Ecrire une biographie n'est pas de tout repos. Il arrive que les personnages se rebiffent et font tout le contraire de ce que l'auteur aimerait. C'est la mésaventure qui vient d'arriver à Raphaëlle Bacqué. Cette journaliste du Monde vient de publier un petit livre (de lecture agréable, plutôt recommandable si vous avez un voyage en train) sur François de Grossouvre, cet ami et conseiller de François Mitterrand qui s'est suicidé à l'Elysée : Le dernier mort de Mitterrand.
Tout le projet, avoué, de Raphaëlle Bacqué, est de montrer que ce malheureux Grossouvre, qu'elle a rencontré alors qu'elle débutait, a été une victime de Mitterrand, non que celui-ci ou l'un quelconque de ses collaborateurs ait commandité son assassinat, mais l'ancien Président serait, au moins indirectement, par son attitude, sa dureté, sa lâcheté, dit Bacqué à plusieurs reprises, responsable de sa mort. Mitterrand aurait attendu que Grossouvre quitte de lui-même l'Elysée, alors qu'il aurait du selon Bacqué, refuser d'entretenir l'ambiguïté sur la nature de ses relations avec celui qui n'était plus à la fin qu'un ancien ami pour lequel il éprouvait un peu de pitié.
Or, ce qui ressort de la lecture de ce livre est que Grossouvre a très vite dérapé, nourrissant la presse de ragots contre Mitterrand sans que celui-ci ne fît rien pour sanctionner un vieil ami. Ce livre a été manifestement très documenté. Ce qui le rend, toutes choses égales par ailleurs, intéressant. On y apprend, incidemment, que Grossouvre a organisé au début du premier septennat de faux attentats contre Mitterrand pour le convaincre de revoir sa sécurité. On y apprend également que le livre interdit de Jean-Edern Hallier a surtout été jugé impubliable par tout ce que Paris comptait alors d'éditeurs anti-mitterrandistes. Ils craignaient moins la censure que le ridicule d'avoir publié un livre dans lequel on trouvait, à coté de la révélation de l'existence de Mazarine, des scènes dans lesquelles François Mitterrand se faisait sodomiser sur la plage d'Hossegor.
Bacqué a une thèse : il y a eu un coup de foudre entre les deux hommes, comme cela arrive souvent dans les cercles du pouvoir, Grossouvre est tombé amoureux de Mitterrand et n'a pas supporté d'être négligé lorsque celui-ci, arrivé à la Présidence, l'a abandonné au profit d'autres. Mitterrand aurait alors fait preuve de cruauté mentale. Il devrait donc sortir de ce livre sali. Or, ce n'est pas le cas. Bien au contraire, ce livre contribue à le réhabiliter un peu plus. La seule chose qu'on puisse, à sa lecture, reprocher à notre ancien Président est d'avoir conservé de la tendresse pour de vieux amis. Qui peut voir là un crime?
Avoir des opinions est l'un des éléments du bien-être, affirmait il y a une quinzaine d'années, l'économiste A.O.Hirshman. Les blogs sont une bonne manière d'afficher ses opinions mais aussi, et peut-être même surtout, de les construire. C'est ce qui m'a donné envie de tenir celui-ci
samedi, mai 29, 2010
Ces villes qui affolent les architectes
S'il est des villes qui, telle Paris, assagissent les architectes, d'autres les affolent au contraire, les amènent à multiplier les extravagances au risque de commettre quelques belles erreurs. New-York, Barcelone, Vienne sont de celles-ci, mais aussi Budapest où je suis depuis trois jours à l'occasion de la sortie en hongrois, chez Typotex, une maison spécialisée dans les publications scientifique (son nom vient, d'ailleurs, de TeX, un langage informatique inventé dans les années 70 pour typographier des formules mathématiques) de mon livre sur Google. Entre conférences, interviews et autres tables-rondes, j'ai eu le temps de faire quelques promenades dans une ville qui n'a pas tant changé que cela ces trente dernières années (ce n'est pas ce que disent les habitants de Budapest, mais la ville que je vois aujourd'hui ressemble somme toute assez à celle que j'avais découverte dans les années 80).
Ce qui frappe, c'est l'audace des architectes, leur capacité à laisser libre cours à leur imagination. Ce n'est pas nouveau. C'est vrai de bâtiments relativement anciens, construits au 19ème ou au début du 20ème siècle, comme cet immeuble :
Ce l'est moins (ce ne l'est même pas du tout) des parties de la ville construites au 18ème siècle qui ont quelque chose de militaire, d'assez classique.
C'est, semble-t-il, une affaire du 19ème siècle qui s'est perpétuée comme on peut le voir avec cette image d'un bâtiment de construction manifestement récente qui tente de réinventer un chateau médiéval avec des matériaux modernes.
Des sociologues sauraient sans doute nous expliquer pourquoi (j'imagine qu'ils associeraient dans leur explication un peu de mégalomanie des promoteurs, de laxisme réglementaire, de mimétisme et une pincée de paprika), mais peu importe, cela rend la promenade dans ces villes toujours agréable : à chaque coin, on peut être surpris. On l'est aussi à Paris, bien sûr, mais cette surprise est, non pas plus rare, mais plus subtile, il faut mieux connaître l'histoire pour voir que tel pan de mur, tel balcon est surprenant.
Cette imagination trouve son inspiration un peu partout, y compris dans l'antiquité la plus lointaine comme avec ce zigurat installé à proximité d'un immense centre culturel un peu à l'extérieur qui associe (très belle) salle de concert et musée :
Zikurat aux pieds duquel on trouve naturellement un labyrinthe, malheureusement un peu fatigué :
Cela ne donne pas toujours de bons résultats, mais c'est parfois très réussi, comme ce bâtiment très moderne sur une des places les plus fréquentées de la ville :
Ce qui frappe, c'est l'audace des architectes, leur capacité à laisser libre cours à leur imagination. Ce n'est pas nouveau. C'est vrai de bâtiments relativement anciens, construits au 19ème ou au début du 20ème siècle, comme cet immeuble :
Ce l'est moins (ce ne l'est même pas du tout) des parties de la ville construites au 18ème siècle qui ont quelque chose de militaire, d'assez classique.
C'est, semble-t-il, une affaire du 19ème siècle qui s'est perpétuée comme on peut le voir avec cette image d'un bâtiment de construction manifestement récente qui tente de réinventer un chateau médiéval avec des matériaux modernes.
Des sociologues sauraient sans doute nous expliquer pourquoi (j'imagine qu'ils associeraient dans leur explication un peu de mégalomanie des promoteurs, de laxisme réglementaire, de mimétisme et une pincée de paprika), mais peu importe, cela rend la promenade dans ces villes toujours agréable : à chaque coin, on peut être surpris. On l'est aussi à Paris, bien sûr, mais cette surprise est, non pas plus rare, mais plus subtile, il faut mieux connaître l'histoire pour voir que tel pan de mur, tel balcon est surprenant.
Cette imagination trouve son inspiration un peu partout, y compris dans l'antiquité la plus lointaine comme avec ce zigurat installé à proximité d'un immense centre culturel un peu à l'extérieur qui associe (très belle) salle de concert et musée :
Zikurat aux pieds duquel on trouve naturellement un labyrinthe, malheureusement un peu fatigué :
Cela ne donne pas toujours de bons résultats, mais c'est parfois très réussi, comme ce bâtiment très moderne sur une des places les plus fréquentées de la ville :
mardi, mai 11, 2010
dimanche, mai 09, 2010
Papandréou, Sarkozy et Cohn-Bendit
La presse en à peine parlé, mais Daniel Cohn-Bendit a accusé Nicolas Sarkozy d'avoir exercé des pressions sur le premier ministre grec, Georges Papandréou, pour qu'il respecte les contrats d'armement souscrits avec la France en échange de l'aide française à la grecque. L'Elysée et Matignon ont depuis vivement démenti. Mais s'il est vrai que des pressions de ce type ont été exercées (et on a tendance à croire Cohn-Bendit qui raconte rarement des bobards), c'est gravissime : la Grèce a, aujourd'hui, deux problèmes majeurs :
- une administration, notamment fiscale, très corrompue incapable de lever des impôts nécessaires pour rembourser ses dettes (voir là-dessus, l'excellent papier de Jean Quatremer dans Libération),
- un budget militaire énorme (près de 5% du PIB), le plus gros d'Europe.
Comme elle n'exporte à peu près rien (70% de son PIB est dans les services), elle ne peut s'en sortir qu'en moralisant sa fonction publique (en bref : en faisant payer des impôts à ceux qui gagnent de l'argent) et en coupant massivement dans ses dépenses militaires. En fait, les marchés ne croiront les Grecs que lorsqu'ils diront : nous faisons payer des impôts aux Grecs et nous abandonnons notre imbécile conflit avec les Turcs. Si Nicolas Sarkozy a effectivement exercé des pressions sur Papandréou, il n'a certainement pas aidé la Grèce à sortir du bourbier, il l'a plutôt enfoncée.
- une administration, notamment fiscale, très corrompue incapable de lever des impôts nécessaires pour rembourser ses dettes (voir là-dessus, l'excellent papier de Jean Quatremer dans Libération),
- un budget militaire énorme (près de 5% du PIB), le plus gros d'Europe.
Comme elle n'exporte à peu près rien (70% de son PIB est dans les services), elle ne peut s'en sortir qu'en moralisant sa fonction publique (en bref : en faisant payer des impôts à ceux qui gagnent de l'argent) et en coupant massivement dans ses dépenses militaires. En fait, les marchés ne croiront les Grecs que lorsqu'ils diront : nous faisons payer des impôts aux Grecs et nous abandonnons notre imbécile conflit avec les Turcs. Si Nicolas Sarkozy a effectivement exercé des pressions sur Papandréou, il n'a certainement pas aidé la Grèce à sortir du bourbier, il l'a plutôt enfoncée.
vendredi, mai 07, 2010
Tocqueville, Goldhammer au Collège
Les Américains ont de la chance : ils ont Arthur Goldhammer pour leur faire découvrir Tocqueville dans des traductions que je devine impeccables tant il en parle avec élégance, intelligence et subtilité comme ce matin au Collège de France où Jon Elster et Pierre Rosanvallon s'étaient unis pour l'accueillir, ce qui dit l'estime qui l'entoure.
Pour qui en aurait douté, il suffisait de jeter un coup d'oeil sur la salle pleine de tout ce que Paris compte de spécialistes de Tocqueville, admirable auteur, analyste impitoyable dont la pensée et les réflexions ne quittent plus ceux qui l'ont lu. Pour ne citer que cet exemple, je me souviens de ce passage, quelques lignes qu'a soulignées je crois Jon Elster dans un de ses livres, dans lesquelles il explique que ce sont les gens qui se marient par amour qui divorcent le plus souvent. S'ils se sont mariés par amour c'est, nous dit-il, qu'ils ont beaucoup de caractère (tout cela se passe au 19ème siècle, naturellement). Mais les gens qui ont beaucoup de caractère ne savent pas faire de compromis. Or, comment vivre ensemble longtemps sans faire de compromis?
Arthur Goldhammer, qui tient un excellent blog sur la vie politique française, était si entouré ce matin de femmes savantes et de messieurs importants, que je n'ai pas voulu le déranger. Mais à écouter ces analyses sur l'égalité des conditions (dont Pierre Rosanvallon nous a dit que le concept en était emprunté à un juriste du début du 19ème siècle, Jean-Simon Loiseau, qui traite dans ses commentaires de la jurisprudence de l'inégalité des conditions, ce dont les quelques références que j'ai trouvées sur Google Books me font un peu douter), à écouter ses commentaires, donc, j'ai mieux compris la finesse de ses analyses de notre société. Il sait le role que le rang continue de jouer chez nous et combien Nicolas Sarkozy (puisqu'il nous faut toujours revenir à lui) souffre de ne pas tenir le sien autant qu'il devrait.
Pour qui en aurait douté, il suffisait de jeter un coup d'oeil sur la salle pleine de tout ce que Paris compte de spécialistes de Tocqueville, admirable auteur, analyste impitoyable dont la pensée et les réflexions ne quittent plus ceux qui l'ont lu. Pour ne citer que cet exemple, je me souviens de ce passage, quelques lignes qu'a soulignées je crois Jon Elster dans un de ses livres, dans lesquelles il explique que ce sont les gens qui se marient par amour qui divorcent le plus souvent. S'ils se sont mariés par amour c'est, nous dit-il, qu'ils ont beaucoup de caractère (tout cela se passe au 19ème siècle, naturellement). Mais les gens qui ont beaucoup de caractère ne savent pas faire de compromis. Or, comment vivre ensemble longtemps sans faire de compromis?
Arthur Goldhammer, qui tient un excellent blog sur la vie politique française, était si entouré ce matin de femmes savantes et de messieurs importants, que je n'ai pas voulu le déranger. Mais à écouter ces analyses sur l'égalité des conditions (dont Pierre Rosanvallon nous a dit que le concept en était emprunté à un juriste du début du 19ème siècle, Jean-Simon Loiseau, qui traite dans ses commentaires de la jurisprudence de l'inégalité des conditions, ce dont les quelques références que j'ai trouvées sur Google Books me font un peu douter), à écouter ses commentaires, donc, j'ai mieux compris la finesse de ses analyses de notre société. Il sait le role que le rang continue de jouer chez nous et combien Nicolas Sarkozy (puisqu'il nous faut toujours revenir à lui) souffre de ne pas tenir le sien autant qu'il devrait.
jeudi, mai 06, 2010
Barricades mystérieuses, bis
Il y a quelques mois, j'ai publié un petit papier sur ce blog sur les "barricades mystérieuses", titre saisissant qu'ont utilisé Couperin et bien d'autres depuis. Me promenant hier à Montréal je suis tombé en arrêt devant un magasin d'antiquités qui porte le même nom. J'en ai pris deux mauvaises photos :

Je suis entré dans cette boutique qui vend des coucous fabriqués en Forêt noire et arrivés on ne sait comment au Québec. Mais on pardonne à son propriétaire : il connait François Couperin et Olivier Larronde, ce qui n'est pas si fréquent.
Je suis entré dans cette boutique qui vend des coucous fabriqués en Forêt noire et arrivés on ne sait comment au Québec. Mais on pardonne à son propriétaire : il connait François Couperin et Olivier Larronde, ce qui n'est pas si fréquent.
mercredi, mai 05, 2010
Sous-marins pakistanais et la presse
Thierry Desjardins qui connaît bien son monde voit derrière l'affaire des sous-marins pakistanais un nouvel épisode de la guerre Sarkozy-Villepin : Villepin, écrit-il, était directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères (Juppé) en 1994 au moment de la signature du contrat et le Quai d’Orsay doit toujours donner son autorisation pour toute vente d’armes à une puissance étrangère. Villepin, spécialiste des questions du sous-continent indien et donc du Pakistan, connaissait forcément, dans les détails, le contrat et ses clauses secrètes. Deux ans plus tard, quand Chirac décida d’annuler les clauses sur les commissions de ce fameux contrat (en fait pour interrompre les rétrocommissions et couper les vivres des Balladuriens) Villepin était secrétaire général de l’Elysée…" S'attaquer ainsi à un adversaire ressemble assez celui que l'on présentait il n'y a pas si longtemps comme le patron d'un cabinet noir à l'Elysée. Mais quel peut être l'impact sur l'opinion?
Desjardins compare avec d'autres affaires (rumeurs sur le couple Pompidou, diamants de Giscard, affaires Boulin et Bérégovoy, Observatoire et francisque de Mitterrand, valises de billet de Chirac). Comparaison ne vaut pas raison (si la mort des employés de la DCN est liée au non-paiement des commissions aux Pakistanais, c'est bien plus grave que tout le reste mais ceux qui ont interdit le versement des commissions sont tout aussi coupables que ceux qui ont signé le contrat), mais l'histoire montre que les plus solides réussissent à passer au travers des gouttes.
Ce qui dans l'état actuel des choses me surprend le plus est le rôle de l'Express dont le patron est très proche de l'Elysée, ne s'en cache pas, le suggère régulièrement sur nos antennes et qui, pourtant, titre sur "l'affaire qui fait peur à Sarkozy". Nous avions l'habitude de voir les journaux amis éviter les sujets compromettants. En voici un qui aurait plutôt tendance à jeter de l'huile sur les braises. Faut-il en conclure que Christophe Barbier est plus l'homme sandwich du journal que le directeur de sa direction, comme on aime à le présenter? Il est vrai que l'homme sait jouer de l'ambiguïté. Je le pensais normalien, comme sans doute beaucoup d'autres, or sa fiche Wikipedia nous dit que "sans avoir le statut de normalien, il est diplômé d'une maîtrise d'histoire de l'Ecole normale supérieure en 1991 après y avoir été promu sur dossier en 1987 , il est également diplômé du MS Média de ESCP Europe." C'est tout à fait honorable, mais ce n'est certainement pas la même chose.
Desjardins compare avec d'autres affaires (rumeurs sur le couple Pompidou, diamants de Giscard, affaires Boulin et Bérégovoy, Observatoire et francisque de Mitterrand, valises de billet de Chirac). Comparaison ne vaut pas raison (si la mort des employés de la DCN est liée au non-paiement des commissions aux Pakistanais, c'est bien plus grave que tout le reste mais ceux qui ont interdit le versement des commissions sont tout aussi coupables que ceux qui ont signé le contrat), mais l'histoire montre que les plus solides réussissent à passer au travers des gouttes.
Ce qui dans l'état actuel des choses me surprend le plus est le rôle de l'Express dont le patron est très proche de l'Elysée, ne s'en cache pas, le suggère régulièrement sur nos antennes et qui, pourtant, titre sur "l'affaire qui fait peur à Sarkozy". Nous avions l'habitude de voir les journaux amis éviter les sujets compromettants. En voici un qui aurait plutôt tendance à jeter de l'huile sur les braises. Faut-il en conclure que Christophe Barbier est plus l'homme sandwich du journal que le directeur de sa direction, comme on aime à le présenter? Il est vrai que l'homme sait jouer de l'ambiguïté. Je le pensais normalien, comme sans doute beaucoup d'autres, or sa fiche Wikipedia nous dit que "sans avoir le statut de normalien, il est diplômé d'une maîtrise d'histoire de l'Ecole normale supérieure en 1991 après y avoir été promu sur dossier en 1987 , il est également diplômé du MS Média de ESCP Europe." C'est tout à fait honorable, mais ce n'est certainement pas la même chose.
mardi, mai 04, 2010
La police, l'omerta et les bavures
Le Nouvel Observateur fait état d'une nouvelle bavure policière : des jeunes se battent pour une affaire de cigarettes. L'un de ceux-ci est ivre. La police intervient frappe une première fois le jeune homme d'un coup de matraque, il s'enfuit, un policier le frappe une seconde fois, il tombe et tombe dans le coma. La scène a été filmée par des caméras de surveillance, ce qui évitera sans doute les mensonges des policiers, de celui qui a frappé et de ses collègues.
Affaire banale dont je ne parle que parce que je viens de lire un article de deux responsables de la police de Lausanne sur ces questions : Pierre Alain Raemy et Stéphanie Meylan (Changement culturel et organisationnel par le biais d'une approche éthique : l'exemple de la police municipale de Lausanne in Ethique publique, automne 2009). Article qui raconte les efforts de la police de Lausanne pour introduire un peu d'éthique dans les pratiques de ses membres et qui souligne une difficulté particulière à ces services : comme tout service, la police est amenée à commettre des erreurs et des fautes qu'il faut corriger et sanctionner. Mais l'omerta est particulièrement puissante dans ce milieu : les policiers se protègent mutuellement, ils se protègent d'autant plus qu'ils exercent un métier où les erreurs et fautes ont des conséquences lourdes et graves (un coup de matraque en trop peut mettre comme dans le cas cité par le Nouvel Observateur dans le coma). Plus les sanctions des erreurs et fautes sont sévères, plus l'omerta est puissante. Faut-il alléger les sanctions en cas d'erreur ou de faute? ce serait sans doute la meilleure manière de faciliter les témoignages et de lutter contre l'omerta, comme le suggère Jean-François Malherbe, professeur d'éthique à l'université de Sherbrooke, auteur d'un livre sur l'éthique dans la police.
Mais renoncer autant que faire se peut aux sanctions ne va pas de soi pour deux motifs :
- cela amène d'abord à multiplier les signalements d'erreurs et de fautes qui dégradent l'image de services qui ont besoin pour fonctionner de manière satisfaisante et efficace de la confiance de la population. Qui ira dénoncer un crime ou témoigner à un service dont on lit chaque jour dans la presse qu'il travaille mal?
- cela conduit ensuite à une étrange conception de la justice où ceux qui sont chargés de faire respecter l'ordre seraient moins sanctionnés que le reste de la population.
Voilà un sujet de réflexion pour un prochain ministre de l'intérieur.
Affaire banale dont je ne parle que parce que je viens de lire un article de deux responsables de la police de Lausanne sur ces questions : Pierre Alain Raemy et Stéphanie Meylan (Changement culturel et organisationnel par le biais d'une approche éthique : l'exemple de la police municipale de Lausanne in Ethique publique, automne 2009). Article qui raconte les efforts de la police de Lausanne pour introduire un peu d'éthique dans les pratiques de ses membres et qui souligne une difficulté particulière à ces services : comme tout service, la police est amenée à commettre des erreurs et des fautes qu'il faut corriger et sanctionner. Mais l'omerta est particulièrement puissante dans ce milieu : les policiers se protègent mutuellement, ils se protègent d'autant plus qu'ils exercent un métier où les erreurs et fautes ont des conséquences lourdes et graves (un coup de matraque en trop peut mettre comme dans le cas cité par le Nouvel Observateur dans le coma). Plus les sanctions des erreurs et fautes sont sévères, plus l'omerta est puissante. Faut-il alléger les sanctions en cas d'erreur ou de faute? ce serait sans doute la meilleure manière de faciliter les témoignages et de lutter contre l'omerta, comme le suggère Jean-François Malherbe, professeur d'éthique à l'université de Sherbrooke, auteur d'un livre sur l'éthique dans la police.
Mais renoncer autant que faire se peut aux sanctions ne va pas de soi pour deux motifs :
- cela amène d'abord à multiplier les signalements d'erreurs et de fautes qui dégradent l'image de services qui ont besoin pour fonctionner de manière satisfaisante et efficace de la confiance de la population. Qui ira dénoncer un crime ou témoigner à un service dont on lit chaque jour dans la presse qu'il travaille mal?
- cela conduit ensuite à une étrange conception de la justice où ceux qui sont chargés de faire respecter l'ordre seraient moins sanctionnés que le reste de la population.
Voilà un sujet de réflexion pour un prochain ministre de l'intérieur.
vendredi, avril 30, 2010
Soirée lettriste à Montréal
A l'occasion de la prochaine sortie d'un livre que je viens d'écrire sur le lettrisme, Lettrisme, l'ultime avant-garde, j'ai donné il y a deux jours une conférence à la librairie Olivieri de Montréal. Une cinquantaine de personnes étaient présentes, pour assister à cette manifestation animée par Michel Pierssens, un spécialiste de littérature qui enseigne à l'Université de Montréal, qui avait eu la bonne idée de demander à deux de ses collègues, Gilles Dupuis et Karim Larose, de l'accompagner.

Pour qui a assisté à des manifestations lettristes à Paris dans les années 60, l'atmosphère était étrangement studieuse et calme : pas de cris, pas de chahut, pas de protestations, juste quelques sourires et des carnets de notes qui se remplissaient.
Cette manifestation m'a permis de faire découvrir des poèmes phonétiques d'Isou, Spacagna et Dufrêne, un poème ciselant de Lemaître lu par l'excellente et très talentueuse Marie-Thérèse Richol, des poèmes ultra-lettristes de Wolman et Dufrêne, de montrer des peintures d'Isou, Lemaitre, Altmann, Wolman, Sabatier, Spacagna, de présenter les deux grands romans métagraphiques d'Isou et Pomerand, de dire un mot des idées politiques d'Isou et de présenter son Traité de bave et d'éternité et les Hurlement en faveur de Sade de Debord.
La présence de spécialistes québécois a également permis de découvrir les liens que j'ignorais entre les lettristes parisiens, un écrivain d'avant-garde québécois qui a lui aussi pratiqué des langues imaginaires, Claude Gauvreau, et un situationniste québécois, Patrick Straram.
La librairie avait fait très bien les choses, avec une vitrine pleine d'ouvrages lettristes prétés par Monique Pourtalés, une artiste installée à Qébec qui a bien connu Isou dans les années 70.


J'avais envie d'ajouter que nous avons terminé la soirée en dînant dans le bistrot de la librairie, mais cela aurait vraiment trop fait article de complaisance dans un journal de province…

L'annonce de la manifestation dans Le Devoir
Pour qui a assisté à des manifestations lettristes à Paris dans les années 60, l'atmosphère était étrangement studieuse et calme : pas de cris, pas de chahut, pas de protestations, juste quelques sourires et des carnets de notes qui se remplissaient.
Cette manifestation m'a permis de faire découvrir des poèmes phonétiques d'Isou, Spacagna et Dufrêne, un poème ciselant de Lemaître lu par l'excellente et très talentueuse Marie-Thérèse Richol, des poèmes ultra-lettristes de Wolman et Dufrêne, de montrer des peintures d'Isou, Lemaitre, Altmann, Wolman, Sabatier, Spacagna, de présenter les deux grands romans métagraphiques d'Isou et Pomerand, de dire un mot des idées politiques d'Isou et de présenter son Traité de bave et d'éternité et les Hurlement en faveur de Sade de Debord.
La présence de spécialistes québécois a également permis de découvrir les liens que j'ignorais entre les lettristes parisiens, un écrivain d'avant-garde québécois qui a lui aussi pratiqué des langues imaginaires, Claude Gauvreau, et un situationniste québécois, Patrick Straram.
La librairie avait fait très bien les choses, avec une vitrine pleine d'ouvrages lettristes prétés par Monique Pourtalés, une artiste installée à Qébec qui a bien connu Isou dans les années 70.
Le public dans la librairie
Bernard Girard, Michel Pierssens et Gilles Dupuis
Karim Larose lisant un texte de Claude Gauvreau
J'avais envie d'ajouter que nous avons terminé la soirée en dînant dans le bistrot de la librairie, mais cela aurait vraiment trop fait article de complaisance dans un journal de province…
samedi, avril 24, 2010
Sarkozy n'est pas condamné
Nicolas Sarkozy est si bas dans les sondages, si attaqué de toutes parts, il lui reste si peu d'amis, qu'il est intéressant de s'interroger sur ce qu'il a accompli, ce qui restera de ce quinquennat s'il ne se représente pas. On a envie de dire peu de choses, mais l'exemple de Giscard invite à la prudence. Lui aussi est parti détesté et, pourtant, qui peut dire qu'il n'a pas contribué à sa manière à la modernisation de la France, qu'il a pris acte de 1968, ce que n'avait pas fait son prédécesseur.
Au delà des réformes ratées, à une ou deux exceptions près ( dont celle de l'université), Nicolas Sarkozy aura à sa manière, paradoxale, contribué à la modernisation de la France : il a pris acte de ce que nous étions une société diverse, complexe, il a donné sa chance à des enfants de l'immigration, il les a mis sur le podium. On peut critiquer les choix des personnes, juger que Rachida Dati n'avait ni l'expérience nécessaire ni un poids politique suffisant pour devenir garde des sceaux, reste que sa présence a témoigné, mieux que bien des discours, de la place prise dans notre société par les enfants de l'immigration. Même chose pour les missions confiées à Rama Yade et Fadela Amara. Il aura, de la même manière, contribué à dédramatiser notre vie politique. On peut, à juste titre, lui reprocher sa pratique du pouvoir, reste que l'ouverture si critiquée et si criticable quand elle l'a conduit à nommer des ministres de gauche, issus de la gauche la plus détestée à droite, la "gauche caviar", a été positive quand elle l'a amené à nommer Didier Migaud à la Cour des Compte. Il est sain dans une démocratie apaisée que des gens venus de l'opposition occupent des positions importantes dans l'appareil d'Etat.
Autre point positif, son activisme a donné un peu de sang frais à une Europe assoupie et inexistante au plein coeur de la crise et montré que lorsqu'elle avait à sa tête un dirigeant déterminé elle pouvait sortir de l'ornière.
Ces quelques rares réussites peuvent-elles lui permettre de rebondir? Plus personne n'y croit vraiment, ni à droite, dans son électorat, ni dans les médias. On aurait, cependant, tort de le condamner définitivement. Il lui reste de nombreuses ressources.
La première est, sans doute, l'absence de concurrent solide à droite. Villepin dont on parle tant surfe sur la vague de l'anti-sarkozysme, mais il traîne derrière lui tant de casseroles (de la dissolution ratée à l'affaire Clearstream en passant par ce cabinet noir qu'il dirigeait quand il était à l'Elysée) qu'il aura bien du mal à s'imposer dans une compétition difficile. Juppé est trop timoré pour se lancer dans l'aventure à temps, Morin trop insignifiant, Borloo trop farfelu, Coppé trop vert. On les imagine mieux, les uns et les autres, s'engageant derrière le Président sortant dans l'espoir de devenir son premier ministre. Ils se battront entre eux, mais pour lui.
Il lui reste, par ailleurs, assez de temps pour se réinventer et trouver un langage, des thèmes qui lui permettent de se ressaisir. Ses envolées sur la sécurité sont probablement à coté de la plaque, mais une analyse plus fine du vote populaire en faveur du Front National pourrait l'amener à développer une thématique protectionniste qui lui rallierait cet électorat qui se soucie plus de l'emploi que de la sécurité ou de l'immigration. Cette thématique est difficile à manier, elle le mettrait en porte-à-faux vis-à-vis de ses amis du CAC40, de l'Europe et de tout ce qui est moderne et ouvert au monde en France, mais elle lui permettrait de rallier cet électorat volatile et les retraités, seniors, artisans et professions libérales qui l'ont élu.
La présidence du G20 en 2011 pourrait lui donner l'occasion de traiter de ces questions avec un peu de hauteur au meilleur moment. Henri Guaino devrait savoir lui trousser quelques discours à la Villepin sur la finance ou le commerce international qui le réconcilient avec le sentiment national plus sûrement que les débats imbéciles sur le drapeau, la burqa ou l'identité nationale.
Son impopularité est d'autant plus grande que nous sommes au coeur de la crise, mais tous les signaux passent actuellement à l'orange : la croissance a repris dans les pays émergents, aux Etats-Unis. Pour peu qu'elle reprenne en France avant les prochaines élections présidentielles et que le chômage recule un peu, il pourra se vanter d'avoir su protéger les Français au plus fort de la crise et d'en avoir sorti la France. Sa courbe de popularité pourrait retrouver un peu de vigueur.
Beaucoup dépend, enfin, de la gauche. Elle a aujourd'hui le vent en poupe. Mais avec des primaires dangereuses et trois ou quatre candidats au premier tour (NPA, Front de gauche, Europe Ecologie, PS) qui n'auront de cesse de se faire des croche-pieds, elle pourrait bien se prendre une nouvelle fois les pieds dans le tapis et lui donner l'occasion de se présenter comme un rempart contre l'instabilité et la confusion.
Le jeu est beaucoup plus ouvert que le disent les sondages actuels.
mercredi, avril 21, 2010
Il y a des avions pour Christine Lagarde, pas pour les autres…
Libération nous l'apprend : alors que toute l'Europe est bloquée, que 100 000 Français sont coincés aux quatre coins du monde dans des situations souvent précaires (on parle de Français forcés de faire la manche à New-York pour payer un taxi!), Christine Lagarde trouve un avion militaire pour rentrer de Madrid, ville qui, s'y j'ai bonne mémoire, est reliée à Paris tous les jours par des trains qui, s'ils mettent un peu de temps, circulent sans encombre…
Je suis sûr que notre ministre avait des choses très urgentes à faire à Paris. Mais des milliers de gens avaient certainement des choses tout aussi urgentes à faire dont on ne s'est pas vraiment préoccupé.
Ce n'est rien, presque rien, juste de quoi mettre en colère tous ceux qui galèrent. On s'étonne parfois de l'impopularité de ce gouvernement. Il fait tout pour!
Je suis sûr que notre ministre avait des choses très urgentes à faire à Paris. Mais des milliers de gens avaient certainement des choses tout aussi urgentes à faire dont on ne s'est pas vraiment préoccupé.
Ce n'est rien, presque rien, juste de quoi mettre en colère tous ceux qui galèrent. On s'étonne parfois de l'impopularité de ce gouvernement. Il fait tout pour!
lundi, avril 19, 2010
Avions renifleurs, le retour
Vous vous souvenez de ces "avions renifleurs" qui ont fait tant de tort à Giscard d'Estaing à la fin de sa présidence? La même histoire s'est reproduite ces dernières années aux Etats-Unis avec pour victimes, non plus un Président, mais des banquiers, dont Goldman-Sachs, des spécialistes du venture capital, dont Kleiner Perkins, et des industriels du pétrole. A l'origine de cette nouvelle affaire que raconte Fortune dans son dernier numéro, affaire qui a coûté à ses victimes des millions de dollars, un ex-ingénieur de la NASA, Erlend Olson, charismatique fondateur d'une entreprise appelée Terralliance, un algorithme qui lui aurait permis de détecter depuis des avions ou des satellites équipés de capteurs spéciaux des champs de pétrole et… beaucoup de culot. Soit, exactement, mais dans une version américaine l'affaire des avions renifleurs.
L'article montre combien des gens supposés compétents (rappelons qu'il y a eu parmi ses victimes des spécialistes de l'exploration pétrolière) peuvent se laisser entraîner dans des projets sans vérifier quoi que ce soit. Ils ne comprenaient manifestement rien à la technologie que Erlend Olson disait avoir inventée, mais comment l'avouer lorsqu'on a déjà investi des centaines de milliers, voire des millions de dollars? Cette incompréhension des technologies mises en oeuvre est somme toute assez banale, elle était déjà à l'oeuvre dans la crise financière : combien de fois l'a-t-on en effet expliquée par l'incapacité des dirigeants des grandes banques à comprendre les outils et concepts utilisés par ceux de leurs collaborateurs qui travaillent sur les produits nouveaux?
L'article montre combien des gens supposés compétents (rappelons qu'il y a eu parmi ses victimes des spécialistes de l'exploration pétrolière) peuvent se laisser entraîner dans des projets sans vérifier quoi que ce soit. Ils ne comprenaient manifestement rien à la technologie que Erlend Olson disait avoir inventée, mais comment l'avouer lorsqu'on a déjà investi des centaines de milliers, voire des millions de dollars? Cette incompréhension des technologies mises en oeuvre est somme toute assez banale, elle était déjà à l'oeuvre dans la crise financière : combien de fois l'a-t-on en effet expliquée par l'incapacité des dirigeants des grandes banques à comprendre les outils et concepts utilisés par ceux de leurs collaborateurs qui travaillent sur les produits nouveaux?
dimanche, avril 18, 2010
Est-ce le poisson qui pourrit par la tête ou la démocratie qui progresse?
Thierry Desjardins, essayiste, polémiste de cette droite traditionnelle qui reproche à Nicolas Sarkozy sa vulgarité, signale dans son blog la dérive de nos élites : "Cette semaine, écrit-il, nous avons eu droit à un général condamné à dix mois de prison (avec sursis) pour détention d’images pédo-pornographiques, à une préfète arrêtée pour avoir barboté du mobilier (national) dans sa propre préfecture et à une députée dont on a levé l’immunité parlementaire parce qu’elle aurait piqué 700.000 euros dans la caisse du Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Sans parler de Charles Pasqua dont la condamnation à dix-huit mois de prison (avec sursis, lui aussi) pour l’affaire du casino d’Annemasse (faux, abus de confiance, etc.) a été confirmée par la Cour de cassation." "Ce n’est pas, ajoute-t-il, la première fois qu’un parlementaire est poursuivi pour détournement de fonds publics. Mais jusqu’à présent on n’avait jamais vu d’officiers généraux ou de membres du corps préfectoral traînés devant les tribunaux." "Le poisson, conclut-il, pourrit par la tête."
A le lire, et parce que j'aime bien le contredire, je me me dis que s'il a, en apparence, un peu raison, il a probablement tort sur le fond. Non que regarder des images pédopornographiques, s'approprier le mobilier national ou détourner de l'argent soient des pratiques insignifiantes qui mériteraient notre onction. Mais qui dit que les élites se comportaient autrement hier ou avant-hier? Elles n'étaient probablement guère plus vertueuses, mais étaient mieux protégées de la curiosité et les tribunaux plus prudents. Les magistrats savaient, lorsque nécessaire, se censurer. Si un préfet détournait quelques meubles de sa résidence, son successeur se gardait bien de porter l'affaire devant la justice, se contentant de le raconter à ses collègues et amis sur le ton de la confidence graveleuse. Quant aux gendarmes! Auraient-ils hier mis dans l'embarras un général de la carrure de Germanos?
Ces affaires qui désolent tant Desjardins témoignent en réalité des changements de notre société, du progrès des valeurs démocratiques et de la plus grande efficacité du contrôle des citoyens sur les dirigeants. Nos institutions se sont démocratisées, elles ne respectent plus autant les élites et n'hésitent à leur appliquer la loi commune lorsqu'elles franchissent les clous. Bizarre, paradoxal, pénible? Sans doute. Mais plutôt sain, non?
A le lire, et parce que j'aime bien le contredire, je me me dis que s'il a, en apparence, un peu raison, il a probablement tort sur le fond. Non que regarder des images pédopornographiques, s'approprier le mobilier national ou détourner de l'argent soient des pratiques insignifiantes qui mériteraient notre onction. Mais qui dit que les élites se comportaient autrement hier ou avant-hier? Elles n'étaient probablement guère plus vertueuses, mais étaient mieux protégées de la curiosité et les tribunaux plus prudents. Les magistrats savaient, lorsque nécessaire, se censurer. Si un préfet détournait quelques meubles de sa résidence, son successeur se gardait bien de porter l'affaire devant la justice, se contentant de le raconter à ses collègues et amis sur le ton de la confidence graveleuse. Quant aux gendarmes! Auraient-ils hier mis dans l'embarras un général de la carrure de Germanos?
Ces affaires qui désolent tant Desjardins témoignent en réalité des changements de notre société, du progrès des valeurs démocratiques et de la plus grande efficacité du contrôle des citoyens sur les dirigeants. Nos institutions se sont démocratisées, elles ne respectent plus autant les élites et n'hésitent à leur appliquer la loi commune lorsqu'elles franchissent les clous. Bizarre, paradoxal, pénible? Sans doute. Mais plutôt sain, non?
vendredi, avril 16, 2010
Descente aux enfers
Rarement Président sera tombé aussi bas. Voilà que l'on évoque l'hypothèse d'une 22 avril 2002 à l'envers avec une droite éliminée du second tour au profit du Front National, ce qui conduirait à un combats entre Martine (Aubry) et Marine (Le Pen). Hypothèse folle qui en dit long sur l'état de déliquescence de l'équipe en place. Plus rien ne fonctionne. Aucune des intuitions de Nicolas Sarkozy n'est en phase avec l'opinion. Le débat sur l'identité nationale s'est révélé un fiasco insensé. La gestion des suites de Xynthia se révèle être une nouvelle catastrophe. La gestion du dossier des retraites pourrait être pire encore.
Que peut-il faire? Se taire, peut-être. Prendre du recul, laisser ses ministres prendre des coups à sa place, se concentrer sur des dossiers d'avenir et sur l'international. Demander à ses conseillers de se taire, signer un armistice avec Villepin, faire entrer Copé au gouvernement et épuiser Juppé de missions menées en partenariat avec Rocard.
Tout changer en somme.
Cela fait beaucoup et cela lui ressemble tellement peu…
Que peut-il faire? Se taire, peut-être. Prendre du recul, laisser ses ministres prendre des coups à sa place, se concentrer sur des dossiers d'avenir et sur l'international. Demander à ses conseillers de se taire, signer un armistice avec Villepin, faire entrer Copé au gouvernement et épuiser Juppé de missions menées en partenariat avec Rocard.
Tout changer en somme.
Cela fait beaucoup et cela lui ressemble tellement peu…
jeudi, avril 15, 2010
La puissance d'un tabou
Le Monde et Libération ont publié hier deux articles sur des affaires passées devant le tribunal qui témoignent de la puissance de l'interdit sur la pédophilie qui s'est mis en place ces vingt dernières années alors même que la pornographie sortait de l'ombre pour devenir une "activité culturelle" juste un peu plus sulfureuse que d'autres.
La première concerne un général, Raymond Germanos, ancien chef du cabinet militaire de deux ministres (Alain Richard et Charles Millon), un homme à la carrière impeccable, homme public puisqu'il a dirigé le Service d'information et de relations publiques des armées. On lui reproche d'avoir téléchargé et consulté 3400 photos pédophiles mettant en scène des enfants de six mois à 12 ans. Pour se justifier et s'expliquer (à lui-même comme au tribunal) ce comportement, il avance la maladie, une tumeur au cerveau dont il a été opéré qui aurait levé ses inhibitions. Il est condamné à 10 mois avec sursis.
La seconde de ces affaires concerne un homme marié de 60 ans, père de deux enfants, bien sous tous rapports, accusé d'avoir téléchargé et collectionné 2 millions d'images pédopornographiques. Cet homme ne se cherche pas d'excuses, il dit sa honte, raconte avoir éprouvé du soulagement lorsque les policiers l'ont arrêté. Il est condamné à un an de prison avec sursis.
Ces affaires sont remarquables à plusieurs titres : ces deux hommes très ordinaires, bons pères, bons voisins, bons amis, ne sont jamais passés à l'acte, ils se sont contentés de regarder et de collectionner des photos. C'est pour cela qu'on les condamne. Aurait-on, au moment de la prohibition de la pornographie condamné des gens pour possessions d'ouvrages pornographiques? Probablement pas. Libération précise, d'ailleurs, que ces deux condamnations sont liées à une loi de 2007 qui punit la "consultation habituelle" (plus de deux fois). C'est l'imaginaire que l'on condamne et lui seul, ce qui n'est pas… banal. On n'en est pas à arrêter des gens qui ont des fantasmes pédophiles, mais c'est sans doute qu'on est incapable de les identifier.
La constitution de ces collections extravagantes n'a été possible que parce qu'Internet facilite l'accès à ces images. Même si elles sont clandestines sur le net (on ne les trouve pas sur les sites pornographiques ordinaires), il est apparemment possible d'y accéder sans appartenir à un réseau spécialisé, ce qui n'était pas le cas avant l'invention du net. Ce qui favorise probablement le développement de comportements de ce type.
Ces deux hommes sont manifestement victimes de troubles compulsifs, ce sont, au sens propre, des collectionneurs fous. Et l'on peut se demander s'ils ne sont pas plus victimes d'une forme de dépendance que vraiment pédophiles. Dépendance qui est probablement double : à des images pédophiles mais aussi à l'internet (l'homme de soixante ans dit avoir passé devant son écran trois à quatre heures par nuit toutes les nuits et avoir dépensé un demi-smic par mois pour satisfaire son besoin). Le tribunal a d'ailleurs imposé à l'un de ces deux "collectionneurs" une obligation de soins.
Ces deux hommes éprouvent une formidable honte et personne, ni les magistrats qui les jugent ni les journalistes qui relatent les audiences ne semblent en douter. Ce n'est pas si fréquent. En ce sens l'action en justice peut les libérer de leur dépendance et se révéler utile pour eux sinon pour la société.
Nos sociétés bougent en permanence, nos comportements évoluent sans cesse. Mais je ne me souviens pas d'avoir vu la mise en place d'un tabou aussi puissant. Nous avions plutôt l'habitude de voir les interdits se défaire, là, c'est tout le contraire. Les dispositifs mis en place sont d'une redoutable force. Ils touchent aussi bien les institutions (la justice, la police) que les consciences. Il semble bien, d'ailleurs, qu'il y ait un lien avec la libération de la pornographie ordinaire. Tous les combats en faveur de celle-ci ont été menés au nom du droit des adultes consentants de se comporter comme ils l'entendent, ce qui exclut naturellement les enfants : ce ne sont pas des adultes et on ne peut pas imaginer qu'ils soient consentants. Le tabou de la pédophilie pourrait donc bien n'être que le revers de la levée de l'interdit sur la pornographie.
On pourrait, naturellement, se demander si arrêter et de condamner les consommateurs d'images pédophiles est bien la meilleure manière de lutter contre la pédophilie? C'est un peu comme si pour lutter contre l'alcoolisme, on condamnait les buveurs invétérés. Il serait certainement plus utile de s'en prendre aux réseaux qui fabriquent et font circuler ces images et d'arrêter leurs organisateurs et financiers. Mais peut-être se protègent-ils mieux que leurs clients et est-il plus difficile de les attraper. Ce n'est en tout cas pas le moment de poser ce type de questions. J'ai l'impression que celui qui s'y essaierait ne recueillerait au mieux que l'incompréhension.
vendredi, avril 09, 2010
Réformes : pourquoi tant d'échecs?
Il est un peu tôt pour tirer un bilan des réformes de Nicolas Sarkozy, mais dans ce moment un peu particulier où l'on voit sa majorité détricoter ce qu'il a entrepris (ce qui, soit dit en passant est une première. C'est la droite qui avait entrepris de défaire les réformes du premier septennat de François Mitterrand, pas la gauche), on peut se demander ce qu'il en restera. Probablement pas grand chose.
Non qu'il soit impossible de réformer la France, comme ceux qui échouent à le faire ont si facilement tendance à l'affirmer. Il suffit de regarder autour de nous. Michel Rocard, Martine Aubry et même Nicolas Sarkozy ont réussi quelques réformes. Je pense aux 35 heures. Il fallait du courage, de l'audace et du talent pour amener les entreprises à modifier si profondément leur organisation. Martine Aubry a su le faire en mêlant fermeté, habileté (les entreprises qui anticipaient le passage aux 35 heures bénéficiaient de baisses de leurs cotisations sociales) et intelligence pratique : c'était aux partenaires sociaux de négocier dans les entreprises, là où les questions se posent. Je pense également aux mesures prises pour lutter contre la vitesse sur la route, mesures efficaces que l'on peut attribuer à Nicolas Sarkozy. Il a su, là, concilier, fermeté (des sanctions pour les contrevenants) et une politique de communication qui a su convaincre les automobilistes, même les plus réticents, de la nécessité de lutter contre la vitesse. Je pense encore à la manière dont Michel Rocard a su inventer et mettre en place la CSG en conciliant le sens de la justice et le renvoi à plus tard de ce que cette réforme pouvait avoir de douloureux. Mais des réformes récentes (de la culture des résultats dans la police à la taxe carbone en passant par la réforme territoriale), il ne restera sans doute à peu près rien. Seules échapperont peut-être au désastre, la réforme des universités parce qu'elle répond à une attente d'une partie des acteurs et leur donne une certaine autonomie, l'introduction de la diversité au gouvernement qui s'est faire de manière brouillonne mais sur laquelle il sera difficile de revenir, et l'ouverture : autant les nominations de gens venus de la gauche au gouvernement étaient absurdes, autant la nomination à des postes de responsabilité (Cour des Comptes…) de gens venus de l'opposition est, dans une démocratie, le minimum.
Pourquoi, donc, tant d'échecs alors que Nicolas Sarkozy avait une majorité politique et une opinion plutôt favorable au changement. Trois facteurs expliquent, je crois, ses échecs :
- la confusion entre l'action et la législation. Il ne suffit pas de voter des lois pour que celles-ci soient appliquées. Il faut réfléchir à la manière de les mettre en oeuvre et susciter l'adhésion chez ceux qui seront amenés à les appliquer au quotidien. C'est sans doute ce qui fera le succès de la réforme de l'Université : les Présidents et leurs conseils d'administration ont commencé de prendre les choses en main. C'est ce qui n'a pas été fait pour les autres réformes. L'une des raisons de l'échec de Sarkozy est son instrumentalisation du Parlement. La loi sur la burqa en est un nouvel exemple : à quoi bon faire voter une loi dont chacun sait bien qu'elle sera inapplicable?
- le sentiment d'injustice. Il n'y a pas de réforme qui ne se fasse au dépens de quelques uns. Encore faut-il que ceux-là acceptent les sacrifices qu'on leur demande. Ils les acceptent d'autant plus volontiers qu'ils sont plus isolés et plus convaincus, comme citoyens, de la nécessité de changer. Une réforme n'a de chance d'aboutir que si elle améliore, d'une manière ou d'une autre, la situation d'une majorité. Qu'une réforme paraisse injuste et elle trouvera vite une majorité contre elle. Le bouclier fiscal, modèle même de la mesure injuste, a fait un immense tort à la volonté de réforme de Nicolas Sarkozy ;
- le trop plein. Nicolas Sarkozy avait théorisé sa volonté d'agir vite et de tout réformer à la fois. Il a ouvert tant de chantiers que tout se retourne aujourd'hui contre lui. Plutôt que de bâtir les réformes à venir sur des succès, comme semble en passe de le faire Barack Obama, il a pris le risque de voir se coaguler les oppositions, un seul échec dans un domaine suffisant à renforcer les opposants à ses projets dans tous les autres.
De tous ces échecs, c'est le ratage de l'introduction de la culture du résultat dans la police qui me parait le plus gênant. Tout simplement parce qu'il va rendre plus difficile l'introduction dans la fonction publique de méthodes de management modernes nécessaires pour introduire de nouvelles réformes. Tout partait pourtant d'une bonne idée : il faut pouvoir mesurer le travail des fonctionnaires comme on mesure celui des salariés du privé. A ceci près qu'il aurait fallu regarder d'un peu plus près les difficultés du secteur privé en la matière et la spécificité du secteur public qui échappe à la concurrence. C'est là-dessus qu'il aurait fallu travailler, non pas pour mettre en concurrence des commissariats ou des lycées, ce qui n'a pas beaucoup de sens, mais pour donner à leurs responsables des éléments pour se comparer et s'améliorer mutuellement. Il aurait fallu se souvenir que les entreprises qui sont en concurrence savent aussi se rapprocher pour partager leurs meilleures pratiques. Des comparaisons entre commissariats ou lycées auraient permis à leurs responsables d'aller piocher chez leurs collègues ce qu'ils font de mieux. En lieu et place de cela (que l'on aurait pu mettre en oeuvre de différentes manières) on a fixé des objectifs chiffrés, comme si les fonctionnaires étaient des commerciaux.
mercredi, avril 07, 2010
Des espions à la recherche d'une rumeur!
Une rumeur court sur les amours adultères du Président et de son épouse. Elle est reprise par la presse étrangère, fait le tour des rédactions, des dîners en ville puis s'essouffle faute de combustible. Tout aurait pu en rester là. Mais non, l'Elysée décide de faire un exemple, les services secrets sont convoqués, le parquet, des magistrats, des policiers sont mobilisés, il faut absolument retrouver celui qui l'a imaginée, ceux qui l'ont propagée… On se croirait dans un roman policier, c'est la réalité.
On espérait les plus hautes autorités de l'Etat penchées sur le chômage, l'insécurité ou les déficits publics. Mais non, elles sont toutes entières occupées à venger l'honneur du Président et de son épouse! Comme elles étaient, il y a quelques mois, toutes occupées à trouver un emploi pour le fils du Président. Lorsque l'on parlait, autrefois, de l'Etat RPR, on voulait dire qu'il avait été accaparé par une clique, un parti. Il est aujourd'hui au service d'un homme, de son épouse, de ses fils…
On espérait les plus hautes autorités de l'Etat penchées sur le chômage, l'insécurité ou les déficits publics. Mais non, elles sont toutes entières occupées à venger l'honneur du Président et de son épouse! Comme elles étaient, il y a quelques mois, toutes occupées à trouver un emploi pour le fils du Président. Lorsque l'on parlait, autrefois, de l'Etat RPR, on voulait dire qu'il avait été accaparé par une clique, un parti. Il est aujourd'hui au service d'un homme, de son épouse, de ses fils…
Les économistes ont si bien imposé leur modèle rationnel et individualiste à la réflexion politique qu'on en avait presque oublié combien la production de social est complexe. Cette affaire nous le rappelle : la fiction produit aussi des effets dans le réel.
dimanche, avril 04, 2010
Les prêtres pédophiles se sont-ils confessés?
Difficile en ce dimanche de Pâques tandis que les Eglises sont, une fois n'est pas coutume, pleines, s'interroger sur la tourmente qui affole l'église catholique depuis quelques mois. La presse, les spécialistes s'interrogent sur le rôle de Benoit XVI et sur celui de son prédécesseur dans l'enfouissement de ces affaires. Les journalistes multiplient les révélations les plus extravagantes : on parlait hier d'un prêtre qui avait violenté 20 enfants, voilà qu'un cardinal aurait abusé de plus de 2000 mineurs. Les prêtres tentent de manière follement maladroite de se défendre. Les fidèles partent ou se rebellent contre les critiques, allant jusqu'à prendre des positions d'une violence indigne comme on peut le voir sur internet dans les réactions aux articles de la presse (comme dans le courrier des lecteurs en commentaire de cet article de Jean-Michel Bouguereau dans le Nouvel Observateur).
Je me pose pour ma part une autre question : il y a dans les églises chrétiennes une tradition de la confession. Les prêtres prononcent un voeu de chasteté. Abuser d'un enfant, avoir des aventures hétéro ou homosexuelles, comme c'est le cas, semble-t-il, de beaucoup, c'est rompre ce voeu. Pour des hommes qui ont choisi de mener une vie de clerc, ce doit être particulièrement troublant, cela doit susciter une très grande mauvaise conscience, au moins les premières fois. Or, l'Eglise a une institution spécialement désignée pour régler cette mauvaise conscience : la confession. Elle était, autrefois, nécessaire pour pouvoir communier. "Avant la Communion, il appartient aux prêtres d’inviter les fidèles à la confession individuelle des péchésJanis Pujats, archevêque de Riga, en Lettonie, dans son intervention au synodee meilleur endroit pour la confession des fidèles est le confessionnal, placé dans l’église et doté d’une grille fixe entre le confesseur et le pénitent. Dans la mesure du possible, les prêtres doivent créer les conditions pour que les fidèles accèdent au sacrement de Pénitence. En effet, si les hommes vivent et meurent dans le péché, tout autre effort pastoral est vain." Les prêtres ne sont pas dispensés de cette obligation. Eux aussi se confessent. Et on peut penser qu'un certain nombre d'entre eux ont avoué, lors de leurs confessions, ce penchant, leur passage à l'acte.
Si tel est bien le cas, comment l'institution a-t-elle pu si longtemps ignorer, garder secrètes les dérives de certains de ses membres, non pas quelques brebis galeuses, comme on voudrait aujourd'hui nous faire croire, mais des dizaines et des dizaines?
Derrière cette question, s'en cache une autre. Dans son exhortation apostolique post-synodale prononcée en Jean-Paul II disait : "la confession individuelle et intégrale des péchés avec absolution également individuelle constitue l'unique moyen ordinaire qui permet au fidèle, conscient de péché grave, d'être réconcilié avec Dieu et avec l'Eglise. De cette confirmation nouvelle de l'enseignement de l'Eglise il ressort clairement que tout péché grave doit être toujours avoué, avec ses circonstances déterminantes, dans une confession individuelle." Il ajoutait : "Pour conduire les autres sur la voie de la perfection chrétienne, le ministre de la Pénitence doit le premier parcourir lui-même ce chemin et donner - plus par des actes que par d'abondants discours - des preuves d'expérience réelle de l'oraison vécue, de pratique des vertus évangéliques théologales et morales, d'obéissance fidèle à la volonté de Dieu, d'amour de l'Eglise et de docilité à son Magistère."
N'est-ce pas, au delà du scandale, le fondement même de la relation du fidèle et de l'Eglise qui est avec ces affaires menacé?
Je me pose pour ma part une autre question : il y a dans les églises chrétiennes une tradition de la confession. Les prêtres prononcent un voeu de chasteté. Abuser d'un enfant, avoir des aventures hétéro ou homosexuelles, comme c'est le cas, semble-t-il, de beaucoup, c'est rompre ce voeu. Pour des hommes qui ont choisi de mener une vie de clerc, ce doit être particulièrement troublant, cela doit susciter une très grande mauvaise conscience, au moins les premières fois. Or, l'Eglise a une institution spécialement désignée pour régler cette mauvaise conscience : la confession. Elle était, autrefois, nécessaire pour pouvoir communier. "Avant la Communion, il appartient aux prêtres d’inviter les fidèles à la confession individuelle des péchésJanis Pujats, archevêque de Riga, en Lettonie, dans son intervention au synodee meilleur endroit pour la confession des fidèles est le confessionnal, placé dans l’église et doté d’une grille fixe entre le confesseur et le pénitent. Dans la mesure du possible, les prêtres doivent créer les conditions pour que les fidèles accèdent au sacrement de Pénitence. En effet, si les hommes vivent et meurent dans le péché, tout autre effort pastoral est vain." Les prêtres ne sont pas dispensés de cette obligation. Eux aussi se confessent. Et on peut penser qu'un certain nombre d'entre eux ont avoué, lors de leurs confessions, ce penchant, leur passage à l'acte.
Si tel est bien le cas, comment l'institution a-t-elle pu si longtemps ignorer, garder secrètes les dérives de certains de ses membres, non pas quelques brebis galeuses, comme on voudrait aujourd'hui nous faire croire, mais des dizaines et des dizaines?
Derrière cette question, s'en cache une autre. Dans son exhortation apostolique post-synodale prononcée en Jean-Paul II disait : "la confession individuelle et intégrale des péchés avec absolution également individuelle constitue l'unique moyen ordinaire qui permet au fidèle, conscient de péché grave, d'être réconcilié avec Dieu et avec l'Eglise. De cette confirmation nouvelle de l'enseignement de l'Eglise il ressort clairement que tout péché grave doit être toujours avoué, avec ses circonstances déterminantes, dans une confession individuelle." Il ajoutait : "Pour conduire les autres sur la voie de la perfection chrétienne, le ministre de la Pénitence doit le premier parcourir lui-même ce chemin et donner - plus par des actes que par d'abondants discours - des preuves d'expérience réelle de l'oraison vécue, de pratique des vertus évangéliques théologales et morales, d'obéissance fidèle à la volonté de Dieu, d'amour de l'Eglise et de docilité à son Magistère."
N'est-ce pas, au delà du scandale, le fondement même de la relation du fidèle et de l'Eglise qui est avec ces affaires menacé?
Ban the Burqa, suite sur France 24
J'étais il y a quelques jours de nouveau invité à débattre sur France 24 de la burqa avec cette fois une élue belge, Anne-Marie Lizin, personnalité haute en couleur, sympathique mais aussi sulfureuse, contestée au sein de son parti dont elle a été exclue, et Laurent Chambon, un jeune sociologue français installé aux Pays-Bas. En même temps que ce débat en anglais, deux autres, l'un en français, l'autre en arabe, étaient diffusés par la même chaîne.
Les arguments des adversaires de cette loi, le jeune sociologue et moi-même sur le plateau anglais, sont maintenant bien connus :
- problèmes juridiques soulevés par le Conseil d'Etat,
- difficultés pratiques d'appliquer ce texte au quotidien,
- stigmatisation d'une partie importante de la population au nom de ses convictions ou (plus souvent) origine religieuse,
- inutilité vu le faible nombre de personnes concernées, quelques centaines au plus,
- il s'agit de gesticulations politiques.
Ceux d'Anne-marie Lizin, qui est tout sauf une sotte, elle a occupé des positions importantes en Belgique, elle enseigne aujourd'hui à Science-Po Paris, sont plus révélateurs. Elle n'a pas caché, en effet, sa volonté de s'attaquer au voile après la burqa, d'étendre ce mouvement à d'autres pays et, notamment à la Grande-Bretagne, et de combattre, au delà de l'Islam, toute expression des croyances religieuses dans l'espace public. Jusqu'à envoyer, si nécessaire, en prison des femmes qui ne se plieraient pas à la loi. Ce qui rappelle un de ses précédents dérapages lorsqu'elle avait qualifié de jeunes belges enfermés à Guantanamo auxquels elle avait rendu visite de "belges entre guillemets", suscitant la colère des organisations anti-racistes.
On peut suivre ce débat en deux parties ici pour la première partie et là pour la seconde.
Les arguments des adversaires de cette loi, le jeune sociologue et moi-même sur le plateau anglais, sont maintenant bien connus :
- problèmes juridiques soulevés par le Conseil d'Etat,
- difficultés pratiques d'appliquer ce texte au quotidien,
- stigmatisation d'une partie importante de la population au nom de ses convictions ou (plus souvent) origine religieuse,
- inutilité vu le faible nombre de personnes concernées, quelques centaines au plus,
- il s'agit de gesticulations politiques.
Ceux d'Anne-marie Lizin, qui est tout sauf une sotte, elle a occupé des positions importantes en Belgique, elle enseigne aujourd'hui à Science-Po Paris, sont plus révélateurs. Elle n'a pas caché, en effet, sa volonté de s'attaquer au voile après la burqa, d'étendre ce mouvement à d'autres pays et, notamment à la Grande-Bretagne, et de combattre, au delà de l'Islam, toute expression des croyances religieuses dans l'espace public. Jusqu'à envoyer, si nécessaire, en prison des femmes qui ne se plieraient pas à la loi. Ce qui rappelle un de ses précédents dérapages lorsqu'elle avait qualifié de jeunes belges enfermés à Guantanamo auxquels elle avait rendu visite de "belges entre guillemets", suscitant la colère des organisations anti-racistes.
On peut suivre ce débat en deux parties ici pour la première partie et là pour la seconde.
jeudi, avril 01, 2010
Il faut défendre Google contre les éditeurs!
Gallimard vient donc, après plusieurs autres éditeurs, d'annoncer sa décision d'attaquer en justice Google. Je ne suis ni juriste ni spécialiste de ces questions, juste un auteur qui utilise régulièrement Googlebooks dans son travail, que ces attaques choquent formidablement.
Je sais bien qu'il est en France de bon ton de critiquer Google, nouveau Leviathan, mais comment oublier ce que GoogleBooks, que ces procédures judiciaires menacent, m'apporte chaque jour. Ce service gratuit et, faut-il le rappeler? sans publicité, c'est-à-dire sans revenus pour Google, me donne accès à des milliers d'ouvrages autrement inaccessibles dans plusieurs langues alors que ces éditeurs qui attaquent aujourd'hui Google conservent dans leurs caves des milliers d'ouvrages qu'ils ne rééditeront jamais, qui sont donc à ce titre pour toujours inaccessibles au commun des lecteurs. S'il s'agissait d'espèces en voie de disparition, on parlerait de génocide et des ONG se battraient pour leur protection. C'est la sauvegarde de ce patrimoine culturel qu'a entrepris Google que La Martinière, Gallimard et quelques autres menacent.
Beaucoup de ces ouvrages ainsi menacés sont anciens, mais pas tous. Je cherchais il y a quelques jours dans une grand librairie de Saint-Germain des Près, Ruines de Vienne, un roman de Judith Brouste publié il y a moins de deux mois chez Flammarion dont on m'avait (à juste titre) dit le plus grand bien. Il avait déjà disparu des rayons. Le libraire m'a bien évidemment proposé de le commander, mais qui peut s'en satisfaire? Le taux de rotation des livres dans les librairies est tel que la plupart s'évanouissent quelques semaines à peine après avoir été mis sur le marché.
On me dira qu'il faut protéger les auteurs, qu'ils ont besoin de gagner leur vie. Sans doute. Mais comment oublier que le droit de la propriété intellectuelle a une histoire? Roger Chartier et les historiens du livre nous ont montré combien la notion d'auteur est récente (son nom n'apparaissait pas sur les premiers livres imprimés) et tous les sociologues et théoriciens de la littérature savent combien elle a été, récemment attaquée tant par les marxistes à la Macherey que la par la sociologie américaine (je pense à Howard Becker qui montrait, dans Le monde des arts, combien une oeuvre était une production collective). Et tous les bibliophiles connaissent ces ouvrages des 17ème et 18ème siècles qui reprenaient sans citer leurs sources des textes pris à d'autres.
Un examen plus précis de ce qui se passe vraiment, montrerait à tous nos éditeurs en veine de chicane que jamais il n'a été plus facile, grâce justement à Google, de démasquer les imposteurs qui copient sans les citer d'autres auteurs. J'irai même plus loin : l'un des effets bénéfique d'internet est d'inciter ceux qui écrivent à citer leurs sources de manière plus systématique, ce qui protège bien mieux la propriété intellectuelle des auteurs que tout autre mécanisme.
Quant à la dimension financière! Elle ne peut que faire sourire ces milliers d'auteurs dont les droits sont à ce point minuscules qu'ils leur permettent à peine d'inviter une fois par an leur famille au restaurant. Faut-il, pour protéger les revenus de quelques vedettes, priver l'ensemble du public d'ouvrages édités un jour et condamnés pour l'éternité à pourrir dans de lointains dépôts?
Plutôt que de s'en prendre à Google, le monde de l'édition devrait ouvrir les yeux. Pourquoi un lecteur qui, c'est mon cas, possède plusieurs milliers de livres et en achète plusieurs chaque semaine, fréquente-t-il presque tous les jours GoogleBooks? Pour faire des économies? Non! pour accéder à des textes que le système actuel rend inaccessibles, pire, même, invisibles et pour les consulter avec des outils modernes qui en modifient complètement la lecture. En voulez-vous un exemple? Dans un passage des Illuminations qui évoque le grand Nord et ses baleines, Rimbaud utilise le mot spunk, mot anglais qui veut aussi bien dire sperme que courage. J'ai voulu vérifier si Melville l'utilisait dans Moby Dick. Il m'a suffi de quelques secondes pour découvrir qu'il n'y était pas. Quels outils, nos chicaniers me proposent-ils pour faire la même chose?
Que le modèle de la gratuité de Google pose problème aux éditeurs, je le comprends. Ils font un travail indispensable qui mérite rémunération. Mais justement, plutôt que de s'arcbouter sur un modèle économique dont chacun sent bien qu'il est dépassé, n'auraient-ils pas plutôt intérêt à rechercher un modèle qui réduise considérablement le coût d'accès à leurs produits (car c'est bien ce qu'autorise la technologie) et leur permette en même temps de gagner leur vie. Il suffirait, par exemple, qu'ils incitent Google à faire payer à ses visiteurs, un droit de consultation de leurs livres. Quant aux auteurs qui se plaignaient hier de leurs éditeurs et protestent aujourd'hui contre Google, ils feraient mieux de le consulter un peu plus souvent et de réfléchir à un nouveau modèle économique. Ce n'est certainement pas impossible.
Dans tous les cas de figure, il serait scandaleux que l'avenir de notre culture, la défense et la protection de notre capital intellectuel soient laissées au seul jeu des groupes de pression économique. Les lecteurs que nous sommes ont aussi leur mot à dire. Les chiffres de consultation des sites de Google montrent où vont nos votes. Il doivent, eux aussi, être pris en compte!
mercredi, mars 31, 2010
L'anglais de l'Elysée est… admirable
On a beaucoup parlé de ce coté-ci de l'Atlantique, à l'occasion du voyage de Nicolas Sarkozy aux Etats-Unis, de son mauvais anglais, mais il a de qui tenir, si j'en juge par la version anglaise de son CV que le site de l'Elysée propose aux malentendants.
Sarkozy "in english" sur le nouveau site de l'Elysée
envoyé par Nouvelobs. - L'actualité du moment en vidéo.
Sarkozy "in english" sur le nouveau site de l'Elysée
envoyé par Nouvelobs. - L'actualité du moment en vidéo.
mardi, mars 30, 2010
Changement climatique : les écologistes victimes des… écologistes?
Tout ce qui se passe autour du changement climatique a quelque chose de terriblement ironique. Pendant des années les écologistes technophobes (on me dit qu'ils ne le sont pas tous) nous ont expliqué qu'il fallait porter sur la place publique les questions techniques et scientifiques. Nucléaire, OGM, nanotechnologie méritaient un débat démocratique. Débat qu'il leur a été très difficile d'obtenir. Et voilà que sur un sujet sur lequel la science allait dans leur sens, la climatologie, le débat s'est installé à leurs dépens : le climato-scepticisme a fait ces dernières semaines des progrès foudroyants dans l'opinion. Il s'est installé comme ils auraient aimé que s'installât une critique du nucléaire, des nano-technologies, en public, à la télévision.
Or, on voit bien avec ces discussions sur le climat tous les défauts de cette discussion publique de questions scientifiques. Elle donne à quelques savants, réputés dans leur domaine qui n'est pas celui de la climatologie, la possibilité de contester, du haut de leur vraie-fausse légitimité scientifique, les résultats de leurs collègues. De le faire à la télévision leur donne un avantage considérable : on leur accorde 50% du temps d'audience (il faut bien que le débat soit équilibré), ce qui exagère considérablement leur importance ; on le fait devant une audience incapable de juger de la validité des arguments dans des discussions animées par des journalistes qui ne sont pas mieux capables de faire le tri entre le vrai et le faux. Ces mêmes discussions dans des enceintes scientifiques leur seraient beaucoup moins favorables.
Cette expérience nous rappelle une chose simple : les questions scientifiques ne relèvent pas du débat démocratique, encore moins de sa parodie télévisée, elles relèvent de procédures propres à la communauté scientifique. Le politique a son mot à dire, mais dans son champ qui n'est certainement pas celui de la vérité.
On aimerait (mais ce n'est qu'un brouillon) que les écologistes en prennent de la graine.
Or, on voit bien avec ces discussions sur le climat tous les défauts de cette discussion publique de questions scientifiques. Elle donne à quelques savants, réputés dans leur domaine qui n'est pas celui de la climatologie, la possibilité de contester, du haut de leur vraie-fausse légitimité scientifique, les résultats de leurs collègues. De le faire à la télévision leur donne un avantage considérable : on leur accorde 50% du temps d'audience (il faut bien que le débat soit équilibré), ce qui exagère considérablement leur importance ; on le fait devant une audience incapable de juger de la validité des arguments dans des discussions animées par des journalistes qui ne sont pas mieux capables de faire le tri entre le vrai et le faux. Ces mêmes discussions dans des enceintes scientifiques leur seraient beaucoup moins favorables.
Cette expérience nous rappelle une chose simple : les questions scientifiques ne relèvent pas du débat démocratique, encore moins de sa parodie télévisée, elles relèvent de procédures propres à la communauté scientifique. Le politique a son mot à dire, mais dans son champ qui n'est certainement pas celui de la vérité.
On aimerait (mais ce n'est qu'un brouillon) que les écologistes en prennent de la graine.
lundi, mars 29, 2010
La ministre et le capitaine
Thierry Desjardins, qui vient d'ouvrir un blog qui en dit beaucoup sur l'exaspération des chiraquiens pur sucre, compare le sort de Chantal Jouanno et de ce malheureux capitaine de gendarmerie révoqué pour avoir critiqué le rapprochement de son arme et de la police. Sanction exemplaire pour un obscur fonctionnaire coupable d'avoir manqué au devoir de réserve, indulgence pour une ministre… Etrange manière de gouverner.
jeudi, mars 25, 2010
Un discours et Darcos à Versailles
Pris dans la tourmente de l'après-régionale, Nicolas Sarkozy a voulu rattraper les électeurs qui se sont éloignés, les médecins, les cultivateurs. Il l'a fait en promettant de la fermeté, des résultats et la poursuite des réformes. Et le même jour, nous apprenions que Xavier Darcos, le seul ministre sanctionné pour cause de défaite électorale, allait être nommé au chateau de Versailles. On nous a même expliqué qu'on lui avait proposé d'autres cadeaux d'adieu dont, si j'ai bonne mémoire, l'ambassade de France à Rome (ville qui ne doit plus avoir beaucoup de charmes aux yeux de nos dirigeants puisqu'il l'a refusée comme Christine Boutin avait refusé celle du Vatican). Comme si un ministre battu et chassé du gouvernement méritait une compensation!
Ce n'est pas grand chose, Xavier Darcos est plutôt sympathique, il fera peut-être un excellent Président de Versailles, mais comment ne pas voir, dans cette nomination précipitée, un aveu de faiblesse d'un Président qui ne réussit pas à trancher dans le vif et à prendre des décisions même lorsqu'elles sont injustes et désagréables. Il sait cependant être méchant, mais tout se passe comme s'il avait réservé toute sa hargne à Dominique de Villepin.
Ce n'est pas grand chose, Xavier Darcos est plutôt sympathique, il fera peut-être un excellent Président de Versailles, mais comment ne pas voir, dans cette nomination précipitée, un aveu de faiblesse d'un Président qui ne réussit pas à trancher dans le vif et à prendre des décisions même lorsqu'elles sont injustes et désagréables. Il sait cependant être méchant, mais tout se passe comme s'il avait réservé toute sa hargne à Dominique de Villepin.
mercredi, mars 24, 2010
C'est l'emploi, stupide!
On connait tous la formule que Bill Clinton a utilisée dans sa campagne de 1992 : "It's the economy, stupid." On a envie de la reprendre et de l'adapter à la situation française. Nicolas Sarkozy semble avoir choisi de mettre l'accent sur les retraites pour des motifs qui laissent perplexes. Il ferait mieux de s'occuper de l'emploi. C'est, aujourd'hui, ce qui préoccupe le plus les Français, qu'ils en aient un ou qu'ils n'en aient pas. Chacun devine que bien des questions que nous nous posons, déficit, retraites… seraient simplifiées si le chômage reculait.
La formule vaut pour le gouvernement, mais aussi pour la gauche qui augmenterait singulièrement ses chances de l'emporter aux prochaines élections présidentielles si elle se présentait avec un programme plausible en la matière.
Nul ne prétendra que c'est facile, mais pourquoi faudrait-il s'enthousiasmer pour un candidat si le gouvernement d'un pays était à la portée du premier venu?
La formule vaut pour le gouvernement, mais aussi pour la gauche qui augmenterait singulièrement ses chances de l'emporter aux prochaines élections présidentielles si elle se présentait avec un programme plausible en la matière.
Nul ne prétendra que c'est facile, mais pourquoi faudrait-il s'enthousiasmer pour un candidat si le gouvernement d'un pays était à la portée du premier venu?
lundi, mars 22, 2010
Les fondamentaux de la droite? Mais lesquels?
La semaine dernière, Rachida Dati parlait d'un nécessaire retour aux fondamentaux de la droite. Cette idée a été reprise hier soir par d'autres, notamment par Jean-François Copé. Mais qu'entendent-ils donc par là? Et ce retour à ces fondamentaux peut-il les aider?
La sécurité fait certainement partie de ces fondamentaux auxquels ils pensent, mais à trop en faire sans obtenir de résultats, on finit pas décevoir. Ce n'est pas en annonçant un durcissement des peines à chaque nouvelle affaire (comme encore la semaine dernière à l'occasion de l'assassinat de ce policier) que l'on améliore la sécurité.
Les vertus du travail et de l'effort? avec son discours sur les heures supplémentaires, Nicolas Sarkozy avait séduit une partie de la classe ouvrière. Celle-là même qui voit aujourd'hui ses emplois disparaître pour cause de crise. Mettre en avant la valeur travail (et taper donc, sur ceux qui veulent plus de temps libre) parait inadapté en ces temps de hausse continue du chômage. Cela risque de braquer contre la droite cette classe ouvrière qui sait bien que le chômage n'est pas volontaire.
Les valeurs traditionnelles, aujourd'hui exprimées par le refus de la burqa? C'est donner du grain à moudre au Front National à l'affût, prêt à plumer ce qu'il pourra de la volaille UMP. D'autant que les comportements personnels de Nicolas Sarkozy sont parfois tellement à l'opposé de ces valeurs traditionnelles qu'on doute qu'il soit le mieux à même de les exprimer.
La liberté d'entreprendre? Les mesures prises en faveur de l'auto-entrepreneuriat vont bien dans ce sens, mais en période de crise, les citoyens sont plutôt à la recherche d'un filet de sécurité que d'un tremplin pour sauter à l'aventure.
Les baisses d'impôt? C'est un thème classique à droite que Nicolas Sarkozy a maladroitement dilapidé avec son bouclier fiscal.
Reste le refus de l'ouverture. Mais qui croit vraiment que le départ de Kouchner et de quelques autres transfuges de gauche améliorera la situation de la droite?
Plutôt que de se soucier de ses fondamentaux, la droite devrait s'interroger sur ce qui a pu inciter son électorat traditionnel (cultivateurs, personnes âgées) à se détourner d'elle. Elle découvrirait que ses politiques sur les services publics (qui disparaissent à vitesse accélérée de nos campagnes), ses projets en matière de retraite et les comportements "peu conventionnels" de Nicolas Sarkozy sont pour beaucoup dans ce désamour. Ce sont les réformes qu'il faut mettre en cause. Et cela, c'est certainement beaucoup plus difficile à accepter.
La sécurité fait certainement partie de ces fondamentaux auxquels ils pensent, mais à trop en faire sans obtenir de résultats, on finit pas décevoir. Ce n'est pas en annonçant un durcissement des peines à chaque nouvelle affaire (comme encore la semaine dernière à l'occasion de l'assassinat de ce policier) que l'on améliore la sécurité.
Les vertus du travail et de l'effort? avec son discours sur les heures supplémentaires, Nicolas Sarkozy avait séduit une partie de la classe ouvrière. Celle-là même qui voit aujourd'hui ses emplois disparaître pour cause de crise. Mettre en avant la valeur travail (et taper donc, sur ceux qui veulent plus de temps libre) parait inadapté en ces temps de hausse continue du chômage. Cela risque de braquer contre la droite cette classe ouvrière qui sait bien que le chômage n'est pas volontaire.
Les valeurs traditionnelles, aujourd'hui exprimées par le refus de la burqa? C'est donner du grain à moudre au Front National à l'affût, prêt à plumer ce qu'il pourra de la volaille UMP. D'autant que les comportements personnels de Nicolas Sarkozy sont parfois tellement à l'opposé de ces valeurs traditionnelles qu'on doute qu'il soit le mieux à même de les exprimer.
La liberté d'entreprendre? Les mesures prises en faveur de l'auto-entrepreneuriat vont bien dans ce sens, mais en période de crise, les citoyens sont plutôt à la recherche d'un filet de sécurité que d'un tremplin pour sauter à l'aventure.
Les baisses d'impôt? C'est un thème classique à droite que Nicolas Sarkozy a maladroitement dilapidé avec son bouclier fiscal.
Reste le refus de l'ouverture. Mais qui croit vraiment que le départ de Kouchner et de quelques autres transfuges de gauche améliorera la situation de la droite?
Plutôt que de se soucier de ses fondamentaux, la droite devrait s'interroger sur ce qui a pu inciter son électorat traditionnel (cultivateurs, personnes âgées) à se détourner d'elle. Elle découvrirait que ses politiques sur les services publics (qui disparaissent à vitesse accélérée de nos campagnes), ses projets en matière de retraite et les comportements "peu conventionnels" de Nicolas Sarkozy sont pour beaucoup dans ce désamour. Ce sont les réformes qu'il faut mettre en cause. Et cela, c'est certainement beaucoup plus difficile à accepter.
jeudi, mars 18, 2010
Y a-t-il vraiment une remontée du FN?
Dans un post publié lundi dernier, je mettais en doute la remontée du Front National (Régionales : les résultats en trompe-l'oeil du FN). D'autres partagent cette analyse minoritaire. C'est le cas de cet autre blog qui titre comme moi sur les résultats en trompe l'oeil du parti de Jean-Marie Le Pen. C'est celui de l'auteur de cette analyse publiée sur le site de Marianne (Le FN progresse surtout dans la tête des journalistes). C'est à peu de choses près celui d'Emmanuel Tood qui déclare dans l'interview qu'il a donné à Libé.
Il faut bien évidemment attendre les résultats du second tour pour mener des analyses plus fines, mais l'enjeu est d'importance.
La thèse de la remontée du Front National permet aux critiques de Nicolas Sarkozy d'enfoncer deux fois le clou :
- il avait entrepris de siphonner les voix du FN, cela lui a permis de gagner l'élection présidentielle, mais son opération n'aura réussi qu'une fois,
- le débat sur l'identité nationale a banalisé les thèses racistes du Front National et désinhibé des électeurs de droite qui auraient, en d'autres circonstances, hésité à voter pour une formation raciste,
Mais cette thèse peut aussi donner aux stratèges de l'UMP l'envie de durcir encore leur discours pour reconquérir cet électorat.
Penser, à l'inverse, que la remontée du Front National est moins importante que le suggèrent les pourcentages invite à regarder les choses autrement. Cela indiquerait :
- que la thématique de l'immigration n'est plus centrale à droite, ce que confirme, au delà des dérapages de ministres et élus de l'UMP, la consternation générale que ce débat a suscité dans l'opinion et, probablement (mais ce serait à vérifier), le changement des motivations pour voter à l'extrême-droite (ce n'est pas le racisme qui amène les ouvriers à voter FN, mais le désir de protectionnisme que ce parti est le seul à défendre, comme je l'ai déjà expliqué) ;
- que le problème principal de l'UMP et donc du gouvernement et de Nicolas Sarkozy est, moins de pencher à droite, que de reconquérir son électorat qui s'est abstenu et qui l'a fait pour protester contre des politiques qui le touchent directement : réforme des retraites, taxe carbone, réforme de l'ANPE qui ajoute du désordre au désordre, privatisation de la poste, TVA sociale, bouclier fiscal…) et des comportements qui le choquent profondément (casse toi pauvre con, bling-bling…).
Selon que l'on choisit l'une ou l'autre hypothèse, l'impact sur les politiques menées d'ici aux prochaines élections présidentielles promet d'être tout différent.
Il faut bien évidemment attendre les résultats du second tour pour mener des analyses plus fines, mais l'enjeu est d'importance.
La thèse de la remontée du Front National permet aux critiques de Nicolas Sarkozy d'enfoncer deux fois le clou :
- il avait entrepris de siphonner les voix du FN, cela lui a permis de gagner l'élection présidentielle, mais son opération n'aura réussi qu'une fois,
- le débat sur l'identité nationale a banalisé les thèses racistes du Front National et désinhibé des électeurs de droite qui auraient, en d'autres circonstances, hésité à voter pour une formation raciste,
Mais cette thèse peut aussi donner aux stratèges de l'UMP l'envie de durcir encore leur discours pour reconquérir cet électorat.
Penser, à l'inverse, que la remontée du Front National est moins importante que le suggèrent les pourcentages invite à regarder les choses autrement. Cela indiquerait :
- que la thématique de l'immigration n'est plus centrale à droite, ce que confirme, au delà des dérapages de ministres et élus de l'UMP, la consternation générale que ce débat a suscité dans l'opinion et, probablement (mais ce serait à vérifier), le changement des motivations pour voter à l'extrême-droite (ce n'est pas le racisme qui amène les ouvriers à voter FN, mais le désir de protectionnisme que ce parti est le seul à défendre, comme je l'ai déjà expliqué) ;
- que le problème principal de l'UMP et donc du gouvernement et de Nicolas Sarkozy est, moins de pencher à droite, que de reconquérir son électorat qui s'est abstenu et qui l'a fait pour protester contre des politiques qui le touchent directement : réforme des retraites, taxe carbone, réforme de l'ANPE qui ajoute du désordre au désordre, privatisation de la poste, TVA sociale, bouclier fiscal…) et des comportements qui le choquent profondément (casse toi pauvre con, bling-bling…).
Selon que l'on choisit l'une ou l'autre hypothèse, l'impact sur les politiques menées d'ici aux prochaines élections présidentielles promet d'être tout différent.
mercredi, mars 17, 2010
Accent, prononciation, élites, etc…
Une amie canadienne à laquelle je racontais comment l'accent des hautes classes britanniques avait évolué ces cinquante dernières années au point que quelqu'un qui parlerait aujourd'hui comme la reine Elizabeth dans les années cinquante passerait pour parler anglais avec un accent français me faisait remarquer que notre manière de parler le français a aussi évolué, que les élites avaient, depuis quelques années, pris la (mauvaise?) habitude de marquer les lettres doubles comme pour signaler qu'elles connaissaient l'orthographe. Remarque pertinente sauf que… Je viens de trouver dans un film de 1951 d'Isidore Isidore Isou, Le traité de bave et d'éternité, une prononciation du mot pellicule qui insiste sur le double l. Ce qui me fait penser que ce tic n'est pas si récent.
mardi, mars 16, 2010
Ainsi vont les rumeurs…
Il est très amusant de suivre la rumeur sur les relations chaotiques du couple Sarkozy/Bruni. Bien loin de prendre la chose au tragique, chacun s'en amuse à sa manière, s'appliquant ainsi à la faire circuler, sans chercher à la vérifier (ce qui serait pourtant la moindre des choses). Ce matin Stéphane Guillon expliquait dans sa chronique que Nicolas Sarkozy passait ses nuits à s'entraîner au karaté (allusion à peine déguisée à la spécialité de Chantal Jouano avec laquelle on lui prête une aventure). Hier, un magazine style France-Dimanche dont j'ai oublié le titre, annonçait, en couverture que Carla Bruni se battait contre l'odieuse rumeur. Hier encore, des internautes s'amusaient d'une photo montrant Carla Bruni allant voter sous une grande affiche annonçant le prochain spectacle de Biolay, l'amant qu'on lui prête. Aujourd'hui un journal anglais se moque de sa mauvaise mine et de ses traits tirés. On a, à voir tout cela, bizarrement l'impression que plus personne n'y croit vraiment et ne s'en offusque. Le plus étonnant est sans doute qu'internet oblige, ce soient les médias étrangers, notamment anglo-saxons, qui en parlent le plus. Il est vrai que c'est plus amusant que de disserter sur le résultat des régionales.
L'Elysée a gardé le silence, il a raison. Si cette rumeur n'a aucun fondement, elle finira par disparaître d'elle-même. Et si notre couple présidentiel est vraiment sur le point de se séparer, plus personne ne sera surpris.
L'Elysée a gardé le silence, il a raison. Si cette rumeur n'a aucun fondement, elle finira par disparaître d'elle-même. Et si notre couple présidentiel est vraiment sur le point de se séparer, plus personne ne sera surpris.
lundi, mars 15, 2010
Régionales : des résultats en trompe-l'oeil?
Et si ces résultats étaient en trompe-l'oeil? Y a-t-il vraiment, comme on le dit, remontée du Front National, ou effet statistique? Il suffirait que ses électeurs aient été déterminés à aller voter pour sanctionner Nicolas Sarkozy, quand des électeurs de droite déçus aient préféré rester chez eux pour que son score s'améliore mécaniquement. On peut tenir le même raisonnement pour la gauche. Pèse-t-elle vraiment 50% de l'électorat ou seulement 50% de cet échantillon biaisé? Le niveau élevé d'abstention invite à regarder ces résultats avec la plus extrême prudence.
Le scrutin de la semaine prochaine et les enquêtes que les instituts de sondage vont mener dans les semaines qui viennent nous éclaireront sans doute un peu plus sur cette question. Mais même s'il apparaît que le paysage politique a moins changé qu'on ne dit, cette élection est une défaite majeure du sarkozysme, tant sur le plan tactique (construire un parti unique de la droite) que sur le plan stratégique (détourner l'attention de la crise en lançant le débat sur l'identité nationale).
On a parlé de reconfiguration. Il sera intéressant de voir comment se distribuent les voix d'Europe Ecologie et du Front National sur le territoire, le premier étant semble-t-il plus urbain, quand l'autre maintient ses positions dans les zones rurales et semi-rurales, reprenant ainsi le vieux clivage entre une France des villes moderne tentée par un libéralisme modéré et une France des campagnes traditionnelle sensible au populisme interventionniste.
Le scrutin de la semaine prochaine et les enquêtes que les instituts de sondage vont mener dans les semaines qui viennent nous éclaireront sans doute un peu plus sur cette question. Mais même s'il apparaît que le paysage politique a moins changé qu'on ne dit, cette élection est une défaite majeure du sarkozysme, tant sur le plan tactique (construire un parti unique de la droite) que sur le plan stratégique (détourner l'attention de la crise en lançant le débat sur l'identité nationale).
On a parlé de reconfiguration. Il sera intéressant de voir comment se distribuent les voix d'Europe Ecologie et du Front National sur le territoire, le premier étant semble-t-il plus urbain, quand l'autre maintient ses positions dans les zones rurales et semi-rurales, reprenant ainsi le vieux clivage entre une France des villes moderne tentée par un libéralisme modéré et une France des campagnes traditionnelle sensible au populisme interventionniste.
L'église, l'enfance, l'éducation
La tourmente pédophile qui a envahi l'église catholique a suscité le retour de la question du célibat des prêtres qui serait, d'après Hans Küng et bien d'autres, pour partie responsable des dérives de tant de prêtres. La plupart des débats semblent se focaliser sur cette question, qui devrait rester de l'ordre du droit canon (et est certainement plus complexe comme le montre Stéphane Joulain dans cette excellente libre-opinion publiée dans Le Monde. Il me semble qu'il en est une autre, qui mériterait plus de réflexion : la place de l'église catholique (mais aussi, sans doute, d'autres églises) dans l'éducation des enfants dans de nombreux pays. C'est, en effet, cette place qui est aujourd'hui directement mise en cause. Peut-on confier ses enfants à une institution qui les a si longtemps maltraités? sexuellement, comme le montrent toutes ces affaires de pédophilie, mais aussi physiquement.
On sait que le frère du pape a été accusé de violences à l'égard des enfants du choeur qu'il animait. Violences banales il n'y a pas si longtemps et dont j'ai trouvé, ce week-end, un nouveau témoignage dans un livre écrit pour sa famille et ses proches par un ami d'ami. Son auteur, Christian de Jonquières, qui n'a rien d'un révolutionnaire, bien au contraire, y raconte, sans s'appesantir, ses années de collège dans des institutions catholiques au lendemain de la seconde guerre mondiale. Mais ce qu'il raconte est édifiant : "C'est un régime strict qui sévit à Saint-François de Salles. Nous portons des galoches de bois à longueur d'année et mangeons des petits pois écrasés tous les jours, survivance d'une cargaison de conserves américaines (…) le chauffage ne fonctionne plus et il n'est pas rare de devoir casser de la glace dans les bacs sanitaires au petit matin. (…) En hiver, l'indiscipline est punie de tours de piscine, un bassin détruit par les bombes en 1944 mais auquel les pères jésuites donnent une nouvelle utilité : à chaque passage devant le surveillant, nous recevons un coup de règle en acier sur les doigts." (C. de Jonquières, Tenir, ne pas faillir, La septième page).
La violence était chose courante dans les écoles catholiques dans les années cinquante (bien plus que dans les écoles publiques qui ne l'ignoraient pas non plus). Sa révélation va ajouter au discrédit de l'Eglise catholique dans un domaine majeur pour elle. L'école était en effet, dans beaucoup de pays et de milieux, la source de son pouvoir sur les âmes qu'elle formait. C'est cela qui est en jeu dans toutes ces affaires. Bien plus que le célibat des prêtres.
On sait que le frère du pape a été accusé de violences à l'égard des enfants du choeur qu'il animait. Violences banales il n'y a pas si longtemps et dont j'ai trouvé, ce week-end, un nouveau témoignage dans un livre écrit pour sa famille et ses proches par un ami d'ami. Son auteur, Christian de Jonquières, qui n'a rien d'un révolutionnaire, bien au contraire, y raconte, sans s'appesantir, ses années de collège dans des institutions catholiques au lendemain de la seconde guerre mondiale. Mais ce qu'il raconte est édifiant : "C'est un régime strict qui sévit à Saint-François de Salles. Nous portons des galoches de bois à longueur d'année et mangeons des petits pois écrasés tous les jours, survivance d'une cargaison de conserves américaines (…) le chauffage ne fonctionne plus et il n'est pas rare de devoir casser de la glace dans les bacs sanitaires au petit matin. (…) En hiver, l'indiscipline est punie de tours de piscine, un bassin détruit par les bombes en 1944 mais auquel les pères jésuites donnent une nouvelle utilité : à chaque passage devant le surveillant, nous recevons un coup de règle en acier sur les doigts." (C. de Jonquières, Tenir, ne pas faillir, La septième page).
La violence était chose courante dans les écoles catholiques dans les années cinquante (bien plus que dans les écoles publiques qui ne l'ignoraient pas non plus). Sa révélation va ajouter au discrédit de l'Eglise catholique dans un domaine majeur pour elle. L'école était en effet, dans beaucoup de pays et de milieux, la source de son pouvoir sur les âmes qu'elle formait. C'est cela qui est en jeu dans toutes ces affaires. Bien plus que le célibat des prêtres.
dimanche, mars 14, 2010
Elections régionales : vues des Etats-Unis
Art Goldhammer vient de publier un intéressant essai sur les élections régionales. Il l'écrit alors que les bureaux de vote ne sont pas ouverts, ce qui lui ajoute un certain charme.
Cet essai nous donne une vision d'ailleurs de notre vie politique, vision d'un observateur qui s'y intéresse plus que la majorité des Français. Plusieurs de ses analyses me paraissent pertinentes, notamment sur ce qu'il dit du Modem et du NPA : "MoDem and NPA were essentially vehicles of their leaders, which were propelled by the perception that the best way to stop an hyperprésident was to find anhyperopposant: a strong personality with a potent media presence capable of giving voice to voter discontent. I'm not sure that either Bayrou or Besancenot ever really filled that role. Both emerged faute de mieux. Bayrou became the choice of desperate voters convinced at the last minute that Royal was not going to be able to stop Sarkozy. Besancenot expanded briefly into the vacuum left by the Socialist collapse and was further inflated by the media. Neither has proved persuasive in the longer run." A une nuance près : je ne crois pas que les voix de Bayrou aient été le fait d'électeurs qui craignaient que Ségolène Royal ne puisse arrêter Nicolas Sarkozy mais plutôt d'électeurs de gauche qui ne voulaient pas de Ségolène Royal pour différents motifs, le premier étant sans doute sa personnalité incontrolable.
Je suis moins en accord avec ce qu'il dit d'Europe Ecologie : "Of course neither (of its leaders, Cohn-Bendit & Duflot)is un présidentiable (though Duflot might become one), and that is the problem for Europe Écologie in the longer run. The Fifth Republic is, like it or not, a presidential system, and a third force means little at the national level unless it can contend in the presidential arena." Plutôt qu'un problème, je dirais que c'est une chance. Art ne mesure sans doute pas combien nous sommes agacés par cette "présidentialite" qui a saisi tous nos politiques, même les plus improbables, et révèle à nu leurs ambitions, comme si nous étions là, nous électeurs, pour satisfaire les ambitions des uns ou des autres. Je dirai même que cette présidentialite est pour beaucoup dans la désaffection des électeurs. Qui peut vraiment prendre au sérieux les combats entre Villepin et Copé pour succéder à Sarkozy ou à ceux entre Vals, Moscovici & alii pour s'imposer face à Ségolène Royal, Laurent Fabius ou Martine Aubry?
Bien loin d'être un handicap, l'absence de présidentiable donne à Europe Ecologie la possibilité de travailler, de mener campagne sur des sujets qui intéressent plutôt que sur des personnalités. Et c'est ce dont nous avons besoin.
La nature ayant horreur du vide, les écologistes trouveront d'ici les prochaines échéances présidentielles, quelqu'un pour porter leur drapeau, mais le plus tard sera le mieux. Ne serait-ce que parce que leurs idées ne font plus l'unanimité et commencent à cliver assez profondément la société. Le temps de l'unanimisme écologique est sans doute en train de passer. Ils ont intérêt à se battre sur le terrain des idées s'ils veulent avoir une chance de participer au pouvoir autrement qu'en faisant de la configuration.
Cet essai nous donne une vision d'ailleurs de notre vie politique, vision d'un observateur qui s'y intéresse plus que la majorité des Français. Plusieurs de ses analyses me paraissent pertinentes, notamment sur ce qu'il dit du Modem et du NPA : "MoDem and NPA were essentially vehicles of their leaders, which were propelled by the perception that the best way to stop an hyperprésident was to find anhyperopposant: a strong personality with a potent media presence capable of giving voice to voter discontent. I'm not sure that either Bayrou or Besancenot ever really filled that role. Both emerged faute de mieux. Bayrou became the choice of desperate voters convinced at the last minute that Royal was not going to be able to stop Sarkozy. Besancenot expanded briefly into the vacuum left by the Socialist collapse and was further inflated by the media. Neither has proved persuasive in the longer run." A une nuance près : je ne crois pas que les voix de Bayrou aient été le fait d'électeurs qui craignaient que Ségolène Royal ne puisse arrêter Nicolas Sarkozy mais plutôt d'électeurs de gauche qui ne voulaient pas de Ségolène Royal pour différents motifs, le premier étant sans doute sa personnalité incontrolable.
Je suis moins en accord avec ce qu'il dit d'Europe Ecologie : "Of course neither (of its leaders, Cohn-Bendit & Duflot)is un présidentiable (though Duflot might become one), and that is the problem for Europe Écologie in the longer run. The Fifth Republic is, like it or not, a presidential system, and a third force means little at the national level unless it can contend in the presidential arena." Plutôt qu'un problème, je dirais que c'est une chance. Art ne mesure sans doute pas combien nous sommes agacés par cette "présidentialite" qui a saisi tous nos politiques, même les plus improbables, et révèle à nu leurs ambitions, comme si nous étions là, nous électeurs, pour satisfaire les ambitions des uns ou des autres. Je dirai même que cette présidentialite est pour beaucoup dans la désaffection des électeurs. Qui peut vraiment prendre au sérieux les combats entre Villepin et Copé pour succéder à Sarkozy ou à ceux entre Vals, Moscovici & alii pour s'imposer face à Ségolène Royal, Laurent Fabius ou Martine Aubry?
Bien loin d'être un handicap, l'absence de présidentiable donne à Europe Ecologie la possibilité de travailler, de mener campagne sur des sujets qui intéressent plutôt que sur des personnalités. Et c'est ce dont nous avons besoin.
La nature ayant horreur du vide, les écologistes trouveront d'ici les prochaines échéances présidentielles, quelqu'un pour porter leur drapeau, mais le plus tard sera le mieux. Ne serait-ce que parce que leurs idées ne font plus l'unanimité et commencent à cliver assez profondément la société. Le temps de l'unanimisme écologique est sans doute en train de passer. Ils ont intérêt à se battre sur le terrain des idées s'ils veulent avoir une chance de participer au pouvoir autrement qu'en faisant de la configuration.
jeudi, mars 11, 2010
Longuet : le communautarisme en marche
En disant qu'il valait mieux nommer quelqu'un du "corps français traditionnel" plutôt que Malek Boutih à la tête de la Halde, Gérard Longuet a fait bien pire que Hortefeux et ses blagues imbéciles. Et à l'accuser de racisme, ce dont il n'est probablement pas plus coupable que beaucoup d'autres, la gauche commet une erreur. Longuet, d'une seule phrase, a fait considérablement avancer la cause de ce communautarisme dont ses amis politiques accusent en permanence les musulmans et les gens des quartiers pauvres.
Il a, d'abord, inventé une communauté, celle du "corps français traditionnel", communauté aux frontières mal définies, puisqu'il semble qu'elle comprend les enfants d'Italiens et Marocains, mais pas semble-t-il ceux d'Algériens.
Il a, ensuite, imaginé une nouvelle méthode de sélection des responsables d'institutions publiques : non plus la compétence, la légitimité, l'expérience… mais l'origine ethnique. Il y a des postes qui seraient interdits aux enfants d'immigrés d'Afrique du Nord parce qu'originaires d'Afrique. Ses propos étaient sans équivoque : "La Halde, cela veut dire que c'est la France qui s'ouvre aux populations nouvelles. Schweitzer, c'est parfait ! Un vieux protestant, parfait ! La vieille bourgeoisie protestante, parfait !" ; "Si vous mettez quelqu'un de symbolique, extérieur, vous risquez de rater l'opération".
Cela existe ailleurs. Au Liban, par exemple. Mais nous avions jusqu'à présent échappé à cela.
Devant le scandale, Gérard Longuet a parlé de maladresse. Mais en est-ce une? N'est-ce pas plutôt une idée qui fait son chemin dans quelques têtes. Et pas forcément dans celles des plus racistes. Parce que lorsque Longuet dit que "que c'est la France qui doit s'ouvrir à l'extérieur", il n'a pas tort.
Il a, d'abord, inventé une communauté, celle du "corps français traditionnel", communauté aux frontières mal définies, puisqu'il semble qu'elle comprend les enfants d'Italiens et Marocains, mais pas semble-t-il ceux d'Algériens.
Il a, ensuite, imaginé une nouvelle méthode de sélection des responsables d'institutions publiques : non plus la compétence, la légitimité, l'expérience… mais l'origine ethnique. Il y a des postes qui seraient interdits aux enfants d'immigrés d'Afrique du Nord parce qu'originaires d'Afrique. Ses propos étaient sans équivoque : "La Halde, cela veut dire que c'est la France qui s'ouvre aux populations nouvelles. Schweitzer, c'est parfait ! Un vieux protestant, parfait ! La vieille bourgeoisie protestante, parfait !" ; "Si vous mettez quelqu'un de symbolique, extérieur, vous risquez de rater l'opération".
Cela existe ailleurs. Au Liban, par exemple. Mais nous avions jusqu'à présent échappé à cela.
Devant le scandale, Gérard Longuet a parlé de maladresse. Mais en est-ce une? N'est-ce pas plutôt une idée qui fait son chemin dans quelques têtes. Et pas forcément dans celles des plus racistes. Parce que lorsque Longuet dit que "que c'est la France qui doit s'ouvrir à l'extérieur", il n'a pas tort.
mercredi, mars 10, 2010
Une rumeur, un mariage, un amant, une maitresse…
C'est en lisant le blog de l'excellent Arthur Godhammer qui écrit sur la France depuis les Etats-Unis que j'ai eu vent de la rumeur sur les amours extra-conjugales de Nicolas et Carla, rumeurs qui font la une d'une certaine presse américaine et qu'aurait publiées le Journal du Dimanche.
Je n'en dirai pas plus, chacun faisant en la matière ce qu'il souhaite sinon qu'il y a quelques années, cette rumeur aurait mis un certain temps à circuler, aurait fait les délices des dîners mondains avant de redescendre lentement les échelons de la société jusqu'à finir dans les cafétérias des entreprises. Ce temps béni où l'on pouvait se régaler d'en savoir un peu plus que les autres est terminé. Nous sommes les derniers informés. Ce qui ne nous empêchera pas, lors de nos prochains dîners, de rire sous cape, d'y voir l'occasion d'ajouter un peu de sel à ce qui est devenu l'un des jeux favoris des Parisiens : l'anti-sarkozysme primaire, basique, brutal. Mais de là à les condamner…
Je n'en dirai pas plus, chacun faisant en la matière ce qu'il souhaite sinon qu'il y a quelques années, cette rumeur aurait mis un certain temps à circuler, aurait fait les délices des dîners mondains avant de redescendre lentement les échelons de la société jusqu'à finir dans les cafétérias des entreprises. Ce temps béni où l'on pouvait se régaler d'en savoir un peu plus que les autres est terminé. Nous sommes les derniers informés. Ce qui ne nous empêchera pas, lors de nos prochains dîners, de rire sous cape, d'y voir l'occasion d'ajouter un peu de sel à ce qui est devenu l'un des jeux favoris des Parisiens : l'anti-sarkozysme primaire, basique, brutal. Mais de là à les condamner…
Poste : une réforme qui éloigne les clients?
Je m'étais il y a quelques semaines moqué de la nouvelle organisation des bureaux de poste (La poste innove et redécouvre les guichets des années 60). Je réagissais alors au démarrage un peu chaotique de cette réforme dans l'un des bureaux de postes que je fréquente régulièrement à Paris, rue des Saint-Pères. Depuis mes craintes de voir se multiplier les queues se sont révélées fausses. Ces bureaux de postes renouvelés sont presque toujours vides. Il n'est pas rare d'y croiser plus de postiers que de clients. Intrigué, j'ai interrogé ce matin un des agents qui m'a confirmé la chute de la fréquentation. Celui du boulevard Raspail qui recevait en moyenne 600 visiteurs par jour n'en reçoit plus que de 450 à 500. La chute serait plus prononcée encore rue des Saints-Pères. Son explication : cette organisation qui fait une large place aux automates chasse une partie des clients. J'imagine qu'on peut en avancer d'autres (transfert d'une série d'opérations sur internet, transfert du courrier d'entreprise vers d'autres opérateurs, concurrence du courrier électronique, modification des comportements des clients…). La réorganisation aurait pu, dans ces conditions, n'être qu'un révélateur d'une tendance de fond Mais on peut craindre, si elle se confirme, une modification en profondeur du réseau qui conduira, sous couvert d'optimisation, à la fermeture de bureaux ou, plutôt, à leur transformation en bureaux automatiques à l'image de ce que l'on voit d'ores et déjà dans de nombreuses banques.
lundi, mars 08, 2010
La fin des cotisations sociales sur les saisonniers…
Nicolas Sarkozy a donc annoncé au Salon de l'Agriculture que les employeurs ne paieraient plus de cotisations sociales pour les saisonniers. Ce qui devrait permettre d'en baisser le coût. L'information circule, personne ne réagit. Je veux bien, mais enfin, ces cotisations avaient bien un usage (assurance maladie, chômage ou vieillesse). Si les employeurs ne les paient plus, et comme on ne parle pas de supprimer les prestations aux saisonniers, il va bien falloir que quelqu'un paie. Mais qui? L'Etat sans doute qui va se substituer aux employeurs. Ce qu'il ne peut faire qu'en creusant un peu plus son déficit (mais on nous dit que ce n'est pas souhaitable), en augmentant les impôts (mais on nous dit que c'est impossible) ou, dernière solution très à la mode, en réduisant les prestations au nom de la rationalité économique : "nos systèmes sociaux sont en déficit, cela ne pourra pas durer éternellement…"
Il y a dans tout cela quelque chose de profondément malsain. Pour satisfaire une clientèle électorale qui souffre, un Medef qui n'est jamais content, les pouvoirs publics réduisent en permanence les cotisations sociales. A défaut de pouvoir augmenter les impôts et de creuser plus les déficits ils se résignent à trancher dans les prestations sociales, les retraites, les remboursements maladie (on parle de revoir les conditions de remboursement des affections longue durée, c'est-à-dire des cancers et autres maladies qui ne laissent pas beaucoup de chance). Si encore cela créait des emplois ou en sauvait. Mais chacun voit bien que ce n'est pas le cas. Mais le présent des revendications de quelques uns vaut bien une dégradation des conditions futures de tous.
Il y a dans tout cela quelque chose de profondément malsain. Pour satisfaire une clientèle électorale qui souffre, un Medef qui n'est jamais content, les pouvoirs publics réduisent en permanence les cotisations sociales. A défaut de pouvoir augmenter les impôts et de creuser plus les déficits ils se résignent à trancher dans les prestations sociales, les retraites, les remboursements maladie (on parle de revoir les conditions de remboursement des affections longue durée, c'est-à-dire des cancers et autres maladies qui ne laissent pas beaucoup de chance). Si encore cela créait des emplois ou en sauvait. Mais chacun voit bien que ce n'est pas le cas. Mais le présent des revendications de quelques uns vaut bien une dégradation des conditions futures de tous.
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