Tous les Présidents ont eu leur cabinet noir, leurs affaires et leurs secrets. Sarko m’a tuer de Davet et Lhomme montre en quoi Nicolas Sarkozy est différent de ses prédécesseurs :
- il est d’une incroyable méfiance et susceptibilité quand ses deux prédécesseurs pratiquaient volontiers l’indifférence à l’égard des rumeurs et des critiques des médias (que l’on pense à la manière dont Chirac a réagi aux affaires sur le financement de l’UMP),
- il est d’une extrême brutalité et terriblement rancunier quand Chirac et Mitterrand qui n’étaient pas non plus tendres évitaient d’écraser des ennemis à terre. Peut-être parce que plus âgés avec, derrière eux, une carrière plus longue, ils avaient appris que l’on retrouvait toujours ses adversaires d’un jour et que mieux valait éviter d’insulter l’avenir. D’où cette impression de peur qui entoure tous ces récits et ce sentiment d’humiliation qui revient constamment dans les propos de ses victimes. L’une d’elles, ancien préfet en Corse, parle de méthode du pilori et de “culture de la peur et de la terreur : il lui faut une victime expiatoire, Il faut exécuter quelqu’un en place publique. C’est la méthode du pilori, il s’agit de laver un affront.” (Une autre victime explique : “j’ai été condamné et fusillé sur la place publique”, Dominique de Villepin ajoute : “avec lui, il faut un coupable, un responsable”). Une pratique qui suscite la révolte de ses victimes même lorsque celles-ci sont fonctionnaires d’autorité et lucides sur les risques du métier : ce livre est rempli de témoignages de préfets, corporation poourtant peu portée à la contestation, qui ne mâchent pas leurs mots ;
- il donne un tour personnel au conflit (c’est frappant tout au long du livre, les personnes interrogées sont toutes convaincues d’être l’objet de la vindicte de Nicolas Sarkozy et de lui seul, plusieurs racontent qu’il est intervenu personnellement pour leur régler leur compte). Est-ce le rôle d’un Président de porter plainte contre des fonctionnaires qui lui déplaisent comme il a fait dans l’affaire Yves Bertrand?
- il ne respecte aucune règle même pour des affaires insignifiantes quand ses prédécesseurs savaient faire preuve de plus de prudence,
- il est offensif quand ses prédécesseurs ne mordaient la ligne que lorsqu’ils étaient en position de faiblesse,
- il entretient avec la presse des relations complètement nouvelles. Là où autrefois on faisait passer les informations un peu “délicates” dans Minute, journal d'extrême-droite que personne ne prenait vraiment au sérieux, on utilise aujourd’hui le Figaro, ce qui facilite leur propagation, leur donne une sorte d’autorité inquiétante et les rend d’autant plus cruelles. La presse a beaucoup a mis en avant les révélations d’Isabelle Prévost-Desprez, le livre se termine sur une phrase terrible de Dominique de Villepin (“Tous les adversaires de Nicolas Sarkozy sont voués au bûcher”) mais les témoignages les plus impressionnants sont certainement ceux d’Aurélie Filippetti et, surtout, de Claire Thiboult qui raconte comment elle a été littéralement harcelée par les policiers de la brigade financière et le parquet pendant plusieurs jours parce qu'au coeur de l’affaire Bettencourt.
Un livre effrayant, par bien des cotés.
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