lundi, décembre 04, 2006

Un beau film : Je pense à vous

Mieux vaut quelque fois ne pas trop en savoir sur un film. J'avais vaguement lu des critiques élogieuses de "Je pense à vous" de Pascal Bonitzer et en avait surtout retenu que c'était un film germano-pratin, ce qui m'a fait un temps hésité (quoi de plus ennuyeux que les histoires d'amour des éditeurs?). Puis, le hasard des rendez-vous et des programmes m'a amené à le voir. Et j'ai été ébloui!

Ebloui par la qualité du scénario, d'une intelligence, d'une finesse rare, qui surprend à tout instant. Impossible de deviner ce qui va se passer, à l'inverse de ce que l'on rencontre dans tant de films. Non seulement on est surpris, mais on est étonné par ce que l'on découvre de nous-même (de nos proches, de nos voisins) et qu'on ne nous avait jamais montré.

Ebloui par ces images qui nous renvoient, l'air de rien, sans jamais insister, à la peinture, qui déclinent des tableaux que nous connaissons, qui les réécrivent plutôt. Je pense à la main et à la baignoire du début du film imitées tout à la fois de Michel-Ange et David (on pense autant à la création du monde du premier qu'à l'assassinat de Marat du second) comme si le réalisateur avait réussi ce que les écrivains appellent des mots-valise. Une image, un peu plus tard, rappelle ces photos de Robert Desnos pendant les séances surréalistes. Puis, il y a Ingres et sa grande odalisque que Bonitzer a su évoquer sans ajouter de vertèbre à sa comédienne qu'il filme avec une véritable tendresse (belle scène où elle se déshabille dans la salle de bain, jouant avec un pan de mur, ne révélant in fine que le bord extrême de ses fesses).

Ebloui par ce portrait de Paris tout en contraste avec cette nature qui l'envahit, nature capricieuse (le même soir il pleut et la rue est sèche), ces jardins, ces allées d'arbre qui dessinent un Paris intérieur, Paris de promeneur, de sa périphérie, la Porte Dorée, le Père-Lachaise, très éloigné de cette rue Jacob où travaille l'éditeur (au Seuil?) et où vit la mère de l'un des personnages dans un appartement aux couleurs de peinture à l'huile qui craque comme dans les films fantastiques (dont les scènes tournées dans cet appartement s'inspirent probablement).

Bluffé encore par cette manière de montrer l'intimité et la pudeur et comment l'une et l'autre vivent ensemble dans les ménages. Beaucoup de ce film tourne autour de la salle de bains et des toilettes, lieux d'effraction, de gêne, d'intimité, de complicité mais aussi de violence).

Je n'ai pas parlé du scénario que les critiques ont souvent plus ou moins raconté et dont on peut se faire une idée en allant sur les pages qu'allociné consacre au film. Je préfére dire deux mots de deux autres moments forts, quoique discrets, du film :

- les relations de Herman, joué par Edouard Baër, et de sa fille (celle de Pascal Bonitzer) qu'il croise deux fois, au Palais Royal et au cimetière, évocation délicate des tendresses distantes des parents et des enfants,
- les quelques passages (deux ou trois) où l'on parle de l'antisémitisme, où l'on découvre une hypersensibilité d'un juif qui ne supporte pas que l'on fasse allusion, même de manière involontaire, au fait qu'il soit juif. Comme s'il ne supportait pas que les autres puissent savoir. Il y a quelque chose du marane chez Herman.

Les journalistes ont souvent suggéré que ce film s'inspirait des mésaventures sentimentales de son réalisateur. On l'a compris : on n'a pas besoin d'en savoir quoi que ce soit pour y prendre un grand plaisir.

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