Tout occupés par les affaires françaises et la personnalité extravagante de Nicolas Sarkozy, nous en oublions presque de voir ce qui se trame autour de nous. Dans les réunions que les grandes banques organisent pour leur personnel dans les ambassades qu'elles louent (tout récemment celle d'Italie pour la BNP-Paribas, ce qui dit mieux que bien d'autre chose où est aujourd'hui le pouvoir) des économistes réputés expliquent que l'Euro est en très mauvaise forme, qu'on ne peut exclure le départ de l'Allemagne ou (version plus soft) celle des pays en grande difficulté. Ce qui affole, comme de juste, les banquiers. On pourrait, on devrait également, s'inquiéter de la manière dont les mesures d'austérité prises un peu partout en Europe, en Grande-Bretagne, en Irlande, en Grèce, au Portugal, détricotent brutalement notre modèle social.
Pour la plupart de ces pays, tout cela peut être imputé à la crise, pour d'autres, comme la Grande-Bretagne, la lutte contre les déficits liés à la crise ne saurait cacher le projet profondément conservateur du pouvoir en place. Il y a dans toutes ces mesures d'austérité une forte dimension idéologique que souligne le rôle que joue la presse financière dans le déclenchement des bourrasques (voir ici le papier de Jean Quatremer, le correspondant de Libé à Bruxelles)
La France, pour l'instant, résiste. Parce que ses banques sont plus solides que d'autres, parce que la productivité de ses industries est bonne, parce qu'elle n'a pas connu de bulle immobilière même si les prix de l 'immobilier parisien sont devenus fous (les prix dans le reste de la France, dans les villes moyennes, n'ont pas progressé de manière extravagante) parce qu'enfin les organisations syndicales savent lorsque nécessaire montrer leurs muscles (même si l'on peut craindre que leur défaite en rase campagne lors de la réforme des retraites ne réduise ce pouvoir).
La réforme des retraites n'était que roupie de sansonnet à coté de ce que vivent nos voisins. Mais pourra-t-on longtemps conserver ce modèle s'il est démantelé chez nos voisins? Surtout si les marchés financiers commencent à douter de la France et pensent comme Nouriel Roubini que nos finances publiques ne sont pas "en bien meilleur état" que celles de pays surendettés comme la Grèce ou l'Irlande. Ce n'est pas certain. Ce l'est d'autant moins qu'il n'est pas nécessaire d'envisager le pire des scénarios pour voir ce modèle se déliter. Il suffirait que les Français perdent confiance dans la capacité de l'Etat à les protéger (de la maladie, de la vieillesse…) pour qu'ils adoptent des comportements qui aggravent les difficultés des institutions sociales (fuite devant l'impôt…). Rendre confiance en la capacité de l'Etat à assurer ses missions traditionnelles de protection sociale est dans ce contexte important. Le projet sur la prise en charge de la dépendance, s'il est bien mené, peut y contribuer.
1 commentaire:
Totalement d'accord sur la gravité de la menace aux systèmes sociaux, pas seulement en France mais partout en Europe. Je voudrais tout simplement constater qu'ici aux États-Unis le problème parait bien plus profond, d'abord parce que notre système souffre de lancunes majeures, mais aussi parce que le consensus pour de tels agences étatiques est de plus en plus absent de notre politique. Il nous faut l'exemple européen de solidarité sociale--sans lequel on s'approche à l'abysse Palinienne.
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