Que faire du Front National? Comment le traiter? Peut-il, en prenant du poids, devenir plus respectable? Va-t-il se banaliser, entrer dans le mainstream? C’est le pari que l’on fait à la droite de l’UMP, du coté de ceux qui envisagent discrètement, mezzo-voce des alliances. Lorsqu’on les pousse dans leurs retranchements, ils font valoir le précédent d’Occident.
Ce rappel historique n'est pas inintéressant. Il peut nous aider à penser ce qui se passe aujourd’hui du coté de l’extrême-droite. Il y a des points communs. Le plus significatif est sans doute la volonté d’un certain nombre de militants d’extrême-droite de goûter au pouvoir. Je disais, il y a quelques mois, que Marine Le Pen serait un jour ministre d’un gouvernement de droite. C’est certainement son ambition. Et celle-ci passe par l’éradication de tout ce qui au Front National est inacceptable aux yeux de la majorité : l’antisémitisme, les allusions au fascisme ou au nazisme, le racisme trop affiché… Mais il y a aussi des différences.
La principale est qu’il ne s’agit pas de ralliements individuels de jeunes ambitieux qui souhaiteraient prendre les commandes d’organisations vieillissantes mais de la tentative d’une organisation profondément ancrée à l’extrême-droite de s’imposer dans le paysage politique durablement. Or cela change tout.
Pour gagner ses galons de parti susceptible de participer un jour au pouvoir, le FN doit tout à la fois faire évoluer son discours, l’enrichir de propositions plus crédibles, moins inacceptables, plus populistes que fascistes, ce que Marine Le Pen a entrepris de faire, et renforcer son pouvoir d’attraction sur une partie de la droite, ce que ses succès électoraux, s'ils se confirment, devraient lui apporter.
Aucune de ces deux stratégies ne semble aujourd’hui fonctionner. Marine Le Pen a su modifier suffisamment son discours pour rendre la mise en quarantaine inefficace : les électeurs semblent se dire qu’il n’y a rien dans ses discours de franchement choquant au regard des valeurs républicaines. Quant à la stratégie du mimétisme telle que la pratique l’Elysée, elle semble apporter chaque jour un peu d’eau au moulin du FN.
Faut-il donc, par défaut, parier sur la banalisation du FN, comme sont disposés à le faire tous ceux qui rappellent l’exemple des années 70? Ce serait prendre un risque inconsidéré. Les jeunes ambitieux d’extrême-droite avaient alors tout à gagner à arrondir leurs positions jusqu’à en changer. Ils l'ont fait d'autant plus volontiers que l'avenir leur paraissait bouché, leurs idées étant massivement refusées par les citoyens.
La situation est aujourd'hui toute différente : la montée en puissance du FN, la dérive droitière de la société n’incitent certainement pas ses militants à arrondir les angles. Ils masquent les aspérités, sans doute, mais guère plus. Et le voudraient-ils même qu’il ne pourrait guère en être autrement sachant que les tensions entre les gardiens des traditions fascistes et ceux qui s’orientent vers le populisme, entre, disons pour simplifier, les fascistes racistes et les populistes xénophobes n’ont pas disparu : en interne, les plus “progressistes” (“modernistes”, “populistes”, je ne sais comment les appeler) doivent en permanence justifier des positions publiques qui vont à l’encontre de la tradition dominante au sein du parti. A l’inverse de ce qui s’est passé dans les années 70, la situation favorise le maintien au sein du FN de positions radicales "mais réalistes". Si l’on disait autrefois qu'au PS les réformistes gagnaient les élections en tenant un discours révolutionnaire qu'ils trahissaient sitôt au pouvoir, il est probable que c’est exactement l’inverse qui se passerait si le FN arrivait au pouvoir : les radicaux abandonneraient sitôt arrivés au pouvoir le discours “allégé” qu'ils s'imposent pour séduire l'opinion.
La menace doit donc être prise au sérieux. Mais que faire?
A la fin des années 70, les militants de ce mouvement d’extrême-droite (Longuet, Devedjian, Madelin, Novelli…), ont massivement rejoint les partis de droite et, d’abord, le Parti Républicain. Ils pensaient y faire fructifier leurs idées, ils ont en fait surtout apporté leur dynamisme, leur ardeur militante à des organisations qui leur ont offert en échange des places dans les institution : ils sont devenus députés, ministres, membres de cabinets ministériels, apparatchick, journalistes…
A la même période, ajoutent-ils, des militants d’extrême-gauche ont investi le parti socialiste avec la même ambition. Le plus célèbre d’entre eux est certainement Lionel Jospin. François Mitterrand a su utiliser leur ardeur, leur capacités militantes et il leur a offert de la même manière des postes.
Dans l’un comme dans l’autre cas, les extrémistes ont mis de l’eau dans leur vin et ont rapidement abandonné l’essentiel de leur idéologie extrémiste. Si l’on a pu, à l’époque, critiquer les partis de gouvernement qui intégraient ainsi de jeunes extrémistes au risque de se radicaliser, force est de constater que ce sont eux qui ont fait évoluer leurs jeunes militants.
Dans l’un comme dans l’autre cas, les extrémistes ont mis de l’eau dans leur vin et ont rapidement abandonné l’essentiel de leur idéologie extrémiste. Si l’on a pu, à l’époque, critiquer les partis de gouvernement qui intégraient ainsi de jeunes extrémistes au risque de se radicaliser, force est de constater que ce sont eux qui ont fait évoluer leurs jeunes militants.
Ce rappel historique n'est pas inintéressant. Il peut nous aider à penser ce qui se passe aujourd’hui du coté de l’extrême-droite. Il y a des points communs. Le plus significatif est sans doute la volonté d’un certain nombre de militants d’extrême-droite de goûter au pouvoir. Je disais, il y a quelques mois, que Marine Le Pen serait un jour ministre d’un gouvernement de droite. C’est certainement son ambition. Et celle-ci passe par l’éradication de tout ce qui au Front National est inacceptable aux yeux de la majorité : l’antisémitisme, les allusions au fascisme ou au nazisme, le racisme trop affiché… Mais il y a aussi des différences.
La principale est qu’il ne s’agit pas de ralliements individuels de jeunes ambitieux qui souhaiteraient prendre les commandes d’organisations vieillissantes mais de la tentative d’une organisation profondément ancrée à l’extrême-droite de s’imposer dans le paysage politique durablement. Or cela change tout.
Pour gagner ses galons de parti susceptible de participer un jour au pouvoir, le FN doit tout à la fois faire évoluer son discours, l’enrichir de propositions plus crédibles, moins inacceptables, plus populistes que fascistes, ce que Marine Le Pen a entrepris de faire, et renforcer son pouvoir d’attraction sur une partie de la droite, ce que ses succès électoraux, s'ils se confirment, devraient lui apporter.
A l’inverse de la génération des années 70, l'avenir de ses dirigeants n’est pas dans l’entrisme à l’UMP, mais dans l’explosion de celle-ci en deux ou trois tendances dont l’une au moins ne verrait pas d’inconvénient à s’allier avec eux. C’est la stratégie de Marine Le Pen que ses opposants tentent de contrer de deux manières :
- par la mise en quarantaine qui suppose de mettre l’accent sur le passé du FN, sur ses tropismes fascites, antisémites… ce qui n’est que la prolongation de la stratégie mise en place dans les années 90 face à son père,
- par le mimétisme qui suppose de reprendre ses thèmes, ce que fait Nicolas Sarkozy, voire son vocabulaire, comme Claude Guéant, en espérant que les électeurs sauront faire la différence entre la compétence des partis de gouvernement et l’incompétence d’une formation populiste.
- par la mise en quarantaine qui suppose de mettre l’accent sur le passé du FN, sur ses tropismes fascites, antisémites… ce qui n’est que la prolongation de la stratégie mise en place dans les années 90 face à son père,
- par le mimétisme qui suppose de reprendre ses thèmes, ce que fait Nicolas Sarkozy, voire son vocabulaire, comme Claude Guéant, en espérant que les électeurs sauront faire la différence entre la compétence des partis de gouvernement et l’incompétence d’une formation populiste.
Aucune de ces deux stratégies ne semble aujourd’hui fonctionner. Marine Le Pen a su modifier suffisamment son discours pour rendre la mise en quarantaine inefficace : les électeurs semblent se dire qu’il n’y a rien dans ses discours de franchement choquant au regard des valeurs républicaines. Quant à la stratégie du mimétisme telle que la pratique l’Elysée, elle semble apporter chaque jour un peu d’eau au moulin du FN.
Faut-il donc, par défaut, parier sur la banalisation du FN, comme sont disposés à le faire tous ceux qui rappellent l’exemple des années 70? Ce serait prendre un risque inconsidéré. Les jeunes ambitieux d’extrême-droite avaient alors tout à gagner à arrondir leurs positions jusqu’à en changer. Ils l'ont fait d'autant plus volontiers que l'avenir leur paraissait bouché, leurs idées étant massivement refusées par les citoyens.
La situation est aujourd'hui toute différente : la montée en puissance du FN, la dérive droitière de la société n’incitent certainement pas ses militants à arrondir les angles. Ils masquent les aspérités, sans doute, mais guère plus. Et le voudraient-ils même qu’il ne pourrait guère en être autrement sachant que les tensions entre les gardiens des traditions fascistes et ceux qui s’orientent vers le populisme, entre, disons pour simplifier, les fascistes racistes et les populistes xénophobes n’ont pas disparu : en interne, les plus “progressistes” (“modernistes”, “populistes”, je ne sais comment les appeler) doivent en permanence justifier des positions publiques qui vont à l’encontre de la tradition dominante au sein du parti. A l’inverse de ce qui s’est passé dans les années 70, la situation favorise le maintien au sein du FN de positions radicales "mais réalistes". Si l’on disait autrefois qu'au PS les réformistes gagnaient les élections en tenant un discours révolutionnaire qu'ils trahissaient sitôt au pouvoir, il est probable que c’est exactement l’inverse qui se passerait si le FN arrivait au pouvoir : les radicaux abandonneraient sitôt arrivés au pouvoir le discours “allégé” qu'ils s'imposent pour séduire l'opinion.
La menace doit donc être prise au sérieux. Mais que faire?
Jean-Luc Mélenchon a choisi, avec un certain succès, une solution que j’appellerais le “populisme symétrique”. Il est à peu près aussi populiste et démagogique que Marine Le Pen mais il l’attaque avec violence et efficacité sur les thèmes qui en font une digne héritière de son père : l’immigration, les étrangers, la sécurité. Il est, sur ces plans là, son meilleur adversaire. D'autant meilleur qu'il rappelle à chaque fois combien le projet du FN est contraire aux valeurs républicaines.
Laurent Waucquiez et, à sa suite, Jean-François Coppé ont choisi d'opposer au Front National son programme, d'en montrer l'absurdité.. Cette tactique peut être efficace si elle est menée avec intelligence et bonne foi, comme lorsque Waucquiez a démonté les positions européennes du FN ; elle peut se retourner contre son auteur si elle accumule les contre-vérités, comme Coppé en a donné l'exemple lorsqu'il a expliqué que le FN voulait condamner à mort tous les petits trafiquants de drogue.
C'est sans doute dans la combinaison des deux approches qu'est la solution. Rappeler inlassablement les valeurs républicaines, en refusant de se mettre au diapason du FN sur des sujets aussi sensibles que l'immigration ou l'insécurité, et systématiquement montrer combien ses décisions seraient, si elles étaient appliquées, catastrophiques pour ceux-là mêmes qu'il prétend représenter.
Mais rien ne sera possible sans des partis de gouvernement qui présentent des programmes tout à la fois alléchants et convaincants. S'il est difficile d'attendre quoi que ce soit de la droite après 5 ans de sarkozisme, c'est à la gauche de relever le défi. Et de prendre les devants de croisade (le mot ici convient) contre ceux qui veulent démolir notre société au nom de rengaines nationalistes aussi dangereuses que destructices.
Laurent Waucquiez et, à sa suite, Jean-François Coppé ont choisi d'opposer au Front National son programme, d'en montrer l'absurdité.. Cette tactique peut être efficace si elle est menée avec intelligence et bonne foi, comme lorsque Waucquiez a démonté les positions européennes du FN ; elle peut se retourner contre son auteur si elle accumule les contre-vérités, comme Coppé en a donné l'exemple lorsqu'il a expliqué que le FN voulait condamner à mort tous les petits trafiquants de drogue.
C'est sans doute dans la combinaison des deux approches qu'est la solution. Rappeler inlassablement les valeurs républicaines, en refusant de se mettre au diapason du FN sur des sujets aussi sensibles que l'immigration ou l'insécurité, et systématiquement montrer combien ses décisions seraient, si elles étaient appliquées, catastrophiques pour ceux-là mêmes qu'il prétend représenter.
Mais rien ne sera possible sans des partis de gouvernement qui présentent des programmes tout à la fois alléchants et convaincants. S'il est difficile d'attendre quoi que ce soit de la droite après 5 ans de sarkozisme, c'est à la gauche de relever le défi. Et de prendre les devants de croisade (le mot ici convient) contre ceux qui veulent démolir notre société au nom de rengaines nationalistes aussi dangereuses que destructices.
1 commentaire:
Effectivement, une spécificité française est l'incapacité, depuis la Révolution, à faire durer un grand parti à droite - faute d'idéologie "de droite" largement partagée à la fois par une partie des "élites" et des élus potentiels, et par une partie de l'électorat.
La survie de l'UMP depuis 2002 repose uniquement sur la puissance électorale d'une personne à la présidentielle - Jacques Chirac en 2002 grâce à son second tour anti-FN qui le posait en sauveur de la République, puis Nicolas Sarkozy en 2007 grâce à son "Ministère de l'Identité Nationale" qui, tout en tordant le nez de ses énarques, lui assurait le suffrage populaire.
Cette dernière astuce risque de ne pas marcher deux fois, en tout cas pas en faveur du même Nicolas Sarkozy ; l'électorat "nationaliste" risque donc de lui faire défaut. C'est aujourd'hui la principale cause de fragilité de l'UMP.
Au passage, l'électorat "réfléchi", "modéré" demandeur d'engagements tenables et de bonne gestion, l'avait quitté dès la mi-février 2007 quand il a commencé à accumuler les promesses délirantes. C'est ce qui l'avait contraint à trouver à l'extrême-droite, début mars, des bataillons frais et plus nombreux.
L'électorat "réfléchi" continue à voter "divers droite" voire UMP aux élections locales. Il soutiendrait bien un Juppé ou un Fillon. Il est bien vu dans les Parlements et les salles de rédaction. Mais aux élections, il a toujours été minoritaire.
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