vendredi, juin 17, 2005

Un monde anglo-saxon

Un monde anglo-saxon
Je viens de télécharger sur mon mac un widget, un de ces petits outils gratuits que l’on peut trouver sur le net et qui vous permettent de faire un million de choses (consulter directement l’annuaire des téléphones, la circulation dans Paris, traduire un mot de l’allemand, noter une chose à faier…). Celui-ci est développé par une entreprise qui a eu l’excellente idée de cartographier l’actualité : elle fabrique des cartes qui évaluent le poids des événements du jour (de l’heure…) selon l’importance que leur accorde la presse. C’est une bonne manière de représenter l’actualité. Et c’est, sur le plan technologique, une petite performance même s’il ne s’agit après tout que d’appliquer aux articles de presse une technique que les documentalistes et spécialistes du monde de la recherche connaissent bien (on calcule l’importance d’un papier au nombre de citations dans d’autres papiers scientifiques…). C’est donc un très bel outil qui n’a qu’un défaut : il n’analyse que des articles parus en anglais. Ceci pour de bonnes raisons qu’il serait stupide de critiquer : pour les ingénieurs qui avaient d’autres soucis, c’était évidemment plus simple. Reste que le monde que l’on nous montre est vu au travers de lunettes anglo-saxonnes. Ce qui donne des cartes étranges comme on peut en juger d’après cette liste où à coté de chaque nom de ville est associé un poids :
0. Baghdad (13%)
0. Washington (09%)
0. Gaza (07%)
0. Mosul (07%)
0. Moscow (06%)
0. London (06%)
0. Luxembourg (05%)
0. Pyongyang (05%)
0. Tehran (04%)
0. Brussels (04%)
0. Seoul (04%)
0. New York (03%)
0. Victoria (02%)
0. Berlin (02%)
0. Phnom Penh (01%)
0. Hong Kong (01%)
0. Guatemala (01%)
0. Delhi (01%)
0. New Delhi (01%)
0. Ankara (01%)
Pas besoin d’être grand clerc pour voir que cette hiérarchie correspond à celle des préoccupations, non pas de l’administration américaine, pas même de la presse américaine, mais de la presse qui utilise l’anglais comme langue.
Ce n’est pas la première fois que j’observe ce phénomène (voir, par exemple, une amorce d’analyse dans un texte publié il y a quelques années dans les Temps Modernes : quand les économistes veulent enchaîner la démocratie que l’on peut lire sur mon site : la domination modernes passe par d’étranges détours. Elle n’a plus besoin d’armes, de bombes et de soldats, il lui suffit de n’utiliser que la langue dominante pour effacer de la carte des zones entières. Il n’est même pas nécessaire de les détruire ou des les occuper militairement pour les soumettre à la loi du plus fort. J’ajouterai que ce n’est pas tellement surprenant : je me souviens, lycéen traduisant César, de m’être demandé ce que l’on savait de la Gaulle ou de la Germanie en dehors de ce qu’en disait le général romain. Je n’en sais toujours pas plus que ce qu’il en disait.

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