A lire les commentaires de Libération sur le dernier sondage Viavoice pour ce journal qui montre une nouvelle chute de popularité du chef de l'Etat (64% d'opinions négatives), on peut se demander si cette réforme tant voulue ne sera pas fatale au chef de l'Etat. Il est vrai qu'elle est terriblement mal partie.
Balladur et Fillon avaient su nous convaincre, lors des précédentes réformes, qu'il était juste de modifier le système des retraites tant nous risquions de faire du tort aux générations futures. Argument typiquement utilitariste (si on fait la somme des peines et plaisirs des générations successives…) que l'on n'entend plus beaucoup aujourd'hui.
Le débat s'est porté sur la justice au sein des générations actuelles, entre ceux qui ne souffriront pas de ces réformes (parce qu'ils ont un capital, la possibilité de travailler plus longtemps…) et ceux, beaucoup plus nombreux, qui en souffriront. Et sur ce champ de la justice, la position gouvernementale est beaucoup plus difficile à tenir. Ne serait-ce que parce qu'il suffit de se reporter à son vécu pour voir que cette réforme ne peut que dégrader les conditions de la majorité des retraités. Il n'est pas besoin d'aller chercher très loin. Nous savons tous d'expérience :
- que l'age d'entrée dans le monde du travail est en permanence retardé (allongement des études, difficulté de trouver un premier emploi) alors même que l'âge de départ de la vie active reste désespérément bas : les entreprises ne recrutent pas de seniors et chacun devine que c'est pour de "bonnes raisons" (dans un monde de renouvellement rapide des technologies, il est difficile d'échapper au turn-over des compétences) : il sera donc de plus en plus difficile de cotiser assez longtemps pour toucher une pension pleine,
- que le travail fatigue et use : si les salariés sont si heureux de partir tôt à la retraite, ce n'est pas qu'ils sont paresseux mais qu'ils n'en peuvent plus, physiquement, mais aussi mentalement : la structure hiérarchique de nos organisations use! Retarder l'âge légal du départ en retraite ne peut que pénaliser ceux qui auront eu la chance de commencer de cotiser suffisamment (c'est-à-dire, pour l'essentiel, ceux qui ont commencé de travailler tôt).
L'un des résultats les plus significatifs de ce sondage est le comportement des plus jeunes : 67% des 18-24 ans sont hostiles au report de l'âge légal. Résultat surprenant si l'on songe qu'ils en sont très loin, mais que l'on comprend mieux si l'on tient compte de leur double inquiétude :
- des salariés qui restent plus longtemps au travail risquent de rendre plus difficile une entrée déjà très difficile sur le marché du travail,
- la multiplication des retraites incomplètes de leurs parents devrait les forcer à aider ceux dont les revenus seront insuffisants.
Si cette réforme donne tant le sentiment d'injustice, c'est que chacun que devine que c'est l'équilibre entre générations qu'elle risque de profondément modifier. Sous couvert de régler un problème comptable, c'est la conception du dernier âge de la vie qui est en passe de profondément changer. On associait hier facilement la retraite à un certain confort de vie, on pourrait très bien l'associer demain à la pauvreté. On voit, d'ailleurs, se mettre en place toute une série de mécanismes conçus pour permettre aux plus âgés de compenser des retraites trop faibles :
- possibilité donnée aux retraités de poursuivre une activité professionnelle tout en touchant leur retraite,
- création du statut d'auto-entrepreneur qui permet de travailler sans facturer la TVA (ce qui en gros veut dire sans faire de comptabilité) jusqu'à 30 000€ de chiffre d'affaires annuel, de quoi arrondir des pensions trop faibles chez les plus jeunes retraités,
- développement des offres de viager hypothécaire qui permettent de recevoir un capital ou une rente en hypothéquant un bien immobilier.
C'est un modèle qu'on trouve ailleurs dans le monde. Il n'est pas sûr que l'importer chez nous soit la meilleure idée.
PS J'en profite pour signaler la sortie, aux éditions Connaissances et Savoirs, d'un livre collectif dirigé par Dan Sylvain et Joerg Tremmel : Générations équitables, auquel j'ai donné une contribution sur ce sujet : Réforme des retraites : entre justice inter et intragénérationnelle.
1 commentaire:
et personne ne dit vraiment que le système est pourri à la base et de fait est une sorte d'arnaque à la cavalerie :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Escroquerie#Cavalerie
la seule solution à mon avis est une retraite par capitalisation individuelle, garantie par une et une seule caisse gérée par l'état (pas un fond de pension).
(il faudrait aussi repenser nos modes de vie au fil des ages mais là c'est un chantier utopique !)
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