Arthur Goldhammer s'interroge dans son excellent blog sur cette animosité que suscite Ségolène Royal à gauche. C'est une bonne question. Lorsqu'on l'interroge Ségolène Royal parle de misogynie, c'est une explication facile, mais sans doute fausse. Faut-il le rappeler, elle n'est pas la première dans ce cas. François Mitterrand en son temps, Laurent Fabius, plus récemment, ont également suscité des réactions très hostiles à gauche.
Sans doute est-ce que tous trois ont un parcours un peu similaire : venus de milieux de droite, ils se sont engagés à gauche. Les milieux sont différents : bourgeoisie provinciale pour Mitterrand, bourgeoisie cultivée et raffinée pour Fabius, droite catholique, autoritaire et traditionnelle pour Ségolène Royal. Mais tous trois ont conservé quelque chose de cette origine qui rappelle en permanence d'où ils viennent : les bonnes manières de Fabius, une certaine raideur chez Ségolène, des amitiés pour Mitterrand. Or, ce quelque chose leur fait doublement tort : cela fait douter de leur légitimité de gauche (un ouvrier sera toujours pour des néo-marxistes plus naturellement à gauche qu'un bourgeois) mais aussi de leur engagement. Quoiqu'ils fassent, il n'est pas complet puisqu'ils continuent de partager valeurs et comportements avec l'adversaire.
Ségolène a, de plus, sur ses deux prédécesseurs un handicap majeur : elle s'exprime mal en public, elle a du charisme mais elle n'est pas bon orateur alors que s'exprimer correctement, avec élégance et naturel, ce que faisait François Mitterrand, ce que fait Laurent Fabius dont les discours sans notes suscitent toujours autant d'admiration, est un atout majeur à gauche surtout pour qui est en décalage par rapport à l'image traditionnelle du militant de gauche : cela permet de séduire, de bluffer les intellectuels, les fonctionnaires, les professeurs, les journalistes, tous les faiseurs d'opinion qui peuvent juger en expert de l'habileté rhétorique d'un politique. Une belle langue est nécessaire pour réussir à gauche quand on n'a pas cette légitimité que donnent une naissance populaire ou l'appartenance à une corporation qui fait profession de servir l'intérêt général.
On dira que Ségolène Royal n'est pas la première à mal s'exprimer. Et l'on aura raison. Mais la comparaison avec d'autres est intéressante et instructive.
On se souvient des phrases alambiquées, très longues et parsemées de vocabulaire technocratique de Michel Rocard. Personne n'y comprenait rien, mais il en ressortait une impression de compétences, de connaissance des dossiers qui donnaient envie de lui faire confiance : lui comprenait, maîtrisait ce que nous ne comprenions pas.
Dominique Strauss-Khan ne s'exprime pas non plus très bien, mais ses discours donnent une impression d'intelligence qui fait oublier ses pataquès et autres faiblesses grammaticales.
Il n'y a rien de pareil chez Ségolène Royal. Ses défauts d'expression deviennent chez elle des faiblesses de caractère ou, pire encore, de ses capacités intellectuelles. La bravitude, joli mot-valise, qui prononcé par De Gaulle, Fabius ou Mitterrand aurait enchanté les journalistes, aurait porté à leur crédit (quelle invention! quelle liberté avec la langue avec les conventions!) est devenu, chez elle, barbarisme, objet de moquerie. Et pour un motif tout simple : personne n'a cru à un jeu de mot volontaire tant elle pratique l'à peu près dans son expression publique.
Parce qu'elle maltraite la langue, on la soupçonne de ne pas maîtriser ses dossiers et d'être incompétente. C'est naturellement injuste. Mais comment juger de l'authenticité et de la capacité d'un politique sinon par la manière dont il exprime ses vues?
3 commentaires:
Je me demande qui est le fin communicant qui a conseillé a Royal de ne pas en reparler à l apresse, histoire d'en finir avec la bravitude. Quand on voit l'extrait il paraît évident qu'elle l'entendait bien ainsi : une plaisanterie, peut être un reproche aux journalistes qui la tannent pour une petite phrase.
Le problême, c'est qu'il me semble que c'est précisément quand elle parle le plus clair qu'elle déplait.
Personnellement, ce qui me gêne chez Ségolène Royal, révérence gardée, c'est sa connerie. On peut être parfaitement éduqué, voir même posséder une certaine intelligence, et être totalement con. Le manque de programme, le discours plus populisant que populiste, ses archaïsmes, son côté bourgeois sont autant de repoussoirs pour l'électorat qu'elle espère conquérir.
La "gauche caviar" n'est qu'une bourgeoisie humaniste, qui, contrairement à la droite, libérale ou non, sait confusément qu'ailleurs, dans certaines banlieues et autres provinces éloignées, il existe des gens ne payant pas l'ISF. Cette "gauche", comme la droite, vient du même milieu, suit les mêmes études, possède la même culture que ses soit-disant ennemis.
On nous dit qu'il n'existe plus de clivage droite gauche. Dans les élites censées nous représenter, on ne peut que le constater. En fait, les élites ne représentent que la ploutocratie, et il n'existe plus de prise en compte réelle du reste de la population. La lutte des classes n'existe plus par manque de classes, mais parce que les pauvres ont perdu.
Et ce qui est affligeant chez Madame Royal, c'est la méconnaissance absolue des gens à qui elle prétend et/ou croit s'adresser( à des "vrais gens", ce terme voulant dire sans doute qu'eux sont faux, ou alors qu'il existe une représentation erronée de la population chez nos chers élus ).
L'animosité qu'elle suscite n'a pas d'autre source que celle que notre gentil nain autocrate commence à générer : la blessure que provoque le mépris. Dans le cas de la Charentaise, le mépris est à prendre dans son acception du XVIIème siècle , c'est à dire la non ou mauvaise prise en compte de l'autre, alors que dans le cas de notre guide présidentiel bien-aimé, il est à prendre au sens moderne de dédain.
@David Cochard D'accord avec vous complètement
j'y rajouterai l'incompétence et un manque total
de projet .
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