez Herman.

Les journalistes ont souvent suggéré que ce film s'inspirait des mésaventures sentimentales de son réalisateur. On l'a compris : on n'a pas besoin d'en savoir quoi que ce soit pour y prendre un grand plaisir.

dimanche, décembre 03, 2006

Avis aux candidats

Nous avons eu un aperçu de ce que peut donner internet dans une campagne avec le petit film montrant Ségolène Royal parlant des 35 heures de travail des enseignants et l'utilisation par l'UMP du programme de publicité adwords de Google pour attirer des visiteurs (le mot banlieue renvoyant, par exemple, à son site). Mais internet peut intervenir dans la campagne d'auters manières.

Eric Schmidt, le Président de Google a donné jeudi dernier aux gouverneurs républicains réunis à Miami quelques conseils sur l'utilisation d'internet dans la prochaine campagne présidentielle qui peuvent intéresser nos candidats français et donné quelques exemples de la manière dont il pouvait être utilisé :
- il a cité le cas de Bahrain où l'on a vu les opposants au régime utiliser Googleearth pour montrer la richesse des propriétés des dirigeants. Lorsque ceux-ci ont voulu interdire la diffusion de ces images, les internautes se sont précipités en masse ;
- il a cité d'autres exemples où internet (en l'espèce Youtube) a permis de rediffuser et de faire connaître des films anciens où des élus ou des candidats avaient eu des comportements ou tenu des propos susceptibles de choquer les électeurs ;
- il a également fait allusion au Googlebombing, une technique qui consiste à faire monter (ou descendre) dans le classement des moteurs de recherche des pages que l'on veut montrer (ou, au contraire, cacher). Exemple : un adversaire du PS pourrait faire monter en première page dans les résultats de Google des sites critiques, favorisant ainsi la diffusion d'argumentaires hostiles au parti.

Eric Schmidt a conclu en disant que les ingénieurs de Google travaillaient à des solutions pour éviter le développement de ces techniques.

samedi, décembre 02, 2006

Un petit plaisir pour ceux qui n'en peuvent plus du télémarketing

J'ai trouvé cela sur le net. C'est une plaisanterie faite à un de ces télémarketers qui vous appellent et vous annoncent que vous avez gagné quelque chose que vous n'avez jamais demandé. C'est excellent, très, très drôle, en anglais malheureusement, mais avec des sous-titres qui aident à la compréhension. Cela donne en tout cas des idées pour la prochaine fois qu'on m'embêtera avec des porte-fenêtres, des savons fabriqués par des handicapés ou des solutions miracle pour m'assurer une retraite formidable.

Pour y accéder juste cliquer ici ou sur le titre de ce poste.

jeudi, novembre 30, 2006

Ségolène ou Sarko, histoire de prénoms

On pourrait dire "Royal" et "Nicolas", mais ce n'est pas ce que l'on fait, on dit "Ségolène" et "Sarko" ou "Sarkozy". La manière dont on nomme les politiques n'est pas indifférente. II y a ceux dont on détourne le nom : lorsque l'on entendait prononcer "Mitrand" au lieu de "Mitterrand", on savait que l'on avait immédiatement affaire à un homme de droite plutôt à la droite de la droite. Il y a ceux dont le nom devient support d'un substantif, comme De Gaulle, qui a donné naissance au gaullisme ou Giscard au giscardisme. On remarquera, à propos de Giscard, qu'un peuple républlicain n'a pas manqué de l'amputer de sa particule (volée, volée ou plutôt achetée, dit-on, ce qui a sans doute contribué en son temps à son succès : il en a toute l'apparence, mais il n'en est pas vraiment, je veux dire de l'aristocratie).

Mais revenons à Ségolène et à Sarkozy. On dit parfois "Ségo" pour Ségolène, abréviation qui tient à la longueur de son prénom et à l'influence de "Sarko". Ces deux diminutifs riment, ce qui fait sourire. Mais pourquoi l'une a-t-elle droit à son prénom et l'autre à son patronyme?

On peut imaginer plusieurs hypothèses :

- la première vaguement psyschanalytique. Ségolène Royale a beaucoup raconté sa jeunesse et son père militaire brutal et hyper-viril. Barrer son patronyme pourrait être une manière de la venger. Nous sommes solidaires de la jeune fille en souffrance et nous le marquons en l'amputant du nom de son père ;

- autre hypothèse vaguement psychanalytique : nous sommes républicains et un peu gênés par ce patronyme qui nous rappelle un cadavre dans le placard de notre histoire. Non que nous regrettions le roi, mais la guillotine… bof, bof…

Des féministes pur(e)s et dur(e)s pourraient être choqué(e)s et y voir une forme discrète de discrimination. Auraient-(ils)elles tort? Je n'en suis pas certain. On peut analyser cette familiarité comme une manière ne pas vraiment prendre au sérieux cette femme candidate (celle-ci ou n'importe quelle autre). Mais si l'on s'en tient à cette ligne de réflexion, il faut se demander si toutes les femmes sont traitées de la même manière.

Je ne me souviens pas qu'on ait, à droite, parlé de Simone, Michèle ou Françoise (pour cette dernière, on a souvent entendu dire "la Panafieu" ce qui suggérait des informations particulières et pas forcément aimables (ni avérées), sur la vie sentimentale de la dame). A gauche, c'est un peu plus compliqué. Personne n'a jamais appelé Guigou "Elizabeth", il est vrai qu'elle est plutôt du genre glacial, mais j'ai entendu à plusieurs reprises appeler Martine Aubry, "Martine", sans que ce soit un signe de familiarité. Et comme personne ne l'a jamais accusée de manquer d'intelligence ou de compétence ni d'être excessivement féminine, c'était une manière particulièrement perverse de la dégommer.

Pour Ségolène Royal, les choses sont plus subtiles. Les socialistes, lors de leur campagne interne, se sont appelés par leur prénom, une manière comme une autre de dédramatiser leur concurrence, de lisser les oppositions. Laurent et Dominique ont débattu avec Ségolène, ce qui lui a donné un air de familiarité qui n'était pas évident. Mais qui, dans le public, dit Laurent ou Dominique? Le seul homme politique qui ait, me semble-t-il, un prénom est François Hollande, mais peut-être est-ce parce que nous nous glissons dans la chambre du couple qu'il forme avec "la Royal" (jamais entendu, il est vrai que toute belle qu'elle soit, elle n'inspire guère la gaudriole) et que nous nous mettons à lui parler comme Ségolène fait (enfin, j'espère!).

On peut d'ailleurs penser que l'on dit d'autant plus volontiers Ségolène qu'il est toujours un peu étrange d'entendre Hollande (vous remarquerez que le prénom manque) dire "Ségolène Royal". Imagine-t-on le ridicule d'un Jacques Chirac parlant de sa femme et disant : "Madame Chirac"? Même Georges Marchais s'en était gardé lors de ce bel épisode où il avait commandé à son épouse, dont j'ai oublié le prénom, de faire les valises et de rentrer à Paris (merveille de l'internet, je fais sur Google "Marchais + valises" et je trouve le prénom : son épouse s'appelle Liliane, c'était en 1980 et il s'agissait du programme commun).

Ce prénom rare et un peu précieux (vous connaissez beaucoup de femmes de 50 ans qui s'appellent Ségolène? les parents qui donnaient ce prénom à leur fille dans les années 50 se comptaient sur les doigts d'une ou deux mains comme en témoignent ces statistiques) la protège de trop de familiarité : Martine, Catherine ou Geneviève auraient été moins efficaces. Merci papa Royal!

Mais est-ce que cette familiarité va l'aider dans la campagne présidentielle? Sans doute. Cela devrait l'aider à adoucir l'image un peu rude qu'elle donne volontiers d'elle-même et ringardiser un peu plus un Sarkozy dont l'image ressemble de plus en plus à celle de cet "agité du bocal" dont parlait dans un tout autre contexte Céline (Louis-Ferdinand).

mercredi, novembre 29, 2006

Injustices sociales vs pathologies sociales

La Découverte vient de publier un recueil d'articles d'Axel Honneth, sociologue allemand de l'école de Francfort que l'on connaît pour ses travaux sur la reconnaissance : La société du mépris. Ce recueil est passionnant et, malheureusement, comme c'est de plus en plus souvent le cas, abominablement édité (un exemple entre dix : un des papiers d'Honneth est une réponse aux critiques faites à la Dialectique de la raison d'Horkheimer et Adorno ; à aucun moment, l'éditeur ne prend la peine de donner le nom des deux auteurs de ce livre, c'est au lecteur de chercher ou de retrouver, s'il a un peu de culture philosophique, dans sa mémoire).

Mais revenons à l'essentiel : au contenu de ce recueil. On y trouve beaucoup de choses intéressantes et notamment une opposition, utile dans les débats sur l'équité et la société juste, entre injustices sociales et pathologies sociales : des situations justes peuvent être insupportables.

C'est lorsque l'on regarde le monde social avec d'autres lunettes, que l'on peut voir, au delà des injustices que le réformiste corrige avec plus ou moins de bonheur, de véritables pathologies sociales.

C'est une manière de réintroduire dans le jeu politique l'opposition entre réformisme et révolution (ou, si l'on préfère, critique radicale de la société) qui s'était effacée ces dernières années, le mot révolution s'étant vidé de son sens. Mais c'est aussi une façon de légitimer dans le débat public d'autres manières de s'exprimer en politique. Aux experts qui argumentent de manière rationnelle et s'attachent à corriger les injustices que l'on sait mesurer, Honneth oppose ceux qui utilisent la parabole, la métaphore, la rhétorique pour rendre visible l'inacceptable que les acteurs ne voient pas toujours (d'où la figure de l'esclave heureux que l'on rencontre dans ce livre). C'est de cette manière, en effet, que l'on peut espérer modifier les normes dans une société.

Au coeur de cette distinction, il y a, explique Honneth un glissement dans les préoccupations de la philosophie politique : "il ne s'agit plus, écrit-il à propos de Hobbes qui aurait été l'un des premiers à initier ce glissement, de savoir comment une communauté peut garantir à ses membres une vie qui soit à la fois bonne et juste, tout ce qui le préoccupe c'est de savoir comment elle peut être en mesure de construire un ordre qui recoive un assentiment général. (…) La philosophie n'est censée apporter de réponse qu'aux problèmes relatifs à l'institution de rapports sociaux justes ; quant aux conditions qui garantissent une vie bonne, elles sont si peu accessibles à une définition générale qu'elles doivent rester en dehors du cadre de la philosophie."

Cette opposition entre injustices et pathologies sociales parait utile et pourrait bien demain nourrir les débats au sein de la gauche entre réformistes et radicaux.

lundi, novembre 27, 2006

Revoilà Le Pen…

Est-ce parce qu'il vieillit, que nous l'avons tellement vu que nous nous nous y sommes habitués, mais Le Pen fait moins peur. Il était hier chez Serge Moati qui l'a accueilli on ne peut plus courtoisement et l'a laissé développer son programme, enfin les quelques points qui lui en tiennent lieu. Je dis quelques, mais il n'en a développé que trois :

- l'immigration zéro (pas tout à fait zéro, a-t-il dit, mais presque), ce qui est depuis toujours son fonds de commerce,

- le retour des frontières et des barrières douanières, en un mot du protectionisme, thème qu'il pargage avec l'extrême-gauche (qui ferait bien de s'interroger sur cet étrange cousinage),

- l'augmentation massive du budget de la Défense nationale (qu'il est le seul à proposer).

Tout cela fait effectivement système et l'on aurait aimé que ses contradicteurs l'interrogent sur l'étrange collusion des frontières et de la Défense. Reconstruire les frontières et augmenter le budget militaire, n'est-ce pas annoncer le retour des conflits armés? Historiquement, reflus du libre-échange et conflits armés sont en général allés de pair. Est-ce bien cela que veulent les Français?

Quant au racisme, on en a évidemment parlé, mais, comme trop souvent, de manière maladroite, donnant à Le Pen la possibilité de rappeler qu'il a fait élire noirs et beurs dans son mouvement et qu'il n'est pas impossible qu'il devienne un jour l'ami de Dieudonné.

Sans doute conviendrait-il de distinguer son racisme populaire du racisme plus "sophistiqué" de l'extrême-droite d'avant-guerre qui avait théorisé l'inégalité des races. A ne pas faire de distinction, on risque simplement que ses électeurs, et beaucoup de Français avec, haussent les épaules : "si c'est cela le racisme… alors il n'y pas de quoi fouetter un chat." (la même chose vaut d'ailleurs pour Georges Frêche dont les propos indignes auraient dû être dénoncés tout autrement. On aurait pu, par exemple, se demander pourquoi règne dans notre société une division du travail qui met les noirs sur les terrains de foot et les blancs dans les conseils d'administration…).

Le Pen n'a pas perdu ses griffes comme on l'a vu dans le débat, mais plutôt que de l'attaquer sur son racisme et ses propos sur les fours crématoires, que tout le monde connaît, ses adversaires feraient mieux de l'interpeller sur son programme. Il serait intéressant de savoir, par exemple, en quoi consiste ce qu'il appelle la préférence nationale. Jusqu'où veut-il aller? Qui veut-il vraiment exclure? Des questions précises seraient certainement la meilleure manière de le déstabiliser, de montrer le vide ou la violence (ou la sottise) de ses propositions.

Ce serait sans doute la meilleure manière de dégonfler une baudruche qui m'a paru, hier soir, et à l'encontre de ce que disait un sondage publié la veille par Le Monde, en petite forme sinon en perte de vitesse. Ce serait certainement la meilleure manière de l'amener à révéler les pans les moins reluisants de son programme.

Le retour de Saddam Hussein

Si l'on veut se faire une idée du désarroi dans lequel se trouve l'opinion américaine, il suffit de lire la presse d'outre-Atlantique. On y trouve des perles qui font plus que sourire. Je pense au papier qu'a publié ce matin Jonathan Chait dans le Los Angeles Times. Chait est un de ces éditorialistes qui écrivent pour toute une série de journaux (dans son cas, The New York Times, le Washington Post, le Wall Street Journal, Slate, Time, American Prospect) et qui expriment autant qu'ils font l'opinion.

Dans ce papier au titre provocateur : Bring back Saddam Hussein,
il propose tout simplement de ramener au pouvoir en Irak Saddam Hussein. L'argument est d'une simplicité angélique : lui, au moins, avait su assurer la paix civile et mettre sous contrôle les affrontements en sunnites et chiites.

Il faut que l'opinion américaine soit déboussolée pour qu'un journaliste plutôt sérieux écrive cela et pour qu'un journal plutôt raisonnable le publie…

lundi, novembre 20, 2006

Ségolène, les profs et les 35 heures…

Il faut regarder la vidéo vue par plusieurs centaines de milliers de personnes dans laquelle Ségolène Royal parle des 35 heures des profs, il faut voir les sourires narquois de ses voisins, son air calme et déterminé pour comprendre sa popularité et sa victoire. Quel parent (de gauche, de droite, du centre…) peut aller contre ce qu'elle dit? Ce qui la distingue de ses voisins, et de beaucoup de la classe politique est qu'elle dit des choses de bon sens, que beaucoup ont pensé et qu'elle le fait sans se soucier des calculs politiques (les syndicats sont contre, soit, hé bien signons un pacte avec eux pour pouvoir agir…).
Paradoxalement, je pense que cette vidéo clandestine mais largement diffusée l'a doublement servie :
- en montrant qu'elle avait des idées et qu'elle n'hésitait pas à les afficher même devant un public timide, ironique,
- en confirmant qu'elle ne participait pas au jeu politicien et que les politiques et les journalistes faisaient souvent beaucoup de bruit pour pas grand chose.

jeudi, novembre 16, 2006

Ségolène Royal, les enseignants et les 35 heures

La diffusion sur internet d'une vidéo montrant Ségolène Royal défendant les 35 heures pour les enseignants a certainement été organisée pour le porter tort. On ne sait par qui, même si certainns soupçonnent l'UMP. Mais peu importe. Il ne faudrait pas que ce petit mystère interdise de s'interroger sur la proposition.

Il y a quelques jours, le Monde indiquait que tous les acteurs de l'Education à l'exception des syndicats d'enseignant, tous les ministres en avaient révé. Et l'on comprend pourquoi lorsque l'on apprend que le chiffre d'affaires des petits cours représente 900M€ par an, soit 150€ par lycéen, sachant naturellement que l'enseignement à domicile concerne plus les familles aisées que les familles modestes. Ces dépenses progresseraient de 5 à 10% par an d'après cette note d'Emeric Burin des Roziers sur Débat 2007.

Tout cela devrait inviter à prendre au sérieux la proposition de Ségolène Royal. S'il est vrai qu'elle parait d'une mise en oeuvre difficile, elle offre une piste de réflexion. Pourquoi, par exemple, ne pas demander aux enseignants qui le souhaitent de consacrer quelques heures de plus à des enseignements en petits groupes pour le soutien des élèves en difficulté contre un complément de rémunération?

mardi, novembre 14, 2006

L'UMP n'est pas forcément sinistre

Si je vous parle de l'UMP et de son site, vous allez hausser les épaules… Et vous aurez… tort. Car l'UMP n'est pas forcément synonyme de Sarkozy. A preuve ce site que je viens de découvrir et que je vous recommande d'aller visiter. Vraiment… Vous n'êtes pas déjà parti? Faites vite. Si, si, je vous promets…
Mais après, revenez-moi…

dimanche, novembre 12, 2006

Les jurys citoyens de Ségolène Royal et John Rawls

Les jurys citoyens de Ségolène Royal font couler beaucoup d'encre (par exemple ici). Ils suscitent en général beaucoup d'hostilité, mais on sent, même chez les plus critiques, l'intuition que derrière cette proposition, il y a une vraie question : les citoyens ne se sentent plus vraiment ou pas complètement représentés. Sans aller jusqu'à dire que notre démocratie est en crise, les symptomes d'un mal-être sont nombreux :
- la dispersion des voix lors du premier tour de la précédente élection présidentielle sur une myriade de petits candidats, l'importance des abstentions et le nombre élevé de gens qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales indique que beaucoup ne se reconnaissent pas dans les candidats et dans leurs programmes,
- la crispation à l'égard de l'Europe que personne ne juge vraiment démocratique (pour avoir essayé il y a quelques années de le montrer dans un document qui m'avait été commandé par la Commission je peux témoigner qu'il faut beaucoup se creuser les méninges pour trouver les institutions européennes démocratiques au sens classique du mot) témoigne de l'exaspération de beaucoup à l'égard de ces systèmes où l'on se préoccupe moins des désirs des citoyens que des rapports de force entre groupes de pression et lobbies.

Notre politique se fait aujourd'hui au croisement de quatre sources :
- les sondages qui auscultent régulièrement l'opinion,
- les avis d'experts,
- les élections,
- l'action de communication des lobbies et groupes de pression.

En introduisant des jurys citoyens, Ségolène Royal en propose une nouvelle. Ces jurys seraient, nous dit-elle, composés de gens tirés au sort (un peu à la manière des jurys d'assise ou des responsables de la cité dans l'antiquité grecque). Elle a précisé que les jurys n'étaient pas forcément là pour condamner (elle a, à ce propos, fait allusion aux jurys littéraires). On peut compléter :
- ils ne seraient pas représentatifs de l'opinion comme le sont les sondages,
- ils n'auraient pas la compétence des experts,
- ils n'auraient pas la légitimité des élus,
- ils n'auraient pas les intérêts des lobbies.

Est-ce que cela les déconsidère? pas forcément. Ces jurys me rappellent ces assemblées réunies sous un voile d'ignorance qu'imaginait John Rawls pour créer une société juste. Des gens qui ne sachant pas ce que serait leur place dans la société qu'ils concevaient ne pouvaient que concevoir une société juste. Utopie? Sans doute, mais qui met le doigt là où cela fait mal : le sentiment d'impuissance et d'injustice de beaucoup de citoyens qui ont le sentiment que la politique se fait en dehors d'eux et que les décisions prises le sont sans souci de la justice.

vendredi, octobre 27, 2006

The Economist votera-t-il pour Ségolène Royal?

The Economist, le très libéral et très compétent hebdomadaire britannique consacre 15 pages à la France et sa une qu'il décore d'une photo flamboyante de… Margaret Thatcher. Ce qu'il faut à la France, dit-il en substance, c'est une nouvelle Maggie.
A prioro cette nouvelle Maggie devrait être Nicolas Sarkozy. C'est en tout cas la posture que celui-ci a, à plusieurs reprise, implicitement prise. Mais il n'est pas certain que The Economist soit tout à fait d'accord. La conclusion de son article est pour le moins ambiguë, soulignant que les socialistes ont souvent mené plus de réformes que des leaders de droit, très en pointe dans les campagnesélectorales, mais plus timorés une fois au pouvoir.
De là à penser que The Economist trouve des vertus à Ségolène Royal, il y a un pas qu'il ne faut peut-être pas franchir tout de suite, même si la fermeté de la candidate socialiste, son aplomb (qu'elle a encore montré hiere soir en abordant tous les thèmes "délicats" de sa comapgne devant une salle houleuse) séduisent les journalistes de l'hebdomadaire britannique.

jeudi, octobre 26, 2006

Patrimoine de départ, l'étrange promenade des idées

On sait que Dominique Strauss-Kahn a introduit dans le discours politique, à l'occasion du second débat entre socialistes, l'idée d'un patrimoine de départ qui serait accordé aux jeunes en difficulté qu'il voudrait voir financé par les droits de succession.

L'idée, séduisante, n'est pas neuve. Je me souviens qu'Isidore Isou, que l'on connaît plus pour ses productions poétiques et picturales (il est le fondateur du mouvement lettriste qui a eu son heure de gloire au lendemain de la seconde guerre mondiale et que l'on redécouvre de temps à autre dans les musées d'art moderne), l'avait proposée dans les années 50 dans un livre que plus personne ne lit depuis longtemps mais qui mériterait un peu mieux : Le soulèvement de la jeunesse. Ce livre qui préfigurait les révoltes étudiantes de la fin des années 60 a joué un rôle dans le tournant politique pris par Guy Debord et les situationnistes, qui étaient proches d'Isou dans les années 50 (ils avaient créé un mouvement dissident du lettrisme, l'ultra-lettrisme). (Sur tous ces sujets, on peut en savoir un peu plus en lisant ce que j'ai écrit sur la sociologie du groupe lettriste).

Dans ce livre, Isou allait infiniment plus loin que Strauss-Kahn puisqu'il proposait de donner à chaque jeune un capital que celui-ci pourrait utiliser comme il le souhaitait : pour financer ses édudes, pour prendre du bon temps, pour créer une entreprise… mais il s'agit bien, au fond, de la même idée : donner aux jeunes la possibilité de décider eux-mêmes de leur avenir.

Je doute que Dominique Strauss-Kahn se soit inspiré d'Isou. Ses sources sont plus probablement américaines. Son projet évoque les "school vouchers" proposés par Milton Friedman. Ces "vouchers" permettent aux parents de mettre leurs enfants dans l'école qu'ils souhaitent, que celle-ci soit privée ou publique. On peut, pour en savoir plus, consulter l'article de Wikipedia sur le sujet où l'on apprend que le système est utilisé aux Etats-Unis, au Chili et à Hong-Kong et n'a pas que des effets positifs. Le projet de DSK est naturellement très différent du système de Milton Friedman, mais l'inspiration est voisine.

mercredi, octobre 25, 2006

Une campagne placée sous la thématique de l'autorité

Les thématiques développées par Ségolène Royal lors du deuxième débat font penser qu'elle a choisi de mettre au centre de la prochaine campagne électorale les questions liées à l'autorité.

Ce n'est pas plus que l'ordre dont elle parle abondamment un thème de gauche traditionnel, mais c'est une manière habile :
- de contourner les questions de sécurité ou, plutôt, de les replacer dans un contexte qui se prête moins aux débordements démagogiques.
- de répondre à cette crise de l'autorité qui inquiète tous ceux dont l'autorité est délégitimée ou en passe de le devenir, que cette autorité soit basée sur le savoir (enseignants, médecins, juges…) ou sur l'élection (élus dont un récent sondage montrait que les Français les jugeaient corrompus).

La différence entre Sarkozy et Royal (s'ils sont tous deux les candidats retenus) pourrait porter sur la manière, de régler cette crise qu'a décrite Alain Renault dans La fin de l'Autorité. Les différents projets qu'avance Ségolène Royal dessinent une manière de régler ces questions qui ne passe pas par des sanctions plus sévères mais par un mixte de contrôle social renforcé et d'éducation (mixte que l'on retrouve dans ses projets sur les jeunes délinquants et sur ces jurys populaires qui contrôlent l'activité des élus). Sarkozy sera sans doute tenté de répondre par des solutions qui aboutissent à un alourdissement des sanctions, au risque de se voir opposée l'inutilité de sanctions que personne n'applique.

En volant à la droite cette thématique de l'ordre et de l'autorité, Ségolène Royal répond à l'attente de cette clientèle de gauche qui souffre non pas de déclassement au sens économique mais d'un affaissement de ses positions dans la hiérarchie sociale du fait, justement, de cette crise de l'autorité.

jeudi, octobre 19, 2006

Elections présidentielles et marketing

Le débat entre les trois candidats socialistes a donné lieu à des analyses quantitatives et qualitatives du type de celles que les spécialistes du marketing pratiquent régulièrement (voir, par exemple, celle que Médiatrie a réalisée pour Libération). Ces analyses sont naturellement intéressantes (et certainement utiles pour les candidats), mais je ne suis pas sûr qu'elles apportent grand chose aux électeurs qui hésitent.

Un électeur qui s'interroge (ce qui est, à quelques mois de l'élection, le cas de la grande majorité) a besoin d'informations qu'il ne trouve ni dans les médias ni dans les débats. Les débats nous donnent des informations sur les programmes que les candidats affichent. Mais chacun sait bien qu'ils ne les appliqueront pas. Mieux vaut souvent, d'ailleurs, qu'ils s'en gardent. Les enquêtes d'opinion nous donnent des indications sur l'impact de leurs propos sur l'opinion. Mais nous avons besoin de tout autre chose. Nous avons besoin de connaître la personnalité des candidats, leur capacité à faire face à des situations imprévues, à anticiper, à s'imposer dans des moments difficiles, mais aussi à entendre et comprendre une société qui bouge. Nous avons besoin de savoir s'ils ont l'étoffe d'un homme d'Etat dans un monde en profond changement. Et cela, les analyses marketing ne nous le donnent pas.

Sans doute disposons nous déjà d'informations sur chacun :
- nous savons que Fabius a su anticiper et prendre des décisions courageuses et difficiles dans le cadre du sang contaminé. On a vu qu'il a su faire face avec dignité et calme à des attaques d'une violence extrême dans la même affaire ;
- l'épisode conjugal de Sarkozy nous a sans doute plus dit sur sa personnalité profonde (et sur sa modernité) que ses discours démagogiques : bien loin de le désservir, cet épisode a montré qu'il pouvait garder raison dans des moments de crise personnelle, ce qui est une qualité pour qui veut devenir Président ;
- nous devinons chez Ségolène Royal une vision à long terme (sans cette vision, elle n'aurait pas réussi cette longue marche jusqu'à la candature), de l'inflexibilité et une capacité à écouter et comprendre la sociéété que l'on ne trouve pas forcément chez ses concurrents (même si cela s'accompagne, chez elle, d'allures cassantes) ;
- DSK respire la compétence mais que savons-nous de son caractère? de sa capacité à faire face à des obstacles?
Il nous en faudrait plus, beaucoup plus, pour savoir lequel sera le mieux armé pour diriger le pays pendant 5 ans. Je ne suis pas sûr que la généralisation des techniques marketing nous aide à le découvrir.

mercredi, octobre 18, 2006

Le débat

Alors ce débat?

Première remarque : il n'était pas une seconde ennuyeux. Cela était un risque, mais les intervenants et les journalistes et l'ont mené de telle manière que l'on est resté attentif jusqu'au bout.

Seconde remarque. Malgré leurs ressemblances (même génération, même formation, même appartenance politique, même programme à respecter), les trois candidats ont su marquer leurs différences tant dans le fond que dans la forme et la méthode.

Sur la forme, d'abord : Ségolène Royal a certainement été la plus incisive, la seule à entrer directement dans le vif du sujet sans faire de commentaire sur l'exercice, la seule à ne citer ses concurrents qu'au tout dernier moment, presque avec réticence. Sur le plan de la courtoisie, Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn l'ont emporté haut la main, mais Ségolène Royal est la seule qui ait tenté, en fin d'émission, une pointe d'humour, signe sans doute d'un soulagement.

Toujours sur la forme : Fabius est certainement celui qui maîtrise le mieux, et avec le plus d'élégance, la langue française. Il est précis, ses phrases sont bien construites, il ne bafouille pas (comme l'a fait deux ou trois fois DSK). Ségolène Royal est, sur ce plan là, loin derrière les deux autres (comment peut-on sortir de l'ENA et maîtriser aussi mal l'expression parlée?) et ses explications ont paru à une ou deux reprises embarassées (je pense notamment à tout ce qu'elle a dit de la valeur ajoutée qui sentait la récitation de fiche préparée par ses collaborateurs).

Venons-en maintenant au fond. On a beaucoup dit que ce débat était à haut risque pour Ségolène Royal. Elle s'en est bien sortie. On attendait DSK sur les questions économiques. Il a été brillant lorsqu'il a parlé de la dette, mais pour le reste, il a déçu. Trop général, trop dans le flou et le vague. Ses tentatives répétées de mettre le changement en perspective, de convier dans la discussion le futur, les tendances profondes de la sociétéé sont toutes tombées à plat. Laurent Fabius a été des trois le plus précis, mais c'est aussi celui dont les propositions paraissaient le plus vieillies (augmentation du Smic sans réflexion sur son impact sur les autres salaires, réflexion que l'on trouvait chez ses deux concurrents). Fabius est le seul à avoir longuement et à plusieurs reprises parlé de l'Europe. Il a eu raison de mettre en avant cette dimension, mais était-il le mieux placé pour le faire? Comment ne pas s'interroger sur son "non" à la constitution européenne? Essayait-il de séduire ceux qui ne lui ont pas pardonné cette trahison? Il n'a sans doute fait que la leur rappeler.

Quant à Ségolène Royal, concrète et pragmatique, elle a montré de véritables qualités. Mal à l'aise dans l'exposé général, elle a marqué des points chaque fois qu'elle s'est appuyée sur son expérience du terrain : 35 heures, délocalisations, bureaucratie, dépendance… On sentait qu'elle était, au quotidien, confrontée à ces questions et qu'elle s'était attachée à les résoudre. Aux promesses de ses deux concurrents, elle opposait sa pratique quotidienne. Sans doute est-ce ce qui fait sa popularité.

Si proches et, cependant, si différents… Ce sont des personnalités, des manières d'aborder la politique qui se sont révélées dans ce débat. Plus proche du concret chez Ségolène Royal, plus sensible aux rapports de force à gauche chez Laurent Fabius, plus attentif aux évolutions profondes de notre société chez DSK.

vendredi, octobre 13, 2006

Ségolène, la Turquie et son blog

Nous avons tous vu à la télévision la réponse alambiquée de Ségolène Royal à une question sur l'entrée de la Turquie dans l'Europe. Si quelqu'un a compris, au vu des images diffusées, sa position, il est bien malin. Mais voilà que son blog revient sur le sujet : A propos de l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, Ségolène Royal, explique-t-il, a rappelé que le processus “se terminera par un référendum. Un certain nombre de conditions doivent être remplies, par rapport à l’inquiétude des opinions sur la stabilité des frontières de l’Europe. Cette question sera débattue. Il faudra pour que le peuple français se prononce, avoir entre-temps apporté un certain nombre de garanties. Le référendum ne sera pas facile. Il va falloir beaucoup de travail, d’évolution, pour que le peuple français se prononce positivement. Ce travail est entre les mains de tous”. Si l'on comprend bien, elle envisage un référendum et préférerait une issue positive qui n'est pas acquise. Ce qui n'est pas tout à fait ce que nous avions entendu et est, à mes yeux au moins, une précision utile (Si on veut un argument en faveur de l'entrée de la Turquie en Europe, on le trouvera dans cette chronique de 2004.).

Cette précision est présentée comme une citation. Est-ce ce qu'elle a vraiment dit? que nous n'aurions pas entendu, que les journalistes auraient coupé au montage ou, autre hypothèse, qu'elle aurait dit après coup? Mais, après tout, qu'importe. La question est plutôt de savoir qui croire. Le blog qui réécrit (ou donne le texte exact de) la réponse ou les images télévisées?

Le blog introduit dans le discours politique une nouvelle figure, celle du repentir ou, plutôt, de la correction immédiate. Plus besoin d'attendre une nouvelle émission, d'émettre un démenti (toujours ridicule) pour préciser sa pensée. Il suffit de revenir sur le sujet dans son blog, ce qui peut modifier durablement le discours politique.

Les médias audiovisuels ont forcé les politiques à être plus précis (au risque de multiplier les chiffres que personne ne peut vérifier), à tenir un discours plus homogène (difficile de dire blanc dans le Nord et bleu dans le Sud, quand les télévisions diffusent partout vos propos), plus direct (les journalistes coupent les circonvolutions). Ils n'ont pas éliminé la langue de bois, mais l'ont rendue insupportable. Et en ce sens, ils ont amélioré le discours politique, mais ils l'ont aussi simplifié à outrance (tout ne peut pas se dire en quelques mots), ils ont réduit l'espace de l'hésitation (la télévision favorise ceux qui pensent vite et ont la capacité de mémoriser chiffres et argumentaires) et de la réflexion (il faut avoir une opinion, on ne peut pas dire : je ne sais pas…). Ils ont augmenté le coût des erreurs et donné aux journalistes la possibilité d'agir sur l'opinion. Présenter trois fois de suite sur quatre chaines les images de Ségolène trébuchant sur la Turquie est une manière subliminale de conforter le discours de ses adversaires (même chose, d'ailleurs, pour les racailles et karcher en boucle de Sarkozy). Ils ont également souligné les revirements (quoi de plus facile que de mettre bout à bout les déclarations d'hier et celles d'aujourd'hui?).

Les blogs n'ont ni la force ni la diffusion des médias audiovisuels, mais ils modifient légèrement le partage des rôles. Ils rendent aux politiques une partie du contrôle sur leur expression, ils leur permettent de revoir et corriger en temps quasi réel ce qu'ils ont dit. Ce n'est pas négligeable.

mercredi, octobre 11, 2006

Ségolène fait-elle de la politique autrement?

Autant la stratégie de conquête du pouvoir de Nicolas Sarkozy parait classique et ne pose pas de problème d'interprétation, autant celle retenue par Ségolène Royal peut donner lieu à des analyses divergentes.

Le ministre de l'intérieur a appliqué, avec brio, la figure classique du politique qui conquiert un parti pour le mettre au service de ses ambitions, figure qu'ont réussie avant lui François Mitterrand et Jacques Chirac et ratée Michel Rocard et Laurent Fabius.

Ségolène Royal a choisi une voie que l'on peut interpréter de plusieurs manières :

- on peut y voir la tentative de mettre l'opinion qui lui est favorable au service de sa conquête du parti. D'où le choix de thèmes (école, sécurité…) qui intéressent l'opinion. C'est l'interprétation qu'en font le plus souvent ses adversaires au sein du PS. Michel Rocard avait, de la même manière, tenté de jouer de son image dans l'opinion de gauche contre François Mitterand ;

- on peut également y voir l'émergence d'une nouvelle manière de faire de la politique qui s'appuie beaucoup plus sur les délibérations des citoyens que sur les débats des militants.

Cette seconde hypothèse est, naturellement, plus intéressante. Si elle se confirmait, Ségolène Royal s'inscrirait assez clairement dans les logiques délibératives développées par Habermas.

Dans son cas, les délibérations sont construites, de manière classique, dans des réunions publiques mais aussi et surtout sur internet. Elles servent de fond pour le livre qu'elle écrit. On verra bien si elle le nourrit effectivement de ces débats et comment. Mais si elle s'inspirait effectivement de ces débats pour construire sa politique et son projet (disons, plutôt, pour "éclairer" le projet socialiste puisque le candidat soutenu par le parti devra s'y référer), ce serait un changement profond de la manière de faire de la politique.

Cela modifierait, d'abord, le choix des thèmes : les politiques, de gauche comme de droite, développent régulièrement les mêmes "grands sujets" (le chômage, l'immigration, la sécurité, le pouvoir d'achat…) qui font leur fond de commerce et pour lesquels ils ont développé des argumentaires depuis longtemps rôdés. Les débats entre citoyens traitent souvent d'autres sujets et de manière différente, souvent plus pragmatique. Les débats sur la carte scolaire est une bonne illustration de ce changement de point de vue. On ne parle plus de l'école en général, on ne se bat plus sur ses budgets, on traite d'un problème concret que tous les parents connaissent. Problème sur lequel, d'ailleurs, les positions peuvent varier au sein de la même famille politique. Le débat sur la sécurité est une autre illustration. Ségolène Royal propose une solution concrète (les fameux militaires) qui élimine toutes les discussions sur le laxisme de la gauche en matière de sécurité et conduit les échanges sur le terrain très concret de la "rééducation" des jeunes délinquants.

Cela modifierait, ensuite, le partage des tâches entre les différents acteurs :

- Dans le système des partis traditionnels, des experts élaborent des projets que des politiques évaluent (c'est vendable, cela peut nous amener telle catégorie de la population…) et adaptent à la vulgate de leur parti, seul moyen de les imposer aux militants. La dépolitisation que l'on déplore vient pour beaucoup de cette manière de faire de la politique qui fait des citoyens des "clients" à convaincre de la justesse des idées de tel ou tel.

- Dans les débats, experts et militants sont évacués ou, plutôt, ramenés au rôle de citoyen qui a son opinion et son mot à dire. Les choix ne se font plus entre experts et politiques, mais entre des citoyens qui ne sont plus des "clients" mais des acteurs qui pensent et des politiques auquel il revient d'arbitrer entre des positions contradictoires et de choisir une solution.

Plusieurs à gauche ont critiqué cette montée en puissance des citoyens. Il faut lire les débats sur le site de Ségolène Royal pour voir qu'ils ont tort. Non seulement ces débats sont extrêmement riches, mais ils montrent que l'opinion est beaucoup plus ouverte, sensible, subtile que ne le font croire débats politiques et sondages. Elle s'approprie les sujets, réfléchit et pense. Pas besoin d'être expert d'un grand parti pour avoir une opinion éclairée sur le fonctionnement de l'école quand on participe, comme parent d'élève, au conseil d'administration d'une école. C'est cette pensée collective que ces débats suscitent.

On verra ce que donne l'expérience de Ségolène Royal, si elle tire toutes les conséquences de son projet initial, mais son expérience annonce une nouvelle manière de faire de la politique, d'organiser les rapports entre des citoyens qui débattent et des politiques qui élaborent (ou plutôt infléchissent) leur programme en fonction de ce qui se dit dans ces débats.

Ces espaces où l'on débat, ces agoras, ne sont pas sans poser de problèmes : on ne sait pas très bien qui y participe. Les participants sont nombreux (7000 contributions sur Désir d'avenir en septembre), intéressés par la politique, mais sont-ils militants? sympathisants? hésitants? électeurs (il est probable qu'un certain nombre de participants de ces forums ne sont pas inscrits sur les listes électorales, est-ce que cela leur interdit de participer au débat?). Si les manipulations sont peu probables (elles se voient vite), on ne peut exclure des mécanismes d'auto-sélection : ne viennent sur ces sites qu'une catégorie de la population (utilisateurs d'internet, habitués de l'expression écrite…), ce qui peut biaiser la réflexion. On ne peut non plus exclure que la candidate n'utilise ces débats que comme un outil de communication, comme une sorte de test en grandeur nature des formules, expressions, argumentaires… Les politiques délibératives d'Habermas ne sont pas, elles non plus, à l'abri de dérives, mais du moins rendent-elles aux citoyens la parole et comme le dit la phrase en exergue de ce blog : "avoir des opinions est un des éléments du bien-être".

dimanche, octobre 08, 2006

Banlieue : Stratégie de la tension?

Nicolas Sarkozy a-t-il choisi la stratégie de la tension? Veut-il relancer les émeutes en banlieue? Souhaite-t-il que se multiplient les incidents? Il fait en tout cas tout pour comme le suggère la lecture de ce courrier adressé le 8 octobre par le Réseau enfants sans frontières qui tient le compte des enfants sans papiers que l'aministration expulse.

"SUZILENE ELEVE DU LP VALMY (COLOMBES –92-) EN RETENTIONLundi 02 octobre les élèves du lycée professionnel Valmy de Colombes dans les Hauts-de-Seine, ont appris que leur camarade Suzilène était en centre de rétention à Paris. Pour la soutenir une pétition a été diffusée dans le lycée et au-delà. l'émotion et l'inquiétude ont été très vives et aujourd'hui, elles font place à la colère.

Une tension très forte est perceptible dans l'établissement, la plupart des enseignants sont solidaires.


Les délégués se réunissent lundi 9 octobre pour s'informer de l'évolution de la situation et décider de la poursuite de la mobilisation.

Le 29 septembre Suzilène emmène son petit frère de 16 mois à la crèche, elle est interpellée par la police avec une de ses camarades et placée en centre de rétention à Paris sur l'Ile de la Cité. L'administration préfectorale des Hauts-de-Seine lui notifie un APRF avec le Cap Vert comme destination. Lundi 2 octobre au matin, le lycée Valmy est informé. Dans l'après-midi, Suzilène est présentée devant le juge des libertés qui décide son maintien en rétention.
Mercredi 4 octobre le tribunal administratif se déclare incompétent (à notre connaissance) pour pouvoir annuler l'Arrêté Préfectoral de Reconduite à la Frontière (APRF), la délibération a duré 2 heures et c'est avec embarras que le juge rend sa décision en présence de représentants d'enseignants du lycée et de représentants syndicaux membres du RESF
Le Réseau Education sans frontière est en alerte maximum : les autorités académiques, Rectorat et inspection académique sont informés de la situation ; les élus de la municipalité de Colombes, conseillers généraux et régionaux, députés et sénateurs sont interpellés par RESF.

De jeudi à vendredi la mobilisation s'étend, la FERC-cgt et la FSU interpelle le Ministre de l'Education et le ministre de l'Intérieur sur la situation des jeunes scolarisés sans papier. Un préavis de grève national est déposé par la FERC cgt et un préavis départemental est déposé par la FSU92 pour assurer la protection des élèves qui se sont vus délivrer un APRF et qui risquent la mise en rétention comme Suzilène.

Vendredi, le secrétaire général de la préfecture des Hauts-de-Seine nous informe que Suzilène repassera devant le juge des libertés mercredi qui selon lui est le seul habilité à la faire libérer. Nous attendons la confirmation écrite de cette 3ème convocation devant le juge. Le secrétaire général nous fait remarquer que le dossier de Suzilène est étudié avec attention. Il précise aussi que l'administration ne fera pas de zèle!

Lors de notre entretien téléphonique nous lui faisons remarquer que la situation est particulièrement explosive au lycée Valmy comme dans l'ensemble des établissements scolaires où personnels et élèves sont extrêmement choqués par les APRF delivrés par les autorités."

Le courrier poursuit avec d'autres histoires du même type et c'est ainsi chaque semaine depuis des mois. Y a-t-il volonté délibérée de créer de la tension? ou, plus simplement inconscience politique et administrative? Il est bien difficile de trancher. Reste que l'on se trouve devant une situation qui peut conduire au pire et lors que les voitures brûleront il sera trop tard pour se plaindre. On ne pourra en tout cas pas dire que l'on n'aura pas été averti!

jeudi, octobre 05, 2006

Redeker : attention aux dérives!

J'ai dit dans un précédent post combien il fallait défendre le droit de Robert Redeker de dire pis que pendre de l'Islam. Mais cela ne doit pas nous interdire de le critiquer et de nous inquiéter d'une dérive que l'on observe chez lui comme chez plusieurs auteurs qui viennent de l'extrême-gauche et prennent aujourd'hui des positions sur l'Islam, les banlieues, la globalisation, l'Europe qui les rapprochent dangereusement de la droite la plus… à droite. Je pense à Bruckner qui dans son dernier livre s'en prend aux rappeurs qui insultent la France (si l'on peut insulter l'islam, alors on doit aussi pouvoir insulter la France) mais aussi aux gens de Mariane et à quelques autres lus ici ou là.

Les points de convergence (encore en pointillés, fragiles, discrets) entre ces deux extrèmes semblent se situer autour :

- d'une critique de la globalisation et d'un repli sur l'espace clos des frontières (le protectionnisme d'Attac et des partisans du non lors du référendum sur la constitution européenne a pris à l'occasion des tournures nationalistes déplaisantes) ;

- d'une défense de la laïcité (souvent confondue avec la spécificité nationale) qui tourne à l'intolérance, comme on l'a vu à l'occasion des débats sur le voile ;

- d'une défense de l'histoire nationale qui revient à la figer et à interdire qu'on la revisite. Quoi de choquant à ce que les petits enfants des esclaves demandent que l'on fasse plus de place à l'histoire de leurs grands-parents dans nos livres de classe? C'est aussi notre histoire,

- d'une défense de l'Etat qui se cache, à gauche, derrière une critique convenue d'un ultra-libéralisme qui n'a jamais existé que dans l'imagination de ses critiques.

Ce ne serait pas la première fois que des intellectuels d'extrême-gauche se retrouvent avec des gens très à droite dans des combats douteux. Ce n'est jamais agréable.

vendredi, septembre 29, 2006

Soutenir Robert Redeker

Rebert Redeker, professeur de philosophie, membre du comité de rédaction des Temps Modernes (c'est à ce titre que j'ai eu quelques échanges avec lui lorsque j'ai publié des articles dans cette revue) est, dit le Monde d'aujourd'hui menacé de mort par des islamistes pour un article du Figaro dans lequel il critique l'Islam.
Disons le tout net : c'est inadmissible!!!
N'étant pas un lecteur régulier du Figaro, je n'ai pas lu son intervention. Je sais que Redeker dit en général des choses pertinentes, même si un de ses textes récents sur l'école m'avait… peu convaincu. Mais peu importe. Nous avons le droit de critiquer l'Islam, d'insulter Mohamet, le Christ ou Moïse. Que ces insultes soient le plus souvent idiotes et inutiles ne retire rien au fait que dans une société laïque et démocratique, c'est un droit sur lequel il n'est certainement pas question de revenir ni même de négocier. C'est une valeur de base de notre société, une de ces celles sans laquelle nous ne serions plus ce que nous sommes.
S'il y a des musulmans que les propos de Redeker ont choqué (il accuse l'Islam d'exalter la violence) qu'ils nous expliquent d'abord en quoi les quelques mots d'un professeur de philosophie sont plus insultants pour l'Islam que les attentats suicide et les massacres commis en son nom. Ce sont les intégristes qui tuent en son nom qui insultent l'Islam, pas ceux qui s'en prennent à des textes.
Il faut réagir d'autant plus vivement que le modèle laïque est actuellement soumis à une terrible pression : celle des intégristes musulmans qui voudraient nous pousser à l'auto-censure au nom du respect d'une religion qu'ils respectent moins que tout autre, celle des intégristes catholiques, protestants ou juifs (il faudrait ajouter à la liste les orthodoxes, naturellement) qui veulent nous interdire de parler au nom du même respect en leur foi. Que leur foi soit respectable nul n'en doute, mais notre liberté d'opinion l'est tout autant. S'ils n'aiment pas ce que dit tel ou tel, qu'ils se bouchent les oreilles!

samedi, septembre 23, 2006

Les Etats-Unis et la torture

Libération titre ce matin sur la torture que Washington serait sur le point de légaliser. Pour ceux qui penseraient qu'il ne s'agit là que d'une dérive de plus d'une administration très à droite, j'invite à lire le texte que j'ai écrit sur le sujet, texte publié il y a quelques mois dans les Temps Modernes, que l'on trouve sur mon site : Tortures en Irak : l'inquiétante candeur américaine. On y voit comment cette question de la torture repose sur des fondements idéologiques profonds, qui vont bien au delà des délires de quelques "right-wingers". On y voit aussi comment le principal théoricien des "interrogatoires coercitifs" est devenu le ministre de la justice du G.W.Bush.

vendredi, septembre 22, 2006

Islam : sortir du choc des civilisations

Les réactions aux propos du Pape ont réactivé la notion de choc des civilisations. Il faudrait pourtant s'en sortir complètement. Cette idée que nous vivrions une guerre entre l'Islam et l'Occident (confondu avec la chrétienté), idée théorisée par Samuel Huntington mais largement développée par l'administration Bush, est une formidable erreur historique.

Les islamistes sont bien en guerre, mais pas contre nous, contre les dirigeants du Moyen-Orient, dictateurs, le plus souvent laïques, qui ont tenté d'imposer la modernisation (confondue avec l'occidentalisation) à marche forcées à des populations rétives. Je pense à Saddam Hussein, au Shah d'Iran, aux régimes socialistes hérités de Nasser en Egypte, au régime baasiste de Syrie, au régime d'Arabie saoudite qui, quoique religieux, a également transformé la société.

Le succès des islamistes dans les opinions arabes (succès que l'on aurait tort de mésestimer) tient sur trois bases :
- ils se sont battus contre les dictatures abominables de ces régions que les régimes occidentaux ont toujours soutenues,
- ils s'appuient sur le nationalisme rampant de sociétés qui ont, toutes ou presque, étaient victimes de la colonisation, qui ont vécu la modernisation comme une contrainte imposée par la force par des étrangers,
- ils disent vouloir créer une société plus conforme à l'identité, aux valeurs traditionnelles des pays du Moyen-Orient.

Ils profitent des erreurs répétées de l'Occident et de ses alliés dans cette région. L'intervention en Irak et la guerre du Liban en sont les deux derniers exemples. Leurs stratégies violentes (attentats…) sont acceptées de beaucoup parce qu'elles donnent le sentiment de renverser l'asymétrie des situations (pour une fois, les occidentaux sont touchés). Mais rien de tout cela ne veut dire qu'ils nous visent directement. Les victimes des attentats de Londres, Madrid… sont, si j'ose dire, les victimes collatérales d'un conflit qui se déroule au sein même du monde musulman. Et plutôt que d'exaspérer les musulmans qui n'ont rien à voir avec les intégristes, qui n'en veulent pour rien au monde, nous devrions les aider. Et nous pouvons le faire depuis chez nous.

Les musulmans d'occident qui ne voudraient pas vivre dans une société islamique, qui se disent en privé effarés, désespérés par cette montée de la violence, de l'intolérance, pourraient, s'ils le voulaient, amorcer un mouvement de rebellion contre cette prise d'otage de l'Islam par des fascistes intégristes. Il suffirait qu'ils disent tout haut et en public ce qu'ils pensent tout bas, qu'ils descendent massivement dans la rue, en France, en Grande-Bretagne… pour dire aux islamistes : cela suffit! vous ne parlez pas en notre nom! vos assassinats insultent infiniment plus l'Islam que quelques mauvaises caricatures. Leur exemple rendrait courage à tous ceux qui dans le monde musulman sont écrasés par la dictature intégriste, il aiderait à renverser le rapport de force qui joue aujourd'hui, dans les pays d'Islam, trop souvent en faveur des extrémistes.

Immigration : Ségolène, encore un effort!

Ségolène Royal a organisé sur son site internet, Désir d'avenir, un débat sur l'immigration, brouillon comme sont souvent ces débats, mais intéressant. Il montre notamment que l'opinion est plus riche, plus diversifiée, plus généreuse aussi, que ne le disent les sondages et les politiques qui s'en inspirent (c'est l'un des bénéfices de ces débats en ligne de nous montrer que nous sommes plus compliqués, nuancés, hésitants, audacieux… que ne le suggèrent les experts en opinions).

L'objectif de ces débats est de l'aider à construire son programme pour les présidentielles. L'idée est excellente, encore faut-il la suivre. Ce qui n'est pas forcément ce qu'elle fait si j'en juge par les propos qu'elle a tenus le 19 septembre sur LCI à Christophe Barbier : "Le chiffre de sans-papiers régularisés pose un problème de crédibilité de la parole de l'Etat. Bizarrement, le chiffre des régularisés correspond aux chiffres annoncés à l'avance par le ministère de l'Intérieur. Il y a un mensonge public, puisque Nicolas Sarkozy avait annoncé une régularisation au cas par cas en examinant les cas individuels et comme par hasard, il aboutit au résultat qu’il avait affiché avant.

Il faut avoir dans ce domaine (celui des régularisations) des attitudes responsables, appliquer des critères. Nicolas Sarkozy en est sa troisième loi. Il a cassé le seul outil de régularisation en continu, c’est-à-dire la carte de 10 ans qui permettait avant de régulariser tranquillement chaque année 2000 ou 3 000 étrangers qui participaient à l’économie de notre pays. En cassant cet outil, Sarkozy a créé la situation actuelle. L’Etat français doit, c’est sa responsabilité, établir des règles claires et ensuite les appliquer. Dans le domaine de l’accueil des étrangers, il faut tenir les deux bouts de façon équilibrée, c’est à dire respecter les étrangers qui sont ici en situation régulière, les loger correctement, les respecter dans leur travail, ne pas tenir des propos xénophobes à leur encontre, c’est-à-dire ne pas faire l’amalgame entre tous les étrangers en France. Ensuite c’est fixer des règles claires. La solution, comme dans tous les pays d’Europe, c’est la régularisation au long cours des étrangers.

J’ai proposé des visas aller retour, qui permettent aux étrangers de venir pour des activités saisonnières ou autres de façon régulière et de pouvoir rentrer en toute sécurité dans leur pays. L’idée ce n’est pas de revenir sur le droit au regroupement familial, C’est une solution gagnant-gagnant. Gagnant pour le travailleur étranger qui n’a pas forcément envie de se déraciner. Et gagnant pour l’économie française.”.

On est évidemment très loin de la démagogie de Nicolas Sarkozy, mais très loin également de ce que l'on pourrait attendre d'une candidate qui a choisi de mettre de l'air frais dans nos débats politiques.

On aimerait qu'elle aborde la question de fond : celle des migrations dont l'immigration n'est que l'un des aspects, qu'elle nous explique pourquoi fermer nos frontières est non seulement irréaliste, inefficace mais absurde, qu'elle nous dise comment elle compte non pas interdire ou bloquer, mais :
- ce qu'elle compte faire pour réguler les flux d'entrée et de sortie (réguler ne voulant pas dire interdire, mais plutôt organiser, comme on organise une queue dans une administration pour éviter les bousculades),
- quelles mesures elle pense prendre pour faciliter les aller-retour des immigrés (question centrale : les immigrés qui sont entrés ne peuvent pas repartir même lorsqu'ils le souhaitent de crainte de ne pouvoir revenir). Son projet de visa aller-retour est un premier pas dans cette direction, mais il faut aller plus loin,
- quels dispositifs elle imagine (ou, plus modestement, quelle procédure elle compte prendre pour trouver des solutions) pour protéger les droits des travailleurs migrants, qu'il s'agisse des immigrés qui viennent chez nous ou des Français qui s'installent à l'étranger.

On aimerait, enfin, qu'elle construise un discours positif sur l'immigration (discours étrangement absent de son intervention), qu'elle explique que nous avons changé de monde, que nous vivons dans un monde ouvert où chacun de nous peut être appelé à migrer, revenir, repartir, que c'est le quotidien de nos enfants, de tous nos enfants, que les marchés du travail se sont eux aussi globalisés et que plutôt que de tenter de fermer nos frontières, on devrait les ouvrir.

Encore un (gros) effort, Ségolène!

jeudi, septembre 21, 2006

Le retour des intellectuels?

Pendant des années, on s'est plaint du déclin des intellectuel. Le plus souvent marxistes, ils ont sombré avec la chute du mur de Berlin, leur parole vidée de toute force tant ils s'étaient trompés, tant ils nous avaient menti, tant ils s'étaient menti. Ils se sont enfermés dans leurs universités, replié sur les publications savantes et les colloques austères. L'intellectuel était devenu chercheur. Depuis quelques mois (quelques années?), il me semble que cette figure est de retour. J'en vois deux indices :
- l'intervention de plus en plus fréquente des économistes dans le débat public, dans la presse et, surtout, sur les blogs qui se sont multipliés ces dernières années. Non contents d'être les conseillers du prince, ils veulent former l'opinion, la convaincre, corriger ses erreurs (en matière d'économie, mais aussi dans des domaines connexes que leur discipline a progressivement investis) ;
- les signatures d'une revue grand public comme Philosophie magazine. Dans son dernier numéro, on retrouve Alain de Libera, Sandra Laugier, Barbara Cassin et Luc Brisson qu'on retrouvait plutôt dans des revues savantes.
Espérons qu'ils diront, qu'ils disent moins de sottises que leurs grands prédécesseurs. Pour l'heure, ils ne sont pas moins arrogants, quoique peut-être moins emphatiques. Un reste de la prudence du chercheur?

mercredi, septembre 20, 2006

Le fantasme du complot a la vie dure

Les attentats du 11 septembre n'ont-ils été qu'une illusion? On sait que depuis le début un certain nombre d'auteurs, plus malins que tous les témoins, toutes les caméras, tous les journalistes… nous assurent que la destruction des deux tours new-yorkaises n'est que le fruit d'un immense complot d'une administration américaine en perdition.
Aussi bizarre que cela puisse paraître, cette thèse n'a pas disparu. Elle réapparaît régulièrement. Dernier exemple, cette analyse (voir également celle-ci), à l'apparence tout à fait scientifique, qui "montre" que les tours se seraient effondrées comme font celles que l'on démolit de manière contrôlée. Tout cela avec à l'appui une analyse de la vidéo. On ne sait pas très bien ce que veulent prouver ses auteurs? Que les bâtiment auraient été minés avant l'impact des avions? Mais qui aurait pu les miner sans que personne ne s'en rende compte?
Le plus extraordinaire est qu'il y ait des gens manifestement intelligents qui consacrent autant de temps à pareilles balivernes. Question : convainquent-ils quiconque?
Reste que tout cela rappelle l'assassinat de Kennedy et le flou qui l'entoure. On sait probablement depuis toujours la vérité, mais… il ne se passe pas de décennie (que dis-je? d'année) sans qu'un nouveau livre ne conteste la vérité officielle. Vérité contestable parce qu'officielle.

mardi, septembre 19, 2006

Internet : l'erreur de la presse

Les journaux sont aujourd'hui malades d'internet. Ils le savent et tentent, par tous les moyens de se sortir de l'impasse dans laquelle ils se sentent inéluctablement poussés. Internet remet, en effet, directement en cause :
- la production de contenu,
- l'accès au lecteur,
- les relations avec les annonceurs.

Pour s'en sortir, les journaux ont pesé que le plus simple serait de se mettre sur internet. Pensant bien faire, ils ont mis gratuitement à disposition leur contenu pendant quelques jours. Ce faisant, ils ont commis une double erreur :
- erreur marketing, puisqu'en mettant gratuitement à disposition leur contenu du jour, ils ont accéléré la déperdition des lecteurs (pourquoi acheter un journal que l'on peut feuilleter gratuitement sur internet?);
- erreur sur la nature même d'internet. Ils n'ont pas vu qu'internet est, d'abord, un formidable outil d'archivage.

Ils auraient du faire exactement le contraire : maintenir payant le journal du jour (et éventuellement de la veille) et mettre gratuitement à disposition des internautes, les journaux des jours précédents auxquels le lecteur ne peut pas avoir accès, sinon en se rendant dans une bibliothèque, ils auraient ainsi contribué à enrichir le contenu du web sans se tirer une balle dans le pied. Certains l'ont fait, comme l'Humanité ou, dans un genre différent la revue Le Banquet. Résultat, on les trouve lorsque l'on fait une recherche et leur présence sur le web est plus importante que ne l'est celle dans les kiosques. On dira que cela ne leur apporte pas d'argent, ce qui est vrai, mais cela augmente leur visibilité sans leur en faire perdre plus.

lundi, septembre 18, 2006

Le pape, l'Islam…

On conçoit aisément que les musulmans aient été blessés par les propos peu oecuméniques et pas très diplomatiques du Pape, mais on aimerait que les foules musulmanes dépensent autant d'énergie pour condamner ceux qui tuent sans discriminationau nom de Dieu et insultent certainement plus l'Islam que le Pape ou quelques caricaturistes.

Tant que les foules musulmanes ne se lèveront pas pour manifester leur colère contre les assassins et les terroristes, j'aurai, pour ma part, du mal à prendre au sérieux l'émotion de ceux qui demandent des excuses au Pape. Nous vivons dans des sociétés libres qui nous donnent le droit de tenir les propos que nous voulons. Et cela me parait infiniment plus respectable qu'une foi qui conduit des gamins au suicide.

La colère des foules islamiques ne doit pas nous faire mettre sous le manteau nos valeurs.

mercredi, septembre 13, 2006

Le pouvoir du regard

Il y a actuellement au (petit) musée du Luxembourg une exposition de peintures du Titien que ses organisateurs ont étrangement choisi de titrer : "le pouvoir en face". C'est, comme toujours dans ce musée, trop petit, un peu court, mais cela plait au public qui le fréquente, public dont la jeunesse n'est pas la première caractéristique (on a même l'impression que le Sénat, qui gère ce musée, a emprunté ses fichiers au Figaro magazine tant la clientèle est âgée), mais l'exposition est intéressante. Elle ne présente que des portraits, tous ou presque pris de 3/4. Seules exceptions, deux ou trois portraits de profil (dont celui, célèbre, de François 1er). Une question vient immédiatement à l'esprit lorsque l'on visite cette exposition : pourquoi ces expositions de 3/4. Pourquoi pas de portraits de face?

La réponse vient rapidement : cette vue de 3/4 permet de mettre en évidence le regard des modèles ou, plutôt, de leur donner une vision panoramique. Tandis que l'on se déplace devant les tableaux, que ce soit de droite à gauche, ou de près à loin, on a l'impression d'être suivi du regard par le personnage peint. Cette exposition donne aux modèles une vision panoramique, j'allais dire panoptique qui serait inquiétante s'ils n'avaient le plus souvent un regard tendre, mélancolique. Tendresse et mélancolie qui ne leur étaient pas forcément naturelles si l'on en juge par les biographies de certains. Mais peu importe, cette présentation en coin les met en position de nous dominer, de nous scruter et, surtout, de vivre.

On pourrait se trouver mal à l'aise. Ce n'est pas le cas. Sans doute parce que cette présentation a toujours quelque chose d'artificiel. Elle ne cherche pas à nous tromper, elle ne cache pas son jeu : elle met de la vie dans ce qui ne se cache pas de n'être qu'une image.

Les régimes spéciaux, l'équité…

Depuis que François Fillon a fait ses déclarations au Parisien, on ne parle plus que des régimes spéciaux. Nouveau sujet pour la campagne électorale? On verra bien. Les arguments utilisés par ceux qui veulent réformer ces régimes méritent qu'on s'y attarde un instant. Ils sont deux types :
- économiques : ces régimes sont en faillite, la collectivité doit les renflouer,
- moraux : il n'est pas normal ("normal" voulant ici dire "juste") que les salariés des entreprises publiques bénéficient d'un régime plus avantageux que les autres.

Je me limiterai à cette dimension morale. La thèse défendue est, qu'au fond, si l'on veut être équitable, et il faut l'être, tout le monde doit être traité de la même manière (les règles de calcul de la pension doivent être les mêmes pour tous). Cet argument moral joue un rôle déterminant puisque c'est celui qui va permettre aux partisans de la réforme de convaincre des citoyens, qui n'ont pas de lumière sur la dimension économique du problème, de sa justesse.

Or, il ne va pas de soi. On peut poser au moins deux questions :
- Pourquoi faudrait-il, d'abord, que les pensions soient calculées de la même manière pour tout le monde?
- Et si on applique ce principe d'équité aux pensions, pourquoi ne pas l'appliquer à d'autres éléments du contrat de travail, aux rémunérations, à ce que les américains appellent les "benefits", disons les avantages sociaux. Est-il équitable que les cadres aient des mutuelles plus avantageuses que les employés et ouvriers?

La question centrale est celle du statut de la retraite. De quoi s'agit-il? D'une rémunération que la société accorde aux travailleurs âgés? ou d'une composante du contrat de travail? Dit autrement : est-ce une assistance ou du salaire différé?

Si la retraite relevait de l'assistance, son montant ne serait pas indexé sur les rémunérations pendant la vie professionnelle. Si elle est un salaire différé, son calcul est un élément du deal que le salarié qui entre dans une entreprise passe avec son employeur, c'est une composante du contrat de travail (implicite dans les entreprises publiques puisque le statut remplace en pratique le contrat) qu'il signe lors de son embauche.

On trouve dans ce deal d'autres éléments, comme la sécurité dans l'emploi, le salaire ou les conditions de travail. En échange de la sécurité de l'emploi et d'une retraite plus précoce et meilleure, le salarié accepte un certain nombre d'inconvénients : salaires qui peuvent être plus faibles que dans le privé, conditions de travail difficiles, acquisition de compétences qui n'ont pas de valeur marchande en dehors de l'entreprise qui les emploie (que peut faire un conducteur de TGV qui quitte la SNCF de ses compétences?).

On peut juger ce deal déséquilibré (et sans doute l'est-il dans certaines entreprises) mais c'est un contrat que les salariés ont passé avec l'entreprise. Ce contrat est intervenu dans un grand nombre de leurs décisions, il les a guidés tout au long de leur vie. S'ils ont choisi de rester dans l'entreprise quand ils auraient pu poursuivre leur carrière ailleurs, s'ils ont accepté des promotions lentes quand ils auraient pu espérer mieux, c'était pour conserver ces avantages. Les entreprises publiques ne peuvent revenir unilatéralement sur ce contrat sans manquer à leur parole. Ce qui veut dire que les salariés de ces entreprises auront de bonnes raisons de se sentir floués si leur régime de retraite est modifié par une décision du gouvernement. Et c'est justement parce qu'ils auront le sentiment d'être victime d'une injustice qu'il y a de bonnes chances qu'ils résistent à toute tentative de le réformer.

Le dilemme moral est donc plus compliqué que ne veulent bien le dire les partisans d'une réforme de ces régimes spéciaux. Est-ce que cela veut dire que l'on ne peut rien faire? Pas forcément. S'il n'est pas moral de modifier unilatéralement un contrat, rien n'interdit de le renégocier et de demander aux salariés des entreprises publiques de contribuer complètement au financement de leurs pensions.

Il n'y a de problème que parce que les régimes spéciaux en grande difficulté sont financés par le régime général. Il n'y a, effectivement, pas de motif que les salariés du privé paient pour ceux des entreprises publiques, sauf à penser que ce paiement est une subvention déguisée qui permet à ces entreprises de nous offrir leurs services à des prix avantageux. C'est probablement la réalité, mais on voit bien ce que ce tour de passe passe peut avoir de contestable : pourquoi les habitants de Perpignan contribueraient-ils au financement des transports en commun dans la région parisienne?

Si l'on sen tient à la dimension morale, la solution serait donc de se tourner vers les entreprises et leurs salariés et de leur dire : il est injuste de faire payer à la collectivité vos déficits. Si aujourd'hui vos régimes sont en difficulté, c'est du fait des décisions que vous avez prises. Trouvez chez vous les moyens de financer ces pensions. Nous vous aiderons à passer le cap, mais nous ne pouvons plus accepter cette injustice.

Une solution de ce type amènerait les entreprises à renégocier avec leurs salariés les conditions de leur contrat en tenant compte de leurs situations particulières. L'alignement sur les conditions du régime général pourrait être l'une des solutions retenues, mais d'autres pistes pourraient être explorées, comme l'augmentation des cotisations (particulièrement faibles dans ces entreprises), l'allongement des durées d'activité…

Conclusion : si l'on s'en tient à un raisonnement de type moral, la solution passe par la responsabilisation des entreprises et la renégociation en leur sein de leurs contrats de travail. Propriétaire et financier de ces entreprises, l'Etat serait en droit de leur donner des échéances et des objectifs, d'exercer une pression forte pour obtenir des résultats, mais rien ne justifie qu'il passe en force.

mardi, septembre 12, 2006

Automne, un film gratuit sur Google video

C'est un film de 1h 50 minutes que l'on peut voir intégralement et gratuitement sur internet sans le télécharger de manière illégale. Un "vrai" film, avec des comédiens professionnels, Laurent Lucas, Iréne Jaocb, Michel Aumont, Benjamin Rolland… dirigé par Ra'up McGee, un metteur en scène américain dont c'est, semble-t-il, le premier film.
Ce film est sorti en salle aux Etats-Unis en juin, il a été bien accueilli par la critique qui y a vu un hommage rendu par un américain au cinéma noir français (Melville, Becker) lui-même inspiré du cinéma noir américain. Il est, depuis juillet, disponible sur le net. C'est, semble-t-il, une première. Je n'ai pas trouvé de blog qui en parle (mais je n'ai pas cherché longtemps). On peut imaginer que le réalisateur et le producteur (qui a certainement eu son mot à dire) y ont vu un moyen de faire parler de leur film, peut-être une façon d'intéresser un distributeur en France puisque ce film en français, avec des comédiens français, n'a pas à ma connaissance (le nom du réalisateur est inconnu de la base de données d'Allociné) trouvé de salle chez nous. C'est en tout cas une manière de faire circuler une oeuvre qui resterait autrement enfermée dans des cartons. Et donc une bonne idée. D'autant que le film est loin d'être inintéressant. les personnages vivent, existent.
A voir sur… Googlevidéo (et peut-être ailleurs).

vendredi, septembre 01, 2006

Violence à l'école : une mauvaise action

La publication par le Point de la liste des 450 établissements recensant le plus d'actes de violence est tout à la fois une sottise et une mauvaise action.
Une sottise, car cette liste, telle qu'elle est présentée ne veut rien dire. Tous ceux qui s'intéressent à la chose publique et aux sondages savent depuis longtemps que les journalistes sont en ces matières atrocement nuls. A preuve, lorsqu'il s'agit de commenter le plus petit sondage politique, il font maintenant appel à des experts. Mais lorsqu'il s'agit de tirer à boulets rouges sur l'Education Nationale, tout est bon (regardez donc le titre de l'Express de cette semaine!).
Mais c'est aussi une mauvaise action. Imaginez un instant que vous soyez parent d'un enfant appelé, du fait de la carte scolaire à entrer dans l'un des établissements ainsi stigmatisés, qu'allez-vous faire? vous allez chercher à le mettre ailleurs. Dans le public, si vous y arrivez, dans le privé si vous en avez les moyens. Résultat : ne resteront dans cet établissement que ceux dont les parents ne s'intéressent pas à leurs enfants. Il y a quelques chances que ce soient ceux-là mêmes dont les enfants sont fauteurs de violence. Résultat : la violence augmentera alors que l'action des enseignants et de l'Education Nationale informée par ces statistiques correctement traitées auraient permis d'agir.
Irresponsables, incompétents… cela fait beaucoup pour une corporation qui passe son temps à donner des leçons aux autres. Je ne suis pas de ceux qui trouvent à la presse tous les défauts, mais en l'espèce, les journalistes du Point auraient mieux fait de tourner sept fois leur plume dans l'encrier avant de publier cette liste.

Sarkozy et le droit de grève : mais à qui parle-t-il donc?

Nicolas Sarkozy est délicieux. Dès que l'on commence à l'oublier, à ne plus y penser (difficile, ces jours-ci, avec ses reconduites à la frontière de gamins qui ne demandaient rien de plus que de terminer leur scolarité, mais enfin…), dès que l'on tourne un instant la tête ailleurs, il trouve le moyen de se rappeler à notre bon souvenir. Cette fois-ci, c'est à propos du droit de grève qu'il veut associer, dans les 8 jours, d'un vote à bulletin secret pour en finir avec ce qu'il appelle la dictature des minorités. Il a prononcé ces fortes phrases devant les patrons du MEDEF, ce qui fait sourire. Où sont les patrons qui ont connu ces vingt dernières années des grèves de plus d'une semaine? Ceux qui avaient mis la clef sous le paillasson, et ceux là seulement. Pour le reste les organisations syndicales du privé ont depuis longtemps abandonné la grève comme moyen de pression sur les directions. Parce qu'elles savent qu'il est difficile de l'organiser en période de chômage massif avec des personnels dont on peut facilement se séparer. Parce qu'elles savent également qu'elles peuvent revendiquer de bien d'autres manières (il suffit d'interroger n'importe quel DRH pour savoir que les syndicats n'ont pas besoin de se mettre en grève pour le mettre en rogne).
Même dans la fonction publique, plus habituée des arrêts de travail, les grèves qui durent plus de 8 jours sont rares. Combien l'année dernière? Il faut revenir à 1995 pour en retrouver de vraiment longues (je me trompe peut-être, mais…). Moralité : ce sont des mots en l'air, une manière de s'attirer les bonnes graces d'une clientèle qui lui est acquise et qui crie d'autant plus fort contre les grèves qu'ils en ont peu dans leurs établissements.
Un peu de démagogie, rien de plus. Mais on est en campagne électorale…

mardi, août 08, 2006

Blair? Et si on lisait la presse britannique…

Nos principaux candidats à l'élection présidentielle, je veux dire Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, ont fait, de manière plus ou moins officielle, de Tony Blair leur modèle. On comprend bien pourquoi : tous deux aimeraient découvrir ce secret qui l'a fit durer si longtemps, qui lui a permis tout à la fois de conserver des voix de gauche et de faire taire son opposition de droite.

Son image est chez nous médiocre. Cela tient, pour beaucoup à ses positions sur l'Irak et le Liban, sur la manière dont il a collé aux positions américaines. Mais la lecture de la presse anglaise montre que son bilan est mitigé : bon sur le front économique, il est beaucoup plus discutable sur le front de la sécurité, celui qui justement intéresse nos deux candidats.

Sa politique repose sur quelques éléments qui sont inacceptables et qu'il faudrait combattre si l'un ou l'autre de nos deux candidats s'avisaient de les lui emprunter :

- une politique de surveillance accrue de la population qui passe par la technologie (des caméras partout, caméras qui ont permis de retrouver très rapidement les auteurs de l'attentat dans le métro de Londres) mais aussi par des systèmes de surveillance de ses voisins (Neighbourhood Watch et autres dispositifs comparables dont ceux imaginés par des journaux qui donnaient l'adresse de personnes condamnées pour pédophilie ) ;

- le développement d'une politique de lutte contre les risques en matière de sécurité qui conduit à rechercher les prédicteurs de comportements délictueux et à agir avant que tout délit ait été commis. Politique dont le film Minority Report avec ses personnages poursuivis pour des crimes qu'ils n'avaient pas encore commis a montré les dangers (fiction? sans doute, mais il s'est trouvé des éditorialistes en Grande-Bretagne pour demander que l'on mette en prison de manière préventive ceux qui pourraient commettre des crimes sexuels). Les études de l'INSERM qui ont fait tant de bruit au printemps s'inscrivent dans cette logique ;

- le développement d'une politique pénale qui durcit les peines pour les récidivistes sans relation avec la gravité des actes commis : le modèle est là ce dispositif que l'on rencontre dans certains Etats américains qui permet de condamner à la prison à vie ceux qui ont déjà été condamnés deux fois, serait-ce pour des délits mineurs ;

- la notion de comportement anti-social développée par le gouvernement travailliste qui conduit à sanctionner durement des délits mineurs ou des comportements insignifiants et justifie que le gouvernement (travailliste!) finance des écoles religieuses qui seraient mieux à même que des écoles publiques d'enseigner les valeurs morales aux jeunes.

Ces politiques sont dangereuses pour les libertés. Elles profitent :

- de la montée en puissance du mouvement de défense des victimes,

- du développement de toute une série de travaux qui vont chercher du coté de la biologie l'explication des comportements déviants (voir dans le dernier numéro de Prospect l'article de David Rose),

- de l'exploitation des thèses sur la disparition du capital social qu'il faudrait reconstituer,

- de l'action des mouvements religieux dans le monde anglo-saxon,

- de l'arrivée au premier plan de deux nouvelles familles de crimes : la pédophilie et le terrorisme qui tendent à se substituer dans notre imaginaire et dans nos craintes aux crimes et délits plus classiques.

L'exemple britannique est dangereux parce que sont nos liberté qui seraient in fine menacées sans, faut-il le préciser, aucun bénéfice puisque ces politiques sont, semble-t-il, inefficaces. Les caméras permettent de retrouver les auteurs d'attentats une fois ceux-ci commis mais pas de les prévenir. L'analyse des risques ne diminue pas les crimes et délits, mais favorise le développement de carrières criminelles, le Neighbourhood Watch et les systèmes de community policing auraient, selon certains ttravaux récents, plutôt tendance à augmenter les délits (voir par exemple : Adam Crawford, Stuart Lister and David Wall, Great Expectations: Contracted community policing in New Earswick, York).

On sent bien que Nicolas Sarkozy s'inspire au Ministère de l'Intérieur de l'exemple britannique. Il ne faudrait pas que Ségolène Royal fasse de même.