On connait tous aujourd'hui les conséquences à court terme de l'affaire DSK : il ne sera pas candidat à la candidature du PS et donc pas aux présidentielles. Mais à moyen-terme, l'impact de cette affaire sur la société française pourrait être significati. J'en vois trois :
- elle pourrait, d'abord, désinhiber les journalistes : ils savaient, mais seul le correspondant de Libération à Bruxelles, Jean Quatremer, et un humoriste, Stephane Guillon, avaient osé mettre les pieds dans le plat et encore de manière indirecte en faisant allusion à la réputation de directeur général du FMI. Il leur sera difficile, demain, de ne pas arguer de cette erreur professionnelle (s'ils avaient dénoncé plus tôt les incartades de DSK peut-être aurait-on évité cet épisode) pour publier ce qu'ils savent ;
- elle devrait, ensuite, donner un peu d'air aux juges d'instruction que la réforme de la justice voulait éliminer. La vision que donne la justice américaine, sa brutalité, son incitation à négocier plutôt qu'à juger, c'est-à-dire à chercher la vérité, devraient conduire à retrouver des vertus à un juge dont la fonction est d'instruire à charge et décharge. On ne pourra certainement pas, dans l'avenir, réformer la justice, donner au procureur plus de pouvoir sans penser à cette affaire ;
- elle pourrait, enfin, modifier assez profondément l'image que nous nous faisons d'une certaine forme de "drague" qui, quoique ne relèvant pas du viol proprement dit, utilise certaines formes de contraintes. Combien de femmes, ici comme ailleurs, on été confrontées à ce type de comportement de la part d'hommes par ailleurs tout à fait respectables? Les discussions sur cette affaire sont, pour beaucoup l'occasion de revisiter tel ou tel épisode vécu avec plus ou moins de souffrance, de le réévaluer et de se dire : "c'était plus grave que je ne l'ai alors pensé, cela méritait plus qu'une gifle ou l'oubli". Et ce qui est vrai des femmes l'est également des hommes puisque ce "travail" de réévaluation se fait en public, dans ces conversations sur l'affaire où l'on entend des femmes, de toutes conditions, de tous âges, raconter comment elles ont été un jour ou l'autre confrontées à des violences similaires. La violence mesurée dans les rapports sexuels (je dis mesurée parce qu'il n'y eut évidemment ni coups de poings ni rien de similaire) jusqu'alors ignorée émerge et devient, sous nos yeux, un fait social.
- elle pourrait, d'abord, désinhiber les journalistes : ils savaient, mais seul le correspondant de Libération à Bruxelles, Jean Quatremer, et un humoriste, Stephane Guillon, avaient osé mettre les pieds dans le plat et encore de manière indirecte en faisant allusion à la réputation de directeur général du FMI. Il leur sera difficile, demain, de ne pas arguer de cette erreur professionnelle (s'ils avaient dénoncé plus tôt les incartades de DSK peut-être aurait-on évité cet épisode) pour publier ce qu'ils savent ;
- elle devrait, ensuite, donner un peu d'air aux juges d'instruction que la réforme de la justice voulait éliminer. La vision que donne la justice américaine, sa brutalité, son incitation à négocier plutôt qu'à juger, c'est-à-dire à chercher la vérité, devraient conduire à retrouver des vertus à un juge dont la fonction est d'instruire à charge et décharge. On ne pourra certainement pas, dans l'avenir, réformer la justice, donner au procureur plus de pouvoir sans penser à cette affaire ;
- elle pourrait, enfin, modifier assez profondément l'image que nous nous faisons d'une certaine forme de "drague" qui, quoique ne relèvant pas du viol proprement dit, utilise certaines formes de contraintes. Combien de femmes, ici comme ailleurs, on été confrontées à ce type de comportement de la part d'hommes par ailleurs tout à fait respectables? Les discussions sur cette affaire sont, pour beaucoup l'occasion de revisiter tel ou tel épisode vécu avec plus ou moins de souffrance, de le réévaluer et de se dire : "c'était plus grave que je ne l'ai alors pensé, cela méritait plus qu'une gifle ou l'oubli". Et ce qui est vrai des femmes l'est également des hommes puisque ce "travail" de réévaluation se fait en public, dans ces conversations sur l'affaire où l'on entend des femmes, de toutes conditions, de tous âges, raconter comment elles ont été un jour ou l'autre confrontées à des violences similaires. La violence mesurée dans les rapports sexuels (je dis mesurée parce qu'il n'y eut évidemment ni coups de poings ni rien de similaire) jusqu'alors ignorée émerge et devient, sous nos yeux, un fait social.
4 commentaires:
Bernard, je suis rarement en désaccord avec vous, mais je vous trouve injuste à l'égard du système de justice américain. Dans les cas de viol, on négocie rarement; on juge, ou, comme vous dites, on cherche la vérité. Quant à la "brutalité" du système, je n'apprécie pas le "perp walk," c'est-à-dire l'exposition du suspect menotté devant le commissariat, mais c'est une particularité de la justice new-yorkaise, une innovation de Rudy Giuliani. Évidemment il y a une contradiction avec la présomption d'innocence. Mais il faut bien reconnaître que cela ne concerne que les accusés dits de "haut profil," et c'est donc en même temps une démonstration que la justice ne recule pas devant la puissance, l'argent, ou l'influence. Bien sûr, il s'agit là d'une représentation partiellement fausse de la justice américaine, qui, comme la justice française, a ses tares. Mais de temps en temps il n'est pas inutile de voir les grands de ce monde obligés de subir les mêmes humiliations que le commun de l'humanité, même si le spectacle est parfois affligeant. Revanche de classe? Un policier des classes populaires à côté du directeur du FMI? Ce même directeur assis sur le même banc qu'un dealer de Harlem ou une prostituée du Bronx? Oui, c'est choquant, mais c'est quand même la démocratie.
Cher Arthur,
Je faisais naturellement allusion à l'image de la justice américaine que nous donnent les médias et notamment la télévision à propos de cette affaire où nous la voyons, pour la première fois, exposée ailleurs que dans des séries télévisées (assez véridiques, d'ailleurs). Que les célébrités soient traitées comme les autres est une bonne chose, mais faut-il traiter les suspects, riches ou pauvres, puissants ou faibles, avec tant de brutalité?
Mais où est la brutalité? Il a été gardé à vue pendant 36 heures après son arrestation. C'est dur, mais c'est la procédure normale. Il a eu le droit d'appeller un avocat et d'être accompagné de cet avocat pendant toute l'interrogation. Un tel droit existe-t-il en France? Il a dû comparaître devant la juge pour savoir si on pouvait le relâcher sous caution. En l'occurrence, en partie à cause du souvenir de la fuite de Roman Polanski, la juge a conclu qu'il y ait un risque de fuite. C'est peut-être excessif, mais on comprend son raisonnement. Et il se trouve donc incarcéré par la suite à Rikers Island, une prison très dure, sans aucun doute, mais il y a bien des prisons en France qui ne sont pas des modèles non plus. En fait, ce qui me frappe dans ce cas, c'est surtout le respect scrupuleux du normal. Faut-il admettre que le normal soit "brutal"? Oui, dans une certaine mesure, mais c'est le cas aussi bien en France qu'aux États-Unis. Je ne comprends pas l'idée que la procédure américaine serait particulièrement brutale, mais peut-être je me trompe ou manque l'essentiel de votre propos.
Si j'ose ajouter quelque chose à cette discussion très informée, on entend pleines de critiques en ce moment de notre (américain) système de justice 'accusatoire,' et là aussi je crois qu'il y ait des malentendus, parce que malgré les apparences provisoires, l'accusé aura plein droit de se dèsinculper. Bien sûr ça commence par une plainte, mais avant que l'accusé est 'arraigned' (chargé?) une audience a été conduite pour établir qu'il y ait une base d'épreuves. Ensuite, l'accusé a le droit d'être relâché sous caution, sauf dans un cas comme celui-ci, tout à fait exceptionnel, où l'accusé, en tant que citoyen d'un pays qui ne reconnait pas l'obligation d'extradition, aurait moyens et motif de s'enfouir. Très tôt (samedi?) il y aura une deuxième audience devant le 'grand jury' qui est chargé de considérer la qualité de l'évidence.
Pendant tous ces étapes préliminaires, il est vrai que l'accusé ne présente pas sa défense--en différence notable du système français, paraît-il--mais il reste toutefois vrai que l'accusation doit être substantialisée pour continuer à un procès devant juge et jurés . Là l'accusé trouve pas seulement plein droit de se défendre, mais toutes les avantages restent avec lui: décision unanime exigée des 12 jurés, preuves 'au dessus d'aucun doute raisonnable,' (énormément éxigente dans un tel cas), droit de donner témoignage ou pas. La sommation pour la défense suit celle du procureur, position avantageuse. En somme, bien que ce système 'accusatoire' semble au début de favoriser la plaignante, en fin de compte les droits de l'accusé sont soigneusement protégés tandis que le défi qui se présente au procureur n'est pas négligeable. Un supplice pour l'accusé? Sans doute. 'Brutale'? Sauf le infame 'perp walk,' coutume honteuse, je ne crois pas.
Enregistrer un commentaire