J'ai écouté l'émission sur France Inter où elle parlait de ces tricheries et j'ai effectivement été surpris lorsque j'ai lu dans la presse qu'elle voulait porter plainte. Elle a parlé de justice mais n'a à aucun moment dit qu'elle irait en justice, malgré l'insistance des journalistes à le lui faire dire. Elle n'a pas non plus dit le contraire. Elle a expliqué qu'elle réservait sa décision. En l'espèce, donc, la presse est allée un peu vite en affaire. Mais doit-elle s'en prendre à la presse? N'est-elle pas pour partie au moins responsable de ces à peu près?
Ségolène Royal semble avoir faite sienne une des tactiques rhétoriques préférées de François Mitterrand : l'ambiguïté. C'était pour lui une manière de donner du temps au temps, de retarder le moment de la décision, de laisser les autres, amis et adversaires, s'avancer et lui donner l'avantage de trancher en dernier. Cette tactique lui fut souvent utile, mais parfois aussi nuisible. Je me souviens de l'avoir entendu, dans les années soixante, refuser de condamner l'intervention américaine au Vietnam. Il ne la soutenait pas mais il ne la condamnait pas non plus. J'imagine qu'il voulait alors envoyer un signe aux Américains que son alliance avec le Parti communiste effrayait. Mais il arrive que trop de subtilité nuise : les Américains sont restés effrayés et tous ceux, notamment parmi les jeunes, qui étaient violemment hostiles à la guerre du Vietnam ont compris qu'il la soutenait. C'était avant 1968.
Je crains que Ségolène Royal ne se trouve dans cette même position et que les à peu près qu'elle souhaite corriger soient surtout le résultat d'une certaine maladresse dans la communication :
- elle a bien reçu une mission du PNUD, mais pas tout à fait celle qu'elle annonçait triomphalement. Et elle s'est fait taper sur les doigts.
- elle a certainement raison sur le fond de refuser de glisser les tricheries sous le tapis. Les électeurs ne pourront faire confiance au PS que s'il montre sa capacité à se moderniser, à se rénover et à en finir avec ces pratiques douteuses. On conçoit qu'elle cherche à faire pression sur la direction pour la forcer à agir, mais elle ne peut attendre des journalistes qu'ils entrent dans son jeu.
L'ambiguïté a un prix : celui d'être mal comprise et de voir ses propos déformés. Elle le paie aujourd'hui. Et ce n'est pas en s'en prenant aux journalistes qu'elle résoudra le problème, c'est en travaillant sa communication. En évitant les à peu près, les ambiguïtés qui la mettent régulièrement en porte à faux. A vouloir "rétablir la vérité" elle risque surtout de voir passées aux crible toutes ses affirmations. C'est un risque qu'aucun politique ne peut longtemps courir sans risque de se voir démenti, comme le suggère chaque matin une rubrique de Libération consacrée à corriger les à peu près et les petits mensonges des uns et des autres.
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