jeudi, octobre 11, 2012

Traité budgétaire européen : sauter pour mieux reculer?

On voit se développer depuis quelques temps chez les commentateurs et les partisans du Traité budgétaire européen un étrange argument que l'on pourrait résumer de la manière suivante : il faut le signer pour ne pas le respecter. On trouve cette variante de l'argument de Cohn-Bendit (il faut le signer pour rendre l'Europe plus démocratique) dans cet éditorial de Sébastien Julian dans l'Expansion titré "Un réajustement des objectifs budgétaires possible d'ici quelques mois" :

Jusqu'ici, seuls l'Espagne et le Portugal ont obtenu (un délai supplémentaire pour l'appliquer). (…) Les gouvernements français, italiens ou espagnol font encore mine de pouvoir respecter leurs engagements, même s'ils n'y croient plus. (…)  La France n'est pas encore en mesure de lancer le débat sur un éventuel délai, précise un diplomate. Mais d'ici à quelques mois, les pays européens auront validé le traité budgétaire. Ils pourront donc utiliser en toute légalité les souplesses de ce document, qui permet de s'affranchir de la règle d'or à cause de la récession. Par ailleurs, d'ici à 2013, l'Europe aura avancé sur les dossiers grec et espagnol, et le fonds de secours MES sera pleinement opérationnel. La France aura alors toutes les cartes en main pour demander un réajustement de ses objectifs budgétaires. Et le gouvernement français aura alors le FMI de son côté.

Le raisonnement est le suivant : avouer que la France ne respectera pas ses objectifs budgétaires serait saper les efforts entrepris ces derniers mois pour rassurer les marchés. Il en faut donc en passer par la signature. Mais une fois ce traité adopté il sera possible d'en renégocier l'application, d'introduire des délais supplémentaires pour tous. Et tout le monde sera alors content : les marchés qui auront réussi à imposer plus de rigueur à l'Europe, l'Allemagne qui aura fait avancer son modèle fédéraliste (là dessus, voir Rigueur en Europe, les bonnes raisons des Allemands) et les Européens qui auront retrouvé les coudées franches pour négocier des aménagements. Tout le monde pourra donc applaudir des deux mains. Seuls les citoyens (ceux, du moins, qui s'intéressent à ces questions) se sentiront (un peu) bernés. C'est que les logiques de la diplomatie s'accommodent mal des positions franches.


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