Je rentre de Montréal où je viens de passer une quinzaine de jours à faire des conférences et à participer à différentes activités et culturelles (d'où mon silence ici). J'ai été frappé par le nombre de Français qu'on y rencontre. Il y en aurait 80 000 à Montréal (et plus de 100 000 dans tout le Québec) et seraient de 3 à 4000 à s'y installer chaque année d'après le Consulat général de France au Québec. J'avais déjà eu le même sentiment à Londres où vivraient près de 300 000 Français. Mais pourquoi émigrent-ils donc?
On remarquera qu'ils choisissent des destinations "faciles" : Londres est tout proche, on parle français à Montréal, la vie culturelle est dans ces deux villes riche et voisine de celle que l'on connaît à Paris. Le choc est dans les deux cas faible. Mais tout de même : pourquoi sont-ils si nombreux à partir?
La plupart de ceux que j'ai rencontrés étaient jeunes et venus volontairement (à la différence de la génération d'avant qui semble s'être installée après une expérience comme coopérant, une histoire sentimentale…) pour faire leurs études ou travailler, souvent dans la restauration.
Ce n'est ni le climat (Dieu qu'il fait froid à Montréal) ni la beauté de la ville (vraiment laide) qui les attirent à Montréal. Ce n'est certainement pas le système de santé, d'éducation ou de protection sociale qui les amènent à Londres. Des quelques conversations que j'ai eues avec des expatriés dans ces deux villes, c'est l'atmosphère, le sentiment de liberté, que beaucoup était encore possible alors que tout semble difficile à Paris qui les séduit. Tous sont très critiques de la France, de ses rigidités. Ils ont le sentiment de ne pas y avoir de futur. Un futur que leur offriraient la Grande-Bretagne ou le Canada.
Il y a dans cela probablement une part d'illusion parce que je ne vois pas qu'ils fassent de bien plus belles carrières là-bas qu'ici, mais ce désir de fuite dit sans doute beaucoup des blocages de notre société, de la reconstitution, à travers notre système scolaire d'une sorte d'aristocratie républicaine qui se réserve les places et rend improbable la promotion sociale.
Mais il est vrai qu'il y a au Québec (bien plus, soit dit en passant qu'en Grande-Bretagne) une sorte de simplicité dans les relations, dans les contacts, qui peut donner le sentiment que les choses y sont plus faciles et les rend peut-être telles. L'accueil est certainement plus chaleureux que chez nous, ne serait-ce que parce que les Québécois ne sont jamais avares de compliments (en cela, ils sont très américains). Combien de fois ne m'a-t-on dit que ce que je faisais était extraordinaire, un qualificatif que je crois n'avoir jamais entendu à propos de mon travail (qui ne le mérite certainement pas) en France?
1 commentaire:
Ce que vous avez entendu recoupe assez précisément ce que j'ai retiré de mes années à New York (plus éloignée de Paris que Londres, et où on parle moins français qu'à Montréal, mais où l'on trouve néanmoins quelques 60 000 Français).
Les deux reproches les plus souvent entendus à l'encontre de la France, dans la bouche de ces expatriés, sont le manque de mobilité sociale et de chaleur dans quotidiens au travail, dans les loisirs et même dans la rue.
Deux caractéristiques de la société française que les chercheurs Yann Algan et Pierre Cahuc ont lié, dans un essai paru en 2007, à ce qu'ils appellent "La société de défiance", minée par le manque de confiance entre ses membres.
Chaudement conseillé si vous le n'avez déjà lu.
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