lundi, mars 01, 2010

Cohn-Bendit, Allègre, BHL vs Hamon, Copé, Fillon & alii

Il se passe actuellement quelque chose d'inédit sur nos chaines de télévision. Les grandes émissions politiques, ou ce qui en tent lieu (C Politique, Le grand journal…) ont entrepris de diversifier leur offre d'invités. Là où elles n'auraient il y a quelques années invité que des politiques, elles multiplient aujourd'hui les interviews de Claude Allègre, Bernard-Henri Levy, Cohn-Bendit… trois personnalités qui ne prétendent à aucune carrière politique même s'ils parlent de politique. Cela nous évite les sempiternelles et imbéciles questions des journalistes sur l'ambition présidentielle, les petites phrases qui émaillent la langue de bois dont les politiques se sont faits une spécialité (si l'on veut un exemple de langue de bois fatiguée, il fallait regarder hier Benoit Hamon sur C Politique). Cela nous évite les sujets qui ne peuvent que produire des réponses attendues (comme la bataille en Languedoc Roussillon). Et cela nous permet surtout d'entendre des gens parler de choses intéressantes de manière intelligente. A écouter Levy, Allègre ou Cohn-Bendit, on se sent intelligent même lorsque l'on n'est pas d'accord (dans le cas d'Allègre, on a envie d'en savoir plus pour démonter ses arguments). Ce n'est pas qu'ils soient plus intellectuels que d'autres (encore que BHL revendique ce statut), mais ils sont libres, ils parlent normalement, disent ce qu'ils pensent et peuvent être audacieux. Ils sont capables de tenir sur la longueur, ce qui n'est pas le cas des experts que l'on voit également de plus en plus, et savent dire des choses astucieuses sur les sujets les plus divers. Ils font un meilleur spectacle et montrent que l'on peut être intelligent à la télévision et que l'on peut parler de politique sans réciter son bréviaire.

Le risque serait qu'ils soient trop souvent invités et qu'ils s'épuisent. Les animateurs de ces émissions devraient enrichir leur vivier. Il y a des candidats, comme Attali, qui a déjà ses émissions et Minc (même si sa suffisance agace). Il en faudrait d'autres. Tant pis pour les Hamon et autres Copé.

lundi, février 22, 2010

La banalisation du politique

Libération nous apprend ce matin que Christine Albanel rejoint France Telecom comme directrice de la communication. D'autres (Villepin, Copé…) deviennent avocats. La fonction politique se banalise et se transforme. Elle devient une fonction comme une autre, que l'on occupe pendant quelques mois dans une carrière qui fait passer du public au privé, de celui-ci au gouvernement, du gouvernement au privé… Hier, les politiques faisaient de la politique tout au long de leur vie, maires, députés, sénateurs, ministres… Ce n'est plus le cas : ils changent de métier tout au long de leur vie.

Ce pourrait être l'un des effets des lois contre le cumul. C'est probablement autre chose : une conséquence de l'élargissement du vivier dans lequel on sélectionne les ministres. Si l'on peut faire appel à la "société civile" pour entrer au gouvernement, pourquoi les politiques, qui se voient ainsi concurrencer, n'iraient-ils pas tâter des plaisirs de cette même société civile?

Ils ont acquis en occupant des postes politiques un "capital humain", un réseau de relations, de contacts, de connaissance de la haute fonction publique qui a un prix. Ils le vendent…

Ajoutons que d'un point de vue économique, ils y ont tout intérêt : un député battu n'a que ses yeux (ou presque) pour pleurer et il se représente très régulièrement devant des électeurs impitoyables. Si Christine Albanel ne fait pas l'affaire, elle sera remerciée dans les formes, avec des indemnités conséquentes.

On voit ainsi se constituer, au sommet de la société, une véritable oligarchie constituée de hauts fonctionnaires, de cadres supérieurs, de politiques qui se partagent le pouvoir, qui s'échangent les postes. Un élu, malgré tous ses défauts, conserve un certain contact avec la population. Ces dirigeants qui vont de l'entreprise ou des cabinets ministériels au gouvernement et vice-versa n'en ont plus aucun.

PS Christine Albanel a longtemps écrit les discours de Jacques Chirac. C'est donc une spécialiste de la langue de bois. Elle ne peut certainement pas faire pire chez France Télécom

dimanche, février 14, 2010

Sanglantes batailles à l'UMP

La presse nous dit que la constitutions des listes pour les prochaines régionales ne s'est pas faite sans grincements de dents à l'UMP. En voici un témoignage saisissant trouvé sur le blog d'un militant UMP du Tarn et Garonne. C'est sanglant! Il est vrai que tout ce blog respire l'acrimonie et la hargne, mais celles-ci sont, sur ce blog, en général réservées à la gauche. Les armes tournées contre ses propres amis sont toujours plus destructrices.

La violence des propos tenus sur ce blog me font penser à ceux de Xavier Bertrand face à ce malheureux journaliste du Courrier Picard dont nous parlait hier Le Monde.



On a beaucoup dit ces derniers mois que la débat sur l'identité nationale avait amené des élus à se lâcher plus facilement en public. D'autres, comme Dominique Wolton dont c'est devenu une spécialité, s'en prennent au net (voir son interview dans Libération). Le comportement de Nicolas Sarkozy, la violence de certains de ses propos ont sans doute contribué à desinhiber ses amis. Il ne faudrait pas que ces pratiques qui rappellent les violences verbales des années trente se développent. Or, il semble bien que ce soit le cas comme le montrent les propos outranciers de Philippe Lavaud, le maire d'Angoulême. Le drame est que le plus simple lorsque l'on se sent insulté est de répondre par d'autres insultes, alors que le plus sage serait de mettre ces excés sur le compte de la colère ou du mauvais caractère et de laisser tomber en espérant que la réprobation du public dissuade le fautif de recommencer.

mercredi, février 10, 2010

Les immigrés et la criminalité

Un article intéressant de Tito Boeri sur la criminalité des immigrés en Italie qui s'appuie, une fois n'est pas coutume, sur des statistiques et qui remet les choses à leur place. A garder en mémoire pour le jour où l'un de nos apprentis sorciers nous expliquera que la criminalité est l'affaire des immigrés, comme fit il y a quelques jours Berlusconi.

Le NPA, le voile et les réactions qu'il suscite, suite

Les réactions multiples et toutes dans le même sens (entre protestations et incompréhension) au choix d'une jeune femme voilée par le NPA comme candidate aux prochaines régionales m'a surpris. On ne peut, en effet, accuser la plupart de ceux qui se sont exprimés d'anti-islamisme primaire ou de démagogie. Ce qui me fait penser que l'expression publique de l'Islam se heurte à une triple opposition qui s'est pour l'occasion retrouvée de manière improbable :
- les anti-islamistes classiques qui n'aiment pas les étrangers,
- les féministes qui assimilent le voile (et plus encore la burqa) à une forme d'oppression,
- les ultra-laïcs qui ne supportent pas de voir dans l'espace public l'expression de la moindre foi religieuse.

Je laisserai un instant de coté les premiers, cible trop facile, pour revenir sur les deux autres. Commençons par les féministes. Je comprends parfaitement leur malaise et il est vrai que l'idée même qu'un mari puisse imposer à son épouse, un frère à ses soeurs, un père à ses filles une toilette a de quoi choquer. Et lorsque c'est le cas, il faut effectivement les aider à se libérer de cette oppression. Mais on sait que certaines de ces jeunes femmes (combien, je l'ignore faute de statistiques sur le sujet, mais leur nombre n'est, semble-t-il, pas négligeable) choisissent délibérément, volontairement, souvent contre leur famille ces toilettes. Je dis contre leur famille parce que, on a tendance à l'oublier, l'immigration est aussi un rejet du milieu d'origine et beaucoup d'immigrés ont choisi la France pour, justement, échapper à des traditions et coutumes jugées trop contraignantes. Pourquoi le font-elles? Par souci religieux, pour certaines, pour se protéger de regards masculins jugés trop intrusifs pour d'autres. Il y a quelques années, Ségolène Royal s'était élevée contre le port du string. Les mêmes qui protestent aujourd'hui contre le voile avaient ri, s'étaient moqué, comme si le fait de montrer un bout de ses fesses était plus "catholique", "casher" ou "orthodoxe" (on ne sait plus comment dire), plus convenable en un mot, que cacher ses cheveux. Le port d'un voile peut aussi être une marque de pudeur. Et je ne vois pas en quoi ce serait moins respectable qu'une pointe d'exhibitionisme? La pudeur serait-elle une valeur interdite, maudite dans notre société post-moderne?

C'est l'idée même que des préférences religieuses puissent s'exprimer dans l'espace public (dans la rue, à l'Assemblée nationale…) qui gêne les laïcs. Mais, à l'inverse de ce qu'ils disent souvent cet intégrisme est récent. Dans ma jeunesse (pas si lointaine) les prêtres se promenaient en soutane sans que personne n'y trouve à redire, les bonnes soeurs se promenaient librement dans les rues et les fonctionnaires pouvaient exprimer leurs opinions et préférences idéologiques sans crainte. Je me souviens d'avoir eu, dans un grand lycée parisien, un professeur, Henri Agel, qui affichait son catholicisme, se promenait avec une croix. Nous l'adorions tout autant qu'un autre professeur, dont j'ai oublié le nom, qui ne cachait pas son appartenance au parti communiste. Le seul qui fut un peu discret sur ses opinions, un professeur d'histoire, Georges Lefranc avait signé la charte du travail de Pétain… Quant à nos parents, ils n'y trouvaient rien à redire et savaient que nous ferions le tri entre toutes ces opinions contradictoires.

Notre paysage s'est enrichi de kippas et de voiles. Ni plus ni moins. Est-ce gênant? Ce le serait si ces porteurs de signes religieux faisaient du prosélytisme, voulaient nous empêcher de manger du porc, de nous promener en string… mais ce n'est pas le cas. Alors… pourquoi empêcher un juif de porter une kippa s'il pense qu'il respecte mieux ainsi le Dieu qu'il vénère? pourquoi empêcher une musulmane de porter un voile si elle pense ainsi respecter une obligation religieuse.

J'ajouterai qu'à tant se fixer sur l'Islam et ses signes extérieurs portés par des jeunes femmes qui partagent l'essentiel de nos valeurs on ne voit pas que d'autres immigrés, venus de l'Est de l'Europe, de Roumanie ou de Pologne, immigrés invisibles, introduisent dans notre société un autre poison autrement dangereux : l'antisémitisme et le racisme d'avant-guerre. Je ne dis pas cela à la légère : j'ai eu récemment plusieurs conversations avec des sans-papiers venus de ces pays qui, fiers de leur blanchitude, tiennent des propos auprès desquels ceux de Georges Frèche ne sont que roupie de sansonnet. Et ils le font gentiment, naturellement, sans pour autant partager le moins du monde les fantasmes du Front National. S'il y a un combat à mener, c'est bien celui-ci : leur rappeler, leur enseigner que l'anti-racisme est une valeur de notre société et plus encore depuis qu'elle est devenue multi-culturelle.

mardi, février 09, 2010

La langue de plomb des managers

Pris hier sous une pluie battante dans une voiture de location, j'écoutais un peu par hasard BFM radio, une radio dédiée aux managers et au monde des affaires. Plusieurs responsables d'entreprises, consultants, financiers… réagissaient à l'actualité, aux mesures prises pour conclure (enterrer…) le débat sur l'identité nationale. J'y ai appris qu'un pays était une marque (sic) et qu'il fallait le vendre comme tel (resic). Remarque d'un spécialiste des marques, naturellement, aussitôt complétée par cette autre d'un financier ébahi par la finesse du gouvernement espagnol qui est allé parler aux analystes financiers. Enfin, les budgets de l'Etat seront aussi clairs que ceux des entreprises, nous expliqua-t-il (mais dans quel monde vivent-ils donc? ne savent-ils donc pas que dans les démocraties, les budgets sont votés par le Parlement contrôlés par le parlement et par des magistrats façon Cour des Comptes?)

L'un des participants avait passé son week-end à fair travailler ses enfants. Il a découvert que l'Education Nationale faisait bien son travail (sic). Mais aussi que les programmes d'économie parlaient surtout des entreprises qui licencient (vous en connaissez beaucoup qui recrutent massivement?) Conclusion : les Français ne s'aiment pas (ah bon! je croyais qu'on leur reprochait au contraire leur arrogance) alors que nous sommes très compétitifs, que les Américains (les cadres supérieurs, les seuls qui intéressaient ces messieurs) ont à peu près autant de vacances que nous… Un quart d'heure de sottises, donc.

On reproche beaucoup aux hommes politiques leur langue de bois, celle des managers est plus épaisse encore. De plomb, peut-être

lundi, février 08, 2010

Le voile du NPA les rend fous

A lire les commentaires des politiques de tous bords, de Jean-Paul Huchon ("C'est une aberration, je ne sais même pas où Olivier Besancenot a été chercher ça") à Nadine Morano (qui parle d'un "coup médiatique contre les valeurs de la République") en passant par Fabius que l'on a connu mieux inspiré ("Je ne savais pas, a-t-il déclaré, jusqu'à présent que le port du voile était un signe de laïcité")présenter une candidate voilée serait faire offense à la République. Mais où sont-ils allés chercher cela. Nos rues sont pleines de jeunes filles qui portent le voile, bonnes citoyennes, bonnes françaises, aimables, sages, souvent prudes, et l'on voudrait leur interdire de se présenter aux élections? Mais au nom de quels principes? De quelles valeurs? Celles de Mme Morano? Mais pourquoi celles-ci plutôt que celles de ces jeunes femmes tout aussi "bonnes" françaises que notre ministre?


Les électeurs sont libres de voter contre cette candidate voilée s'ils le souhaitent, mais cette jeune femme a tout à fait le droit de se présenter. Qui plus est en portant les couleurs d'un parti laïc qu'on ne peut certainement pas soupçonner de porter les valises d'on ne sait quel complot islamiste. 


Il serait temps que nos politiques ouvrent les yeux : il y a des musulmans en France qui pratiquent leur religion et n'en ont pas honte. C'est comme ça. La société réelle ne ressemble pas forcément  celle qu'imaginent nos politiques. S'ils ne veulent pas qu'elle finisse par ressembler à leurs cauchemars, ils feraient bien d'en prendre acte. Et d'apprendre la tolérance. Cela leur fera gagner des électeurs et leur évitera de dire des bêtises comme celles entendues ce week-end.

vendredi, février 05, 2010

Van Gogh à Londres

Il y a actuellement à la Royal Academy de Londres, une passionnante exposition Van Gogh qui rapproche ses peintures des lettres qu'il écrivait à des collègues (à commencer bien sûr par Gauguin) mais aussi, et surtout, à son frère Théo. On  y découvre une utilisation du dessin tout à fait surprenante mais aussi la lettre qu'il portait sur lui le jour où il d'est suicidé.

Cette exposition a, naturellement, du succès. Ce matin il fallait faire une heure de queue pour entrer (Dieu merci le ciel londonien était ensoleillé), non que les visiteurs aient été particulièrement nombreux, mais il n'y avait qu'une caisse ouverte alors qu'il y en avait 5 (cinq) ouvertes à la librairie ou l'on vendait le catalogue. Si j'avais mauvais esprit…

L'anglais et les Français : effrayant!

Le Canard Enchainé raconte que Nicolas Sarkozy aurait dit à Hilary Clinton, parlant de la météo détestable de ces derniers jours à Paris (pas hier, il y avait un beau soleil) : I am sorry for the bad time, confondant le temps qu'il fait (weather) et le temps qui passe (time).  Un lecteur de Charles Bremer, le correspondant parisien de Times online, précise que l'anglais de Sarkozy est semble-t-il catastrophique, "awful not to say inexistent."

Ce faisant, il est à la hauteur de beaucoup de Français et l'on peut craindre que cela ne s'améliore pas. J'étais, comme je l'ai dit dans un précédent post, hier sur France 24, pour parler de la burqa en anglais. Nous étions trois Français parlant anglais. Le journaliste, dont l'anglais était "fluent", le jeune patron (24 ans) des jeunes UMP et moi-même. Que dire? Sinon que c'était, pour nous deux… désolant comme on peut le voir ici. Pour moi, passe encore vu mon grand âge (je dis cela mais n'en pense pas un mot), mais pour le jeune politique… Cela se passe de commentaires.

jeudi, février 04, 2010

Burqa, France 24 et le Président des jeunes UMP

France 24 m'a demandé de parler de la Burqa face au Président des jeunes UMP, Benjamin Lancar, en anglais. Pourquoi moi? Sans doute parce que cette même chaîne m'avait demandé il y a quelques mois de traiter de la question du voile et que je sais un peu d'anglais. Sujet difficile : comment garder une position de tolérance (surtout dans une langue que l'on maîtrise mal) lorsque l'opinion est droit devant contre (la jeune femme qui me maquillait avant le passage à l'antenne me disait sa gêne devant ces femmes voilées qu'elle croisait parfois sur les marchés)? Et pourtant, c'est bien la seule position qui ait, à mon avis, du sens. Reprenons les arguments que j'ai essayé de développer face à un jeune homme (24 ans) aussi vindicatif que sympathique :
- cette affaire est essentiellement politique à quelques semaines d'une élection difficile pour le gouvernement : pendant que l'on parle de la burqa, sujet secondaire, on ne parle pas du chômage, des échecs du gouvernement…
- preuve que cette affaire est essentiellement politique : son déroulé. Alors qu'il faut plusieurs semaines pour renouveler sa carte d'identité à Paris (mais oui!), le dossier de ce marocain déposé en janvier à la préfecture était moins d'un mois plus tard sur le bureau du ministre. Belle efficacité de services plutôt réputés pour leur lenteur!
- autre preuve que cette affaire est essentiellement politique : on communique sur la burqa mais celle-ci est une affaire privée, une pratique religieuse (pratique extrême et aussi condamnable qu'on voudra, mais choisie pour des motifs religieux) qui ne concerne en rien l'Etat, comme l'a à plusieurs reprises rappelé le Conseil d'Etat. 
- le marocain en question est l'époux depuis plus de quatre ans d'une française (c'est elle qui porte la burqa). Or la loi autorise tout étranger marié à un Français à obtenir la nationalité française au bout de quatre ans de mariage et de vie commune pour peu qu'il parle le français et qu'il partage nos valeurs (notion fumeuse, en l'espèce).
- on nous dit que ce marocain ne partage pas nos valeurs, mais d'où viennent ces informations? qui en a décidé? et sur quels critères? critères définis par qui? dans quelles circonstances? sur quels textes? Le fait que Nicolas Sarkozy nous ait dit tout le mal qu'il pense de la burqa suffit-il à en faire un critère de non respect de nos valeurs?

mercredi, février 03, 2010

Gardes à vue

On ne parle plus depuis deux ou trois jours à la télévision que des gardes à vue et de leur scandale. J'en ai déjà fait état sur ce blog il y a un an en racontant la mésaventure arrivée à deux de mes proches. Ce post avait amené un officier de police judiciaire à me faire une longue et très riche réponse qui en disait beaucoup plus que ce l'on entend aujourd'hui à la télévision.

Je ne reviendrai donc pas dessus sinon pour dire mon étonnement. Tous les débats sur le sujet opposent des avocats, des personnes mises en garde à vue et des syndicalistes policiers. Pourquoi des syndicalistes? et pourquoi eux seulement pour représenter l'institution? N'y a-t-il pas au Ministère de l'intérieur des responsables, des hauts-fonctionnaires capables de s'exprimer sur le sujet?

C'est un fait constant : lorsque des questions de police sont discutées en public, l'administration se fait systématiquement représenter par des syndicalistes. Ce qui est gênant :
- le point de vue des policiers est forcément biaisé : le respect des droits d'autrui n'est pas, naturellement, leur première préoccupation. Chaque fois qu'on leur oppose les traitements humiliants infligés à des personnes mises en garde à vue, ils avancent des arguments qui ne valent que pour une toute petite minorité (risque de suicide, problèmes de sécurité…)
- les syndicalistes ont naturellement (c'est leur rôle) tendance à défendre leurs collègues, à se rebiffer contre les critiques, ce qui peut les amener à justifier l'injustifiable (il fallait entendre hier un syndicaliste expliquer que ses collègues travaillaient dans les mêmes locaux que ceux dans lesquels on mettait en garde à vue)
- tout cela, enfin, instille un doute sur le fonctionnement de l'institution. Qui prend les décisions? qui commande? Le ministre et la hiérarchie ou les syndicats?

mardi, février 02, 2010

Prisonniers chinois en Afrique?

Je croise ce matin une jeune femme qui rentre du Cameroun, son pays d'origine, qui me parle de la situation là-bas et de ses craintes de tensions sociales liées à la présence de Chinois qui vendent des beignets dans la rue. Ce sont, me dit-elle, des prisonniers que la Chine envoie en Afrique. Rumeur, fantasme comme il y en a tant (les discriminations à l'égard des étrangers ne sont pas moins violentes en Afrique qu'en Europe)?

Je regarde sur internet et je trouve ce rapport préparé par des étudiants de l’Ecole de Guerre Economique, institution dont je ne sais rien et dont je ne peux évaluer le sérieux. Et quelques autres références sur des sites de débat sur l'Afrique, comme ici. C'est peu.

Tout cela se ferait dans le cadre de missions de BTP : les entreprises chinoises enverraient en Afrique une main d'oeuvre très bon marché "fournie" par les autorités qui trouveraient là un bon moyen de vider des prisons surchargées.

Comme devant toute rumeur, on reste perplexe. Est-elle plausible? Ce ne serait jamais qu'une variante de la relégation d'autrefois mâtinée de travaux forcés bien dans le style d'un régime qui n'a jamais montré un grand respect des droits de l'homme. Mais on peut imaginer d'autres explications plus raisonnables à cette présence de vendeurs de rues chinois dans certaines villes africaines, comme l'abandon, à la fin du chantier, d'ouvriers qui n'ont pas les moyens de rentrer chez eux. Ou la décision de certains de rester en Afrique pour tenter de faire fortune.

Il est en tout cas clair que cette rumeur, si elle continue de circuler, ne va pas améliorer la qualité des relations entre ces immigrés et la population.

vendredi, janvier 29, 2010

Nicolas Sarkozy et la loi de Finagle

Une amie me reprochait récemment de trop parler sur mon blog de Nicolas Sarkozy. Elle a raison. Mais comment résister au plaisir que nous donne l'actualité. Plaisir un peu pervers ces jours-ci tant le malheureux Sarkozy semble aller d'échec en échec. Il y a eu la nomination abandonnée de son fils Jean, le débat sur l'identité nationale qui dérape, l'échec de Copenhague, l'affaire Proglio et, maintenant, la relaxe de Villepin (où l'on voit se jouer une nouvelle scène de la comédie des frères ennemis après les scènes Giscard-Chirac, Mitterrand-Rocard et Fabius Jospin). On a l'impression qu'il est victime de cette loi de Finagle, variante pessimiste de la loi de Murphy selon laquelle s'il y a la moindre possibilité que cela rate, cela ratera.

Tous les hommes politiques qui occupent de hautes responsabilités se trouvent un jour ou l'autre dans une situation de ce type. Un discours réussi, une élection dont les résultats sont meilleurs que prévus les aident en général à en sortir. Encore faut-il qu'ils prennent conscience de leurs faiblesses. Dans le cas de Sarkozy, on voit bien que celle-ci tient à la conception qu'il se fait de la fonction présidentielle. S'il avait abandonné sa constitution de partie civile, la relaxe de Villepin aurait été un non-événement, s'il avait laissé un ministre gérer les nominations chez EDF et le secrétaire général de l'UMP choisir le patron de l'EPAD, il aurait évité deux reculades. Mais non : il veut être au four et au moulin et décider de tout depuis l'Elysée. Chaque cafouillage même insignifiant lui revient donc dans la figure.

On a beaucoup accusé De Gaulle de pouvoir personnel. Pour s'en justifier, il plaisantait ("Si l'on entend par là que le président de la République a pris personnelle ment les décisions qu'il lui incombait de prendre, cela est tout à fait exact") et disait agir au nom de la France, du peuple français. Argument imparable aux relents vaguement maurassiens : qui sait vraiment ce que veut le peuple? et veut-il seulement quelque chose? Si l'on posait la question à Nicolas Sarkozy, il est probable qu'il répondrait qu'il se comporte ainsi au nom de l'efficacité. Ses échecs répétés et l'absence de résultats devraient l'amener à s'interroger sur sa méthode.

PS Mediapart annonce à l'instant que le parquet a choisi de faire appel de la décision du tribunal. Comme le parquet dépend du ministre de la justice qui dépend de l'Elysée, difficile de ne pas voir la-dessous la main du Président (même s'il a hier affiché sa volonté de pas faire appel et s'il n'y est pour rien personne ne le croira et Villepin s'attachera à le rappeler à chaque occasion). Veut-il donc rejouer cette vilaine comédie à quelques mois des prochaines présidentielles au risque de perdre une nouvelle fois la face?

jeudi, janvier 21, 2010

Sarkozy, les journalistes, propos privés, crise publique

Les journalistes sont aujourd'hui furieux des commentaires présidentiels sur les deux journalistes de Franec 3 enlevés en Aghanistan. Nicolas Sarkozy aurait dit en conseil des ministres : "Ces journalistes étaient inconscients. Ils ont agi en contradiction avec les consignes de sécurité". "C'est insupportable de voir qu'on fait courir des risques à des militaires pour aller les chercher dans une zone dangereuse où ils avaient l'interdiction de se rendre" aurait-il ajouté selon Europe 1. Il aurait également demandé au ministre de la Défense, Hervé Morin, d'afficher une totale transparence sur les frais engagés. "Il faut que les Français sachent le coût de cette histoire". Soit environ un million d'euros. Une pétition pour protester contre les propos présidentiels circule. 

On comprend l'énervement des journalistes. Mais on a même temps envie de leur dire de se calmer un peu. Il ne s'agit que de propos privés, comme peuvent en tenir tous les responsables confrontés à des situations de ce type. Il ne s'agit pas de censure, comme ailleurs, et je ne vois pas qu'on ait donné à la presse ou au service public des consignes pour ne plus couvrir les guerres. J'ajouterai même que l'on peut trouver naturel ce type de réaction de la part de gens, le Président de la République ou le Ministre de la Défense, qui ont à gérer une situation difficile.

Ce qui dans cette affaire, comme dans d'autres similaires, me frappe surtout, c'est l'effacement de la frontière privéee/public. Des propos privés ne sont évidemment pas de même nature que des propos publics. Et c'est en ce sens que l'on ne peut, par exemple, mettre sur le même plan les propos imbéciles mais privés de Hortefeux sur les arabes ("quand il y en a un ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes") et ceux, publics et donc beaucoup plus graves de Gaudin sur les manifestations de joie après un match Algérie-Egypte et le déferlement dans Marseille de drapeaux algérieux (propos, par ailleurs, vraiment très cons : pourquoi y aurait-il eu des drapeau français dans une manifestation de ce type?).

Cette confusion entre le privé et le public est certainement aggravée par la possibilité que tout un chacun a, aujourd'hui, de capter des conversations et de les diffuser largement sur internet. Mais il n'y avait pas de caméras dans la salle du conseil des ministres. Ce sont des participants qui ont rapporté ces propos.

Ce n'est pas une nouveauté, les ministres ont de tous temps rapporté aux journalistes ce qui se passait au Conseil. Mais des règles existaient qui tendaient à maintenir la distinction entre privé et public (les ministres ne disaient pas tout, parlaient en off, les informations étaient, pour l'essentiel, publiées dans le Canard Enchaîné). On avait l'impression en lisant la deuxième page de ce journal d'entrer dans les conversations mais on faisait spontanément la différence entre ce qui était de l'ordre de l'émotion et ce qui était décision politique. Ce n'est plus le cas : un mouvement d'humeur du Président (mouvement une fois encore compréhensible) devient parole officielle qui suscite suffisamment de réactions pour que l'Elysée monte en ligne transformant ainsi des propos insignifiants en quelque chose de beaucoup plus grave. Ce ne sont pas les propos de Nicolas Sarkozy qui posent problème, ce sont ceux de Claude Guéant s'exprimant officiellement sur la question.

La distinction entre parole publique et parole privée doit être maintenue. L'excés de transparence a un coût. Je ne suis pas sûr que les gens chargés de négocier avec les talibans qui retiennent nos deux journalistes, soient aidés par cette polémique.

Cette distinction doit être maintenue par tous les acteurs et, d'abord, par les premiers intéressés, les membres du gouvernement, les premiers cercles du pouvoir qui se lâchent de plus en plus fréquemment. Qui le font, probablement, parce qu'ils n'ont pas d'autre manière d'exprimer leurs désaccords (comme le disait excellement hier Luc Ferry : on ne peut rien dire au Président. On peut éventuellement exprimer une fois un désaccord, une seconde fois si l'on est vraiment très puissant, mais c'est à peu près tout). Mais cette distinction doit être également être maintenue par les journalistes. Il est bon qu'ils nous donnent ce type d'informations mais ce serait bien qu'ils trouvent une manière les présenter qui les mette en perspective et évite de leur donner plus d'importance qu'elles n'ont.

mercredi, janvier 20, 2010

24% de "créateurs" sur internet

Voici un sondage sur les pratiques des internautes qui devrait faire réfléchir tous ceux qui critiquent internet et n'y voient que poubelle (Finkelkraut, ministres…) :



On y apprend que 24% des internautes sont des "créateurs" qui écrivent, publient des textes, des images, des videos ou de la musique sur internet, qui, pour dire les choses autrement, ont des opinions et veulent le faire savoir. Cela signe bien la fin du privilège accordé à quelques uns (hommes publics, journalistes, experts) de parler au nom de tous. Et cela annonce probablement sur le long terme des changements significatifs dans notre manière de concevoir le débat public.

vendredi, janvier 15, 2010

Sur la burqua

Ce soir dans le Monde un papier sensé de Caroline Fourest sur le voile intégral, sujet difficile qui suscite dans les dîners des débats vifs entre ceux qui y sont violemment opposés et veulent, comme Jean-François Copé, l'interdire et ceux qui sont, disons, plus libéraux ou mesurés (ce qui ne veut pas dire qu'ils justifient ce voile intégral mais qu'ils ne trouvent pas utile de légiférer sur un sujet qui ne concerne au plus que quelques centaines de femmes).

Les adversaires du voile insistent sur la dignité féminine. Et il est vrai que si ce voile est imposé par un mari ou un père, il est détestable. Mais il semble qu'il soit parfois choisi. Ce qui pose un problème d'une autre nature : pourquoi interdire à une femme qui le souhaite de se voiler intégralement dés lors que cela ne pose pas de problème de sécurité (il est évident qu'on ne pourrait pas accepter qu'une école confie des enfants à des mères voilées sans pouvoir vérifier leur identité, qu'un bureau de poste doit pouvoir vérifier l'identité d'une personne avant de lui remettre un courrier avec accusé de réception, qu'un poste de douane…)?

Les libéraux (dont je suis) insistent sur le risque de stigmatiser un Islam qui n'en peut mais, et de confondre des pratiques ultra-minoritaires quasi sectaires et une pratique plus raisonnable de la religion. Ils ont raison lorsqu'ils s'en tiennent  cela, mais tort lorsqu'ils tentent de dédouaner complètement l'Islam.

Le voile intégral n'est certainement pas demandé par le Coran, mais celles qui le portent s'en réclament. C'est une pratique religieuse extrême que l'on devrait classer dans la même rubrique que celles, communes dans l'Eglise catholique, des moniales cloitrées ou converses, condamnées à une vie de silence dans leur cellule que n'égayent que les visies à l'Eglise.

Les religions ont de tous temps demandé à leurs plus fidèles disciples des pratiques extrêmes : silence, isolement dans un ermitage, voile intégral, jeûnes qui n'en finissent pas, mendicité chez les boudhistes, autoflagellation des chiites et de certains ordres catholiques comme les rédemptoristes (d'après cet article de Wikipedia, je n'ai pas d'autre source), interdits alimentaires contraignants… Ces pratiques sont critiquables (j'avais d'abord écrit détestables), mais elles relèvent de la volonté des fous de Dieu de s'extraire de la société pour mieux adorer Dieu et mieux montrer leur soumission. Elles étaient jusqu'à présent tolérées dans nos sociétés. Voire acceptées avec un mélange de curiosité et de respect. Elles le sont de moins en moins alors même qu'il semble qu'elles se développent. L'un va sans doute avec l'autre. A moins que la seule faute des femmes au voile intégral soient d'être musulmanes et de porter leurs stigmates en public.

Bachelot n'est pas seule…

Le naufrage de la campagne de vaccination a une dimension spécifiquement française comme je l'ai indiqué ici (appel au ministère de l'intérieur et à ses préfets plutôt qu'aux professionnels de santé), mais il y a plus : il y a aussi la responsabilité de l'OMS. D'autres pays ont eu à souffrir de l'inexactitude de ses prévisions comme l'indique ce papier de Slashdot :

"With swine flu fading in the UK (projected winter deaths of 65,000 have been downgraded to 1,000, and new cases are decreasing) the UK government has been left with millions of unused vaccines, and (unlike its contract with Baxter) no clear break-clause to get out of its contract with GlaxoSmithKlein. Although the amount paid for vaccines has not been disclosed, it likely cost the UK government several hundred million pounds. Other governments are also in a similar position: the US ordered 251 million doses of the vaccine, and France and Germany are aiming to cut back on their orders considerably. To say that the case for the pandemic has been over-estimated appears to be an understatement. Now, the WHO has announced that it is to investigate whether or not it bowed to pressure from drugs companies to overplay the threat."

"The Council of Europe Parliamentary Assembly has also announced an investigation into the matter after a resolution [pdf] from Dr. Wolfgang Wodarg, Chairman of the Subcommittee on Health, was adopted. Dr. Wodarg labelled swine flu as a "false pandemic", and claims in the resolution that '"in order to promote their patented drugs and vaccines against flu, pharmaceutical companies influenced scientists and official agencies responsible for public health standards to alarm governments worldwide and make them squander tight health resources for inefficient vaccine strategies, and needlessly expose millions of healthy people to the risk of an unknown amount of side-effects of insufficiently-tested vaccines."' By some estimates, GSK was expected to net over £1 billion from vaccine sales."

Faire sortir le diable de la boite

Rendant compte du débat d'hier soir (inutile, insupportable et véritablement à fuir), 20 minutes indique : "En raison de débordements systématiques, nous nous voyons contraints de fermer cet article aux commentaires." Réflexe que l'on retrouve ailleurs. Et pour de bons motifs. J'ai ici signalé les remarques pour le moins "douteuses" de lecteurs du Figaro (on pourrait ajouter celles après un article sur les ratonnades italiennes) et d'intervenants sur le site du Ministère de l'immigration. Ce débat aura réussi cela : faire sortir le diable de la boite. Et ce n'est une bonne nouvelle pour personne. Je me souviens qu'à Toulon, il y a quelques années, la victoire du Front National avait libéré l'expression du racisme le plus ordinaire dans les lieux publics, l'autobus, les commerces, rendant l'atmosphère de cette ville absolument irrespirable. Elle s'en est libérée. Mais au bout de combien de temps et à quel prix!

Les éditeurs de presse ont en la matière une responsabilité : faire leur travail d'éditeur. Ce qu'ils ne publieraient pas dans leurs journaux ne doit pas trouver place dans les réactions des lecteurs. Ce n'est pas de la censure, c'est un principe de précaution si l'on veut garder cet espace de liberté qu'est le courrier des lecteurs sur internet.

PS. Pour ce qui est du coup d'éclat de Vincent Peillon : s'il était prévu qu'il intervienne uniquement en fin de débat, il n'avait évidemment pas de raison d'être présent. Mais si aucun socialiste n'avait accepté d'y participer y aurait-il eu débat? Sa position mérite, pour le moins, éclaircissement.

jeudi, janvier 14, 2010

Un (tout petit) argument contre la privatisation des services publics

J'ai du il y a quelques jours prendre contact, pour des travaux dans une maison, avec EDF. Il s'agissait de changer de type de fourniture électrique. Je m'attendais à une opération simple. J'ai vite déchanté. Il m'a d'abord fallu appeler ERDF, l'organisme qui distibue l'électricité depuis l'ouverture des marchés. L'employé très aimable m'a expliqué la procédure à suivre. Il fallait que j'appelle mon fournisseur d'électricité, en l'espèce EDF. Je lui ai demandé le numéro de téléphone à joindre. "Je ne peux pas vous le donner, me dit-il, par contre je peux vous donner un numéro où vous trouverez les coordonnées de tous les fournisseurs d'électricité." Surprise : il y en a une dizaine, dont la plupart m'étaient complètement inconnus. Ayant enfin trouvé le numéro d'EDF, j'ai appelé et suis tombé sur un technicien avec lequel j'ai pu organiser un rendez-vous.

Tout cela m'a pris une bonne vingtaine de minutes. Rien de grave. Sauf qu'il y a quelques années, lorsqu'EDF avait un quasi-monopole, une seule conversation téléphonique aurait suffi.

On nous explique depuis des années que l'ouverture des marchés (celui de la téléphonie, celui de l'électricité, celui de la poste) sont pour le plus grand bien des consommateurs, qu'introduire de la concurrence permet de baisser les prix. Si j'en juge par cette petite expérience, cela complique surtout le quotidien du consommateur, cela augmente les coûts d'accès à ces services (une vingtaine de minutes contre 4 ou 5). Cela l'oblige à arbirtrer entre différents fournisseurs, là où nous ne nous posions même pas la question. Et cela peut être pénible, comme le sait quiconque a tenté, un jour, de profiter d'une de ces offres si avantageuses des sociétés de téléphonie mobile. Sous couvert de baisser les prix, nous n'avons jamais tant dépensé en téléphone.

Je rapprocherai cette expérience de ce que dit Esther Duflo dans un entretien que vient de publier Télérama. Cette jeune économiste qui enseigne au Collège de France, compare les pauvres et les riches : "On oublie que dans nos sociétés privilégiées, on a de moins en moins de décisions à prendre, alors que ceux qui vivent avec moins d'un dollar par jour ont des dizaines de choix cruciaux à faire quotidiennement." Je ne voudrais pas comparer ma petite mésaventure avec le quotidien d'un pauvre d'un pays du Tiers-Monde, mais je crains que, sous couvert de lutter contre des monopoles publics, on nout ait un peu apauvri.

samedi, janvier 09, 2010

Le double échec des préfets

En quelques semaines, les préfets, base de notre organisation administrative, hommes d'autorité et représentants du pouvoir dans les départements, viennent de subir un double échec :
- avec le naufrage de la campagne de vaccination dont l'organisation leur avait été confiée par la circulaire du 9 aout 2009,
- avec les catastrophiques débats sur l'identité nationale.

Dans les deux cas, on leur a demandé de jouer à contre-emploi :
- de se substituer au tissu médical (médecins, hôpitaux, dispensaires…) dans le cas de la vaccination,
- de prendre la place des lieux classiques du débat que sont la presse, les partis politiques, le milieu associatif, les mairies, internet, dans le cas du débat sur l'identité nationale.

On l'a fait au nom d'une conception hiérarchique, autoritaire, du pouvoir où les autorités, le gouvernement, peuvent commander, manoeuvrer la société comme un pilote de course fait avec sa voiture. Sauf que la société ne fonctionne pas comme cela. Nous ne sommes pas des petits soldats, le doigt sur la couture de nos pantalons à attendre les consignes d'un poste de commandement central. Lionel Jospin disait, avant-hier, dans son entretien du Monde, que ce gouvernement gouvernait mal. On en là une belle illustration. Il dénonçait les textes mal préparés, les effets d'annonce. Ce double échec indique d'où tout cela vient : d'une conception naïve, erronée du pouvoir, d'un autoritarisme condamné à l'inefficacité dans une société d'agents libres. On parle beaucoup d'hyperprésidence, on a ici un nouvel exemple de mauvaise présidence.

Mais, au delà de ces erreurs de gouvernance, ce double échec des préfets est inquiétant. Si l'organisation de débats n'a jamais fait partie de leur mission, et si l'on peut penser que la leur confier était, dès l'origine un vice de forme, on ne peut dire tout à fait de même du plan de vaccination. Après tout, si pandémie il y avait eu, il aurait été dans leur rôle d'organiser les soins. Or, nous en avons aujourd'hui la preuve : ils en auraient été incapables. Leur lettre de mission leur demandait "d'établir un plan départemental de vaccination, de désigner un chef de projet, de constituer auprès de lui une équipe opérationnelle départementale et de mettre en place un comité de pilotage." J'imagine qu'ils l'ont fait. Mais pour quel résultat?

Cet échec mériterait que l'on se pose plusieurs questions :
- est-ce la méthode telle que la proposait cette circulaire qui était mauvaise?
- est-ce les acteurs qui ont résisté (on peut imaginer que des préfets aient traîné des pieds devant des instructions qui leur paraissaient inadaptées, même si ce n'est pas dans la culture de ce corps),
- est-ce que le turnover rapide des préfets a désorganisé ce corps, comme cela avait été le cas aux Antilles lors des grandes grèves de 2008?
- est-ce le tissu administratif qui a fait défaut? On peut penser que les choses se seraient mieux passées si les préfets avaient confié l'organisation de cette campagne de vaccination aux professionnels de santé…
- est-ce, enfin, l'organisation administrative elle-même qui n'est plus adaptée à une société qui a beaucoup changé?

vendredi, janvier 08, 2010

Seguin : que d'émotions!

Est-ce parce qu'elle a pris tout le monde par surprise? La mort de Philippe Seguin a suscité des réactions étranges, presque excessives, entre un Fillon au bord des larmes, une Martine Aubry, presque aussi émue (il est vrai qu'elle avait travaillé avec lui au Ministère des Affaires Sociales) et une planquée d'élus de tous bords qui n'en pouvaient plus de tresser les louanges d'un homme dont le regard lourdement souligné de cernes, le rire tonitruant, les gestes d'agacement et les colères à peine rentrées m'ont, personnellement, souvent mis mal à l'aise.

Oserais-je le dire? Son alliance avec Pasqua, son gaullisme d'avant-hier, sa saga familiale si souvent mise en avant (par lui ou par d'autres, je l'ignore) m'incitaient à ne pas trop me fier à un homme dont je savais pourtant qu'il avait, lors du débat sur Maastricht avec Mitterrand, fait preuve de retenue face à un adversaire au bout de ses forces quand d'autres en auraient profité.

Mais au delà de ces réserves personnelles, c'est la puissance de ces réactions qui m'a étonné ou, plutôt, la capacité des journalistes à les susciter, à les faire sortir de l'espace privé où elles se déploient d'ordinaire pour en faire une scène de théâtre à la Rousseau ou une peinture à la Greuze. La mort d'un homme politique honorable est un spectacle où chacun joue son rôle : le bouleversé (Fillon), le distant (Juppé), le raisonnable (Emanuelli), le tragique (Pasqua)… Parions que dans quelques années on trouvera tout cela un peu indécent. A moins que la théâtralisation de la vie politique s'accentuant, on ne trouve tout cela bien fade. Allez savoir.

jeudi, décembre 31, 2009

Taxe carbone ; le Conseil Constitutionnel a bien fait

Dans sa dernière intervention de l'année, l'excellent Art Goldhammer, un américain qui tient l'un des meilleurs blogs sur la politique française, critique assez vivement la décision du Conseil Constitutionnel sur la taxe carbone. Je partage en général ses vues, mais je crois que là il se trompe.

Cet impôt était critiquable pour deux raisons majeures :
- il aurait été inefficace, ce qu'Art Goldhammer reconnait,
- il aurait été injuste puisqu'il aurait d'abord sanctionné ceux qui n'ont d'autres solutions que le transport automobile et le chauffage au fuel, c'est-à-dire ceux qui habitent en banlieue loin des centre-villes.

On sait depuis très longtemps que les dépenses de carburant et de chauffage sont peu sensibles au prix : les gens qui ont besoin de se déplacer et de se chauffer continuent de le faire. Un impôt ne fera, dans ces conditions, qu'appauvrir les plus pauvres. 

Si l'on veut effectivement réduire les consommations et modifier les comportements, il faut proposer des alternatives à  nos modes de consommation, des transports en commun, des véhicules plus économes et, surtout, un urbanisme mieux adapté à la nouvelle donne. Or, la taxe carbone ne permet rien de tout cela. C'est pourquoi on peut, on doit la critiquer. La lutte contre le réchauffement climatique passe beaucoup plus dans nos pays par une refonte des politiques d'occupation des sols que par une augmentation des prix déjà très élevés des produits pétroliers. Et tout cela, je le précise, n'a rien à voir avec l'opposition à Nicolas Sarkozy. 

PS J'ai été dés les premiers jours hostile à cette taxe, et pour des motifs qui n'ont que peu à voir avec une quelconque animosité à l'égard de Nicolas Sarkozy, ce que j'ai expliqué dans cette chronique de septembre dernier.

PS bis Bonne année Art et longue vie à votre blog!

mercredi, décembre 30, 2009

Identité nationale : le point de vue d'Aristote

Demander à Aristote un éclairage sur les questions de l'identité nationale peut sembler étrange. Il s'est, cependant, posé la question dans une période qui n'était pas sans rappeler la notre, avec une crise d'identité liée, d'une part, à la globalisation (les cités grecques entouraient toute la Méditerranée, allant jusqu'en Inde et en Afghanistan) et, d'autre part, à la secousse qu'ont été pour la société grecque l'interminable guerre du Péloponnès (qui a duré près de trente ans) et la crise intellectuelle et morale qui a suivi et s'est notamment traduite par la condamnation de Socrate accusé de corrompre les jeunes gens.

Dans son Traité de politique, Aristote consacre un chapitre (III, 3) à l'identité de la cité et deux autres au concept de citoyen (qui l'est, qui ne l'est pas? chap. 1 et 2 du même livre III), deux questions qu'il lie explicitement.

On y trouve des formulations voisines de ce que l'on peut entendre dans les débats organisés par Eric Besson : "sur le citoyen aussi il y a une controverse, puisque tout le monde n'est pas d'accord pour dire du même individu qu'il est citoyen; tel, en effet, qui est citoyen dans une démocratie souvent dans une oligarchie ne sera pas citoyen." (1274 - b, 40).

Il aborde la question centrale quoique non-dite de ces débats qui n'est pas l'immigration mais la citoyenneté des enfants nés en France de parents immigrés. Car, c'est bien à cela que reviennent tous les discours sur l'Islam, la racaille des banlieues et les casquettes à l'envers : ces jeunes gens nés en France de parents (ou de grands-parents) nés à l'étranger peuvent-ils vraiment être Français? "Dans la pratique, écrit-il, on définit un citoyen celui qui est né de deux citoyens et non pas d'un seul, père ou mère; mais il y en a qui demandent plus, par exemple deux aïeux ou trois au plus. Mais à ceux qui posent cette définition politique brute certains objectent : ce troisième ou quatrième aïeul de quel droit sera-t-il citoyen?" Traduit en français moderne : qu'est-ce qui autorise des gens qui sont Français depuis six ou sept générations à contester le droit de l'être à ceux qui ne le sont que depuis une génération?

Toute la difficulté revient, explique-t-il, à savoir si l'on peut être injustement citoyen? Réponse : bien sûr que non. La preuve : il y a de mauvais magistrat (élus, jurés) et jamais on ne s'interroge sur leur appartenance à la cité. Ces jeunes gens qui mettent leur casquette à l'envers, ces jeunes filles qui portent un voile ne respectent peut-être pas les règles usuelles de comportement dans l'espace pubic, mais ils sont citoyens au même titre que n'importe qui d'autre.

Cette discussion sur la citoyenneté en amène, chez Aristote comme chez nous, une autre sur ce qu'est la cité (la nation, en vocabulaire contemporain). On retrouve dans ses propos des questions voisines de celles qui ont agité la classe politique il y a quelques années : fallait-il nous excuser pour les fautes commises par Vichy (thèse de Chirac qui l'a amené à affirmer la complicité de l'état français)? ou, au contraire, refuser de le faire au motif que la République n'a rien à voir avec l'Etat français de Pétain (thèse de Mitterrand)? "Certains, nous dit Aristote, sont d'avis qu'il ne faut pas honorer les contrats du fait que ce n'est pas la cité qui les a passés mais le tyran." Ce qui le conduit à cette question qui nous ramène au débat sur l'identité nationale : "d'après quel critère faut-il dire que la cité est la même ou n'est pas la même mais une autre?"

Ce n'est en tout cas pas "du fait de ses murailles, car on pourrait entourer le Péloponnèse d'une muraille sans en faire pour autant une cité." Ce ne sont pas nos frontières qui font l'identité. Ce n'est pas non plus la race ni la population puisque celle-ci change en permanence (les individus naissent et meurent). C'est la constitution, son organisation qui assurent l'identité de la société. Mais ces constitutions peuvent évoluer, changer.

En changeant de régime en 1940, la France a plus sûrement saccagé son identité qu'en accueillant des étrangers, polonais, espagnols ou italiens. Les débats actuels pourraient nous faire croire le contraire.

Chine : Savoir dire non

L'exécution en Chine de Akmal Shaikh, le passeur de drogue britannique, devrait être l'occasion pour les Européens qui partagent la même horreur de la peine de mort, de dire son fait à la Chine et de lui rappeler nos valeurs. Les britanniques sont furieux à juste titre. Nos dirigeants devraient faire preuve de fermeté et leur apporter un soutien solide. Ils pourraient, par exemple, convoquer l'ambassadeur de Chine dans leurs pays respectifs pour leur enseigner quelques points de morale élémentaire. Comme le dit très justement The Economist, la Chine se comporte en "bad boy" sur trop de fronts : il est temps de rappeler à ses dirigeants que le commerce et les produits bon marché n'excusent pas tout. Ce serait le meilleur service à rendre aux Chinois et à nous-mêmes.

A ne rien dire, on prend tout simplement le risque de laisser la Chine en prendre chaque jour un peu plus à son aise à nos dépens.

mardi, décembre 22, 2009

Le Figaro a aussi des lecteurs antisémites

J'imagine que les journalistes du Figaro lisent les commentaires que leurs articles suscitent sur internet et qu'il leur arrive d'être… mal à l'aise quand, auteur d'un article sur Pie XII, ils lisent ce que l'on peut lire ici. Il suffit de si peu de choses pour donner aux antisémites l'occasion de donner de la voix.

lundi, décembre 21, 2009

Echec de Copenhague : une chance pour Sarkozy?

L'échec de Copenhague pourrait bien se révéler une chance pour Nicolas Sarkozy. Il a été, on le sait, en pointe sur ce dossier. Il a avancé de nombreuses propositions qui n'ont, semble-t-il, même pas été discutées (comme ces fameux financements innovants dont ne parle que la presse française) mais qui avaient l'avantage de lui valoir des sympathies bien au delà de son camp. Il pourrait dans les semaines qui viennent en annoncer d'autres qui auraient le grand avantage 1) de le conforter dans sa position de leader européen sur ce sujet et 2) de lui attirer les faveurs de larges pans de l'opinion en France.

Il pourrait, notamment, pousser à l'instauration de taxes, tarifs et mesures discriminatoires aux frontières de l'Europe à l'égard des produits industriels dont l'empreinte écologique serait trop médiocre. Cela irait contre les règles de l'OMC, mais qui pourrait lui en vouloir :
- de frapper ceux (les Chinois, mais aussi les Américains) qui ont le plus freiné à Copenhague,
- de prendre des mesures protectionnistes susceptibles de protéger l'industrie française (et l'agriculture : hier dans une grande surface de province, j'ai trouvé des haricots blancs venant de Chine à coté de lentilles cultivées en Argentine!)?

Cela lui serait d'autant plus facile que les affaires étrangères sont le domaine par excellence des Présidents français pour des motifs institutionnels : c'est leur chasse gardée, ils ne sont pas, comme les Présidents américains, entravés par le Parlement. Indépendamment de leurs qualités personnelles, cette liberté explique pour beaucoup le poids qu'ils ont dans les affaires internationales.

Des mesures de ce type lui vaudraient une large sympathie allant des protectionnistes classiques, à la FN, aux écologistes. De quoi reconstruire une popularité un peu comme sut faire Chirac avec l'Irak.

samedi, décembre 12, 2009

Clip des jeunes UMP : le corps en politique

Le clip des jeunes de l'UMP est bien plus subtil qu'il apparaît à premier coup si l'on en juge par ce décryptage de Marianne. Pour ma part, je n'avais remarqué que l'épisode Besson (variations sur la veste retournée qui mériterait une explication psychanalytique tant il parait énorme) et le passage avec Sarkozy et Obama, mais il y en avait bien d'autres : effeuillage de la rose, presse aux ordres…

Il est vrai que j'ai une double excuse, tout cela a été conçu de manière quasi subliminale et le premier réflexe est de regarder nos ministres dans leur corps. Trois seulement s'en sortent à peu près bien, Nadine Morano, la seule qui ne soit pas ridicule, dont on comprend que c'est la culture, Jean-Pierre Raffarin qui s'est sans doute souvenu qu'il a chanté dans sa jeunesse dans un orchestre rock, et Valérie Pécresse qui a dû être cheftaine d'une troupe scout. Pour les autres, c'est une catastrophe alors même qu'ils sont souvent plutôt bons à la télévision (ou, en tout cas, pas si mauvais).

Au delà de ce qu'il a de ridicule et de consternant, ce clip révèle sans doute la place nouvelle prise par le corps en politique. On se souvient du pas de coté de Nicolas Sarkozy lors d'un jogging, de ses gestes pour s'approprier la popularité de Dany Boon lors d'une remise de médaille. Autant de gestes qui en disaient autant sur sa personnalité que ses mots. Le cas de Raffarin est intéressant : ce Monsieur Prudhomme sait bouger, il a appris dans sa jeunesse, à l'inverse d'Eric Woerth. L'attitude de Christine Lagarde est elle aussi intéressante : on devine dans ses gestes, dans sa maladresse, une difficulté à aller vers les autres, à prendre le rythme, à être à l'aise avec les autres. Ce n'est pas une politique.

Ce n'est pas tout à fait une première, mais c'est une expérience intéressante qui devrait, au delà de la consternation, enseigner aux politiques que leur corps parle aussi et en dit souvent autant sur eux que de longues phrases. Et qu'en ces temps de médias omniprésents, ils ne peuvent plus le cacher.

vendredi, décembre 11, 2009

Un clip… consternant

Les jeunes UMP ont donc réalisé un clip. Cela s'appelle, parait-il, un lip-dubb. Lip pour lèvres et dubb pour doublage (j'imagine), ce qui pour un parti qui prône le débat sur l'identité nationale laisse déjà rêveur. Nos jeunes UMP seraient-ils donc incapables de parler français et d'inventer, si nécessaire des mots dans notre langue?


Mais au delà de cette déficience lexicale, que penser de ministres s'essayant à cet étrange jeu. Qu'ils sont ridicules? C'est l'évidence. Qu'ils en souffrent? C'est probable. Comment imaginer que Christine Lagarde ait pu prendre plaisir à cet exercice qui la rend grotesque et, plus encore, la révèle telle qu'en elle même : formidablement coincée?

J'en retiendrai pour ma part autre chose : ce genre d'exercice est assez fréquent dans les séminaires qu'organisent les grandes entreprises. Chacun s'y sent un peu ridicule, surtout qui a passé l'âge de prendre plaisir aux soirées du Club Med, mais on s'y prête, par complaisance, parce qu'il parait que cela fait branché, dans le coup. Et on l'oublie aussitôt. Cela ne sort pas des caméscopes des participants.

Que des ministres, et non des moindres, aient accepté de jouer ce jeu consternant pour un clip appelé à être diffusé largement suggère qu'ils ne font plus tellement la différence entre ce qui peut passer lorsque l'on est entre soi (entre militants UMP) et ce que l'on doit aux Français que l'on prétend représenter. Cette absence de respect de soi et, donc, des autres est tout simplement consternant.

mercredi, décembre 09, 2009

Le dernier papier de Guaino?

On dit un peu partout qu'Henri Guaino est de plus en plus isolé à l'Elysée (voir, notamment le papier du Monde sur le départ d'Emmanuelle Mignon de l'Elysée). Je ne sais pas si c'est vrai, mais il a en tout cas perdu beaucoup de son brio s'il est bien, comme on le dit, l'auteur du pensum sarkozien publié hier dans Le Monde (Respectez ceux qui arrivent, respectez ceux qui accueillent).

Cet article sensé réagir aux dérapages répétés des débats sur l'identité nationale est l'exemple même de la mauvaise dissertation : platitude sur truisme, idée générale inconsistante, sujet pas traité On ne sait d'ailleurs meme pas de quoi son auteur parle : des minarets? de la Suisse? de l'Islam? de la tolérance? C'est tellement filandreux et mou que l'on n'a meme pas envie de critiquer.

Ce ratage n'est évidemment pas un hasard. Le gouvernement a ouvert avec ces débats une boite à Pandore et la votation suisse l'a un peu plus encore mis dans l'embarras. Il ne sait comment s'en sortir sans, d'un coté, désespérer ces électeurs de la droite profonde qu'il veut séduire ni, de l'autre, se couper complètement de ces électeurs musulmans qui ne sont probablement pas moins nombreux. La difficulté est d'autant plus réelle que Nicolas Sarkozy est l'un des premiers politiques à avoir vraiment pris la mesure de la diversité de la société française et à en avoir tiré des conséquences positives. Mais il arrive qu'à vouloir être trop habile on se prenne les pieds dans le tapis.

dimanche, décembre 06, 2009

Pascal Dumay et l'incontinence

Frédéric Mitterand vient donc de suspendre Pascal Dumay, le patron du Conservatoire National Supérieur de Musique, soupçonné d'avoir consulté mais aussi, semble-t-il, fait circuler des photos pedo-pornographiques. A l'occasion de cette affaire on apprend incidemment qu'une équipe de gendarme est chargée de surveiller la toile. On aimerait savoir ce qu'elle surveille exactement. Parce qu'après tout, il en va de nos libertés. On découvre également une présomption d'innocence à géométrie variable, mais Frédéric Mitterrand n'avait sans doute pas d'autre solution que cette suspension. Je serais bien surpris qu'on la lui reproche même si, sur le fond, il est un peu gênant de voir le soupçon l'emporter sur toutes autres considérations.

Ce qui me surprend le plus c'est l'attitude de Pascal Dumay s'il est avéré qu'il a consulté et fait circuler des images pédo-pornographiques. Il n'est certainement pas sans savoir que cela suscite une formidable réprobation dans notre société, il sait également qu'il occupe un poste relativement sensible et cependant il continue. On est en plein dans ce qu'Aristote appelait l'incontinence (akrasia) ou faiblesse de la volonté que des philosophes comme Donald Davidson, Amélie Rorty ou Richard Holton, entre bien d'autres, ont cherché à comprendre. Je n'entrerai pas ici dans le détail des analyses des uns et des autres dont on peut trouver un aperçu sur Wikipedia, je voudrais seulement souligner la force des passions, du désir lorsqu'ils sont confrontés à la rationalité et combien, malgré tous nos efforts, ils peuvent nous entraîner à faire le contraire de ce que nous jugeons, par ailleurs, juste et bon.

J'ajouterai, enfin, que grâce à Internet on peut facilement avoir des portraits de Pascal Dumay et que rien, mais vraiment rien sur son visage n'annonce le pervers (on peut également y découvrir que ce pianiste que la presse nous présente comme un grand interprète a quitté le monde de l'interprétation il y a plus de vingt ans pour devenir un fonctionnaire de la musique, mais c'est autre chose). Un mystère, donc. Ou plutôt un fait avec lequel il faut vivre.

L'opposition dans les médias audiovisuels

Une des innovations bienvenues du sarkozysme est le développement (involontaire et certainement pas souhaité) de la critique politique dans les médias audiovisuels. L'émission de Yann Barthès sur Canal + et les éditoriaux de France Inter se situent clairement dans l'opposition au gouvernement. Ces médias nous avaient habitué à plus de respect du pouvoir en place. La critique existait bien autrefois, mais elle était pour l'essentiel confinée dans les émissions satiriques (Bébéte show, Guignols de l'info). Ce n'est plus le cas. Barthès pratique une sorte de sémiologie critique du discours audiovisuel du pouvoir dominant originale. Les éditoriaux de France Inter sont plus dans la tradition de la presse d'opinion, mais les uns et les autres tranchent agréablement avec ce qui se faisait.




Le phénomène n'est pas propre à la France. Mais il a pris chez nous une tournure particulière du fait de la révérence traditionnelle de nos journalistes audiovisuels à l'égard du pouvoir en place.

A quoi est-ce que cela tient? Sans doute à l'effet internet. Les journalistes sont en compétition avec tous ceux qui s'expriment sur ce nouveau média en toute liberté, sans le moindre contrôle. La liberté sur internet les a sans doute désinhibés et incités à multiplier les décryptages et à faire preuve de plus d'audace.

vendredi, décembre 04, 2009

Les effets inattendus du débat sur l'identité nationale

Le débat sur l'identité nationale tournerait-il mal pour la majorité? Les réactions, tant à droite qu'à gauche, au vote suisse sur les minarets et aux réactions de Xavier Bertrand, les réactions du gouvernement suite aux dérapages des débats sont les premiers signes visibles de ce qui apparaitra peut-être demain comme une erreur politique majeure. La majorité est mal à l'aise avec cette thématique et pas seulement parce que tout le monde a compris ses visées électoralistes. Et elle a de bonnes raisons de l'être. Ce débat prend une tournure qui ne lui est pas du tout favorable.

En donnant un espace à l'expression de toutes les xénophobies, il a fait sortir le Front National du trou dans lequel il était. Plusieurs sondages indiquent qu'il remonte dans les intentions de vote pour les régionales au point de rendre difficile voire impossible la reconquête de régions par la droite. On l'avait oublié, la droite l'a remis en selle en reprenant une de ses thématiques préférées.

De l'autre, cette même confusion de l'identité nationale et de la lutte contre l'immigration a requinqué la gauche, lui a donné l'occasion d'afficher ses valeurs, ce qu'a fait Martine Aubry dans son discours d'il y a quelques jours en parlant de la France qu'elle aime. Des valeurs que toute la gauche partage et sur lesquelles il n'y a pas de débat son sein.

mardi, décembre 01, 2009

Le site de Besson, publication raciste?

Il n'y a pas que cela sur le site d'Eric Besson consacré au débat sur l'identité nationale, mais il y a aussi cela :

domi83
30/11/09 à 13:20

Etre Français, c’est se sentir bien dans son pays, sans crainte, ni peur. Etre fier de la France, de nos magnifiques régions, d’attirer tant de touristes. Mais ce qui me peine beaucoup, et je ne suis plus fière d’être française, c’est d’attirer tous ces étrangers qui profitent du social, ces gens là ne travaillent pas !! ils vivent grace aux allocations familiales et autres aides diverses, que nous propres français, nous n’y avons pas droit car nous travaillons. Je paye un impôt social pour la sécu et les services sociaux, mais j’en ai franchement MARRE de devoir travailler et d’être prise pour une vache à lait. QUELLE DEVIENT MOCHE LA FRANCE, J’AI HONTE POUR ELLE ET J’AI HONTE D’ETRE FRANCAISE !! Voilà ma bien triste opinion de la France. QUEL GACHIS

valynette
30/11/09 à 13:14

aux armes citoyens
Regarder ce qui vient de se passer en suisse ! eux au moins le courage de leurs opignons a savoir non aux mosquées et au signe instantatoires de tous ordres. On cri haro sur eux je crois qu’illes s’en fissent comme de l’an 40. Auront nous le même courage et surtout nos politiqes je ne crois pas et pourtant -de 1% de la population suisse est magrébine alors que dire chez nous ou dans certains quartiers on se sent en minorité et ou en permanence l’insulte de ces gens nous sert de garde robes et ou le voile la robe noire et la totla sont aujourd’hui courant (dans ma ville doit se trouver les 2200 emballages complets que soit disant il y a en france).
Pour eux la France n’est qu’un tiroir caisse pu l’on pratique le holdop permanent.

Est-ce bien le rôle d'un ministre que de donner à ce genre de propos l'occasion de s'afficher?

Sur le protectionnisme

Dans mon précédent post à propos des minarets, je parlais du protectionnisme. Je viens à l'instant de découvrir un excellent post de Paul Krugman sur le même sujet dans son blog. Il faut le lire, mais aussi lire les commentaires où l'on découvre :
- que la mondialisation peut être synonyme de constitution de monopoles mondiaux et donc de réduction de la concurrence,
- que le sentiment protectionniste n'est pas inconnu aux Etats-Unis : "We cannot continue to create jobs in China and subtract jobs in the U.S. The next new wave of technology must create jobs here at home" dit un lecteur de Paul Krugman,
- que la protection de l'environnement pourrait passer pour une manière acceptable de faire passer la pilule : " We can trade with them, but only if they abide by the same production rules that we do; otherwise, we become China," dit un autre.

Minarets : Bertrand se trompe

Le vote des Suisses sur les minarets a donné à Xavier Bertrand une idée, une sacrée bonne idée : pourquoi ne pas voter sur les minarets en France? Il n'a pas dit tout à fait cela, il a procédé par allusion : il n'est pas, nous a-t-il dit, "certain que l'on ait forcément besoin de minarets" pour pratiquer l'islam. Mais tout le monde a compris ce qu'il voulait dire.

Tout cela me rappelle cette bourgeoisie bien pensante qui n'est pas antisémite mais qui ne manque jamais l'occasion d'une allusion à la puissance des juifs, à leur goût de l'argent… cette même bourgeoisie qui pense comme Bernanos que le premier tort d'Hitler est d'avoir rendu les antisémites infréquentables (cet écrivain par ailleurs très estimable disait également : "Je ne suis ni antijuif, ni antisémite, mais j'ai toujours cru qu'il y a un problème juif"). Le Figaro, qui n'en manque pas une, en fait son titre ce matin et lancé un sondage sur internet (Faut-il interdire la construction de minarets en France?) avec, lorsque je l'ai consulté, un résultat attendu : 77% des internautes ont répondu par l'affirmative. Tout cela est, bien sûr, très déplaisant. Et stupide.

L'objectif est, bien sûr de rameuter les électeurs du Front National que la politique de Nicolas Sarkozy a éloignés de la majorité. Tout comme les mesures prises contre l'immigration clandestine ou ces débats absurdes sur l'identité nationale. Mais cela repose, je crois, sur une formidable erreur politique. A l'inverse de ce que l'on a si souvent dit, l'électorat du Front National est composite. Il est formé pour une part de gens d'extrême-droite, racistes, antisémites… et pour une autre d'électeurs issus des classes populaires qui ne sont pas spécialement racistes, qui ne le sont en tout cas ni de manière systématique ni de manière idéologique. Ils vivent, plus que la bourgeoisie et les classes moyennes, dans une société mixte et s'en accommodent très bien. S'ils ont voté pour le Front National, c'est qu'il a longtemps été le seul parti à soutenir une politique protectionniste. C'est cela qu'ils appréciaient chez lui et qu'ils ne trouvaient pas ailleurs, ni à gauche ni à droite. Ce n'est pas en agitant l'immigration clandestine ou les minarets que la droite regagnera leurs voix. Ce serait en prenant des mesures protectionnistes ou, à défaut, en développant un discours de ce type. Mais… c'est ce qu'elle ne peut pas faire car ce serait se mettre à dos le Medef et risquer de perdre tous ceux qui dans son électorat profitent ou s'accommodent de la mondialisation, du libre-échange et de l'ouverture des frontières.

jeudi, novembre 26, 2009

L'immigration : un chiffon plus très rouge

Les élections approchent, la majorité a de mauvais sondages. Elle essaie de reprendre la main en agitant le chiffon rouge de l'immigration pour reconquérir cet électorat populaire venu du Front National que son action a déçu : l'interdiction de la burqua sur la voie publique, du voile dans les travées de l'Assemblée nationale, le débat sur l'identité nationale… tout va dans le même sens.

Il y a cependant de fortes chances que cela ne lui serve pas à grand chose. Pour trois motifs :
- la société française d'aujourd'hui n'est plus celle d'il y a quinze ans. Elle a changé dans ses profondeurs, elle a beaucoup évolué sur ces sujets et accepté l'idée que nous étions une société diverse, métisse. L'un des effets inattendus du débat sur l'identité nationale aura été le coming out de tous ces enfants d'immigrés (espagnols, italiens, polonais, algériens…) qui révèlent une ascendance dont ils ne parlaient à peu près jamais. Ce qui relevait du privé, de l'intime est en passe de devenir public, et ceci dans tous les milieux ;
- ces évolutions sont sans doute plus marquées dans les classes populaires que dans les classes moyennes. Tout simplement parce qu'elles vivent plus massivement cette diversité. C'est dans les classes populaires que le métissage se fait le plus naturellement, le plus simplement ;
- le discours de la droite est paradoxal, contradictoire. Nicolas Sarkozy et quelques autres autour de lui, comme Coppé ont compris que la société française a profondément évolué sur ces sujets. Ils en ont d'ailleurs tiré les conséquences en aidant notamment des personnes issues de l'immigration à faire carrière dans la politique. Comment peuvent-ils être pris au sérieux lorsqu'ils tentent de stigmatiser la population issue de l'immigration?

Copenhague : il faut aider le soldat Obama

Comme toute la presse européenne le faisait remarquer ce matin (mais pas forcément la presse américaine), les propositions de Barack Obama sur le climat sont extrêmement décevantes. Très loin de ce qui serait nécessaire et de ce qu'on attendait de lui.

Le plus grave est qu'il est sans doute au plus loin de ce qu'il peut faire tant ses marges de manoeuvre sont réduites : l'opinion américaine est infiniment moins convaincue que l'opinion européenne de la nécessité d'agir, le parlement est travaillé au corps par des lobbies pétroliers dont nous ne mesurons pas ici la puissance, sa volonté de faire avancer ses projets sur l'assurance maladie l'obligent à des concessions avec les élus les plus conservateurs, l'explosion du chômage rend difficile toute concession qui ne soit pas cosmétique. Les chances qu'il avance plus sur ce dossier sont pour toutes ces raisons très minimes. Sauf si l'Europe en pointe sur ce dossier trouve le moyen de l'aider. Mais comment faire?

Utiliser le rapport de force? Il faudrait que l'Europe soit capable de convaincre les pays émergents et les pays en développement de se battre sur ce dossier et de pousser l'Amérique dans un coin. Mais cela parait difficile.

Agiter l'arme du protectionisme, mettre des taxes élevées sur les produits dont l'empreinte écologique est trop mauvaise? C'est difficile et dangereux, même si l'exemple des OGM montre que l'Europe lorsqu'elle est soutenue par son opinion sait marquer des points.

Reste une piste : battre les Américains à leur propre jeu.

On sait qu'ils ont plus que les Européens confiance dans le marché et dans la technologie. Si l'Europe prenait une avance réelle en matière de technologies environnementales, si elle finançait massivement des travaux de recherche dans ce domaine, elle pourrait inciter les autorités américaines à faire des efforts pour éviter que ses industriels ne prennent trop de retard. Il faudrait, au fond, retourner contre les Américains la stratégie du bouclier anti-missile qui a si bien réussi à Reagan contre l'URSS. Pas pour les vaincre et les ruiner, pour les forcer à se lancer dans l'aventure.

Que se passerait-il si à Copenhague, les Européens arrivaient avec un plan de financement très massif des technologies environnementales? Que feraient les Chinois? Resteraient-ils les bras croisés? Et si les Chinois et les Indiens s'y mettaient vraiment, que feraient les Américains? Créer une concurrence internationale sur les technologies environnementales serait sans doute la meilleure manière de les inciter à se lancer dans la bataille contre le réchauffement climatique. Mais en avons nous les moyens?

mercredi, novembre 18, 2009

Le CNRS publie plus que l'Académie des sciences de Chine et que Harvard

C'est le Canard Enchaîné qui le fait savoir : d'après un institut espagnol, Scimago, le CNRS serait la première institution savante mondiale pour le nombre de publications devant l'Académie des Sciences chinoises, l'Académie des Sciences russes mais aussi les grandes universités américaines (Harvard vient en quatrième position avec deux fois moins de publications que le CNRS). On trouve ces chiffres qui surprennent un peu ici. Ils sont tirés d'une base de données de l'éditeur Elsevier qui recense les publications dans 17000 revues savantes. La période analysée est récente : 2003 à 2007.

Je ne sais pas comment interpréter ces résultats, ni si les comparaisons avec les universités américaines ont beaucoup de sens (Harvard + l'université de Californie + Ann Arbor publient plus que le CNRS. Paris VI, la première université française n'arrive qu'en 71ème position) mais ils invitent à revisiter les remarques récurrentes sur les chercheurs qui ne travaillent pas, sur la bureaucratie au CNRS (ou à l'INSERM classé en 14ème position) ou sur la méfiance des chercheurs français à l'égard de la mesure de leurs efforts par le nombre de publications…

Le soleil nous boude, mais il brille à l'étranger

Nicolas Sarkozy est en Arabie Saoudite, pour un voyage que l'on dit semi-privé tandis que François Fillon se fait huer par les maires et les élus locaux à Paris. Deux poids, deux mesures? Non, une illustration de ce qu'est la politique au plus haut niveau en France : difficile à l'intérieur des frontières, souvent brillante à l'extérieur. Nicolas Sarkozy n'est pas le premier président à partir à l'étranger pour goûter un peu de répit et quelques succès. Et, pour dire vrai, il y réussit plutôt bien (Europe, G20, demain peut-être Copenhague…). Tout comme, d'ailleurs, ses prédécesseurs qui n'ont pas manqué, eux non plus, d'accumuler les déboires dans l'hexagone.

Ce grand écart entre des difficultés récurrentes à l'intérieur et des succès à l'extérieur est, me semble-t-il, une particularité française qui tient probablement à ce que la politique étrangère y fait moins débat chez nous qu'ailleurs. Cela tient sans doute à une tradition d'indépendance nationale qui unit gauche et droite dans la volonté de se démarquer des Etats-Unis, dans la volonté partagée par tous, à gauche comme à droite, de maintenir un certain rang dans le monde, ce qui suppose ouverture aux problèmes des autres et activisme diplomatique, dans un pacifisme de façade (de façade puisque nos soldats se battent depuis longtemps un peu partout) qui évite les aventures trop risquées. Cela tient aussi à des institutions qui font des affaires étrangères un domaine réservé que le Président peut labourer comme il l'entend sans l'obligation de s'expliquer devant les parlementaires.

Le tout rend cette politique relativement efficace : le Président sait qu'il peut compter sur l'opinion et cela renforce ses positions dans les négociations avec ses partenaires. Tout le contraire des Présidents américains qui doivent en permanence négocier avec les parlementaires et une opinion tentée par le renfermement sur elle-même.

Et comme cette politique est assez efficace, elle produit des succés dont profitent des Présidents qui souffrent bien plus sur la scène nationale. Pas étonnant, dans ces conditions, qu'il leur arrive de préférer l'Arabie Saoudite au Congrès des maires.

Ségolène Royal : la bonne élève des médias

Non, Ségolène Royal n'est pas folle, incontrolable, caractérielle comme tant de commentateurs le suggèrent. Elle est plus simplement, comme d'ailleurs Nicolas Sarkozy, une enfant très douée des médias et de la télévision. Elle est devenue très habile dans l'art de les attirer. Elle sait leur plaire. Et pas seulement parce qu'elle est jolie et souriante. Comment mieux faire parler de soi qu'en grattant le PS où cela fait mal et en taclant avec une redoutable habileté son ancien second? Elle sait construire un de ces spectacles qui amusent et enchantent les journalistes politiques qui s'intéressent moins au fond ("parler d'éducation, quel ennui!") qu'aux tactiques, manoeuvres, coups d'estoc et d'esbrouffe. Si son esclandre de Dijon lui a valu d'être présente toute la journée d'hier à la radio et à la télévision, c'est qu'il illustrait une très jolie manière de renvoyer à sa place (au second rang) un jeune ambitieux. C'était presque un cas d'école et je ne serais pas surpris que d'autres demain s'en inspirent pour casser un concurrent.

Elle fait cela d'autant mieux que chacun lui reconnaît une véritable intuition politique : que ce soit sur l'alliance avec le modem, la taxe carbone ou sur le passe contraception, elle sait toucher juste. Cela ne fait malheureusement ni une stratégie politique, ni un programme ni un projet.

Occuper l'espace médiatique avec talent, c'est bien, encore faudrait-il que cela ne se fasse pas aux dépens de sa prochaine candidature à la candidature. Parce qu'après tout : qui peut aujourd'hui dire que nous serions mieux gouvernée si elle était à l'Elysée? Alors même que c'est la seule idée qui pourrait lui en ouvrir les portes.

Si l'on était de ses proches, on lui recommanderait un peu de jeûne médiatique…

jeudi, novembre 12, 2009

De quelques nuances de l'anticapitalisme

Libé a publié il y a quelques jours un intéressant sondage de Viavoice sur l'éclatement de la gauche en plusieurs familles : social-libéral, anticapitaliste, écologiste, étatiste… Le fait marquant est, cette année, "l’installation massive de la galaxie antisystème écologiste", qui se nourrit de l’effritement des quatre familles identifiées dans les précédentes enquêtes. Ses membres placent l’environnement au cœur des politiques publiques mais se disent aussi "proches" à 95% des idées anticapitalistes.

Les écologistes sont donc anticapitalistes mais pas de la manière dont le sont les électeurs proches du NPA. La différence porte, bien sûr, sur les thèmes : ils se soucient plus de l'environnement que des questions sociales, même s'ils ne négligent pas celles-ci, mais pas seulement. Il me semble que leur anticapitalisme n'est pas de la même nature. Les anticapitalistes traditionnels à la NPA, disons pour simplifier les marxistes, critiquent le capitalisme, les entreprises capitalistes pour ce qu'elles sont et ce qu'elles font. Elles leur reprochent d'exploiter les salariés, de s'enrichir sur leur dos, de leur faire une vie impossible, de leur imposer des cadences infernales… Toutes critiques qu'il est facile de documenter. Il suffit de se promener dans quelques usines…

Les écologistes reprochent aux entreprises moins ce qu'elles font que ce qu'elles pourraient faire. Leurs critiques portent moins sur leurs actes que sur leur potentiel de nuisance. Nul ne sait si les antennes de téléphonie mobile sont un risque pour la santé, mais le fait même qu'elles puissent en présenter un suffit à militer pour leur interdiction et à condamner les entreprises qui les installent. Même chose avec les OGM, les déchets nucléaires (dont nul ne sait si nous saurons demain les traiter) ou le vaccin contre la grippe qui suscite aujourd'hui tant de méfiance : nul ne peut prouver qu'il est inutile ou inefficace (voire même dangereux), il suffit cependant qu'il soit produit par des laboratoires privés pour qu'on les soupçonne d'avoir fait passer dans cette affaire les intérêts de leurs actionnaires avant ceux de la collectivité. Les écologistes ne condamnent pas des actes (où sont les documents, les déclarations… qui montreraient que les laboratoires ont monté cette opération vaccin pour arrondir leurs fins de mois?) mais du possible. C'est toute la logique du principe de précaution.

Cette nuance dans l'anticapitalisme a probablement d'ores et déjà un impact sur les stratégies des uns et des autres. La cible n'est pas la même, ce ne sont plus les entreprises qui exploitent les ouvriers que visent les écologistes, mais l'Etat qui contrôle et délivre éventuellement les autorisations de commercialisation des produits. Ce ne sont plus les salariés victimes de l'exploitation qu'ils tentent de mobiliser mais les consommateurs et les citoyens. Il ne s'agit plus, comme chez les marxistes à la NPA, de militer pour une modification de la composition du capital des entreprises (introduction de l'Etat, des salariés dans le système de gouvernance…) mais d'exercer un contrôle fin sur les activités de l'entreprise (ses produits, ses technologies…).

Il ne suffit pas de se reconnaître dans l'anticapitalisme pour être d'accord sur tout.

Lettres à Aube

Au moment où on ne parle que de la désolante polémique créée par Eric Raoult (le droit de réserve des Goncourt), je voudrais signaler la sortie chez Gallimard d'un livre remarquable, sans doute l'un des plus beaux publiés cette année : les lettres qu'André Breton a adressées à sa fille Aube (quel joli prénom!). C'est tout simple, des lettres d'un père à sa fille aimée, mais c'est infiniment troublant. On y découvre, outre cet amour paternel qui surprend un peu de la part d'un homme qu'on imaginait plutôt en statue de sel, une intimité délicate plutôt désargentée, la chasse au papillon, le souci des études d'une enfant, des réves remplis de vers de Musset, l'attention à l'égard des autres. C'est un livre qui se lit comme un recueil de poèmes et qui fait un peu honte. On aimerait tant avoir écrit d'aussi belles lettres à ses enfants.

La campagne de vaccination commence

La campagne de vaccination du public contre la grippe commence aujourd'hui dans une atmosphère étrange. Si l'on en croit les sondages, les Français ne veulent pas se faire vacciner, doutent de l'innocuité de ce vaccin, s'interrogent sur les adjuvants.

Sans doute en ira-t-il autrement lorsque la presse annoncera les premiers cas de grippe mortelle. Cette méfiance intrigue cependant. On peut y voir l'échec d'une campagne de publicité gouvernementale maladroite ou plus simplement victime de la communication tous azimuts d'un exécutif qui ne sait pas nous laisser une seconde en paix.

Mais on peut aussi y voir un signe de notre relation compliquée avec la technologie, de notre méfiance à son égard. Et, en ce sens, cet échec serait à rapprocher des batailles contre le nucléaire, les antennes de téléphonie mobile, les OGM. On retrouve effectivement chez les adversaires de la vaccination des arguments qui servent contre ces autres techniques : avidité des grands groupes industriels, faiblesse des controles réalisés par des laboratoires financés par l'industrie.

Mais on peut également y voir l'inverse, une sorte de lassitude de l'opinion à l'égard de toutes ces menaces qu'on nous annonce chaque matin : cette grippe vient après les déchets nucléaires, le réchauffement climatique, les effets pervers des OGM ou des antennes de téléphonies mobile… On y croit un petit peu, assez pour se faire peur dans nos conversations de bureau, mais pas suffisamment pour se protéger.

Entre les deux, je ne sais que choisir. Peut-être y a-t-il des deux.

vendredi, novembre 06, 2009

Eric Besson va-t-il gagner son pari?

Eric Besson semble en passe de gagner son pari grâce… à la presse et, d'abord, à celle de gauche. Après Libération qui regrettait, dès le lendemain de l'annonce de ce débat, que la gauche refuse de s'y associer (éditorial de Laurent Joffrin), c'est au tour du Monde d'expliquer, dans un autre éditorial, que "plutôt que d'alimenter le vain débat sur l'opportunité du débat (…) il nous parfait plus utile d'aller d'emblée au fond de l'affaire : quels sont les traits de l'identité nationale?" On voit bien l'intérêt pour les journaux : cela fait de la matière à articles qui ne coûtent pas très cher à produire. Chacun peut y aller de son commentaire et les rédactions peuvent solliciter jusqu'à plus soif tous ces auteurs, experts, intellectuels, lecteurs, qui ne demandent pas de rémunération. Mais je ne suis pas sûr que l'intérêt des journaux fasse celui des lecteurs.

On aimerait recommander à tous ceux qui entreprennent de s'interroger sur l'identité nationale de relire le Jean-Paul Sartre de la question juive. Ce n'est évidemment pas en nous regardant dans un miroir que nous trouverons notre identité, c'est en écoutant ce que les autres, ceux qui nous regardent de l'extérieur, ont à nous dire sur ce que nous sommes. Si traits communs il y a, seuls des regards étrangers peuvent le discerner. Nous en sommes incapables, sauf à penser qu'être Français se résume à quelques imbécilités jusqu'alors réservées aux supporters des clubs de foot et de rugby, genre Marseillaise, drapeau et coq gaulois.

Pour conclure, une anecdote. Je me trouvais il y a quelques années à l'aéroport de Séoul. A l'autre bout du grand hall où j'attendais mon avion, se trouvait un groupe d'une vingtaine de jeunes filles autour de deux bonnes soeurs. D'où j'étais, je ne pouvais pas distinguer leur visage, pas plus les entendre, juste voir leurs gestes, leurs mouvements. C'étaient incontestablement des Françaises. Par curiosité, je me suis rapproché. C'étaient effectivement des Françaises, mais toutes nées en Corée et amenées en France bébé parce qu'orphelines. Leur francité s'exprimait dans leurs manières de se tenir, de mettre la main sur la hanche, de se projeter dans la conversation vers leur interlocutrices, de rire…

Je n'avais pu deviner leur francité que parce que, plongé depuis quelques temps, en Asie, je reconnaissais soudain ce que je n'avais pas vu depuis longtemps : des Français ensemble. Elles auraient pu porter un voile ou une burqua qu'elles n'en seraient pas moins restées pleinement françaises.

lundi, novembre 02, 2009

Chirac, lui, n’a pas d’amis.

Phrase terrible de Charles Pasqua à propos de Chirac : "Chirac, lui, n’a pas d’amis." Tout le contraire de Mitterrand qui en avait rangé tant dans tous ses tiroirs et de Nicolas Sarkozy qui confond si souvent amitié et relations. Mais Pasqua a sans doute raison : comme le disait un jour Sarkozy, Chirac est tout le contraire de ce que l'on croit, une brillante intelligence (et non pas un benêt inculte comme on s'est si souvent amusé à le décrire) d'une grande dureté (rien du sympathique bonhomme qu'on a longtemps cru). Comment aurait-il pu faire pareille carrière autrement?

Les nouveaux habits du débat public

Le débat sur l'identité nationale qu'organise la droite succède au référendum sur la poste qu'avait organisé la gauche… Personne n'ose le dire, mais tout cela relève de la même tactique : créer des événements qui incitent ses partisans à s'exprimer de manière bruyante pour donner à ses propositions ou à des politiques un peu plus de poids et de légitimité. Prenons le référendum sur la poste. 2 millions de Français ont participé à une votation sur la privatisation du service public. 95% se sont déclarés contre. Surprise? Seuls les plus opposés aux projets du gouvernement (et il faut dire qu'ils étaient nombreux) se sont déplacés. Les autres, les indifférents n'ont pas pris cette peine. La même chose se produira avec le débat sur l'identité nationale. Qui ira dans les préfectures et les sous-préfectures? Qui prendra le temps de discuter de la francité de la burqua, du chant de la marseillaise une fois par an ou autres âneries? sinon ceux qui sont déjà convaincus que l'identité nationale est menacée et qu'il faut la défendre contre les barbares qui ne chantent pas le chant national dans les stades.

Tous ces débats ont les mêmes caractéristiques :
- on en connaît les conclusions avant même qu'ils aient débuté (il faut maintenir la poste dans le service public, la burqua n'est pas française, il faut chanter la marseillaise…),
- ils ont l'allure du débat démocratique, de cette démocratie participative dont parlait Ségolène Royal, mais en sont tout le contraire puisque n'y participent que ceux qui partagent les conclusions initiales de leurs organisateurs,
- ils ont pour objet de donner une certaine légitimité populaire à des décisions qui suscitent une forte opposition,
- ils valent moins par les propositions qui en sortent (elles sont déjà écrites) que par le nombre de ceux qui y ont participé. Eric Besson ne convaincra vraiment que s'il fait mieux que les organisateurs de la votation sur la poste.

L'organisation du débat sur l'identité nationale est en général interprétée comme une opération pour reconquérir les voix d'extrême-droite. Il est en ce sens à rapprocher des Etats généraux que veut organiser le ministre de l'industrie dont on sait déjà qu'ils recommanderont toute une série de mesures protectionnistes qui visent à satisfaire un électorat ouvrier victime des délocalisations (il fallait entendre l'autre soir Estrosi à la télévision répéter jusqu'à plus soif le mot "ouvrier" pour deviner la cible). Le souci tactique est évident. Mais on peut aussi y voir la volonté de légitimer une politique qui se heurte à une opposition qui a su prendre de nouvelles formes avec, notamment, les micro-mobilisations sur des cas concrets que le RESF (Réseau Education sans frontière) réussit très régulièrement. Disons le simplement : les politiques de reconduite à la frontière qui séduisent tant la droite de la droite ne passent pas dans l'opinion. L'objet du débat sur l'identité nationale est de leur donner la légitimité qui leur manque.