En quelques semaines, les préfets, base de notre organisation administrative, hommes d'autorité et représentants du pouvoir dans les départements, viennent de subir un double échec :
- avec le naufrage de la campagne de vaccination dont l'organisation leur avait été confiée par la circulaire du 9 aout 2009,
- avec les catastrophiques débats sur l'identité nationale.
Dans les deux cas, on leur a demandé de jouer à contre-emploi :
- de se substituer au tissu médical (médecins, hôpitaux, dispensaires…) dans le cas de la vaccination,
- de prendre la place des lieux classiques du débat que sont la presse, les partis politiques, le milieu associatif, les mairies, internet, dans le cas du débat sur l'identité nationale.
On l'a fait au nom d'une conception hiérarchique, autoritaire, du pouvoir où les autorités, le gouvernement, peuvent commander, manoeuvrer la société comme un pilote de course fait avec sa voiture. Sauf que la société ne fonctionne pas comme cela. Nous ne sommes pas des petits soldats, le doigt sur la couture de nos pantalons à attendre les consignes d'un poste de commandement central. Lionel Jospin disait, avant-hier, dans son entretien du Monde, que ce gouvernement gouvernait mal. On en là une belle illustration. Il dénonçait les textes mal préparés, les effets d'annonce. Ce double échec indique d'où tout cela vient : d'une conception naïve, erronée du pouvoir, d'un autoritarisme condamné à l'inefficacité dans une société d'agents libres. On parle beaucoup d'hyperprésidence, on a ici un nouvel exemple de mauvaise présidence.
Mais, au delà de ces erreurs de gouvernance, ce double échec des préfets est inquiétant. Si l'organisation de débats n'a jamais fait partie de leur mission, et si l'on peut penser que la leur confier était, dès l'origine un vice de forme, on ne peut dire tout à fait de même du plan de vaccination. Après tout, si pandémie il y avait eu, il aurait été dans leur rôle d'organiser les soins. Or, nous en avons aujourd'hui la preuve : ils en auraient été incapables. Leur lettre de mission leur demandait "d'établir un plan départemental de vaccination, de désigner un chef de projet, de constituer auprès de lui une équipe opérationnelle départementale et de mettre en place un comité de pilotage." J'imagine qu'ils l'ont fait. Mais pour quel résultat?
Cet échec mériterait que l'on se pose plusieurs questions :
- est-ce la méthode telle que la proposait cette circulaire qui était mauvaise?
- est-ce les acteurs qui ont résisté (on peut imaginer que des préfets aient traîné des pieds devant des instructions qui leur paraissaient inadaptées, même si ce n'est pas dans la culture de ce corps),
- est-ce que le turnover rapide des préfets a désorganisé ce corps, comme cela avait été le cas aux Antilles lors des grandes grèves de 2008?
- est-ce le tissu administratif qui a fait défaut? On peut penser que les choses se seraient mieux passées si les préfets avaient confié l'organisation de cette campagne de vaccination aux professionnels de santé…
- est-ce, enfin, l'organisation administrative elle-même qui n'est plus adaptée à une société qui a beaucoup changé?
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