Les Américains ont de la chance : ils ont Arthur Goldhammer pour leur faire découvrir Tocqueville dans des traductions que je devine impeccables tant il en parle avec élégance, intelligence et subtilité comme ce matin au Collège de France où Jon Elster et Pierre Rosanvallon s'étaient unis pour l'accueillir, ce qui dit l'estime qui l'entoure.
Pour qui en aurait douté, il suffisait de jeter un coup d'oeil sur la salle pleine de tout ce que Paris compte de spécialistes de Tocqueville, admirable auteur, analyste impitoyable dont la pensée et les réflexions ne quittent plus ceux qui l'ont lu. Pour ne citer que cet exemple, je me souviens de ce passage, quelques lignes qu'a soulignées je crois Jon Elster dans un de ses livres, dans lesquelles il explique que ce sont les gens qui se marient par amour qui divorcent le plus souvent. S'ils se sont mariés par amour c'est, nous dit-il, qu'ils ont beaucoup de caractère (tout cela se passe au 19ème siècle, naturellement). Mais les gens qui ont beaucoup de caractère ne savent pas faire de compromis. Or, comment vivre ensemble longtemps sans faire de compromis?
Arthur Goldhammer, qui tient un excellent blog sur la vie politique française, était si entouré ce matin de femmes savantes et de messieurs importants, que je n'ai pas voulu le déranger. Mais à écouter ces analyses sur l'égalité des conditions (dont Pierre Rosanvallon nous a dit que le concept en était emprunté à un juriste du début du 19ème siècle, Jean-Simon Loiseau, qui traite dans ses commentaires de la jurisprudence de l'inégalité des conditions, ce dont les quelques références que j'ai trouvées sur Google Books me font un peu douter), à écouter ses commentaires, donc, j'ai mieux compris la finesse de ses analyses de notre société. Il sait le role que le rang continue de jouer chez nous et combien Nicolas Sarkozy (puisqu'il nous faut toujours revenir à lui) souffre de ne pas tenir le sien autant qu'il devrait.
2 commentaires:
Merci, Bernard, et je regrette que je vous aie raté. Rosanvallon nous renvoyait, je crois, à Charles Loyseau, un juriste du 17e s.
C'est effectivement à Charles Loyseau que Rosonvallon faisait allusion, probablement à ce passage de son traité des ordres ; "Car nous ne pourrions pas vivre en égalité de conditio, ainsi il faut par nécessité, que les uns commandent, et les autres obéissent. Ceux qui commandent ont plusieurs degrés : les souverains Seigneurs commandent à tous ceux de leur Etat, adressant leurs commandements aux grands, les grands aux médiocres, les médiocres aux petits, et les petits au peuple. Et le peuple qui obéit à tous ceux là, est encore séparé en plusieurs ordres e rangs, afin que sur chacun d'iceux il y ait supérieurs, qui rendent raison de tout leur ordre aux magistrats, et les magistrats aux seigneurs souverains. Ainsi, par le moyen de ces divisions et subdivisions multipliées, il se fait, de plusieurs ordres, un ordre général, et de plusieurs Etats un Etat bien réglé, auquel il y a une bonne harmonie et consonance…" Texte très riche qui propose une vision étrangement pyramidale de la société très différente des modèles que nous décrit, par exemple, Aristote.
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