vendredi, août 19, 2011

Relire Voltaire en ces temps d'affolement

La dette affole. Après les gouvernements voilà que les ultra-riches s'inquiètent et que des nouveaux venus en politique comme Laurence Vicniewski en viennent à jeter par dessus bord l'essentiel du programme de leur parti.Verra-t-on bientôt l'Elysée mettre en vente son argenterie? Il y a un précédent qu'a décrit Voltaire dans un texte qui pourrait presque presque passer pour un modèle : d'abord la dette, puis la vente des actifs de l'Etat, enfin l'inflation.

"Mais, lorsqu'en 1688 on fut replongé dans la guerre, et qu'il fallut se soutenir contre la ligue d'Augsbourg, c'est-à-dire, contre presque toute l'Europe, il (Le Pelletier, ministre des finances) se vit chargé d'un fardeau que Colbert avait trouvé trop lourd : le facile et malheureux expédient d'emprunter et de créer des rentes fut sa première ressource. Ensuite on voulut diminuer le luxe, ce qui, dans un royaume rempli de manufactures, est diminuer l'industrie et la circulation ,-et ce qui n'est convenable quà une nation qui paie son luxe à l'étranger. Il fut ordonné que tous les meubles d'argent massif, qu'on voyait alors en assez grand nombre chez les grands seigneurs , et qui étaient une preuve de l'abondance, seraient portés à la monnaie. Le roi donna l'exemple: il se priva de toutes ces tables d'argent, de ces candélabres , de ces grands canapés d'argent massif, et de tous ces autres meubles qui étaient des chefs-d œuvre de ciselure des mains de Ballin, homme unique en son genre , et tous exécutés sur les dessins de le Brun. Ils avaient coûté dix millions ; on en retira trois. Les meubles d'argent et l'orfévrie des particuliers produisirent trois autres millions. La ressource était faible. On fit ensuit une de ces énormes fautes dont le ministère ne s'est corrigé que dans nos derniers temps; ce fut d'altérer les monnaies, de faire des refontes inégales, de donner aux écus une valeur non proportionnée à celle des quarts : il arriva que, les quarts étant plus forts, et les écus plus faibles, tous les quarts furent portés dans le pays étranger; ils y furent frappés en écus, sur lesquels il y avait à gagner, en les reversant en France. Il faut qu'un pays soit bien bon par lui-même, pour subsister encore avec force, après avoir essuyé si souvent de pareilles secousses. On n'était pas encore instruit : la finance était alors, comme la physique, une science de vaines conjectures. Les traitants étaient des charlatans qui trompaient le ministère; il en coûta quatre-vingts millions à l'Etat. Il faut vingt ans de peines pour réparer de pareilles brèches." (Le siècle de Louis XIV)

La finance et l'économie ont fait de grands progrès mais on a parfois le sentiment que ce sont toujours des "sciences de vaines conjectures."


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1 commentaire:

Aube a dit…

Quelle bonne idée de relire!
Et en particulier, Voltaire qui sait penser en termes si clairs, qu'il amuse en instruisant.
Il est un écrivain journaliste.Il ne donne pas de leçon, mais quel esprit divertissant.
Merci de cette idée qui donne un peu de vent dans ces voiles stagnantes des commentaires politiques.