vendredi, janvier 19, 2007

Sur les 4000€ de François Hollande

En fixant un seuil à 4000€ net pour les augmentations d'impôts, François Hollande a fait hurler beaucoup de monde. C'était certainement maladroit et… cependant… cependant…

Qu'il ait fait hurler à Paris ne devrait surprendre personne. On me parlait hier d'un appartement de 120m2 (belle surface, sans doute, mais ce n'est pas non plus un chateau) loué à Paris dans le 8ème (quartier élégant, mais pas forcément le plus choisi) 4500€ par mois. J'imagine que le locataire de cet appartement qui ne se sent pas forcément riche (ce loyer peut prendre une part importante de ses revenus) ni réactionnaire (peut-être était-il de voter à gauche) a pris les propos de François Hollande pour une déclaration de guerre. Mais, un sondage montre que 65% (chiffre cité de mémoire) des militants socialistes sont d'accord avec lui et des conversations avec des connaissances, cadres moyens dont les rémunérations sont de cet ordre, me font penser que pour beaucoup de gens, 4000€ reste un seuil acceptable.

Ce que confirme ce post de Bernard Salanié que j'ai retrouvé. Il y parle des salaires des universitaires américains et montre que là aussi le seuil des 4000€ n'est pas absurde. Je le cite : "Comme mon camarade Chiappori a lancé un débat sur le salaire des profs sur Débat 2007, j'apporte mon eau au moulin en donnant les chiffres suivants, extraits d'une enquête de l'American Association of University Professors. Px représente le pourcentile x : P10 est le salaire au-dessous duquel se situent 10% des individus, P95 celui au-dessus duquel on trouve 5% des individus. Il s'agit du salaire de base (9 mois de l'année) ; de nombreux profs obtiennent un "summer stipend", par un grant par exemple, qui rajoute deux mois. Comme 1 dollar vaut 0,8 euros, je multiplie par 10/9*0.8/12 pour avoir un salaire en euros par mois, et j'enlève 45% en prélèvements sociaux et fiscaux pour avoir ce que nous appellerions en France un salaire net. Les universitaires ont généralement de très bons benefit packages, si bien que je n'applique pas de facteur rendant compte de la supériorité moyenne de la Sécu---vous pouvez appliquer celui que vous voudrez, ceci est à la louche. Je ne tiens pas compte non plus du fait que le logement dans certaines grandes villes américaines est cher ; Paris n'est pas donné non plus, et les universités américaines subventionnent souvent le logement.

Tout ceci est bien sûr à la louche, mais en voici le résultat :

Professors :

P20 : 88 000 dollars, soit 3 600 euros par mois
P40 : 95 000 dollars, soit 3 900 euros par mois
P60 : 106 000 dollars, soit 4 300 euros par mois
P80 : 117 000 dollars, soit 4 800 euros par mois
P95 : 141 000 dollars, soit 5 700 euros par mois.

Assistant professors :

P20 : 55 000 dollars, soit 2 200 euros par mois
P40 : 60 000 dollars, soit 2 400 euros par mois
P60 : 64 000 dollars, soit 2 600 euros par mois
P80 : 70 000 dollars, soit 2 900 euros par mois
P95 : 79 000 dollars, soit 3 200 euros par mois.

Ces chiffres valent pour la moyenne de tous les établissements qui délivrent des doctorats, toutes matières confondues. Certaines matières (l'économie...) paient beaucoup mieux : on voit régulièrement de jeunes docteurs engagés par des business schools pour des salaires deux fois plus élevés que ceux qui figurent ci-dessus---les départements d'économie sont un peu moins riches. Et les salaires des profs laissent souvent P95 loin derrière.

En revanche, il ne faut pas oublier que de nombreux docteurs travaillent dans des "baccalaureate institutions", où 1) les salaires sont plus bas (de 25% environ : l'assistant professor médian y gagne à peu près 45 000 dollars, soit 1 600 euros par mois) 2) la charge d'enseignement est plus lourde 3) l'environnement de recherche est peu porteur. Il me semble que ces chiffres confirment dans ses grandes lignes le diagnostic de Chiappori : c'est surtout au niveau des "stars" que la différence se fait sentir. "

François Hollande aurait sans doute mieux fait de se taire, mais… ses 4000€ n'étaient pas si mal vus. Ils avaient en tout cas le mérite de ne pas être démagogique, ce que l'on ne peut pas dire des propositions de Nicolas Sarkozy, mais c'est une autre affaire.

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