François Hollande vient donc de publier le texte qui doit (re)lancer sa campagne. Texte que publie intégralement Libération dans sa livraison de ce matin au moment même où l’affaire Karachi vient mettre de nouveaux bâtons dans les jambes de Nicolas Sarkosy. Difficile de trouver meilleur moment. Difficile également de faire texte mieux construit, plus efficace. On devine, à le lire, qu’il a été préparé et travaillé jusqu’à la dernière minute et qu’il devrait toucher juste et modifier sensiblement l’image un peu floue que donnait Hollande ces dernières semaines.
C’est un texte ferme, incisif, qui attaque dans le vif Nicolas Sarkozy là où cela fait mal : son inconstance, les mesures prises en faveur des privilégiés, son inefficacité en matière européenne, la dégradation de la France : «Un mandat se juge sur des résultats, une politique sur sa cohérence, un caractère sur sa constance.» Et qui propose des formules qui font mouche : «J’entends déjà les lieutenants paniqués de Nicolas Sarkozy prétendre que dans la tempête il ne serait pas sage de changer le capitaine. Ce qui prête à sourire quand le navire s’est échoué» et, quelques lignes plus loin, cette autre formule qui se prête à déclinaison dans les conversations de toutes sortes : «plutôt que de reconduire un président qui aurait tellement changé, pourquoi ne pas changer de président, tout simplement?» On remarquera le p minuscule à président quand tant d’autres auraient is une majuscule : présidence normale, dit-il…
Un texte riche en allusions de toutes sortes. Au saint-simonisme, d’abord, qui a tant nourri nos élites administratives et économiques : «Nos ouvriers, nos techniciens, nos chercheurs, nos savants, nos fonctionnaires…» On s’attendrait presque à ce qu’il les oppose aux rentiers, aux héritiers, mais ce n’est pas nécessaire. Nous avons tous cette musique dans les oreilles. Aux slogans de la gauche qui manifeste, ensuite : «l’angoisse est partout, la confiance nulle part» évoque le «la police est partout, a justice nulle part» de l’extrême-gauche dont il reprend le vocabulaire pour parler de la crise : «mondialisation débridée, arrogance et cupidité des élites financières, libéralisme effréné…». A l’histoire, enfin, avec ces cent-dix jours qui renvoient à ces cent jours qui ont justement duré cent-dix jours et se sont conclus par le départ de Napoléon.
Un texte qui ne s’attarde pas sur la critique de Nicolas Sarkozy, elle a si souvent été faite quoique rarement avec autant de vigueur, mais qui poursuit avec les quelques idées simples et fortes qui vont guider son programme dans les mois à venir : la vérité, la volonté, la justice (le mot revient plusieurs fois), l’espérance, c’est-à-dire le retour de la confiance en l’avenir. Un programme qu’il ne décline pas ce qui laisse peu de prise à ses adversaires qui seraient tombés comme vérole sur le bas clergé sur des mesures plus détaillées.
En un mot, un excellent texte qui devrait lui servir de socle pour une campagne qu’il semble avoir choisi de mener au plus près des Français, ce qui est sans doute ce qu’ils attendent. Et ce qui devrait se révéler d’autant plus nécessaire que les nouvelles règles du CSA vont rendre à peu près insupportable la campagne audiovisuelle.
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