Voilà l'ancien Président de France Telecom mis en examen pour harcèlement moral suite à la vague de suicides dans son entreprise. D'autres dirigeants, l'entreprise elle-même comme personne morale pourraient suivre. Cela participe d'une évolution de longue durée de la conflictualité dans le monde du travail. Depuis que les syndicats ne représentent plus grand monde, plusieurs leurs représentants ont choisi de poursuivre le combat sur le terrain juridique Les textes sur le harcèlement moral, utilisés ici, sont une de leurs meilleures armes. Mais on en vient, avec ces mises en examen, et les éventuelles condamnations qui pourraient suivre (condamné pour avoir poussé quelqu'un au suicide?) à une situation absurde.
Que les méthodes de management moderne, avec leur volonté d'obtenir des salariés qu'ils fassent volontairement ce que l'on attend d'eux (dans le cas de France Telecom, un départ négocié au mieux des intérêts de l'entreprise), leurs permanentes injonctions contradictoires, génèrent de la souffrance, c'est incontestable. Et que Lombard ait pratiqué un management particulièrement brutal est avéré (même chose, d'ailleurs, chez Renault ou cela a fini comme on sait). Mais de là à le poursuivre en justice pour incitation au suicide, il y a un pas. Rares sont malheureusement, ceux qui ont rappelé qu'il était, pour le moins, audacieux d'établir un rapport de causalité entre les conditions de travail et le suicide. Deux auteurs sont intervenus sur ce dossier, avec des arguments scientifiques solides : un statisticien, René Padieu, inspecteur honoraire de l'INSEE, qui a donné un court papier dans La Croix dans lequel il dénonçait un véritable délire collectif (on trouvera ici un entretien dans lequel il revient sur les réactions à ce papier) et un sociologue, François Vatin, professeur à Paris X, dans un article publié en 2011 dans la revue Commentaires (°134).
Leurs arguments peuvent être ainsi résumés :
- la mesure de la fréquence de l'incidence des conditions de travail sur la fréquence des suicides est, en l'état actuel de nos outils statistiques, difficile, voire impossible, -
on sait, cependant, que le suicide est fortement corrélé au chômage, ce qui signifie que le travail salarié "protège" du suicide,
- le taux de suicide moyen chez France Telecom est comparable à celui de la population française (après redressement pour tenir compte de l'effet âge, Padieu montre que le taux de suicide chez FT est inférieur à celui de la population française : "là où la suicidalité générale française laisserait attendre une vingtaine de suicides par an, il s’en produit 15 : une sursuicidalité à FT n’apparaît pas",
- il y aurait en France à peu près "400 suicides au travail" par an, ce qui représente 5% du nombre suicides. Pourcentage trop faible pour en faire un problème majeur de santé public,
- le sentiment de vague de suicides est lié au traitement médiatique de ces événements. Si la presse reprend systématiquement tous les cas de suicide dans une entreprise alors qu'elle n'informe sur les autres suicides, on a assez naturellement l'impression d'une épidémie, mais ce n'est qu'une illusion liée au grossissement.
Ils sont raisonnable et convaincants.
En mettant en examen Didier Lombard, la justice s'est, en tout cas, mise dans un bien mauvais cas. Si elle condamne les dirigeants de Frante Telecom, elle commettra une erreur lourde de conséquences : dés qu'une personne se suicidera, on pourrait dorénavant mettre en examen ses proches ou tous ceux avec lesquels elle était en conflit. Si elle abandonne les poursuites, elle passera pour complice, incapable d'aller jusqu'au bout. Il n'y aurait, pour se sortir de ce mauvais pas, qu'une solution : que la justice (ou le ministère du travail) commande à des statisticiens et à des sociologues (puisque depuis Durkeim ils s'occupent de ces questions) une étude approfondie.
Que les méthodes de management moderne, avec leur volonté d'obtenir des salariés qu'ils fassent volontairement ce que l'on attend d'eux (dans le cas de France Telecom, un départ négocié au mieux des intérêts de l'entreprise), leurs permanentes injonctions contradictoires, génèrent de la souffrance, c'est incontestable. Et que Lombard ait pratiqué un management particulièrement brutal est avéré (même chose, d'ailleurs, chez Renault ou cela a fini comme on sait). Mais de là à le poursuivre en justice pour incitation au suicide, il y a un pas. Rares sont malheureusement, ceux qui ont rappelé qu'il était, pour le moins, audacieux d'établir un rapport de causalité entre les conditions de travail et le suicide. Deux auteurs sont intervenus sur ce dossier, avec des arguments scientifiques solides : un statisticien, René Padieu, inspecteur honoraire de l'INSEE, qui a donné un court papier dans La Croix dans lequel il dénonçait un véritable délire collectif (on trouvera ici un entretien dans lequel il revient sur les réactions à ce papier) et un sociologue, François Vatin, professeur à Paris X, dans un article publié en 2011 dans la revue Commentaires (°134).
Leurs arguments peuvent être ainsi résumés :
- la mesure de la fréquence de l'incidence des conditions de travail sur la fréquence des suicides est, en l'état actuel de nos outils statistiques, difficile, voire impossible, -
on sait, cependant, que le suicide est fortement corrélé au chômage, ce qui signifie que le travail salarié "protège" du suicide,
- le taux de suicide moyen chez France Telecom est comparable à celui de la population française (après redressement pour tenir compte de l'effet âge, Padieu montre que le taux de suicide chez FT est inférieur à celui de la population française : "là où la suicidalité générale française laisserait attendre une vingtaine de suicides par an, il s’en produit 15 : une sursuicidalité à FT n’apparaît pas",
- il y aurait en France à peu près "400 suicides au travail" par an, ce qui représente 5% du nombre suicides. Pourcentage trop faible pour en faire un problème majeur de santé public,
- le sentiment de vague de suicides est lié au traitement médiatique de ces événements. Si la presse reprend systématiquement tous les cas de suicide dans une entreprise alors qu'elle n'informe sur les autres suicides, on a assez naturellement l'impression d'une épidémie, mais ce n'est qu'une illusion liée au grossissement.
Ils sont raisonnable et convaincants.
En mettant en examen Didier Lombard, la justice s'est, en tout cas, mise dans un bien mauvais cas. Si elle condamne les dirigeants de Frante Telecom, elle commettra une erreur lourde de conséquences : dés qu'une personne se suicidera, on pourrait dorénavant mettre en examen ses proches ou tous ceux avec lesquels elle était en conflit. Si elle abandonne les poursuites, elle passera pour complice, incapable d'aller jusqu'au bout. Il n'y aurait, pour se sortir de ce mauvais pas, qu'une solution : que la justice (ou le ministère du travail) commande à des statisticiens et à des sociologues (puisque depuis Durkeim ils s'occupent de ces questions) une étude approfondie.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire