Interrogé sur la BBC il y a quelques jours, Martin O'Shaughnessy, spécialiste du cinéma français, auteur d'ouvrages sur Jean Renoir et Jean-Luc Godard, mais aussi l'un des deux animateurs du site La France et la crise, se demandait pourquoi les britanniques, et notamment les jeunes, sont plus passifs que les Français. Il répondait à cette question en évoquant l'offensive anti-syndicale de Margaret Thatcher et les mesures prises par son gouvernement pour rendre plus difficiles les manifestations dans la rue. Sans doute a-t-il raison. Mais cela n'explique pas la passivité des jeunes qui ne se sentent d'aucune manière solidaires des travailleurs, alors que ce sentiment de solidarité existe en France ou est, du moins, régulièrement évoqué (que l'on pense au thème de la grève par procuration ou aux discours des dirigeants des organisations étudiantes).
Pour essayer de comprendre cette différence, j'aia fait une recherche sur internet et suis tombé sur cette présentation d'un jeune homme, homonyme de Martin O'Shaugnessy qui commence ainsi : "What can I say? ... I like to get drunk alot and have a good laugh with all my friends, my friends are probably the most important thing in my life ^_^ an I love all of 'em to bits! we go out every saturday and usualy get pissed so i mostly cant remember what i do and sometimes i regret it. I love to do martial arts and am hoping to take my black belt very soon so be ware becasue if you try to fuck with me you will get hurt."
L'auteur de ces quelques lignes, qui me font penser aux thèses de Richard Hoggart sur la culture du pauvre, a 20 ans, il habite Liverpool. Est-il étudiant? travaille-t-il? je l'ignore. Reste que l'on trouve là en quelques lignes une allusion aux beuveries, au binge drinking que l'on rencontre tous les soirs, et notamment le samedi, dans toutes les villes britanniques, et aux sports de combat. Bien loin d'être exceptionnelle cette attitude est très répandue outre-manche.
Je me demande si en fouillant de ce coté là, on ne trouverait pas l'une au moins des raisons de cette passivité britannique. Binge drinking et art martial ne portent pas vraiment à la solidarité. Une société qui tolère ce type de beuveries à répétition chez les jeunes ou, pire, les encourage (et c'est le sentiment que donnent certaines scènes que l'on peut voir régulièrement dans les pubs) n'incite à exprimer ses frustrations en défilant dans les rues lorsque l'occasion s'en présente. Lorsque l'on peut, sinon chaque soir du moins chaque semaine, exprimer sa frustration en buvant jusqu'à s'en rendre malade (ou plutôt pour se rendre malade), on n'a plus tellement le courage ou l'envie de descendre dans la rue pour protester contre des mesures gouvernementales, on a épuisé ses réserves de révolte et de ressentiment.
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