Dans un entretien donné à La Provence Henri Guaino explique qu'il ne doit pas y avoir de tabou, que l'on peut discuter en démocratie de tout et notamment de la place de la religion dans la société. "Il n'est, dit-il, absolument pas question de remettre en cause ni la lutte contre les sectes, ni la laïcité, mais dans une démocratie on doit pouvoir discuter de tout. À force d'être paralysé par les tabous, on finit par ne plus parler de rien. Dans la République, la possibilité de pratiquer sa religion quand on est croyant est une dimension essentielle de la citoyenneté. La laïcité, ce n'est pas le combat contre les religions, c'est le respect de toutes les croyances. Il faut relire Jules Ferry et se souvenir de Jaurès, qui était socialiste, et qui disait : "Prononcer le mot Dieu ne me fait pas peur." Sans doute, mais plusieurs motifs devraient aujourd'hui nous éviter de relancer le débat sur la laïcité. J'en vois au moins 7 :
- la loi de 1905 n'est aujourd'hui contestée par personne, sinon, semble-t-il par le Président de la République. Aucune autorité religieuse, aucun parti politique, que ce soit à droite ou à gauche, ne la conteste. Même les conflits sur l'enseignement se sont éteints. Il n'y a pas de demande sociale pour revenir dessus. Pourquoi en créer une de manière artificielle?
- le système que cette loi a créé fonctionne de manière satisfaisante. Il a contribué à limiter la constitution de ghettos et le développement de réflexes communautaires : la création d'un ghetto commence lorsque les pouvoirs publics délèguent à des autorités communautaires, souvent religieuses, la police de leur quartier (exemple : la Grande-Bretagne, les Pays-Bas…). Le seul point qui pose problème est l'expression de l'appartenance religieuse dans l'espace des institutions publiques (école, contacts avec des usagers dans la fonction publique). Mais il doit être relativisé : la plupart des musulmanes (puisque c'est d'elle qu'il s'agit) l'ont accepté ;
- la laïcité est vécue par une majorité de Français comme une composante majeure de leur identité nationale à coté de la langue. C'est avec l'apprentissage du français, la première règle que l'on demande aux migrants de respecter. Pourquoi vouloir brouiller l'image que nous avons de nous-même? D'autres vivent avec d'autres règles et s'en accommodent? Soit, mais est-ce un motif pour changer ce qui nous convient ?
- la laïcité à la française a de nombreuses vertus : elle n'interdit à personne de croire ce qu'il souhaite, mais, en traçant une frontière entre le public et le privé, elle a évité la confusion des genres dans un grand nombre de domaines, la politique (voulons-nous vraiment d'un Président qui nous explique comment il a prié avant de prendre une décision grave?), l'enseignement, la science…
- cette règle structure profondément notre espace public et contribue au rôle de l'Etat dans la société française : nous confions à l'Etat des missions (enseignement, oeuvres caritatives, aides aux plus démunis) qui sont ailleurs déléguées à des institutions religieuses, comme en Allemagne où chacun doit payer un impôt religieux qui sert à financer les associations caritatives ;
- prétendre que les religions ont une autorité morale particulière est pour le moins contestable. Depuis Kant, les philosophes qui traitent de morale ont mis entre parenthèses la religion. Des sociétés a-religieuses ne respectent pas moins des règles morales que les sociétés religieuses ;
- les comportements réels des Eglises et leurs effets sur la vie quotidienne des uns et des autres invitent à se méfier de leur influence. Faut-il le rappeler? C'est au nom de Dieu que l'on commet des attentats suicide, que l'on interdit l'usage du préservatif dans des sociétés minées par le Sida, que l'on conteste le darwinisme… De manière plus générale, le bilan des Eglises dans les crises les plus graves du 20ème siècle est particulièrement maigre : on ne voit pas qu'elles se soient mieux comportées que le reste de la société ;
J'ajouterai pour conclure que voir la loi de 1905 remise en cause par un Président qui a divorcé deux fois et s'est remarié trois fois prêt à sourire. Peut-il pourrait-il s'imposer cette règle de fidélité que l'Eglise demande à tous les couples qu'elle marie.
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