Si la victoire du non est une véritable défaite pour la gauche démocrate, réformiste, social-démocrate comme on dit, celle qui, en un mot, a l’ambition de gouverner pour créer une société moins inégalitaire qui se préoccupe plus du bien-être de chacun, c’est une splendide victoire pour l'extrême-gauche qui avait déjà battu Jospin aux dernières élections présidentielles.
La stratégie de cette extrême-gauche est assez simple, presque simpliste : affaiblir ses proches et faire gagner l’ennemi pour se renforcer. Lorsque la droite est au pouvoir, il lui est plus facile de mobiliser les électeurs de gauche que lorsqu’elle est dans l’opposition. Mieux vaut donc, en France, Chirac que Jospin et demain Sarkozy que Hollande (ou Fabius) à la tête de l’Etat. Et mieux vaut une Europe à la britannique, zone de libre-échange, qu’une Europe politique comme la souhaitaient les auteurs de la constitution.
Si tant de gens à gauche lui apportent leur voix, c’est qu’ils ne la prennent pas vraiment au sérieux. On vote pour l’extrême-gauche pour se défouler, pour dire sa colère comme d’autres votent pour le Front National ou les chasseurs. Mais comment peut-on éprouver de la sympathie pour des gens qui continuent de défendre à longueur de colonnes la dictature du prolétariat ? Dans un état démocratique, cela devrait immédiatement déconsidérer ceux qui continuent de la prôner.
Comment peut-on un instant tolérer que des communistes s’en prennent aux plombiers polonais quand pendant des décennies leur parti s’est fait le complice complaisant des dictatures à l’Est ? Dictatures qui furent, on a presque honte de le rappeler, abominables et que le PCF n’a jamais condamnées sinon du bout des lèvres (et encore !).
Comment peut-on admettre qu’Attac qui demande tous les matins que l’on annule la dette des pays du Tiers-Monde s’en prenne au libre-échange qui, seul, permettrait à ces pays endettés de rembourser leur dette ?
Comment peut-on, enfin, éprouver le moindre respect pour des militants socialistes qui ont rejeté le vote des militants de leur propre parti ?
On a trop souvent deviné le nationalisme et le populisme dans les argumentaires des partisans de gauche du non pour prendre ces dérives à la légère. L’inquiétude est d’autant plus justifiée qu’un sondage récent indique que 41% des électeurs de gauche qui ont voté non trouvent qu’il y a trop d’étrangers en France.
La gauche qui prétend gouverner, celle dont nous avons besoin, n’a plus besoin de se battre contre une droite qui a montré son incompétence et son incapacité à résoudre nos problèmes, elle doit concentrer ses forces contre la séduction idéologique d’une extrême-gauche populiste qui n’a qu’un objectif : lui faire perdre les élections pour mieux prospérer. Cette bataille doit se mener sur plan des idées, sur celui des projets, sur celui, également, des réalisations. Où sont donc les propositions de Besancenot-Buffet-Nikonoff? En quoi consistent-elles sinon à fermer les frontières, à abandonner l'euro, à revenir au monde d'hier ou d'avant-hier? celui dont peinent à sortir les pays de l'Est, Cuba ou pire encore la Corée.
On voit ici ou là des responsables de gauche tentés de se concilier l’extrême-gauche nationaliste et populiste. S’ils pensent pouvoir la convaincre de les aider à accéder au pouvoir, ils se trompent lourdement. Ils n’ont pas de prise sur des dirigeants qui n’ont aucune envie de devenir ministres. Leur position dans le jeu politique leur convient : elle leur apporte les bénéfices symboliques qu’ils en attendent et le pouvoir qu’ils exercent dans leurs organisations respectives leur suffit.
L’extrême-gauche n'est pas et ne peut être un allié fiable pour un parti qui souhaite revenir aux affaires. Ses programmes sont incohérents, ses projets irréalistes (qui peut une seconde prendre au sérieux la taxe Tobin? Même Tobin en riait), elle ne respecte aucune des règles de la démocratie et a toujours préféré la rue aux urnes. Elle devrait appartenir aux marges de la politique. C’est là qu’il faut la renvoyer.
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