Ce remaniement ministériel qui n’en finit pas de se faire attendre nous renvoie aux difficultés qu’a Nicolas Sarkoy, toujours si rapide à prendre des décisions, à trancher lorsqu’il s’agit de relations humaines, mais aussi à un phénomène assez fréquent : l’indécision en politique. On se souvient de la manière dont François Mitterrand avait balancé en 1983, entre Pierre Mauroy, la rigueur et l’Europe et ceux qui lui recommandaient la sortie du serpent européen. L’attente avait duré plusieurs jours.
Difficile de dire ce qui dans cette indécision relève d’une faiblesse de caractère que l’on a déjà observée chez un homme qui se vante de toujours agir vite (voir, par exemple, ici même L’étrange faiblesse de Nicolas Sarkozy) ou d’une véritable hésitation sur le choix d’une stratégie.
A première vue, il s’agit pour Nicolas Sarkozy de choisir entre deux manières de faire de la politique pendant le reste de son mandat : accentuer le tournant de la rigueur avec François Fillon ou tenter une séquence plus sociale (quoique cela puisse vouloir dire) avec Borloo ou un autre. Sachant qu’il lui serait difficile de changer de politique sans se déjuger tant il s’est déporté sur sa droite, alors même qu’il lui faudrait probablement en changer pour aborder la prochaine élection présidentielle avec une image réparée dans l’opinion.
Mais c’est aussi pour Nicolas Sarkozy qui n’est certainement pas aussi sourd qu’on veut bien le dire au rejet de l’opinion, décider du rôle du premier minitre. Garder Fillon, qui a accepté d’avaler toutes les couleuvres qu’on lui proposait, lui permettrait de continuer de jouer au Président omnipotent. Le remplacer serait prendre le risque de se voir relégué au rôle de roi fainéant que Jacques Chirac, le contre-modèle absolu, a, à l’entendre, si longtemps occupé. Ce serait donc une nouvelle fois se déjuger.
Il pourrait tenter d'échapper à ce dilemme en nommant un homme “neuf” (ce qu’avaient fait en leur temps De Gaulle avec Pompidou, Giscard avec Barre et Mitterrand avec Fabius) qui lui permettrait d’infléchir sa politique tout en gardant la main au moins pendant quelques mois, mais à qui confier ce rôle? On parle beaucoup de Baroin. Il a le défaut de ne pas être un Sarkoziste historique. Mais Sarkozy n’a jamais détesté les transfuges qui lui doivent leur position (Baroin a longtemps été considéré comme chiraquien).
Cette séquence ne sera pas sans conséquence sur la suite : la désorganisation du gouvernement, les batailles souterraines, les déceptions de ceux qui ne seront pas retenus alors qu’on leur avait promis ou laissé entendre quelque chose risquent de pousser certains vers la recherche plus ou moins avouée d’une alternative à droite qui pourrait prendre plusieurs formes (candidature personnelle, soutien en sous-main de candidatures fratricides, rapprochement avec Dominique de Villepin). Mais l'important est sans doute ailleurs.
Nicolas Sarkozy est le premier président à vraiment tester le quinquennat et son rythme très particulier. Sa décision pourrait avoir des conséquences bien au delà de son sort personnel. S’il maintient Fillon, il affaiblit un peu plus pour l’avenir, et indépendamment des personnalités des acteurs aujourd’hui en place, le Premier Ministre cantonné à un rôle d’intendant. S’il le remplace, il lui rend un peu de son lustre. La manière dont les institutions fonctionneront dans les années qui viennent dépendent donc du choix qu’il va faire.
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