Tout ce qui se passe autour du changement climatique a quelque chose de terriblement ironique. Pendant des années les écologistes technophobes (on me dit qu'ils ne le sont pas tous) nous ont expliqué qu'il fallait porter sur la place publique les questions techniques et scientifiques. Nucléaire, OGM, nanotechnologie méritaient un débat démocratique. Débat qu'il leur a été très difficile d'obtenir. Et voilà que sur un sujet sur lequel la science allait dans leur sens, la climatologie, le débat s'est installé à leurs dépens : le climato-scepticisme a fait ces dernières semaines des progrès foudroyants dans l'opinion. Il s'est installé comme ils auraient aimé que s'installât une critique du nucléaire, des nano-technologies, en public, à la télévision.
Or, on voit bien avec ces discussions sur le climat tous les défauts de cette discussion publique de questions scientifiques. Elle donne à quelques savants, réputés dans leur domaine qui n'est pas celui de la climatologie, la possibilité de contester, du haut de leur vraie-fausse légitimité scientifique, les résultats de leurs collègues. De le faire à la télévision leur donne un avantage considérable : on leur accorde 50% du temps d'audience (il faut bien que le débat soit équilibré), ce qui exagère considérablement leur importance ; on le fait devant une audience incapable de juger de la validité des arguments dans des discussions animées par des journalistes qui ne sont pas mieux capables de faire le tri entre le vrai et le faux. Ces mêmes discussions dans des enceintes scientifiques leur seraient beaucoup moins favorables.
Cette expérience nous rappelle une chose simple : les questions scientifiques ne relèvent pas du débat démocratique, encore moins de sa parodie télévisée, elles relèvent de procédures propres à la communauté scientifique. Le politique a son mot à dire, mais dans son champ qui n'est certainement pas celui de la vérité.
On aimerait (mais ce n'est qu'un brouillon) que les écologistes en prennent de la graine.
14 commentaires:
merci pour cette remarquable analyse. Je partage en tout point votre exaspération à propos de la tournure du débat sur le réchauffement climatique : la prime aux incompétents (dans le genre IPGP) ou carrément aux déments (Allègre, triste sire, qui est prêt à tout pour faire parler de son génie...). Mais je n'avais pas pensé à retourner la proposition comme vous le faites, en l'appliquant au nucléaire ou aux nano-technologies. Je ne crois pas que l'idée initiale des écolos était de susciter sur ces sujets un débat médiatique, plutôt des consultations du type de celles qui se pratiquent pour les grandes infrastructures. Néanmoins, l'omniprésence médiatique est évidemment une réalité dont il faut tenir compte.
Bonjour,
ce qui suit est en fait un brouillon d,article à paraitre bienôt, j,ai donc pris la liberté de l'envoyer sous une forme plus informelle sur votre blog. Compte tenu de son volume, je l'ai découpé en plusieurs morceaux. J'espère que cela ne vous crée pas d'inconvénient.
Merci
Joubine Eslahapzir
Première partie
Introduction
J’ai beaucoup aimé ces propos que vous venez d’écrire, et je m’y souscrits entièrement.
En fait, vous mettez le doigt sur un certain nombre de problèmes qui constituent les points douloureux des « temps modernes », autres que celui de Chaplin. Il s’agit des fantasmes de ces temps.
Les fondements de la nouvelle mystification
L’Occident qui a fini par faire mourir « Dieu », a érigé une multitude d’idoles à sa place, qui brillent de mille couleurs telles des « veaux d’or ».
Avant de jeter un coup d’œil sur ces fameux « veaux d’or », je voudrais mettre en parallèle les déclarations d’Allègre avec les propos d’un livre paru récemment en Australie. Il s’agit d’un essai devenu depuis peu un best-sellers, publié en 2009 au titre évocateur de : « Ciel et Terre, réchauffement climatique, la science en défaut » : Havent and Earth, Global Warming, The Missing Science (http://search.barnesandnoble.com/Heaven-and-Earth/Ian-Plimer/e/9781589794726).
Il a été tiré à plus de 25000 exemplaires et se vend comme de petits pains. L’auteur, Ian Plimer, est un géologue australien et je ne serai pas de tout étonné que Mr Allègre ait lu ce livre et en soit inspiré pour ses commentaires (approche professionnelle oblige).
Quatre observations m’interpellent concernant ce livre
1. La vente impressionnante du livre, nous verrons plus loin la signification de la vente importante de ce livre dans le premier « veau d’or » (Le peuple a toujours raison).
2. Le fait que l’auteur se pose comme un « scientifique », mais il ne s’agit nullement d’un climatologue ou un météorologiste, mais d’un géologue. En fait, il est hors de sa compétence mais comme pour se justifier, il écrit ceci « Je suis géologue. Nous autres géologues savons depuis toujours que le climat change au fil du temps. Là où nous différons de bien des gens qui soutiennent l’idée du réchauffement anthropogène, c’est sur notre appréciation de l’échelle. Ils ne s’intéressent qu’aux cent cinquante dernières années, alors que nous prenons en compte 4 567 millions d’années ».
Certes, cependant l’auteur en question oublie le fait que nous n’avons pas un problème géologique mais un problème climatique, et ce dernier n’est pas climatologue, pas plus que Mr Allègre. Et voila comment on noie le poisson…
D’ailleurs, c’est en lisant ce passage, que l’on comprend le titre même de l’ouvrage (Ciel et Terre) : l’auteur à défaut d’être climatologue (Ciel), pose la Terre comme le miroir du Ciel et étant donné qu’il est géologue (Terre), alors il connait sûrement le ciel (le Climat) ; et c’est ainsi qu’on sort des lapins du chapeau, ou encore mieux, on sort le Ciel de la Terre. Or, il ne suffit pas d’être un « scientifique », mais il faut surtout être un « scientifique du domaine en question » : un prix Nobel de biologie est un analphabète en physique et vice-versa. Ce phénomène est traité en partie dans l’un des « veaux d’or « (une science réincarnée).
2ème partie :
3. Ailleurs, l’auteur écrit ceci : « Ils (les climatologues) ne s’intéressent qu’aux cent cinquante dernières années, alors que nous prenons en compte 4 567 millions d’années ». En effet, quel moyen intéressant de discréditer la partie adverse en étalant la durée de son champ d’étude : il est vrai que 150 années compte pour rien face à 4 567 millions d’années. Ce dernier utilise une ruse de communication, très banale, mais d’une extrême efficacité. L’auteur en mettant les deux nombres côte à côte, essaie de discréditer les climatologues, aussi bien sur le plan scientifique que celui de la comparaison inter-disciplinaire : puisque les géologues s’intéressent à des millions d’années (sic), alors forcément ils comprennent mieux les choses, beaucoup mieux que les climatologues qui ne voient que le bout de leur nez (150 ans).
3ème partie :
4. L’auteur fait une autre réflexion très évocatrice de son état d’esprit : « Il y a trente ans, si vous aviez demandé à des scientifiques ou à des médecins d’où venaient les ulcères à l’estomac, ils vous auraient tous fait la même réponse : les ulcères venaient de l’acide produit par un excès de stress, bien sûr. Tous, sauf deux chercheurs, qui ont été cloués au pilori pour leur théorie aberrante selon laquelle les ulcères étaient causés par une bactérie. En 2005, ils ont obtenu le prix Nobel. Le « consensus » se trompait ». Très intéressant commentaire, sauf qu’il s’agit d’une erreur en terme de philosophie de science, comme nous allons le voir en ce qui suit :
En effet, l’auteur fait référence à Helicobacter pylori responsable d’ulcères d’estomac et du duodénum, sauf que cette découverte est très récente. Helicobacter pylori a été découverte seulement en 1982! Cela signifie qu’avant cette date, l’existence de cette bactérie n’était même pas soupçonnée. Et ce n’est qu’en 1991 que le premier article la mettant en cause dans l’ulcère gastrique a été publié (Nomura A, Stemmermann GN, Chyou PH, Perez-Perez GI, Blaser MJ. Helicobacter pylori infection and the risk for duodenal and gastric ulceration. Ann Intern Med. 1994 Jun 15;120(12):977-81). Cela signifie qu’entre la découverte de la bactérie et sa mise en cause dans la pathologie en question, il ne s’est déroulé que neuf ans, ce qui est extrêmement court pour la mise en évidence et l’acceptation d’une découverte scientifique si bouleversante. Dans la plupart des cas, il y a une intuition, suivie d’une culture en labo, suivie d’un modèle animal, et en fin de compte de longues études épidémiologiques. Et même là, même après la publication d’articles scientifiques, on n’est pas sûr et certain à 100%, il peut s’agir d’un facteur favorisant, etc. Voila, ce n’est pas la peine de faire passer les pathologistes qui ont « résisté » à ce nouveau paradigme pour des gens de mauvaise foi, juste parce qu’il fallait du temps pour en être sûr, pour une découverte scientifique si majeure.
En outre, l’origine acide de l’ulcère n’est pas parallèle à la découverte de la bactérie en question. L’idée selon laquelle l’acide serait à l’ origine d’ulcère gastrique est une idée tellement ancienne, qu’il est difficilement possible d’en identifier la genèse. Il ne s’agit donc nullement d’une théorie parallèle à celle d’origine bactérienne, comme l’auteur veut bien nous le faire croire. L’origine bactérienne est venue remplacer, se substituer à une ancienne version de l’origine de la maladie. Nous sommes donc en présence d’un changement paradigmatique (Kuhn) : l’ancienne théorie n’arrive plus à satisfaire les anomalies qui se multiplient autour d’elle et finit par entrer en crise, avant de disparaitre et donner naissance à une nouvelle explication plus satisfaisante, qui diminue considérablement le nombre des anomalies.
4ème partie :
Nous constatons à quel point, l’auteur utilise à contre-sens une découverte scientifique d’une autre discipline, juste pour créer un amalgame à son avantage : puisque d’autres étaient rejetés - mais cependant avaient raison- et que je suis rejeté aussi comme vous pouvez le constater, alors……j’ai raison. En d’autres termes, désormais il suffit d’être rejeté pour être dans le vrai, et c’est même proportionnel : plus tu es rejeté, plus tu as raison. Mais il fallait le dire plus tôt. Ainsi, désormais, pour être dans le vrai, il suffit d’être …rejeté (par la communauté scientifique). Point plus besoin de démonstrations, de preuves et prédictions et modèles mathématiques. Plus besoin d’articles scientifiques (un livre est mieux, car de toute façon les méchants pairs vont sûrement nous rejeter, alors que mon éditeur qui a la science infuse comprend mieux les enjeux). Posture victimaire par excellence. Aucun scientifique digne de ce nom, bien que rejeté, n’a jamais utilisé son rejet comme « preuve » de la véracité de ses théories. Rien dans les écrits de Galilée, de Copernic, de Newton, etc. ne montre l’utilisation de cet état victimaire comme « preuve » contre leurs détracteurs. En revanche, ces derniers, ont toujours fait valoir la solidité même de leurs arguments. Le fait même de se poser en victime, d’utiliser la renommée d’un autre (Prix Nobel rejeté), etc. cachent une unique chose : la faiblesse d’argumentation et le besoin d’avoir recours à un rhétorique non-scientifique pour faire passer, ce qui sur le plan scientifique, justement ne passe pas. C’est une technique de désinformation aussi simple qu’efficace : quand tu sais que tu es perdant sur un plan, au lieu de persister, changes de plan. On appelle cela : créer de faux problèmes. Ainsi, l’attention est détournée des vrais problèmes et commence à s’occuper des phénomènes secondaires sans aucun rapport avec le sujet en question.
5ème partie :
En ce qui suit, nous allons développer un second aspect de notre position qui prend en compte les fameux « veaux d’or », dont nous avons parle plus en haut.
Les veaux d’or
Nous allons à présent s’occuper de nos « veaux d’or ». Mais en premier lieu, nous allons mentionner le pourquoi d’utilisation de ce terme « le veau d’or ». D’après la Bible, lorsque Moïse est monté sur le Mont du Sinaï pour recevoir les tablettes des lois divines, il a confié la guidance de son peuple à son frère Aaron. L’attente ayant trainée en longueur, les Hébreux ont demandé à Aaron la permission de construction d’une idole qu’ils puissent adorer. Aaron cède à leurs supplices et construit un veau fait d’or auquel les Hébreux rendent hommage digne de Dieu. Moïse descend du Mont Sinaï et voyant le retour de son peuple à l’idolâtrie, les punit sévèrement et détruit le veau d’or (Ancien Testament, Exode 32).
Le « veau d’or » désigne donc l’étape suprême d’auto-manipulation : de même que le « veau d’or » est construit par les propres mains de ceux-là mêmes qu’ils comptent adorer et avec leur propre or, de même, dans nos « représentations sociales » (et mentales), il existe une foule de concepts qui n’ont aucune existence réelle mais qui prennent effectivement vie uniquement grâce à notre croyance en eux : à force d’y croire, ils deviennent vivants. Ce concept a été largement repris au cinéma dans la catégorie de films d’horreur, par la série de Freddy, une créature de cauchemar qui finit par entrer dans la vie réelle de l’héroïne à force d’envahir l’espace mental de celle-ci.
Bref, voici quelques uns des « veaux d’or », en rapport avec notre sujet de discussion :
6ème partie :
Le premier veau d’or : Le peuple a toujours raison.
Il existe un fantasme persistant selon lequel, « le peuple » aurait –toujours- raison, quoi qu’il arrive. Il s’agit du point faible de la démocratie : Oublie-t-on le nombre de fois où le peuple s’est trompé et en masse? Oublie-t-on qu’Hitler et Khomeiny, sont arrivés au pouvoir par la volonté populaire? Le totalitarisme justement, se nourrit de l’ignorance du peuple pour le tromper et l’asservir. Le peuple est donc trompable. Alors, si le peuple peut se tromper sur des questions politiques, que dire de la science tout court, infiniment plus difficile et parfois munie d’un langage complètement incompréhensible ?
7ème partie :
Le second veau d’or : une science réincarnée.
L’un des paradoxes de la philosophie des sciences consiste dans le fait qu’elle s’intéresse surtout aux scientifiques et non pas à la science elle-même. Ceci contribue à la promotion d’une science incarnée. A titre d’exemple, Popper lui-même était fasciné par la personnalité et les travaux d’Einstein et c’est en partant de son « exemple » qu’il a construit –en partie- sa théorie de la falsification. La science cultive une vision triomphante d’elle-même. Derrière un succès se cachent mille défaites et mille non-sens qui restent cachées de la vision des spectateurs de la science, le commun des mortels. Une telle vision des choses a pour résultat de transformer les fonctionnaires de la science, qui sont les scientifiques, en idoles de la science elle-même : la parfaite confusion entre l’homme scientifique et l’objet de son étude. C’est cela qui fait qu’un scientifique sur un plateau télévisé, devient l’icône de la science et à partir de ce moment, peut se permettre de dire tout et n’importe quoi et personne ne peut le contredire car la science vient de « parler ». Ainsi le prestige du scientifique, dans un mouvement paradoxal, se retourne contre la science elle-même. Cependant, tant que le scientifique en question reste dans les strictes limites de sa compétence, les dégâts peuvent être évités, mais à partir du moment où ce dernier se permet de sortir de son cadre de compétences, bonjour les dégâts (un géologue qui parlerait du climat, par exemple).
8ème partie :
Le troisième veau d’or : le fantasme du rebelle.
Devant l’attitude irrationnelle et anti-scientifique des « scientifiques » tels qu’Allègre, on est en droit de se poser la question : mais pourquoi il agit de la sorte ? Est-il lié à des lobbies industriels ? A-t-il des intérêts particuliers ? S’agit-il d’une guerre lancée par des géologues, en mal de reconnaissance contre les climatologues etc. ? Je pense pour ma part que la vérité est beaucoup plus simple et du même coup plus affligeante que cela. Il s’agit du syndrome du rebelle permanent : « puisque tout le monde penche vers un coté, alors je me penche de l’autre coté ». Attitude irrationnelle d’ego dont le seul but est d’attirer l’attention sur soi, surtout quand il s’agit d’un scientifique en fin de carrière qui n’arrive plus à produire quoi que ce soit d’intéressant sur le plan scientifique. On a les motivations que l’on peut.
Ceci repose également sur une fausse interprétation de « la structure des révolutions scientifiques », telle que Kuhn l’a défini dans son livre, devenu depuis lors une classique de la philosophie des Sciences et sa notion centrale du « paradigme ».
Allègre a tout simplement mal compris la notion de « paradigme ». Lorsqu’un paradigme autour duquel s’accumulent les anomalies auxquelles il ne peut plus apporter des réponses satisfaisantes, il advient alors, ce que dans le langage de Kuhn, on nomme « la crise », et qui marque la fin de l’ancien paradigme et son remplacement par un nouveau. Cependant dans le cas présent, nous sommes dans la situation inverse : le changement climatique ne trouve aucune explication scientifique, rien d’autre que cela est déjà produit et peut se produire à nouveau. En d’autres termes le caractère cyclique du réchauffement planétaire.
9ème partie :
Premièrement : ce n’est pas parce qu’un phénomène se produit à nouveau, que la cause qui est à l’origine de sa reproduction est identique. Le célèbre philosophe anglais avait déjà pointé du doigt ce phénomène à travers son fameux exemple des poules dans le poulailler : des poules voient chaque jour arriver une paire de bottes suivie de la distribution des graines, alors elles associent ces deux phénomènes : bottes = nourriture et de ce fait à chaque fois, ils se rassemblent pour manger, dés l’apparition de la paire des bottes, jusqu’a ce qu’un jour, l’apparition des bottes est suivie de l’arrachage des poules et un couteau qui tranche le cou. Les climato-sceptiques nous disent sans cesse qu’en Moyen-âge, le temps était tellement chaud en Angleterre que l’on cultivait de raisins au Nord de l’Angleterre alors qu’il n’y avait aucun excès de Co2. Ian Plimer ne dit pas autre chose quand il met en cause l’origine anthropogène du réchauffement climatique des temps présents : « Là où nous différons de bien des gens qui soutiennent l’idée du réchauffement anthropogène, c’est sur notre appréciation de l’échelle » : mais il remplace l’« insuffisance » d’une explication (origine anthropogène) par une non-explication ! Et comme par un tour de passe-passe, l’ignorance devient une explication : soit, mais qu’est-ce qui prouve que ces deux phénomènes (le réchauffement climatique présent et celui du Moyen-âge) sont de même origine, ont la même cause ? Eh bien…rien.
10ème partie :
Deuxièmement :
Allègre voudrait être le nouveau Copernic, celui de temps modernes, c’est-a-dire celui qui annonce la venue d’un nouveau paradigme. Mais il n’a juste pas compris le mécanisme à l’origine de la naissance des paradigmes.
L’exemple du SIDA est très évocateur. Au début des années 80, Center for disease control and prevention (CDC) installé à Atlanta, a commencé à enregistrer une augmentation anormalement élevée d’un antiviral très particulier qui intervient dans le traitement du syndrome de Kaposi, une tumeur cutanée d’origine virale : l’herpe virus humain HHV8. Les épidémiologistes du CDC sont surpris par cette flambée du syndrome de Kaposi. Ils font une enquête et se rendent compte que la plupart des malades atteints de ce syndrome sont également atteints d’autres maladies. Il s’agit donc d’une altération du système immunitaire, un déficit immunitaire. Il existe donc un facteur inconnu qui entraine un déficit immunitaire de ces malades. Et de fil en aiguille, les scientifiques sont arrivés à isoler le virus en cause (le VIH) et le cultiver au laboratoire (Professeur Montagnier). Déjà à cette époque, il y avait des sida-sceptiques. Plus tard, on a même réussi à photographier le VIH, à remonter à sa source, etc. Mais rien à faire, il reste encore des sida-sceptiques de nos jours. Et pourquoi au fait? La comparaison, celle entre les sida-sceptiques et les climat-sceptiques, mérite le détour. En effet, contrairement au monde microscopique (virus, microbes, etc.) rendus « observables » grâce aux progrès technologiques (microscope voire microscope électronique, marquage, etc.), tout ce qui dépasse les dimensions temporo-spatiales humaines, malgré les progrès scientifiques, reste abstrait au commun des mortels. En effet, contrairement à un micro-organisme que l’on peut « isoler », « cultiver », etc. on ne peut pas « isoler » le climat (obstacle spatial). Par ailleurs, les phénomènes cosmiques et planétaires ont des durées de production extrêmement plus longues que la durée de vie d’une génération humaine (obstacle temporel). De ce fait, malgré les progrès technologiques, les phénomènes climatiques à l’échelle de la planète Terre restent en quelque sorte non-observables. Le seul recours restant est alors la modélisation. Kant disait que tout ce qui est dehors d’espace-temps est impossible à appréhender par l’homme. Certes, mais il peut s’agir non pas d’une impossibilité formelle mais une impossibilité de fait. En effet, à partir d’une certaine échelle, les nombres, les chiffres, cessent d’être informatifs et de ce fait, cela se passe comme s’il ne nous concernait pas, car dans l’impossibilité mentale de les saisir. Ces deux dépassements spatio-temporels créent du fait, une impossibilité de représentation mentale, sur laquelle s’appuient les climato-sceptiques justement. Il s’agit d’une supercherie, mais d’une supercherie qui marche.
11ème partie :
Mais ce qui importe est la place du phénomène d’ « association » dans les découvertes scientifiques : l’apparition spontanée de deux phénomènes fait suspecter l’existence d’une relation entre ces deux phénomènes. Certes, on risque d’être dans le cas des poules de Hume, et justement pour éviter l’artefact, on pousse l’étude plus loin, on met au point d’autres expérimentations, de nouvelles manières de mesurer, on multiplie les contrôles négatifs et positifs, on change l’angle d’observation, etc. Mais on n’écarte pas l’« association » d’un revers de la main, sous quelque prétexte qu’il soit, surtout si le facteur associé produit dans le virtuel, les effets que nous voyons se produire également dans le réel.
Un scientifique qui écarte le phénomène d’ « association », il n’en est pas un : on sait les effets des gaz à effet de serre sur la température, on sait qu’ils produits en grande quantité ces derniers temps, et en dernier lieu, on constate une augmentation de la température durant les 50 dernières années. Le processus le plus rationnel, le chemin le plus court, est d’accepter de considérer la possibilité d’une relation de cause à effet entre ces deux phénomènes. Si artefact a lieu, que l’on nous en apporte la preuve, au lieu d’ériger l’ignorance, incertitude, etc. en savoir.
On peut parfaitement rester sceptique et rejoindre le rang des tabaco-sceptique, des sida-sceptiques, etc. Mais ce dont on n’a pas le droit, est d’aller sur un plateau télé et profiter d’un statut de « scientifique » en aucun rapport avec le domaine étudié pour défendre un point de vue non-défendable sur le plan scientifique. Il s’agit d’une usurpation, d’une malhonnête intellectuelle.
12ème partie :
Conclusion
Que retenir des discours des climat-sceptiques, sauf le fait qu’il s’agit d’un discours populiste et a-scientifique teinté par des techniques de manipulation et de désinformation. Il est ahurissant de constater que ceux-là mêmes qui utilisent ce genre de discours, accusent les autres, de cet état des faits. Le fait même de prendre la population en tant que juge est un signe manifeste de cette volonté populiste de ses auteurs. Il ne s’agit nullement d’un débat « démocratique », mais d’une manipulation des esprits.
Merci, Jobin, de votre très long et très enrichissant commentaire. Lorsqu'il sera publié dans une revue, faites nous le savoir.
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